Entre Lune et Etoile
Disclaimer : Toujours pas grand chose
Version epub 2020
11 - Papa Lune
"Professeur Lupin ?"
Remus se retourna, surpris, pour faire face à une très pâle Minerva McGonagall, entrée sans frapper dans sa classe – ce qui ne lui ressemblait vraiment pas.
"Professeure ?", répondit-il d'abord mécaniquement, avant d'ajouter précipitamment : "Harry ?"
Minerva soupira en acquiesçant, avant d'expliquer : "J'en ai bien peur. Il a disparu depuis près de trois heures ! Tous les elfes le cherchent et, depuis une heure, Monsieur Rusard, le professeur Flitwick et moi aussi. Je ne pense pas qu'il soit dans le château."
"Où voulez-vous qu'il soit ?"
La voix de Remus était glaciale, et les étudiants qui avaient suivi leur échange avec curiosité baissèrent la tête. Ils savaient déjà que cette voix était rare et n'augurait jamais rien de bon. Et même s'ils n'avaient pas de raison de se sentir concernés, ils préféraient ne pas attirer l'attention de cette voix sur eux en cet instant.
"Je ne sais pas", regretta Minerva avec une évidente sincérité. "Dumbledore, le professeur Dumbledore", se reprit-elle pour les élèves, "est parti voir Hagrid. Il m'a dit de vous prévenir."
Le simple fait que le directeur de l'école se joigne aux recherches en disait assez long pour que Remus abandonne ses derniers espoirs.
"Je viens", souffla-t-il avec résignation. Et, se tournant vers sa classe, il indiqua d'une voix plus maîtrisée : "Je suis désolé de devoir vous laisser avant la fin de l'heure. Finissez de lire ce chapitre sur les vampires européens pour la prochaine fois. Notez vos questions, j'y répondrai en début de cours."
Alors que les élèves se dépêchaient de sortir, il lança par-dessus leurs têtes : "Il est évidemment clair pour tout le monde que cet exercice n'a rien d'optionnel."
"Bien sûr, professeur !", affirmèrent les quelques Serdaigles qui n'étaient pas encore sortis.
Malgré son inquiétude pour Harry, Minerva sourit, jugeant cette mise en garde peu nécessaire. Après quelques mois, personne ne doutait que Lupin soit aimé de ses élèves ou qu'il soit suffisamment respecté pour que personne n'ose réellement venir à ses cours sans avoir fait ses devoirs. Elle espérait qu'il appréciait cette revanche sur le passé ou sur le destin de relégation qui semblait encore écrit pour le jeune homme il y avait quelques mois. Le moment n'était cependant pas bien choisi pour en discuter. Ils rejoignirent au pas de course les autres professeurs et Hagrid à la lisière de la Forêt interdite.
"Vous croyez vraiment que Harry se serait aventuré là-dedans ?", demandait Hagrid à Dumbledore. "Il SAIT que c'est dangereux ! C'est un p'tit bonhomme intelligent, et je lui ai répété moi-même plusieurs fois !"
"Peut-être", répondit le directeur d'un air impénétrable, "mais Harry cherche depuis quelques semaines à repousser les limites. N'est-ce pas, Remus ?"
Le jeune professeur de Défense Contre les Forces du Mal lui lança un regard vide. Il s'interrogeait lui-même sur ce qui poussait le petit garçon, depuis quelque temps, à braver tous les interdits qu'il lui avait signifiés. Il avait plutôt souri les premières fois que Harry avait refusé de finir une assiette de légumes ou trépigné pour ne pas aller se coucher. Peut-être n'aurait-il pas dû, parce qu'aujourd'hui l'enfant semblait avoir décidé de faire fi de la seule réelle interdiction qu'il lui ait jamais imposée : "Ce château est ta maison, tu peux t'y promener autant que tu veux, mais je veux toujours savoir où tu es. Et il est, de plus, totalement interdit de s'aventurer seul au-delà de la cabane de Hagrid, c'est bien compris ?" Il ne savait plus combien de fois il avait répété cette phrase qu'il avait pensée équilibrée entre invitation à l'exploration et protection.
