Entre Lune et étoile
Disclaimer : comment aurais-je pu inventer tant de personnages ?
Version EPUB 2020. Scène bonus toujours sponsorisée par Playmobil.
13. L'âge de raison
La collection de Playmobils de Harry s'était bien acclimatée à Poudlard. Remus avait été le premier à en transformer un pour qu'il ait la corpulence de Hagrid comparativement aux autres figurines. Harry l'avait naturellement amené au demi-géant dès le jour suivant, et le garde-chasse en avait presque pleuré. Il avait ensuite inspecté très précisément les figurines de Harry et les avait critiquées : "Les chevaux ne sont pas comme ça..."
"Papa dit que c'est pour que les bonshommes puissent monter dessus. Ils ne peuvent pas écarter les jambes. Ce sont des jouets... moldus en plus... mais je les aime bien", avait expliqué Harry.
Le demi-géant n'avait rien trouvé à répondre à ça mais, quelques jours plus tard, il avait demandé à Harry s'il pouvait essayer quelque chose. Il s'était tourné pour le faire, mais Harry savait que c'était grâce à la magie qu'il avait dès lors eu un cheval playmobil qui ressemblait davantage à un cheval.
"Et le personnage peut toujours monter dessus !", avait félicité Harry.
Hagrid avait néanmoins dit juste après qu'il n'était pas nécessaire de le montrer à Remus et Harry avait compris que le garde-chasse n'était pas sûr de la réaction de son père. Un cheval, ce n'était pas compliqué à cacher.
Mais ça ne s'était pas arrêté là : jour après jour, le chien de la ferme Playmobil avait ressemblé à Crocdur, un autre cheval à une licorne, et un troisième à un centaure... au point qu'il ne restait plus réellement de figurines inchangées et que Harry se demandait maintenant comment cacher le résultat. Et un soir, arriva ce qui devait arriver : son Papa avait remarqué qu'il ne jouait plus si souvent avec sa ferme et avait demandé pourquoi. Harry était resté stupidement muet de surprise – conscient qu'il ne faisait qu'alarmer davantage Remus mais incapable de réagir autrement.
"Tu l'as perdue ? Elle est abîmée ?", avait fini par proposer Remus les sourcils froncés.
"Non", avait promis Harry.
"Elle est où ?", avait patiemment questionné son Papa, mais Harry avait senti qu'il ne se laisserait plus détourner de son enquête. Mentir aurait été protéger Hagrid, mais mentir était très clairement interdit. Faute de bonne alternative, Harry s'était donc tu. "Harry ?", avait insisté Remus avec moins de patience.
"Dans le sac", avait finalement répondu Harry. Remus lui avait donné un petit sac à dos magique qui lui permettait d'emmener des choses volumineuses avec lui. Ça ne faisait pas disparaître le poids mais c'était déjà bien pratique.
"Dans ta chambre ?", avait vérifié Remus, et Harry avait acquiescé avec fatalisme. La seconde d'après son père lui tendait la main, et il avait bien été obligé de l'accompagner dans la chambre. Ils s'étaient arrêtés devant le sac et mutuellement observés. Harry ne savait pas du tout si Remus allait être en colère du résultat des expériences de Hagrid. Mais là, d'une manière ou d'une autre, Remus allait voir ce résultat...
"Les figurines... elles ont un peu changé", avait donc soufflé Harry avec courage. "Pas abîmées mais..." Faute de trouver les mots, l'enfant avait renversé le sac. Son Papa avait eu un moment de surprise puis il avait pris chacune des figurines dans ses mains.
"Hagrid ?", il avait questionné en le regardant. Harry n'a pas vu d'agacement dans ses yeux, juste beaucoup de curiosité.
"Il... ne voulait pas que tu saches", avait-il reconnu.
"C'est pour ça !", s'était exclamé Remus avec un air soulagé que Harry avait eu du mal à interpréter. "Merlin, Harry, je me suis demandé ce que tu me cachais ! Je comprends mieux. "
"Et tu es en colère ?", s'était enquis Harry, fidèle à lui-même.
"Harry, est-ce que tu as d'une façon ou d'une autre changé ces figurines ?", avait soupiré Remus.
"Non !"
"Et quand bien même tu les aurais modifiées, je serais en colère uniquement si, pour le faire, tu avais utilisé une baguette parce que ça, c'est totalement interdit", avait précisé son Papa.
"Je sais !"
"Donc, pourquoi je serais fâché contre toi ?"
Harry avait haussé les épaules. "Hagrid... avait l'air inquiet..."
"J'imagine", avait de nouveau soupiré Remus. "Tu sais, faire ça pour toi, c'est sa façon de te dire combien il t'aime, combien il veut te faire plaisir... mais c'est prendre de sacrés risques..." Son Papa avait dû sentir combien Harry était perdu par ses explications. "Harry, je suis sûr que tu sais que Hagrid est un sorcier différent des autres..."
