Entre Lune et étoile

Disclaimer : Allez, je possède l'elfe Linky. Mais c'est tout

Version EPUB 2020 la seule l'unique

9. La vie de château.

Molly ne les avait laissés partir qu'après moult recommandations et les avoir lestés d'un gros sac contenant des vêtements pour Harry.

"Rien n'est très neuf là-dedans, sauf évidemment ce qu'avait envoyé Lucius, mais ça vous évitera de courir faire des courses dès demain", avait-elle commenté.

Tout en la remerciant chaleureusement, Remus s'était promis de se débarrasser très vite de ce que les Malefoy avaient pu envoyer – il devait bien y avoir une bonne œuvre à laquelle les donner. Il n'était pas pour le gâchis et n'avait pas de réels problèmes à voir Harry porter des vêtements ayant appartenu à d'autres, mais il n'était pas prêt pour autant à garder les cadeaux empoisonnés de Lucius et Narcissa. Ne serait-ce que pour bien signifier que jamais il ne laisserait les Malefoy s'emparer de l'enfant de James et Lily. Parfois les symboles étaient aussi importants que les principes.

Arthur avait remis cérémonieusement à Remus les potions fortifiantes recommandées par les médecins de Sainte-Mangouste ainsi qu'une prescription pour de nouvelles lunettes. Il lui avait aussi donné le mouchoir qu'ils avaient régulièrement métamorphosé en cerf à chaque fois que Harry en avait eu besoin. Le choix de l'animal avait évidemment beaucoup ému Remus, même s'il n'avait pas commenté devant Dumbledore – il aurait eu l'impression de dénoncer son ami même après sa mort.

Ron et Ginny avaient eu l'air sincèrement tristes de voir partir Harry, et Remus avait solennellement promis qu'ils se reverraient pour jouer tous ensemble très bientôt. Si Fred et George s'étaient fait attraper à essayer de remplir ses poches de Bulles Baveuses, Remus s'était réjoui de voir son petit protégé cacher un bonbon pour le garder, avec un petit sourire complice. Ça lui plaisait bien que Harry ait une certaine bienveillance pour les fauteurs de trouble.

Pas à dire, la tribu Weasley avait été une belle introduction à la vie magique pour Harry. Et Remus en aurait presque été jaloux s'il n'avait pas mesuré tout ce qu'il restait à accomplir.

Pour son premier trajet par poudre de Cheminette, il avait tenu Harry dans ses bras. Arthur lui avait bien avoué avoir transplané avec Harry – sous le regard désapprobateur de Molly – mais Remus ne voulait pas prendre de risques. Et puis, il avait tellement attendu ce moment, tenir Harry dans ses bras. Il avait l'impression qu'il n'arriverait plus à le lâcher. Pour couper court à toutes discussions, Dumbledore avait rappelé que nul – même lui ! – ne pouvait transplaner jusque dans l'enceinte de Poudlard et le réseau de cheminées restait le moyen le plus adapté pour rejoindre Pré-au-lard.

Les deux hommes et l'enfant étaient ainsi arrivés chez Abelforth à la Tête de Sanglier, plus discret que les Trois balais. Un attelage de Poudlard les attendait derrière l'auberge afin d'éviter les journalistes qui tournaient maintenant dans le village comme des oiseaux de proie pour couvrir l'arrivée de Harry. Afin de détourner encore davantage l'attention, Albus était allé chez Madame Rosmerta plutôt que de se joindre à eux dans le carrosse.

Remus et Harry s'y étaient serrés l'un contre l'autre, derrière les rideaux tirés pour éviter les images volées et Remus avait, une fois de plus, touché du doigt ce qu'allait changer l'arrivée de cet enfant dans sa vie. Ce n'étaient pas seulement la responsabilité, le risque et l'attachement qui faisaient battre son cœur et serrer sa gorge. C'étaient la politique, la vie publique et le combat qui venaient avec. Il avait besoin de serrer Harry contre lui pour se sentir à la hauteur de la tâche.

Il ne le lâcha pas pour pénétrer dans le château, par une entrée directe de l'aile des professeurs, ni pour rejoindre leur appartement, agrandi d'une nouvelle chambre qui attendait Harry. C'est là seulement que Remus le déposa au sol, au milieu des meubles multicolores, des murs jaunes et des rideaux bleus qui, tirés, reproduisaient la carte du ciel avec ses mouvements. Les elfes avaient aussi préparé une collation légère, sucrée et salée qui tenait de la fête d'anniversaire. Linky, une jeune elfe qui avait particulièrement travaillé sur ce projet, s'excusa de ne pas avoir mis de jouets dans la chambre.