Or l'enfant timide et peureux qui était arrivé à Poudlard à Noël, s'était transformé en tourbillon joueur dès mars, ce dont tout le monde s'était félicité, pour devenir fin avril un risque-tout de plus en plus oublieux des règles répétées par Remus – ce qui lassait de plus en plus tous les adultes du château. Ces trois dernières semaines, il avait disparu au moins quatre fois, mobilisant toute l'équipe éducative et les elfes pour le retrouver dans les endroits les plus inattendus : au milieu de la réserve de Severus dans les cachots – Rogue en avait profité pour être hautain et désagréable avec lui pendant au moins une semaine ; dans la volière ; en haut de la Tour d'astronomie ; dans le souterrain allant à Honeydukes... Nul ne savait comment il était arrivé dans ces endroits tous éloignés des lieux qu'il aurait dû fréquenter ou protégés de mots de passe. Dumbledore avait émis l'hypothèse que le château ait aidé l'enfant en raison de son innocence – ce qu'il ne faisait jamais pour les élèves censés connaître le règlement et le respecter.
"J'imagine un fonctionnement un peu semblable à celui de la Salle sur Demande, que vous connaissez sûrement Remus – ne prenez même pas la peine de me répondre", avait-il développé. "Il a voulu entrer et le château l'a laissé passer."
Que le château soit ou non son complice, chacune des disparitions de l'enfant avait rendu Linky folle d'inquiétude et de culpabilité. Remus avait dû l'empêcher de se brûler avec la porte du four la dernière fois. Comme elle n'était pas là, il craignit le pire :
"Où est Linky ?"
"Je l'ai punie moi-même pour lui éviter de s'estropier", répondit Dumbledore. "Elle doit dépoussiérer toute ma bibliothèque – ce qui va lui prendre quelques jours. Il faudra lui parler, Remus."
"Lui enlever Harry surtout.", grommela celui-ci.
"Ce n'est pas sa faute !", intervint Minerva qui avait mal compris la colère froide de son jeune collègue.
"Je ne crois pas que Remus pense que Linky soit coupable une seule minute, Minerva", la coupa Dumbledore aimablement avant d'expliquer : "Harry a dit aux elfes de dire à Linky qu'il allait voir Hagrid. Or Hagrid était dans la forêt."
Remus hocha la tête pour dire qu'il comprenait le raisonnement. Il se sentait incapable de parler. Harry dans la Forêt interdite, seul, à la tombée de la nuit.
"Séparons-nous", continua Dumbledore. "Minerva et Hagrid, prenez vers l'Est, Severus et moi, nous irons vers le Nord, Flitwick accompagnez Remus vers l'Ouest."
Harry, pendant ce temps, constatait avec angoisse que la lumière diminuait de plus en plus.
"La nuit tombe !", s'inquiéta-t-il. "Qu'est-ce que je vais faire quand il fera noir ?"
Il savait qu'avec une baguette, on pouvait remédier à cela. Il connaissait même la formule : "Lumos". Mais il n'avait pas le droit d'avoir une baguette. Remus avait été très clair là-dessus quand il lui avait demandé, se rappela-t-il avec une grimace : "Tout Harry Potter que tu es, tu n'auras une baguette que lorsque tu auras soufflé tes onze bougies !" Et quand il l'avait trouvé avec sa baguette entre les doigts, il l'avait même grondé assez fort et envoyé dans sa chambre pendant toute une heure. Un mauvais souvenir en entraînant un autre, la menace qui avait suivi sa dernière escapade lui revint en mémoire : "Harry, c'est la dernière fois que tout le château te cherche pendant plusieurs heures ! Tu m'entends ? C'est aussi la dernière fois que je suis aussi compréhensif ! La prochaine fois, je ne me contenterai pas de t'envoyer dans ta chambre ! Nous sommes bien d'accord, Harry ?"
Harry n'avait pas osé demander précisément ce qu'il se passerait s'il recommençait. Il était trop honteux sur le moment que tout le monde l'ait cherché ainsi et il avait alors promis avec sincérité de toujours prévenir Linky quand il s'éloignait d'elle.
"Je lui ai dit", lança-t-il d'abord tout haut, avant de reconnaître in petto sa mauvaise foi. En sortant de la cuisine du château, il avait juste indiqué à l'elfe le plus proche : "Je vais voir si Hagrid est dans sa cabane", et non : "Je vais le chercher où qu'il soit, même dans la Forêt interdite". Sûr que les elfes n'auraient pas voulu, en conclut encore Harry, de plus en plus conscient de son imprudence.
