Entre Lune et étoile

Disclaimer : Mme Rowlings possède TOUT.

Version final EPUB 2020

8. Le bon gardien

"Mme Weasley ?"

Molly se retourna. Derrière la palissade de son jardin, une petite femme aux vêtements voyants lui faisait de grands signes. Molly hésita. Personne ne devait voir Harry. Heureusement, l'enfant jouait avec les autres dans la maison à présent. Le vent soufflait fort, et Molly n'était sortie que pour étendre son linge. Elle aimait quand les vêtements et les draps séchaient en plein air. Ils prenaient une odeur végétale bien plus agréable que toutes les formules magiques de séchage qu'elle avait essayées. Les cris et les signes de la femme reprirent, et elle décida d'approcher.

"Mme Weasley ! Je suis Rita Skeeter de la Gazette des sorciers."

"Rita... Mon mari est absent", commença Molly, battant en retraite.

"Oh ! Mais c'est vous que je venais voir, insista Rita avec son plus charmant sourire. Qui mieux qu'une mère pourrait nous parler d'un orphelin ?"

"Je ne crois pas que mon mari aimerait que...", reprit Molly toujours sur la défensive

"Allons, Mme Weasley, vous gardez Harry Potter depuis plus de quinze jours, si mes renseignements sont exacts ! Combien de mères de famille sorcières aimeraient être à votre place ! Quel honneur ! Quelle responsabilité ! Soyez gentille, partagez cela avec nos lectrices !"

Molly elle-même lisait très régulièrement les articles de Rita Skeeter. C'était donc particulièrement difficile pour elle de refuser une interview. Et puis, oui, elle considérait comme un honneur de pouvoir faire quelque chose pour un gamin aussi gentil et peu gâté par la vie que Harry Potter. Quand on pensait à ce que la communauté magique lui devait !

"Bon, mais je ne peux pas vous laisser le voir, les consignes de sécurité sont très strictes !", finit-elle par répondre.

"Je comprends ! Ce ne sera pas long, lui assura la petite femme, en s'empressant de sortir plumes et parchemins. Alors depuis quand Harry vit-il avec vous ?"

Molly vit la plume papote courir sur le parchemin pendant qu'elle réfléchissait à la meilleure réponse à apporter. Arthur va être furieux, se rendit-elle compte. Presque à regret, elle indiqua : "Deux semaines."

La plume courut de nouveau sur le parchemin, écrivant bien plus que les deux femmes n'avaient échangé de mots.

"Et, comment cela se passe-t-il avec vos enfants ?", reprit Rita, essayant d'amener Molly à plus de confessions.

"Oh très bien, très bien ! Vous savez, Harry a l'âge de mon fils Ron et ils s'entendent à merveille. Harry est un enfant très sage, très sensible. Il a un peu de mal avec mes plus grands fils et leurs sempiternelles blagues mais, avec Ron, ça se passe bien !", confia Molly, rassurée par la nature anodine des questions.

"Vous le sentez très fragile ?", s'enquit Rita.

"Oh, c'est sûr ! On le serait à moins, imaginez qu'il a perdu ses parents pour être confié à des Moldus inhumains qui l'ont traité comme un elfe de maison !"

"Oui, il paraît !", opina Skeeter satisfaite de voir la sorcière s'ouvrir à plus de confidences. "Vous confirmez ?"

"Tout cela sera public au moment du procès", recula vivement Molly sentant qu'elle s'était laissée entraîner au-delà des limites de la prudence.

"Mais vous confirmez qu'il a été maltraité ?", insista la journaliste avec un air peiné qui radoucit Molly.

"Oui. Et, c'est même la raison pour laquelle il est là", expliqua-t-elle pour se justifier elle-même d'être bavarde.

"Battu ?", suggéra la journaliste avec une certaine excitation qui rappela Molly à plus de prudence.

"Pas ré... Mais je ne peux rien dire avant l'audience. Personne ne peut rien dire", affirma-t-elle, prête cette fois à abandonner son linge et à se renfermer dans la maison jusqu'à la disparition de l'intruse.

"Vous semblez aimer l'enfant. Vous ne voudriez pas le garder ?", s'enquit encore Rita, la regardant avec insistance comme si elle avait le pouvoir de lire dans ses pensées. Un peu nerveusement, Molly évita les yeux de la journaliste mais ne put s'empêcher de répondre :

"Adopter Harry ? Franchement, si personne ne s'était déjà proposé, peut-être. C'est vraiment un très gentil petit garçon qui a besoin d'amour, d'attention et de stabilité."

"Vous voulez dire que vous soutenez la proposition de Lucius Malefoy ?", l'interrompit Rita, consciente que Molly essayait d'éviter la question.

Molly était très embêtée. Voilà, grosse idiote ! se gronda-t-elle, et maintenant, que vas-tu lui dire ? Mais Rita avait été plus vive :

"Il y a d'autres propositions, n'est-ce pas ?"