"Il est très grand ?!"
Remus avait ri avec sincérité, Harry l'avait bien senti. Ça l'avait un peu rassuré que Remus rît. Rien n'était trop grave s'il riait.
"Il est effectivement plus grand que beaucoup. Mais est-ce que tu l'as déjà vu... avec une baguette ?" L'enfant avait secoué la tête. "En fait... il ne me laisse pas tellement d'autre choix que de te raconter que, quand il était jeune, il n'a pas pu finir ses études ici. Il a été accusé et jugé coupable d'actes magiques interdits... sa baguette a été brisée... Il n'a tout simplement pas le droit d'utiliser sa magie... Albus ferme les yeux et le protège, et j'ai toute confiance en lui, moi aussi, mais... je lui parlerai..."
"Tu vas le gronder ?", s'était inquiété Harry. Parce que son père avait une autorité sur les élèves mais aussi sur d'autres adultes, il l'avait bien compris.
"Le remercier de ce qu'il a fait pour toi et lui dire que ce n'est pas très juste de te demander de me cacher des choses... ce n'est pas une bonne solution..."
"Je vais les garder, les figurines ?", s'était enquis Harry après avoir renoncé à déterminer si Hagrid serait vraiment grondé ou pas.
"Oui, mais... on ne pourra pas les emmener hors de Poudlard", avait précisé Remus en souriant.
"Oh", avait regretté Harry parce que les playmobils étaient ses seuls jouets qu'il pouvait emmener dans les deux mondes.
"On va devoir racheter des animaux un peu plus moldus", avait souri Remus qui semblait lire en lui comme dans un livre.
"Et l'école ? Dans le catalogue, il y a une école", avait demandé Harry – et c'était la première fois qu'il demandait quelque chose et il en avait été lui-même si surpris qu'il avait mis ses deux mains sur sa bouche.
"Oh", avait ponctué Remus en détournant les yeux. Harry s'était dit qu'il allait lui dire non. "Montre-moi cette école."
Harry avait promptement été tirer un catalogue d'entre ses livres et lui avait timidement désigné l'école, en rajoutant prudemment : "Ils n'ont pas d'uniformes."
"Ça peut s'arranger", avait répondu Remus.
"Ça veut dire oui ?", avait osé questionner Harry, le cœur battant.
"Je crois bien", avait reconnu Remus en le serrant contre lui. Quand est-ce qu'il y avait eu quelque chose de mieux que cet enfant dans sa vie ?
oo
Ce n'était pas la première fois que Harry allait chez Fleury et Botts avec Remus, ni même qu'il se rendait sur le Chemin de Traverse. S'ils faisaient l'essentiel de leurs achats magiques à Pré-au-lard ou par correspondance, ils allaient au moins trois fois par an dans le quartier magique londonien. Harry se souvenait encore de la première fois : il s'agissait de choisir le cadeau d'anniversaire de ses six ans – qu'il ait un cadeau et en plus l'opportunité de le choisir lui avaient confirmé combien sa nouvelle vie n'avait rien à envier à la précédente.
C'était alors moins la rue et ses boutiques sorcières qui l'avaient impressionné que les réactions des gens quand ils le reconnaissaient. Ça lui avait rappelé cette foule amassée aux abords du Terrier pendant le procès. Sauf que cette fois, Remus lui tenait la main et expliquait gentiment, mais fermement, à quiconque s'approchait trop ou posait des questions qu'il fallait laisser "cet enfant grandir en paix."
Avec le temps, les réactions s'étaient faites moins violentes : pas que les gens ne le regardaient plus, mais leurs propos étaient devenus plus anodins : "Comme tu as grandi, Harry, depuis la dernière fois !" étant la phrase la plus courante.
Aujourd'hui, Remus l'avait laissé dans la section de littérature enfantine le temps qu'il regarde les nouveautés parues en Défense Contre les Forces du Mal, ce qui pouvait s'avérer assez long et ennuyeux pour ses sept ans. Harry devait en profiter pour choisir de nouveaux livres, mais en aucun cas quitter les rayons. Et si l'enfant avait appris une chose en deux ans de vie avec Remus, c'était qu'il valait mieux ne pas désobéir à ce genre de consigne.
Il avait déjà mis de côté un nouvel épisode de Joey, le Moldu fou qui venait de paraître et viendrait compléter sa collection. Il pourrait même le prêter à Severus qui était celui qui l'avait converti à la série dès son premier Noël et était toujours content de le voir entretenir la collection. Harry avait aussi choisi un livre sur les champignons magiques et leurs propriétés, dans lequel il avait reconnu certains ingrédients utilisés par les élèves en potions, et un autre sur les modes de locomotion magiques dans le monde et dans l'histoire – les illustrations avaient l'air trop chouettes.