Soupirant de fatigue et d'inquiétude mélangées, le jeune garçon pesa encore une fois ses options. Valait-il mieux rester sur place et attendre que Remus vienne le chercher ? Quelle allait être sa réaction ? Allait-il venir d'abord ? N'allait-il pas décider qu'il ne voulait plus entendre parler de lui ? Harry grimaça encore. Il valait mieux continuer d'avancer, il retrouverait peut-être un chemin qui le ramènerait au château. Quel accueil l'attendrait là-bas ? Il préférait ne pas y penser.
Tout à coup, une grande ombre se dessina devant lui. Il se retourna pour voir d'où elle provenait. Un gigantesque cheval à tête humaine, ou un homme à corps de cheval, difficile de décider tant l'ensemble était harmonieux, se dressait derrière lui. "Un centaure ! C'est très rare qu'ils se montrent aux humains !", pensa l'enfant en se rappelant les explications de Hagrid.
"Tu es Harry Potter ?", demanda le centaure sans autre introduction.
"Oui", répondit l'enfant, réellement intimidé par le regard terrible de la créature.
"Sais-tu que tout le château de Poudlard te cherche ?"
"Ils... Ils sont dans la forêt ?", s'enquit Harry d'une toute petite voix mais avec un peu de soulagement quand même. Il n'était plus si perdu ! Comme dans ce souterrain où lui-même s'était promis de ne plus jamais s'aventurer tant l'endroit était sombre, ils allaient le retrouver.
"On m'a dit que tu avais disparu depuis plus de trois heures. Si tu étais mon petit, tu ne recommencerais jamais ça, tu peux me croire !", reprit le centaure d'une voix sévère "Je vais te ramener à ton père. Et c'est bien parce que c'est mon ami !"
"Mon père ?", bredouilla Harry, impressionné par le centaure lui-même, son jugement et l'évocation confuse d'un "père" qui serait le sien.
"C'est bien Remus qui t'élève, non ?", questionna la créature sans réellement cacher ce qu'il pensait du résultat de l'éducation de Remus. Et Harry, de son côté, estima que cette heureuse situation allait tout aussi bien s'arrêter très bientôt parce que jamais Lunard ne supporterait la honte qu'il apportait sur lui – Tante Pétunia parlait souvent de la honte qu'il représentait. "Tu n'es pas le fils adoptif de Remus ?", reprit le centaure, plus curieux que sévère cette fois.
"Si", finit par concéder l'enfant, toujours très timidement. Remus avait expliqué la procédure d'adoption qui ferait de lui son fils et il avait ajouté que si c'était important pour les autres, pour lui, ça ne changerait rien, que Harry était déjà "comme son fils". Harry se rappelait qu'il avait été content d'entendre ça même s'il ne comprenait pas très bien tous les mots.
Cette confirmation sembla mettre fin aux questions du centaure qui s'accroupit et ordonna : "Monte !"
Sans doute un peu tard, Harry hésita un peu. Il ne lui semblait pas que Remus, Hagrid ou quiconque lui aient dit que les centaures étaient des créatures réellement dangereuses dont il devait se méfier. Et celui-là parlait de Remus comme de son ami. Mais Hagrid ou Remus avaient toujours insisté qu'on ne devait jamais suivre une créature ou toucher un objet inconnus dans le monde magique. Pas mal d'histoires que racontait Remus au coucher montraient ce qui arrivait de fâcheux aux enfants qui n'avaient pas respecté ces règles simples. Et puis, au-delà de sa prudence un peu tardive envers le centaure, Harry se demandait maintenant comment Remus allait réagir.
"Il... il est en colère ?", voulut-il savoir.
Les yeux du centaure brillèrent d'un drôle d'éclat :
"Remus ? Il est temps d'y penser ! Je ne sais pas s'il est plutôt en colère ou plutôt inquiet. Allez monte !", commanda-t-il. "J'ai d'autres choses à faire que de trimballer un petit humain mal élevé ! À moins que tu préfères dormir là ?"
Harry piqua du nez sentant confusément que le centaure avait raison. Il n'allait certainement pas rester seul toute la nuit dans cette forêt. La colère de Remus était tout de même moins effrayante.
Il n'était plus si sûr de cette affirmation quand le centaure le fit glisser devant le sorcier qui était son tuteur. Les yeux dorés de Lunard étaient froids comme de la glace, les traits de son visage mince crispés. Harry eut du mal à avaler sa salive. D'autant que Minerva, grand-père Albus, le professeur Rogue, le professeur Flitwick et Hagrid se pressaient derrière lui et n'avaient pas l'air plus contents.