"Une... Une autre", avoua faiblement Molly, se maudissant de n'avoir pas trouvé comment terminer plus tôt la conversation.

"Je sens qu'elle a votre préférence", insista Rita en souriant.

Molly opina, incapable de décider comment réagir et tout aussi incapable de mentir.

"Je ne sais pas si cette proposition est officielle", commença-t-elle. Rita avait l'air suspendue à ses lèvres, comme la plume flottant dans l'air au-dessus du parchemin.

"Il s'agit d'un ami des Potter, un ami très proche de son père si j'ai bien compris. Il est professeur à Poudlard", confia Molly presque malgré elle.

"Son nom ?", souffla Rita comme si elle avait peur que poser la question trop fort fasse s'enfuir son interlocutrice.

"Je ne le connais pas", mentit Molly dans un sursaut d'autoprotection.

"Mais vous l'avez déjà vu ? L'enfant le connaît ?" Rita revenait impitoyablement à la charge.

"Oh oui", reconnut Molly en songeant à la visite de Remus, aux espoirs de Harry et à la chanson qui l'avait tant émue. Et le petit souhaite ardemment vivre avec lui. Il n'y aurait pas de meilleur tuteur. C'est le seul qui pourra renouer le fil brisé il y a quatre ans."

Abandonnant toute prudence, Molly avait ainsi raconté le chant de Remus et la réaction de Harry, et Rita Skeeter était partie sûre de tenir un scoop qui ferait d'elle une fois de plus la plus célèbre journaliste du monde sorcier.

"Arthur Weasley !"

Fudge était entré sans frapper dans le bureau qu'Arthur partageait avec trois autres collègues.

"Monsieur le Ministre ?", s'enquit Arthur, surpris par l'intrusion mais sentant que quelque chose de grave s'était passé.

"Qu'est-ce que c'est que ça !?"

Pour souligner sa question, Fudge jeta sur son bureau la dernière édition de la Gazette des sorciers. En première page, on pouvait lire : Qui aura la garde de Harry Potter ? L'argent ou le cœur ? Enquête de notre reporter Rita Skeeter. Lire p.3 et 4. Sous le regard furibond de son chef, Arthur tourna fébrilement les pages du journal.

Qui aura la garde de Potter ? Sous ce titre qui s'étalait sur toute la double page, on pouvait lire un article de Skeeter détaillant les propositions – LES propositions !, blêmit Arthur – de Malefoy et de Lupin. En parallèle, une interview de Molly, avec une photo, insistait sur les liens entre Harry et Remus.

"Weasley ? Votre femme n'a-t-elle RIEN de mieux à faire avec SEPT enfants à elle et Harry Potter à sa garde que de répandre de fausses rumeurs ?"

"Je... je ne savais pas, Monsieur ! Elle…"

"Dans toute cette histoire, vous n'avez fait qu'empirer les choses !", explosa Fudge. "Vous avez tout gâché, Weasley ! Tout ! Allez-vous-en avant que je ne m'énerve vraiment ! Je ne veux plus vous voir avant la fin de cette histoire ! Et surtout pas dans la presse !"

"Monsieur de Ministre", essaya timidement mais courageusement Arthur, "cet article peut..."

"Ah non, Weasley, n'insistez pas ! Hors de ma vue !"

Les jours suivants furent animés et incertains. La presse s'agglutinait devant la maison des Weasley. Le Ministère dut intervenir pour que les Moldus du voisinage ne se posent pas de questions. Arthur et Molly se terraient chez eux. Le premier attendait patiemment la fin de sa disgrâce – en quelque sorte, son sort était maintenant lié à celui de Harry, et il trouvait ça assez juste. Molly prenait tout cela avec beaucoup moins de philosophie. D'abord elle se sentait coupable du traitement infligé à son mari, ensuite elle s'inquiétait pour sa famille : la professeure McGonagall avait écrit pour signaler que le généralement sage Bill s'était battu contre les partisans de la famille Malefoy. Et si Harry finissait entre les mains de Lucius et Narcissa, Molly ne savait pas si elle réussirait à ne pas se sentir coupable de ce dénouement jusqu'à la fin de ses jours.

Le procès, apprirent-ils dans la presse, avait été avancé sous pression du Ministère qui ne pouvait pas sembler insensible au sort du Sauveur du Monde Magique. Malefoy parut, au début, avoir l'avantage de la position sociale et de la fortune. Mais au cours des débats, Lupin, son maintien modeste et déterminé, sa proximité avec Dumbledore qui représentait beaucoup pour la communauté magique, s'affirma de plus en plus comme un parent possible pour Harry Potter. Et l'article de Skeeter n'y était pas pour rien ! Beaucoup de sorciers pensaient en effet que la préférence de l'enfant pour l'une ou l'autre des solutions devaient entrer en ligne de compte. Le courrier des lecteurs de la Gazette débordait de lettres ouvertes virulentes en ce sens, que Molly lisait les larmes aux yeux et découpait pour les garder.