Il errait dans les travées avec sa petite pile de livres quand il s'arrêta devant un énorme ouvrage – il lui serait sans doute arrivé à la poitrine ! – dont les pages tournaient lentement toutes seules. Intrigué, il tendit la main et fut bloqué par un champ magique. Il rougit presque en pensant combien Remus lui aurait vivement rappelé qu'on ne touchait jamais des objets magiques inconnus ! Ses yeux tombèrent ensuite sur une affichette posée devant le livre : "L'Unique Bestiaire Universel des Dragons pour Enfants Sorciers est un livre réalisé uniquement à la commande. Merci de ne pas toucher et de vous adresser aux vendeurs."
Les illustrations étaient de fait magnifiques. On discernait chacune des écailles sur les dos musculeux des fantastiques reptiles qui emplissaient les pages du livre. Harry resta, fasciné, à regarder défiler les animaux, sans prêter beaucoup d'attention aux explications en bas de page, mais en reconnaissant quelques spécimens présentés par Hagrid sur des livres des jours de pluie. Il comprenait mieux l'adoration totale du garde-chasse pour ces créatures. Il y avait aussi Charlie, le grand frère de Ron, qui vouait un culte à ces créatures. Sans doute le livre leur plairait, pensa Harry. La protection inhabituelle de l'ouvrage lui faisait penser que ce n'était pas un livre bon marché. Je vais le montrer à Papa, décida-t-il avec un peu d'excitation. Et espérant le voir arriver, il tourna la tête pour se trouver nez à nez avec un garçon de son âge accompagné par un elfe de maison.
"Dégage, c'est mon livre", affirma le garçon en le poussant assez brutalement.
Pris par surprise, Harry se rattrapa de justesse à la table, entraînant avec lui une pile d'albums qui s'étalèrent au sol. Sans lui prêter la moindre attention ou s'excuser, l'enfant qui venait d'arriver tendit la main vers l'ouvrage, mais elle fut repoussée comme celle de Harry avant lui.
"Il y a un champ magique, Maître Drago", pipa l'elfe.
"Tu peux le prendre ?"
"Dobby peut, mais il ne faut pas, jeune Maître…"
"Prends-le !", ordonna impérieusement ledit Drago. Comme l'elfe hésitait encore, il se mit à pleurnicher : "Mère a dit qu'elle me l'achèterait s'il était toujours là ! Et sinon ce garçon va le prendre ! Dépêche-toi !"
L'elfe tendit les mains visiblement à contrecœur, mais sans sembler pouvoir résister à l'ordre donné. Linky aurait résisté, jugea Harry en ramassant les livres tombés. Remus avait établi une longue liste de choses que l'elfe devait lui refuser, limitant la quantité de chocolat qu'il pouvait ingurgiter, le fait de pouvoir laisser la moitié de son assiette, de repousser l'heure à laquelle il devait se coucher ou tout autre "pur caprice". Visiblement, ledit Drago ne connaissait pas ce genre de règles, et Harry l'envia un peu, tout en ayant l'impression que c'était aussi profiter assez éhontément de la bonne volonté et des pouvoirs de l'elfe de lui ordonner d'aller contre les règles du magasin.
"Il faut demander à un vendeur", remarqua-t-il, mais ni le garçon, ni l'elfe ne le regardèrent.
L'ouvrage n'était pas seulement grand en taille ; il était aussi visiblement lourd et l'elfe luttait pour s'en saisir alors que Drago trépignait à côté de lui. Il essaya de l'attirer par magie, mais le volume semblait aussi protégé contre les sorts d'attraction. Finalement, encouragé par Drago, Dobby entra dans le champ magique et tira l'ouvrage à lui de toutes ses forces. Quand le livre céda d'un coup, l'elfe bascula en arrière, entraînant Drago au sol et projetant l'énorme volume dans les airs. Il était trop lourd pour voler bien loin mais, quand il retomba au sol, il continua de glisser sur les dalles polies pour buter contre un mur. Une sonnerie stridente retentit au même moment.
Sans trop réfléchir, Harry se précipita pour ramasser l'ouvrage – Remus lui avait inculqué un respect profond des livres, l'horreur des pages cornées et des reliures brisées. La vendeuse du rayon arriva au même moment et se rua sur lui pour lui reprendre l'ouvrage assez violemment.
"Mais comment as-tu fait ça, toi !"
"Je ne…"
"Il l'a pris ! Il ne voulait pas que je l'achète !", pleurnicha alors le garçon blond en se relevant avec une lenteur toute calculée, comme si c'était à cause de Harry qu'il s'était retrouvé sur le sol.