"Harry ! Merlin soit loué !", commença Minerva, la main sur le cœur, mais une pression de Dumbledore sur son bras l'arrêta avant qu'elle ne prenne le petit garçon dans ses bras.
"Merci Firenze", dit Remus simplement. "Merci, mon ami !"
Le centaure opina de la tête.
"Je ne te dis pas à charge de revanche, Remus. J'espère ne jamais devoir m'inquiéter ainsi pour l'un de mes petits. Au revoir mon ami, que la lune te soit clémente", ajouta-t-il brusquement avant de repartir au galop dans la forêt.
Harry sentit ensuite le regard de Remus se reposer sur lui.
"Tu vas bien ?", demanda ce dernier calmement.
Des larmes piquaient les yeux d'Harry, mais il fit de son mieux pour les ravaler. Il hocha faiblement la tête, incapable de dire un seul mot, impressionné autant par le calme apparent de son tuteur que par le déploiement des professeurs de Poudlard autour d'eux. Et le soupir de Remus qui lui répondit ne fit rien pour le rassurer.
Dumbledore s'approcha alors de son professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Il lui mit la main sur l'épaule et murmura à son oreille : "Je sais que vous avez envie d'oublier tout cela, Remus. Mais il faut aller jusqu'au bout maintenant. Il doit comprendre qu'il y a des limites et que c'est vous qui les fixez !"
Remus hocha la tête, puis il prit un Harry frissonnant dans ses bras. Lorsque les yeux de l'enfant furent au niveau des siens, Lupin lui souffla simplement : "Harry, c'était une fois de trop."
Le petit garçon enfouit son visage dans son épaule pour cacher ses larmes et se laissa emporter à grandes enjambées vers le château.
Les longues foulées de Lunard les amenèrent à l'entrée dérobée de l'aile des professeurs – Remus n'avait vraiment pas envie de traverser le grand Hall à ce moment-là –, puis dans leur petit appartement. Là, il hésita un instant avant de continuer jusqu'à la chambre de Harry qu'il posa sur son lit. Debout face à lui, il le dévisagea longuement avant de demander de sa voix calme et posée :
"Où étais-tu, Harry ?"
"J'ai dit à Linky...", commença Harry espérant encore un instant se disculper.
"Tu ne lui as jamais dit que tu allais dans la forêt !", le coupa sèchement Remus
Harry déglutit avec peine. Il sentait bien maintenant qu'il ne pourrait pas échapper à la colère de son tuteur.
"Je suis désolé. Je voulais voir Hagrid, il n'était pas dans sa cabane. J'ai... j'ai pensé que je le trouverais à l'entrée de la forêt. Je me suis trop enfoncé. Je ne savais plus le chemin.. Je suis... je suis désolé !", expliqua-t-il des larmes dans la voix.
Mais Remus ne se laissa pas émouvoir. Pas cette fois. Il avait eu de la chance que Firenze trouve Harry ; d'autres créatures bien moins disposées envers les humains auraient pu le trouver avant le centaure. Il était malheureusement trop bien placé pour le savoir.
"Ah ? Et de quoi es-tu si désolé ? Peut-on savoir ?", questionna-t-il d'une voix faussement égale.
"Je n'aurais pas dû faire ça", balbutia l'enfant éperdu.
"Ah ? Pourquoi donc ?", continua Remus sur le même ton.
Seules ses mains crispées trahissaient la tension qui l'habitait, la peur qui revenait maintenant que le danger était écarté, l'envie de tout oublier seulement balancée par la certitude qu'il ne pouvait pas lui non plus échapper à cette conversation. Harry, seul, de nuit, dans la Forêt interdite ?
"Parce... tu l'avais interdit", reconnut difficilement Harry.
"Ah ? Tu t'en rappelais ?", demanda Remus d'une voix plus coupante comme une lame. Face à un Harry qui ne semblait plus savoir où se mettre, il décida néanmoins qu'il fallait en finir. "Te rappelles-tu aussi bien ce que j'avais dit la dernière fois que tu as jugé bon de disparaître ?"
Harry hocha la tête sans oser lever les yeux.
"Donc, tu ne seras pas surpris.", commenta Remus.