"Linky a pensé que Maître Remus voudrait le faire", expliqua-t-elle.

"Bien sûr !", avait répondu un Remus, rayonnant à l'idée d'emmener Harry dans des boutiques de jouets et de le gâter un peu, lui, à qui Dumbledore avait dû quasiment ordonner de refaire sa propre garde-robe avant de rencontrer les envoyés du Magenmagot.

Pendant tout ce voyage et toutes ces découvertes, Harry, lui, avait gardé ce silence prudent qui le caractérisait. S'il avait eu un peu peur pendant le trajet ? S'il avait été impressionné par le village sorcier, le château, les elfes ou par sa nouvelle chambre ? Remus aurait bien été en peine de l'affirmer. Il le pensait quand même, à en juger par la crispation de ses petites mains autour de son cou. Mais dans l'ensemble, l'enfant s'était laissé conduire, nourrir, déshabiller et coucher sans aucune protestation. Il s'était même endormi à peine posée la tête sur l'oreiller sans même demander qu'il métamorphose le mouchoir ! Pourtant son nouveau tuteur avait quasi religieusement fait apparaître un petit cerf en peluche et l'avait placé sur son oreiller à côté de lui. C'était un peu comme si James et lui veillaient ensemble sur l'enfant endormi, avait-il décidé.

Remus était resté là des heures à le regarder dormir, à promettre à James et à Lily qu'il ferait de son mieux et à se remplir de la certitude que l'enfant était maintenant près de lui. Il n'était allé se coucher que parce qu'il était certain qu'il devait être au meilleur de sa forme pour sa première journée avec Harry. Malgré l'heure tardive de son coucher, il avait été incapable de dormir plus de trois heures. Depuis l'aube, il faisait semblant de travailler, assis à son bureau face aux doubles portes-fenêtres qui donnaient sur le parc, les yeux perdus dans le vague.

Des coups discrets retentirent à sa porte. Remus, surpris, alla ouvrir pour se retrouver face à Severus Rogue, le Maître des Potions qui assurait en plus de ses propres cours, depuis une semaine, son remplacement.

"Ah, c'est toi, Severus !"

"Je ne te réveille pas, je vois ! Mauvaise nuit ?"

"Harry a bien dormi, si c'est ça que tu veux dire. D'ailleurs, il dort encore", corrigea Remus avec un sourire léger en pensant à l'enfant endormi dans la chambre à côté.

"Ah bien, bien", commenta gauchement Severus.

Après un silence où les deux hommes – qui étaient, sous la houlette de Dumbledore, arrivés à une sorte de paix armée – se dévisagèrent, Remus fit entrer son vieil ennemi.

"Tu as déjà déjeuné, tu veux un thé ?", demanda-t-il par pure courtoisie.

Cohabiter avec Rogue s'était montré aussi difficile qu'il l'avait envisagé. L'homme ne cessait de lui envoyer des piques et des allusions à sa condition depuis qu'il était lui aussi professeur à Poudlard. Il n'avait jamais eu l'air de prendre au sérieux son projet de récupérer Harry et avait affiché pendant tout le procès la plus grande indifférence. S'il l'avait remplacé à chacune des pleines lunes, c'était uniquement à la demande expresse de Dumbledore, Remus en était convaincu. Et s'il continuait de le faire aujourd'hui ce n'était pas plus par bonté d'âme.

"Non merci", refusa sans surprise Rogue, en levant les yeux au ciel.

"Non ? Que me vaut ta visite matinale ?", s'enquit Remus désireux de couper court à cet entretien. Si Harry se réveillait, il voulait être entièrement disponible pour l'enfant et non occupé à une joute verbale avec le toujours irascible Rogue que sa réussite comme professeur ne semblait pas avoir réconcilié avec la race humaine.

"Notre grand directeur m'a gentiment informé que j'allais continuer à assurer TES cours pendant que tu assumes ta nouvelle paternité."

"Si c'est un problème", commença Remus avec sincérité – l'idée de le faire remplacer était de Dumbledore, pas de lui – mais Severus lui coupa la parole :

"Ne perds pas ta salive, il demande et j'obéis. Je voulais juste qu'on définisse ensemble le programme... si tu en as un !", lâcha Rogue, avant d'ajouter un venimeux : "Comme ça tes élèves seront peut-être rassurés…"

"Des protestations ?", s'amusa presque ouvertement Lupin.