"Tu voulais l'acheter ?", questionna la vendeuse.
"Mon elfe l'aurait acheté pour moi", précisa Drago. "Dobby, appelle Mère ! Mère va vous expliquer, Madame !"
Devant le regard inquisiteur de la vendeuse, Harry comprit qu'il devait rapidement fournir des explications crédibles à son tour, mais il était tellement surpris par la facilité de mensonge de l'autre garçon qu'il ne savait trop que dire.
"Je le regardais juste…"
"Et brusquement tu l'avais entre tes mains ?", ironisa la vendeuse. "Où sont tes parents ?"
La question assécha la gorge de Harry. Elle réveillait une douleur qu'il avait crue oubliée. Celle qui le faisait pleurer le soir en s'endormant à Privet Drive. Ses parents étaient morts, mais il avait un Papa, se força-t-il néanmoins à se rappeler – c'est ce que répétait Remus à chaque fois qu'il faisait un cauchemar hanté de lueurs vertes.
"Mon Papa est… dans la section de Défense Contre Les Forces du Mal, il est professeur et…"
"Tu es le fils de Remus Lupin ?", s'écria la vendeuse, un peu moins soupçonneuse. Comme un autre vendeur arrivait, elle ajouta : "Chris, éteins cette sirène et demande au professeur Lupin de nous rejoindre !"
Une grande dame blonde, extrêmement bien habillée, mais avec un air profondément écœuré par tout ce qu'elle voyait, entra alors dans la pièce.
"Drago ? Dobby ?", appela-t-elle. Puis reconnaissant son fils, elle fronça les sourcils. "Merlin, Dobby, comment peux-tu laisser Maître Drago se salir autant en si peu de temps !"
"Mère", s'écria le garçon, en se précipitant vers la femme et en désignant Harry du doigt. "Il veut prendre mon livre !"
"Qu'est-ce que toute cette histoire ?", questionna la mère du garçon, en regardant la vendeuse comme si elle était responsable de tout.
"Nous avons une situation un peu confuse, Madame…"
"Malefoy, Narcissa Malefoy", précisa la femme qui venait d'arriver en montant le menton comme pour affirmer toute sa fierté quant à son nom.
Et le cœur de Harry faillit s'arrêter. Les Malefoy étaient les gens qui avaient prétendu l'adopter deux ans auparavant. Il n'avait plus entendu parler d'eux mais il se souvenait de leur nom. La vendeuse parut elle aussi impressionnée quand elle se risqua à répondre :
"Je ne sais pas comment les enfants ont fait mais…"
"C'est lui !", réaffirma Drago en accusant Harry.
"Jamais !", répondit cette fois l'accusé, parce qu'il avait un peu repris conscience de la situation. Remus allait arriver. Remus aimait les livres et évitait au maximum d'attirer l'attention sur eux. Comment pourrait-il apprécier que Harry soit accusé d'avoir essayé d'en voler un très cher ? Narcissa Malefoy le toisa d'abord comme on regarde une bouse de dragon puis fronça les sourcils comme traversée par une idée déplaisante.
"Je ne sais pas ce qu'il s'est passé exactement, Madame", intervint alors la jeune vendeuse avec toute la fermeté qu'elle avait pu réunir. "Mais c'est douteux qu'un enfant ait pu passer le champ magique. Seul l'elfe aurait pu…"
Dobby se recroquevilla en entendant les paroles de la vendeuse, puis se mit à se taper la tête par terre en maugréant : "Méchant Dobby ! Prends ça ! Et ça !"
"Votre fils aura peut-être voulu le défendre", se risqua encore la vendeuse, l'air de douter elle-même du fondement de ses propos. Aucun des deux Malefoy n'avait fait un geste vers l'elfe, à la grande horreur de Harry qui n'y tenant plus décida d'arrêter l'auto-punition de la créature en le forçant à se relever.
"Merci, jeune Maître", souffla Dobby.
"Merci, mon garçon", ajouta Narcissa. "Comment t'appelles-tu ?"
"Harry."
"C'est le fils du professeur Lupin", ajouta la vendeuse espérant sans doute pacifier madame Malefoy.
"C'est donc ça", commenta Narcissa avec un étrange air satisfait. Son visage parut moins réprobateur quand elle tendit sa main à l'enfant : "Enchantée, Harry. Tu aimes donc les livres et les dragons ?"
"C'est mon livre", couina Drago l'air inquiet maintenant que sa mère donne en fin de compte le volume convoité à l'autre garçon.
"Je regardais les livres", répondit poliment Harry, priant pour que son Papa arrive maintenant. Même s'il devait le gronder pour le désordre mis dans la librairie, il voulait pouvoir serrer sa main et se sentir hors de danger.