S'asseyant brusquement sur le lit, il l'entraîna sur ses genoux pour lui administrer une longue et cuisante fessée avant de le redéposer plus doucement, sanglotant, à côté de lui. Il s'accroupit ensuite près du petit garçon, qui continuait de pleurer, et lui murmura :
"C'est moi, Harry, qui suis désolé. J'ai beaucoup de peine que tu m'obliges à faire cela. Mais sache bien que je le referai si c'est nécessaire ! Il y a des règles qu'il vaut mieux respecter, si tu veux vivre ici, tu dois le savoir ! Je vais revenir tout à l'heure", ajouta-t-il avant de sortir de la chambre en ayant vaguement l'impression de s'enfuir.
Le temps passait doucement dans la chambre de Harry, qui serrait contre lui le mouchoir des Weasley, non transformé en cerf, mais quand même réconfortant. Quand ses larmes s'étaient taries, il s'était rendu compte qu'il avait faim après sa longue marche dans la forêt, mais il n'osait pas sortir ou appeler Linky. Il n'avait pas vu l'elfe et se demandait si elle s'était punie elle-même, comme les autres fois. Ce n'était pas une pensée très agréable ! Il se sentait vraiment coupable maintenant : la douleur de Linky, la colère de Remus... Il n'entendait pas un bruit dans l'appartement. Remus allait peut-être le laisser là sans dîner, se dit-il. Après tout son oncle et sa tante le faisaient souvent, et pour des choses bien moins graves !
Harry soupira.
Remus avait dit qu'il reviendrait. Pour le punir à nouveau comme l'Oncle Vernon le faisait souvent ? Avec un autre soupir, Harry décida qu'il le méritait certainement. En entrant dans la forêt, il avait hésité, mais il s'était dit : "Oh et puis même s'il s'en rend compte, au pire, il m'enverra dans ma chambre comme les autres fois". Eh bien non. Harry devait reconnaître que Remus savait très bien donner des fessées, aussi ! Malgré cette douloureuse découverte, l'enfant avait envie qu'il revienne. Peut-être que s'il s'excusait encore une fois, Lunard le prendrait dans ses bras. Et Harry ne se sentait jamais autant en sécurité que contre cet homme qui était si brusquement entré dans sa vie pour totalement la changer.
Et toi, tu ne l'écoutes pas !, se reprocha-t-il sévèrement.
Las d'être sur son lit, il se leva et fit quelques pas dans sa chambre, un peu groggy par les larmes. Sur son petit bureau, il y avait les dessins qu'il avait commencés ce matin. Sur l'un deux, il avait dessiné Remus : très grand, très mince dans sa robe noire de professeur, avec des cheveux blonds, des yeux dorés et un sourire. Il décida d'y ajouter un petit - très petit - Harry, avec des cheveux noirs, des lunettes et une robe de sorcier bleue. Comme il s'était dessiné à l'angle opposé du parchemin, Harry se fit un très long bras qui offre des fleurs à l'homme blond. Un geste d'excuse. Il écrivit ensuite en lettres capitales "Harry" à côté du petit sorcier. Il aurait voulu écrire "Remus" ou "Lunard", mais il ne connaissait pas toutes les lettres pour le faire. Après un moment de réflexion, il dessina un croissant de lune jaune, comme les cheveux du sorcier.
Muni de son dessin, il retourna ensuite vers son lit, s'y allongea sur le ventre, le parchemin posé devant lui, appuyé sur l'oreiller. Il sourit au Remus du dessin.
"Pardon, Remus, je suis vraiment désolé. Je ferai tout pour vivre ici avec toi", lui chuchota-t-il.
Devant ses yeux encore pleins de larmes qui brouillaient sa vision du dessin, le croissant de lune devint clairement un P. Harry se rappela soudain les leçons de Tante Pétunia à Dursley qu'il épiait de la cuisine : "Regarde Duddy, un croissant de lune et un grand fil, un P, une montagne avec une barre, un A ; ça fait PA et si tu le refais ça fait PAPA". Sans plus réfléchir, Harry sauta sur ses pieds et compléta le dessin pour écrire maladroitement PAPA à côté du grand sorcier. Pour la première fois depuis quelques heures, il sentit une bouffée de fierté dans sa poitrine. Il se recoucha sur son lit et s'endormit en serrant la feuille dans sa main.