"Le clan des midinettes est notoirement triste de ton absence", lança le Maître des Potions avec un sourire narquois.

"Bien sûr", répondit Remus en s'intimant de ne pas s'agacer plus des sous-entendus.

Dire que Remus jouait les jolis-cœurs auprès des élèves avait été une des lignes les plus usitées par Rogue pour l'attaquer, sans qu'il puisse réellement imaginer pourquoi. Il savait qu'il avait, en moins de deux mois, acquis la réputation d'être un professeur abordable – ce qui ne serait sans doute jamais le cas de son ancien condisciple pour autant qu'il puisse en juger par les bribes de conversation qu'il avait surprises dans les couloirs. De là à insinuer qu'il mettait de meilleures notes aux jolies filles de septième année, il y avait un pas qu'il ne savait pas comment Severus avait pu franchir. Plutôt que de s'y intéresser, il se dirigea vers son bureau et en tira le parchemin contenant la progression planifiée de ses classes.

"Tu en es où avec eux ?"

"J'ai suivi ta progression", reconnut alors Rogue sur un ton étonnamment plus neutre. "Tes plans de cours étaient suffisamment clairs et précis et tes élèves plutôt meilleurs que ce à quoi je m'attendais…"

Ces dernières phrases, Rogue les avait prononcées très vite, s'abîmant dans la contemplation de la bibliothèque de Remus pour éviter son regard. Lunard le jaugea avant de répondre. Se moque-t-il de moi ? Non, probablement pas, songea-t-il. Après un court silence, il le remercia :

"Merci, Severus, c'est le compliment le plus inattendu que j'aie jamais reçu !"

Le Maître des Potions haussa les épaules.

"Nous ne sommes plus des enfants, Lupin, nous savons ce que nous avons à faire. Et Dumbledore a raison de dire que tu as toujours été bon en Défense Contre les Forces du Mal... J'imagine que sans ta condition, tu aurais postulé à la formation d'Auror, non ?"

"Je ne crois pas, non", répondit Remus avec des sentiments très partagés. "Je n'ai jamais eu autant besoin d'action que James ou..."

"Ça aussi Dumbledore me l'a répété, ne t'inquiète pas", le coupa de nouveau le Maître des Potions avec de grandes envolées de manches. "Tu n'as jamais été comme eux ! Jamais tu ne m'aurais envoyé à la rencontre d'un loup-garou sous..."

Si c'est comme cela que tu t'imagines que nous allons aller de l'avant, Severus ! Remus haussa un sourcil avant d'interrompre un peu sèchement son visiteur : "Je n'ai jamais été Sirius, je sais. Pour le meilleur comme pour le pire."

Un nouveau silence armé tomba entre les deux hommes. Remus prit un peu brusquement un grand dossier rempli de parchemins.

"J'avais préparé mes cours, en gros, jusqu'aux vacances de Noël. On peut les reprendre ensemble si tu veux, le temps que Harry se réveille. Il ne reste qu'une semaine et demie, dont un cours d'examen à chaque fois. Je ferai les corrections, bien sûr !"

Rogue s'était approché et lisait par-dessus son épaule les plans de cours qu'avait sorti Lupin.

"On peut partager", lâcha-t-il. "Je reste au château pendant les vacances et, avec l'enfant, tu auras de quoi t'occuper, j'imagine. Je te prends tout ça, j'en fais une copie pour mon usage personnel et si j'ai des questions, je reviendrai te voir."

Le Maître des Potions avait parlé sans haussé la voix et en fermant avec des gestes précis et soigneux le carton à dessin tendu par Remus. Sans trop savoir pourquoi il faisait ça, ce dernier lui proposa alors :

"Tu veux le voir ?"

"Qui ?"

"L'ENFANT, comme tu l'appelles."

"Lupin, vraiment, je ne suis pas..."

"Tu en meurs d'envie", affirma Remus sans bien comprendre une nouvelle fois d'où il tenait cette intuition. Il eut l'impression que Severus allait s'enfuir, voire abandonner le carton à dessin en plein milieu de son salon. Ou qu'il allait exploser dans une diatribe virulente qui leur interdirait à jamais toute conversation civilisée. Remus s'inquiéta même que son remplaçant fasse payer à ses étudiants cette simple proposition.

Finalement, c'est d'une voix tendue mais mesurée que Severus demanda : "Il ressemble à qui ?"