"Madame Malefoy ?", s'inquiéta immédiatement Remus en entrant alors dans la salle. "Un vendeur a dit que je devais venir... Harry, tout va bien ?"
"Papa !" Harry se jeta dans ses bras, ignorant superbement le regard moqueur et hautain de Drago. "J'ai juste ramassé le livre !"
"Il paraît clair maintenant que c'est l'elfe des Malefoy qui a sorti ce volume de son champ de protection… pour l'acheter, évidemment", intervint courageusement la vendeuse, peut-être parce qu'un nombre croissant de badauds s'arrêtaient, curieux d'un rassemblement réunissant un professeur de Poudlard et la femme de Lucius Malefoy. "C'est un simple malentendu. Je suis désolée de t'avoir accusé, Harry."
Des murmures répétèrent son nom – Harry. D'autres furent prompts à rappeler son nom de famille – Potter – pour la plus grande mortification de l'enfant. Il ne voulait pas qu'on le croie un voleur. Et il n'était pas non plus sûr d'avoir envie qu'on l'appelle "Harry Potter". Il ne comprenait pas réellement pourquoi mais il n'était pas à l'aise avec la manière dont les gens prononçaient son nom.
"On peut partir, Papa ?", souffla-t-il en tirant sur la main de l'adulte qui ne bougea pas.
"N'allez-vous pas un peu vite en besogne, Monsieur Lupin ?", s'enquit alors Narcissa, incisive. "Papa ? Vous n'êtes que le gardien temporaire de cet enfant…"
"Mais j'espère être bien plus très bientôt", répondit Remus sans aucune émotion apparente. Instinctivement, Harry lui serra la main. L'idée d'être séparé de Remus était trop inquiétante pour qu'il n'ait pas envie de fuir immédiatement.
"Vous croyez avoir déjà gagné ? Le droit n'est pas de votre côté, comment les loups-garous auraient-ils la préséance sur les sorciers ?", pérorait la mère de Drago, venimeuse.
Remus s'autorisa un sourire las.
"Vous êtes celle qui cherche la préséance, Madame Malefoy. Je ne souhaite que donner une famille stable au fils de mes meilleurs amis, tombés pour notre liberté à tous."
"Nous verrons qui se leurre très bientôt", jugea Narcissa en prenant la main de son fils, comme un miroir de Harry et Remus, et en commençant à partir.
"Mère, le livre !", geignit une nouvelle fois Drago.
"Dobby, règle les détails !", jeta Narcissa Malefoy sans se retourner.
"Je suis désolée", murmura la vendeuse à l'intention de Remus. "On peut vous recommander un exemplaire si vous le souhaitez…"
"Je le regardais pour Hagrid ou Charlie", expliqua Harry qui n'avait aucune envie de voir chez lui un livre qui avait créé autant d'ennuis. "Le garçon, Drago, il est arrivé, avec son elfe et ils l'ont pris."
"Bien, je crois comprendre que nous ne sommes pas intéressés, Mademoiselle. Excusez-nous pour le dérangement. Tu avais trouvé quelque chose, Harry ?"
L'enfant hésita presque : il voulait surtout fuir l'endroit au plus vite, mais les trois livres étaient en pile, là où il les avait laissés, et Remus les ajouta à son panier déjà chargé. La vendeuse se proposa de leur envoyer à Poudlard, ce que Remus accepta. Dehors, quelques minutes plus tard, Harry ne savait toujours pas quoi penser de l'incident. Remus avait le visage soucieux, et Harry se demandait s'il allait le gronder, oscillant entre un sentiment d'injustice et l'idée qu'il l'aurait sans doute mérité.
Ils ne dirent pas grand-chose avant d'être assis chez Florian Fortarôme à attendre les glaces qu'ils avaient projetées de manger bien avant d'entrer dans la librairie. Harry espérait que c'était un bon signe quant à l'humeur de Remus, mais il n'osait pas écarter le contraire.
"N'y pense plus, Harry", souffla soudain son Papa. "Il fallait bien qu'un jour on les rencontre. L'Angleterre n'est pas assez grande pour qu'on évite éternellement les Malefoy."
"C'est eux qui voulaient m'adopter ?", se risqua à vérifier Harry.
"Oui."
"Ils veulent toujours ?", s'enquit encore Harry, parce qu'il avait cru comprendre ça dans les dernières paroles de la dame.
"Oui."
"Ils peuvent ?"
Remus haussa les épaules. Il n'avait jamais menti à Harry en deux ans, il n'allait pas commencer maintenant.
"Oui."
L'enfant ne trouva rien à répondre et Remus lui prit la main.