Les six enfants que comptait la maisonnée avaient passé une partie des premières journées à observer la foule dehors puis s'en étaient désintéressés, si ce n'est que sa présence les empêchait de jouer dehors autant qu'ils l'auraient souhaité. Ils ratèrent ainsi la première bataille de boules de neige de la saison, ce qui attrista énormément les jumeaux. Quand Harry avait compris que tous ces gens étaient là à cause de lui, ça l'avait évidemment beaucoup inquiété.

"Les gens t'aiment beaucoup, Harry", avait essayé d'expliquer Arthur. "Ils s'intéressent à toi et veulent que la meilleure solution soit trouvée pour toi…"

"Monsieur Lune m'aime ?", avait questionné l'enfant, l'air assez sceptique devant l'affection proclamée de tant d'inconnus.

"Bien sûr, Harry ! Bien sûr !", n'avait pas pu s'empêcher de lui assurer Arthur. "Il t'a promis qu'il reviendrait dès que possible. Je sais que c'est long, mais s'il venait te voir maintenant, on l'empêcherait !"

Molly et Arthur passaient une partie de leurs nuits à se demander ce qui adviendrait si le Tribunal donnait finalement la garde aux Malefoy. Ils ne doutaient pas que Lupin ferait tout pour récupérer Harry. La question était plutôt ce qu'eux étaient prêts à faire... et tendre le petit Harry à Lucius et Narcissa leur paraissait sincèrement impossible.

"L'autre monsieur a encore envoyé des cadeaux", remarqua Harry un matin.

Arthur et Molly échangèrent un regard inquiet : quand les précédents paquets étaient arrivés pleins de jouets, de bonbons et de vêtements, l'enfant n'y avait pas porté beaucoup d'attention. C'était les jumeaux qui jouaient avec le train, pas Harry.

"L'autre monsieur a beaucoup d'argent", indiqua Arthur, faute de meilleure idée.

"Tante Pétunia dit que je coûte cher", commenta Harry, et les autres enfants levèrent le nez de leurs bols respectifs de porridge avec un air surpris.

"Pas si cher que cela", protesta doucement Molly, déchirée entre l'envie de professer que l'or était la dernière chose qui devait décider de l'avenir de Harry et un restant de respect pour l'impartialité nécessaire à l'exercice de la justice.

"Et on va savoir quand ?", s'était enquis Harry avec une espèce de fatalisme qui leur avait serré le cœur.

"Bientôt, Harry, bientôt !", avait répété Arthur en réprimant ses soupirs.

Enfin, un soir, le feu crépita pour laisser apparaître, une nouvelle fois, Dumbledore et Lupin.

"Professeurs !", se précipita Molly, qui était une fois encore dans la cuisine.

"Molly, comment allez-vous ?", répondit aimablement Dumbledore

"Bonjour, Mme Weasley", la salua gentiment Remus à son tour.

Ils avaient l'air calmes mais déterminés, et Molly pensa immédiatement qu'ils venaient prendre Harry avant que les Aurors et les Malefoy s'emparent de lui. Et tout cela était sa faute ! Les larmes aux yeux, elle s'écria : "Oh, Professeur Lupin, professeur Dumbledore, je me sens si confuse, si... !"

Les deux professeurs échangèrent un regard et le plus âgé reprit la parole avec le sourire : "Molly, vous ne savez visiblement pas les dernières nouvelles !"

"Je suis nommé tuteur de Harry pour deux ans !", le coupa Remus incapable de se contenir.

"Et votre indiscrétion y est sûrement pour quelque chose, n'est-ce pas, Remus ?", commenta malicieusement Dumbledore.

"On m'a même demandé de chanter cette chanson devant le tribunal", pouffa Lupin.

"Non ?", s'exclama Molly, reprenant des couleurs. "Vous devez me raconter ça ! Arthur, les enfants, venez voir qui est là !"

Les jumeaux arrivèrent les premiers suivis par Percy. Ron entra ensuite, Harry sur les talons. Ce dernier pila en voyant Remus. Arthur le bouscula en arrivant, Ginny dans les bras.

"Harry", appela doucement Remus. "Harry, je suis venu te chercher."

L'enfant le dévisagea longuement avec des yeux incrédules avant de répéter : "Me chercher ?"

"Oui, Harry", confirma patiemment Remus. "Le tribunal m'a nommé ton tuteur pour deux ans. Ensuite, je pourrai t'adopter."

Harry regarda Arthur et Molly comme s'il s'attendait à ce qu'ils infirment la déclaration. Les parents de la tribu Weasley lui sourirent en retour.

"Pour toujours ?", vérifia encore l'enfant.

Remus sourit et ouvrit les bras en promettant et en se jurant de ne pas mentir : "Pour toujours, Harry !"