"À James", reconnut Remus repensant au coup au cœur qu'il avait ressenti en voyant Harry pour la première fois dans le jardin de Privet Drive.

"Évidemment", répliqua Rogue avec une amertume claire et un pas vers la porte.

"Sauf les yeux, ce sont ceux de Lily", ajouta donc Remus. Lily, est-ce que Severus, comme lui, pourrait aimer l'enfant à cause d'elle, voire malgré elle ? Est-ce que l'amour d'enfance de Rogue serait suffisant à faire oublier les années d'adolescence ? "Tu l'aimeras, je le sais."

Serrant le porte-documents contre lui comme un bouclier, Severus se dirigea brusquement vers la porte.

"Je sais que ces dernières semaines t'ont conduit à croire aux miracles Remus, mais franchement, ne compte pas sur moi pour m'occuper de lui !"

Quand Remus referma la porte, se demandant encore s'il n'était pas allé trop loin, il entendit un bruit précipité dans son dos. Le temps de tourner la tête, il vit la tête de Harry disparaître de la porte de sa chambre. Avec une certaine excitation anxieuse, il s'y dirigea à son tour.

"Bonjour, Harry, tu as bien dormi ?"

L'enfant s'était recouché précipitamment et avait disparu sous les couvertures. Seul le haut de son visage dépassait, ses yeux beaucoup trop fermés pour être honnêtes.

"Allons, Harry, ne fais pas semblant ! Je t'ai vu, tu sais !", l'appela-t-il gentiment, s'asseyant sur le bord de son petit lit à baldaquin vert.

"Je... je suis désolé", répondit une voix étouffée par l'oreiller.

"De quoi es-tu désolé, Harry ?", demanda patiemment Remus, bien qu'il ait sa petite idée. L'enfant avait eu la même réaction le premier matin chez les Weasley, allant même jusqu'à s'excuser de ne pas avoir aidé Molly à préparer le petit-déjeuner.

"Je... Je n'ai pas attendu que tu m'autorises à me lever", répondit l'enfant toujours enfoncé dans sa couette.

"Harry, assieds-toi et regarde-moi, s'il te plaît. Allez !"

L'enfant obéit, apparaissant hors de la couette le cerf serré entre ses petits bras. Remus nota un peu douloureusement qu'il faisait bien attention de rester le plus loin possible de lui.

"Harry, écoute-moi bien. C'est TA chambre. Cet appartement tout entier est le TIEN. Et ce château est TA maison. Et, tant que je n'ai pas dit le contraire, tu peux aller où tu le veux quand tu le veux ! OK ? Tu as entendu des voix, un collègue était venu me parler, et tu as voulu savoir ce qui se passait. C'est tout à fait normal."

L'enfant le dévisagea avec circonspection avant de se risquer : "Le château ?"

"Tu n'as pas eu le temps de bien t'en rendre compte hier soir, mais nous sommes dans un château. C'est une école. Une des meilleures écoles de sorcellerie d'Europe, voire du monde. Viens voir !"

Harry accepta facilement de venir dans ses bras, et ils allèrent ensemble jusqu'à la fenêtre de la chambre de l'enfant qui donnait sur une cour intérieure vide et blanchie par la neige. Soudain un groupe d'étudiants apparut en courant dans leur champ de vision et ils se lancèrent dans une rapide bataille de boules de neige ponctuée de rires et d'exclamations. Le regard envieux de son petit protégé n'échappa à Remus.

"Tu veux aller voir la neige ?" Harry hocha vivement la tête, les yeux pleins d'espérance. "Alors, viens déjeuner et t'habiller, mon chéri !"

Remus sentit les petits bras bien serrés contre lui alors qu'il le portait vers le grand salon qui lui servait aussi de bureau. Le cerf était coincé entre leurs deux poitrines et faillit tomber quand il assit l'enfant à table. Ses yeux verts étaient fixés sur lui avec plus de curiosité que de crainte maintenant – c'était déjà ça. Remus s'approcha de la cheminée, prit une pincée d'une poudre dans une petite boîte accrochée sous le manteau. Il la lança dans l'âtre en murmurant : "Les cuisines."

"Professeur Lupin ?", s'enquit un elfe qui apparut au milieu des flammes sous le regard impressionné de Harry. "Que pouvons-nous pour votre service ?"

"Bonjour", répondit Remus, "j'aimerais un petit-déjeuner pour deux, des œufs, des toasts, des céréales, du jus d'orange." Il se retourna vers l'enfant médusé pour demander : "Est-ce que quelque chose de spécial te ferait plaisir, Harry ?" Devant le silence stupéfait de l'enfant, il conclut : "Et puis du thé."