"Tu te souviens ce que je t'avais dit, il y a deux ans ? Je ne vais pas te laisser partir sans me battre, Harry, et s'il le faut, nous partirons très loin tous les deux", il chuchota sa promesse en se demandant s'il serait capable de la tenir. La pression allait une nouvelle fois être énorme. Sa lycanthropie lui serait jetée au visage. Il pourrait tout perdre. Son poste, Harry. Il pouvait tout aussi bien mourir.
"Tu veux toujours ?", demanda l'enfant sur le même ton mais les sourcils froncés.
"Comment ça, Harry ?"
"Tu veux toujours de moi ?"
"Mais comment peux-tu demander ça, Harry ? Comment crois-tu que je pourrais vivre sans toi à mes côtés ?"
L'enfant baissa les yeux et haussa les épaules.
"Je... range pas toujours ma chambre... et les livres... et je fais des caprices avec Linky", il énuméra les dernières choses pour lesquelles Remus l'avait grondé. Et le même Remus sourit largement.
"Malgré tes graves défauts, je crois que je vais te garder", répondit-il sans cacher son ton moqueur. "Trop de choses me manqueraient : tes câlins, tes sourires, tes dessins, ton rire, devoir métamorphoser tous les soirs le même pauvre mouchoir plein de trous…", lista l'adulte à son tour.
"Vrai ?"
"Juré."
ooo
Les rues se suivaient. Des rues pleines de Moldus, des rues sans Moldus. Des rues sales, des rues propres. Des rues riches, d'autres moins. Remus n'y prêtait que peu d'attention. De temps en temps, il croisait un père et son enfant et il s'arrêtait pour les regarder. Sinon il marchait. Vraiment, il n'y avait rien d'autre à faire !
"Allez donc voir des amis en attendant", avait suggéré le docteur Susan Smiley quand il lui avait amené Harry pour l'examen psychologique.
Oui, c'est ça. Il allait prendre le prochain bateau pour Azkaban et aller discuter avec Sirius de l'avenir de son filleul ! Des amis ? Quels amis ? Dumbledore était un allié, pas un ami. Dumbledore avait eu pitié de lui, lui avait fait confiance… mais ce n'était pas un ami. Leurs intérêts concordaient, mais leurs âmes ? Non. Minerva à la rigueur, mais il l'aurait certainement effrayée avec ses doutes.
Une autre rue. Un feu rouge. Un passage piéton. La Tamise. Remus s'assit sur un banc, regardant le pâle soleil de décembre faire briller l'eau.
Les Weasley l'auraient accueilli, mais avec eux, il aurait été en représentation. Le "bon" tuteur. Il n'aurait pas pu faire part de ses doutes, de ses peurs… pour les retrouver dans la prochaine interview de Rita Skeeter ? Non, merci.
Tu es seul, tout seul. Et alors ? Hein ? Cela faisait-il de lui un plus mauvais père pour Harry ? Il fallait qu'il se calme. Oui, il fallait. Ça faisait des semaines qu'il se disait ça. Depuis quand déjà ? Depuis que tous ses vieux démons étaient revenus en force, comme nourris par ses deux années de bonheur familial. Depuis qu'il avait vu ces larmes dans les yeux d'Harry – il aurait mieux fait de dire SES larmes, ses larmes à elle. Leurs yeux se ressemblaient tellement. Les mêmes larmes que celles qu'elle avait jetées quand il l'avait quittée, quand il s'était effacé devant James. Et la même façon de dire "Mais, qu'est-ce que j'ai fait pour que tu ne me parles plus ?". Quitter avant d'être quitté ?
"Tu as passé l'âge", grommela-t-il. "Bats-toi ! Bon sang !"
Parce que le problème était là. Remus le savait. Il se retrouvait devant le même dilemme – même faux dilemme ? – qui le poursuivait depuis l'enfance. Soit il s'effaçait et il garderait certainement sa place dans la communauté magique. Et, il l'aimait sa place de professeur ! Il aimait avoir une vie de sorcier – celle que le Loup avait failli lui prendre, enfant. Soit il se battait, avec le risque de tout perdre, pour l'amour d'une seule personne.
La considération de tous contre l'amour d'une personne. Dis comme ça, ça avait l'air facile. Qui est-on sans amour ? Mais dans la réalité, aux tréfonds de lui, ce n'était pas si simple. Et si en fuyant avec Harry, tu le prenais en grippe ? Et si vous ne vous en sortiez pas ? Tu n'es pas fort comme James… Non, tu es faible. Oui, faible comme Peter ! Longtemps il avait cru être plus fort que Peter mais, depuis son sacrifice, il se le demandait. Aurait-il lui cherché à tuer Sirius, s'il l'avait trouvé ? Pas si sûr, hein ?, répétait la vilaine petite voix qui le hantait de nouveau depuis des semaines. Depuis que le compte à rebours pour l'adoption de Harry avait commencé.
Alors, marcher, marcher pour tenir en respect la vilaine petite voix. Elle était moins endurante que lui. Ça, Remus le savait. Il y avait un moment où son esprit se laissait gagner par la fatigue du corps et où il ne pensait plus. Ou, au moins, plus dans les mêmes termes.
Quand James lui avait avoué son amour pour Lily, ça faisait quatre ans qu'ils étaient "amis". Et être l'ami d'une des plus jolies filles du collège, et une des plus intelligentes aussi, pour un petit loup comme lui, n'avait jamais été rien ! Entre ça et les maraudes entre garçons, il avait une vraie place. Alors, voir James lui demander timidement : "Tu crois que je pourrais inviter Lily à venir avec nous à Pré-au-lard… ? Je veux dire… je ne marche pas sur tes plates-bandes, Lunard ?" Ça avait été un grand moment. Il aurait pu renvoyer le grand James à ses insomnies d'une seule phrase – "Excuse-moi, Cornedrue, j'étais là le premier ! Sans rancune." Mais ça, c'était du fantasme. Il avait savouré cette possibilité, mais il avait été incapable de mettre son amitié avec James en péril. "Mais non, quelle idée ! Je suis sûr qu'elle sera contente… très contente même."
Il n'avait pas à fermer les yeux ou à se concentrer pour revoir Lily l'attendant à la sortie du cours d'Arithmancie – ils étaient les deux seuls Gryffondrors à le suivre - le jour suivant.
"Remus, faut qu'on parle !"
"Bien sûr Lily… J'ai vraiment bien aimé l'approche cabalistique du calcul des évènements violents, pas toi ?"
"C'est une de vos grandes blagues, Remus, hein, c'est ça ?"
"Quoi ?"
"L'invitation de Potter… l'héritier d'une des quatorze familles et la petite moldue, une vraie romance ça, hein ? Comment peux-tu les laisser ME faire des choses comme ça ?"
"Mais tu te trompes, Lily, je te jure, James est amoureux de toi… C'est tout."
"C'est TOUT ? Comment… comment peux-tu dire des choses pareilles, Remus Lupin ? Hein ? Qu'est-ce qui débloque comme ça dans ta tête ?"
"Lily ? Mais Lily ?"
"Et NOUS, Remus ?", avait-elle hurlé, faisant se retourner tous les étudiants. "ET NOUS ?"
Comme son silence lui avait été insupportable, elle s'était enfuie en larmes.
Comme Harry.
Comme Harry, ce dimanche pluvieux de fin d'automne. Il travaillait – enfin il faisait semblant – à son bureau. L'enfant s'était glissé sur se genoux. Silencieux et léger comme un chaton. Avait-il eu un geste agacé parce que sa plume avait glissé ? L'avait-il accueilli différemment des autres fois contre lui ? Il ne savait pas ce qui avait provoqué les larmes silencieuses de l'enfant, mais elles étaient venues s'écraser sur son parchemin.
"Harry ? Harry, tu pleures, mon cœur ? Harry, dis-moi ?"
"Dis-moi, toi ?"
"Quoi ?"
"Qu'est-ce que j'ai fait ? Hein ? Qu'est-ce que j'ai fait pour que tu ne veuilles plus de moi ?"
"Harry, mais tu te trompes..."
"Papa… j'ai peur de te perdre !"
Il avait fallu la journée entière à Remus pour regagner le sourire de l'enfant dont il s'occupait depuis deux ans. Mais dans la longue nuit sans sommeil qui avait suivi, il s'était rendu à l'évidence. Harry avait raison. Inconsciemment, malgré les promesses faites sur le Chemin de Traverse, il se préparait à perdre l'enfant.
"Parce que les loups-garous n'ont pas droit au bonheur ?" La seule personne qui ait vraiment un jour deviné ce qui se passait de manière récurrente dans sa tête était Sirius. L'insouciant, truculent, sûr de lui, Sirius. Fallait lui reconnaître ça. Sous ses airs indifférents, Sirius voyait beaucoup de choses. Il laissait à son vieil ami James le rôle du psychologue, de chef responsable, soucieux du bien-être de ses troupes. Mais souvent, il savait avant lui quand quelqu'un n'allait pas bien. Et il y allait "à la Sirius", directement, sans ambages :
"Dis-moi, Lunard, pourquoi c'est James qui sort avec Lily, hein ? Parce que les loups-garous n'ont pas droit au bonheur ?", lui avait-il lancé un jour en pleine tête et sans autre ménagement. Bien sûr Remus n'avait rien trouvé à répondre. Il avait ri. Que faire d'autre ? Se battre, Remus, se battre – et ça, dans la tête de Lunard, c'était James qui le disait.
"J'appelle maintenant comme témoin Severus Rogue", annonça Lucius Malefoy.