"Dans quelques minutes, Professeur !"

"Merci", répondit Remus à l'elfe qui d'un claquement de doigts disparut. "Je t'apprendrai à appeler les elfes, tu en auras besoin", commenta Remus en se tournant vers Harry. Ne pas aller trop vite, il n'a jamais vu autant de magie, il ne te connaît pas, il a trop de choses à intégrer. Commence par le plus simple : "Au fait, tu ne m'as pas répondu, tu as bien dormi ?"

"Oui. Très bien", murmura Harry.

"Ah, tant mieux !", répondit joyeusement Remus, espérant confusément l'amener à plus de légèreté par l'exemple. Il avait eu des conseils juridiques pendant des semaines, mais personne n'était là pour lui dire comment faire pour mener cette bataille-là.

À cet instant, le feu crépita, et trois elfes chargés de plateaux et de vaisselle apparurent. En quelques secondes, la table fut mise et chargée de mets les plus divers. Harry se frotta furtivement les yeux comme incapable de croire en de tels prodiges. Puis les trois elfes firent une brève révérence et disparurent dans un claquement de doigts.

"Les elfes de maison sont des créatures magiques", décida d'expliquer Remus, en cherchant un peu ses mots. "Ils sont des serviteurs très fidèles et très efficaces. Dans un grand château comme celui-ci, ils sont nombreux, plusieurs dizaines. Ils s'occupent du ménage, des repas, pour que les professeurs et les élèves aient plus de temps pour travailler."

"Ils font tout alors", conclut l'enfant quand il fut sûr que l'adulte en avait fini.

"À peu près", sourit Remus, incapable de se décider à dire tout ce qui le gênait dans cet arrangement. Le temps des jugements de valeur n'était pas encore venu.

L'enfant fronça un peu les sourcils, jouant avec sa cuillère dans son bol, et Remus demanda :

"Qu'est-ce que tu voudrais savoir ?"

"Pourquoi... pourquoi Molly et Arthur, avec tous leurs enfants..."

"Ils n'ont pas d'elfe ?", termina Remus pour lui – assez content de la question parce qu'elle disait que Harry prenait confiance et aussi parce qu'elle lui permettait d'introduire un grain de sable dans sa première présentation. "Parce qu'acheter un elfe coûte cher."

"Acheter ?"

"Dans la plupart des vieilles familles sorcières, les elfes sont suffisamment nombreux pour se marier et avoir des enfants et épargner à leurs maîtres le besoin d'en acheter", compléta Remus, espérant ne pas être trop amer non plus.

"Comme des animaux alors ?", s'enquit assez timidement Harry après de longues secondes de réflexion.

"Un peu", reconnut Remus. "Mais les elfes ici sont généralement assez contents de leur sort. Servir ici est prestigieux..." L'enfant avait l'air un peu perdu par ses explications et ça faisait un moment qu'il n'avait plus touché à son repas. La pédagogie demandait de changer de sujet : "Tu as terminé ?"

Quand l'enfant eut acquiescé, Remus le reconduisit en le tenant par la main dans sa chambre pour l'habiller chaudement avec les vêtements donnés par les Weasley. En choisissant tout ce qui est rouge, j'ai peu de chance d'utiliser quelque chose choisi par Lucius ou Narcissa !

"Te voilà prêt ?", demanda-t-il en souriant.

L'enfant hocha la tête, souriant lui aussi. Remus prit une cape, une écharpe et des gants au portemanteau et l'entraîna dehors.

"Jamais je ne pourrai retrouver mon chemin tout seul !", s'affola Harry, s'efforçant de rester au niveau des grandes enjambées de Remus dans les multiples escaliers et passages qu'ils empruntèrent. Le sorcier s'arrêta immédiatement.

"Tu ne seras jamais tout seul, Harry. Pas avant que tu ne saches te repérer en tout cas. Pardon si je marche trop vite", conclut-il en lui souriant, et l'enfant eut l'air à la fois un peu gêné et rassuré en même temps.

Ils finirent beaucoup plus lentement le chemin jusqu'à la cour intérieure qu'ils avaient contemplée de la fenêtre. Remus essaya de lui donner quelques points de repère :

"Nous sommes dans l'escalier principal de l'aile des professeurs, c'est là que nous habitons. À ta gauche, le passage conduit vers l'école, vers le Hall d'entrée, la Grande salle où se prennent les repas... Mais nous, nous allons aller à droite, pour être plus vite dehors. À chaque porte, je dois donner un mot de passe parce que les élèves n'ont pas le droit de venir ici. Nous verrons plus tard si tu as besoin d'en apprendre, d'accord ?"

L'enfant sauta avec une joie visible dans la neige quand ils furent dehors, mais la seconde d'après, il leva les yeux et sembla totalement médusé par la taille du château et son architecture. Il tournait très lentement sur lui-même, et Remus ne put s'empêcher de lui lancer une boule de neige pour le ramener à la réalité. Elle l'atteignit en plein visage.

"Oh, je suis désolé, j'ai mal visé", s'excusa Lunard se précipitant pour l'essuyer et le serrer dans ses bras.

"C'est pas grave", répondit Harry machinalement. Des larmes lui montèrent cependant aux yeux, renforçant le trouble de Remus.

"Je t'ai fait mal ?"

"Non, non. C'est.. C'est que... tu es un adulte et... tu joues avec moi", finit par répondre Harry, en larmes pour de bon à la fin de sa phrase.

Le cœur serré, Remus étreignit tout contre lui, lui murmurant à l'oreille : "Je VEUX jouer avec toi. Autant que tu voudras !"

"Vrai ?", demanda Harry, commençant à réaliser son pouvoir incroyable sur cet homme.

"Vrai."

"Tu veux bien me porter sur ton dos ?", s'enquit Harry, stupéfait de sa propre audace.

"Bien sûr !", répondit Remus qui, joignant le geste à la parole, l'installa sur son dos et se mit à courir.

Harry riait aux éclats, essayant d'attraper au passage des flocons de neige. Ses cris attirèrent bientôt des étudiants qui regardaient médusés LEUR professeur jouer avec un petit garçon sous la neige.

"Tu crois que c'est Harry Potter ?", demanda une élève de sixième année à sa voisine, et bientôt tous surent qu'ils avaient devant eux : l'enfant qui avait survécu à Voldemort.

Quand Remus, se rendant compte de leur présence, s'immobilisa, les élèves se regroupèrent instantanément autour d'eux. Harry vint immédiatement se blottir dans ses bras devant tant de visages nombreux et inconnus.

"Ce sont les élèves, Harry", lui glissa Remus.

"Vous êtes revenu, Monsieur", lança une petite Gryffondor de première année – et il fallait le courage d'un Gryffondor, pensa Remus.

"Oui, et je ne suis pas revenu seul, comme vous le savez", répondit-il, prenant les devants : "Eh oui, C'EST Harry Potter."

Un murmure s'éleva, mais la main levée de Lupin le fit taire : "C'est avant tout un enfant de cinq ans qui a vécu des choses très difficiles. Comme vous le savez tous, j'en suis sûr. J'étais l'ami de ses parents et je suis maintenant son tuteur et j'ai demandé à l'adopter."

Il laissa ses paroles faire leur chemin avant d'ajouter : "Je comprends votre curiosité, mais elle est ici totalement déplacée. Je ne veux voir PERSONNE l'embêter sur son histoire ou sa cicatrice, c'est bien clair ?"

Un murmure d'assentiment lui répondit.

"Je souhaite aussi que vous l'appeliez simplement Harry. C'est un enfant comme les petits frères et sœurs que vous avez peut-être. Ne le chargez pas d'un nom qui signifie plus de choses pour vous que pour lui", ajouta encore Remus.

La masse des élèves hocha la tête. Personne n'osa vraiment braver son discours, et Remus se prit à se dire qu'il était peut-être jugé aussi ferme qu'accessible. Quoi qu'en pense Severus.

"Enfin, pour le cas où ça vous intéresse", compléta-t-il encore, un peu malicieusement, "je reprendrai mes cours après les vacances de Noël. Je me suis mis d'accord avec le professeur Rogue pour…"

"Oh, Monsieur, Monsieur, pitié", s'insurgèrent nombre d'élèves, dont quelques Serpentards, nota Remus.

"Allons, allons, ce sont mes cours, mes sujets et je les corrige ! De quoi avez-vous peur ?", se moqua-t-il gentiment. Dans ses bras, Harry l'observait avec une totale admiration dont il ne savait que faire. "Allez, disparaissez ! Vous n'avez donc pas classe ?"

Les étudiants se dispersèrent à regret, commentant entre eux les paroles de leur professeur. De l'avis général, il semblait prêt à tout pour cet enfant, même à les sacrifier à Rogue !