Le Maître des Potions traversa le prétoire comme il traversait sa salle de cours, au pas de charge avec des envolées de robes. Il vint s'appuyer contre la barre et planta ses yeux noirs dans ceux du Ministre qui présidait le Jury spécial. C'est Cornélius Fudge qui détourna ses yeux.
"Hum, voyons… Pouvez-vous vous présenter à la cour ?", arriva à articuler Fudge une fois que le greffier eut fait jurer sur sa magie à Severus qu'il allait dire toute la vérité.
"Je suis Severus Rogue, Severus Tobias Rogue."
"Quel emploi occupez-vous ?"
"J'enseigne les potions depuis six ans, à Poudlard."
"Très bien. Maître Malefoy, je vous laisse votre témoin."
"Professeur Rogue", commença aimablement Lucius Malefoy relevant adroitement les longues manches de sa robe d'avocat pour laisser apparaître de fines mains blanches manucurées et chargées de bagues. Des mains d'assassin, commenta in petto Severus. Il l'avait, après tout, vu à l'œuvre.
"Professeur Rogue, vous étiez, si mes renseignements sont exacts, étudiant à Poudlard en même temps que Remus Lupin ?", lança Malefoy avec une certaine bonhomie.
La réponse de Rogue fusa comme un coup de fouet : "Tout à fait."
Les deux hommes s'affrontèrent du regard en silence. Et non, Lucius, je ne vais pas te rendre la tâche facile, se moqua intérieurement Severus.
"Bien, bien, bien… Vous le connaissez donc depuis longtemps ?"
"On peut dire cela", reconnut Severus.
"Pouvez vous être plus explicite ?", s'agaça presque ouvertement Lucius.
"Pouvez-vous vous aussi être plus explicite dans vos questions, Maître ?", demanda Severus poliment.
Il y eut évidemment des remous dans la salle. Pour la rumeur publique, les deux hommes étaient tous les deux d'anciens Mangemorts. Pourquoi s'affrontaient-ils ainsi ? Ne s'étaient-ils pas mis d'accord avant ? Severus aurait pu leur répondre : Il a pu me forcer à venir mais il ne me fera pas dire ce qu'il veut.
"Bien", fit mine d'accepter Malefoy. "Pouvez-vous donc décrire à cette cour quel étudiant était Remus Lupin ?"
"Vous voulez dire quel condisciple, Maître ?"
Lucius était carrément agacé. "S'il vous plaît, professeur Rogue !"
"Eh bien, c'était un très bon élève – pour un Gryffondor, je veux dire... Il n'était pas non plus le dernier à faire des blagues… Il faisait partie de la bande de James Potter, les fameux Maraudeurs. Nous n'avions pas réellement de relations personnelles", énuméra Severus de sa voix la plus plate, comme s'il s'ennuyait à lui répondre.
"Et témoignez-vous que sa lycanthropie, et je cite ici votre estimé directeur, le Professeur Dumbledore, n'a jamais causé de problèmes à Poudlard ?", insista Malefoy.
Nous y voilà, pensèrent en même temps Severus, Remus et Albus Dumbledore. Mais cette question-là, elle était trop évidente. Rogue s'y était préparé :
"Vous voulez faire allusion à la lamentable blague qu'a essayé de NOUS jouer Sirius Black, Maître ?", reformula le Maître des Potions.
Lucius acquiesça avec une satisfaction affichée d'entrer dans le vif de son argumentaire pendant que le nom de Sirius Black faisait frissonner le public. Voilà, mon pauvre Patmol, toi qui voulais être célèbre, te voilà servi, pensa amèrement Remus, convaincu maintenant que rien n'empêcherait le pire d'être exposé. N'aurait-il pas dû le détester, songea-t-il confusément. Pourquoi n'y arrivait-il pas ?
"Je dois dire que sans l'inconscience de cette… personne, jamais rien ne se serait passé", reprit Severus avec une expression dégoûtée qui serra le cœur de Remus comme si elle lui était destinée. Lucius approuva inutilement de la tête. "Mais Remus Lupin ne peut pas en être tenu responsable, n'est-ce pas ?", jugea le Maître des Potions à la surprise générale. "Il était déjà transformé et sans contrôle sur ses pulsions… Et ce sont ses amis, je veux dire, c'est James Potter, le père d'Harry, qui m'a sauvé… Je veux dire, qui nous a sauvés, Remus Lupin et moi, d'une confrontation malheureuse", précisa-t-il encore en ayant l'air de se forcer à faire la part des choses mais en écroulant néanmoins l'argumentaire de Malefoy qui semblait avoir envie d'étrangler son témoin.
Sur son banc, Remus était bluffé. Bien sûr, ses relations depuis trois ans avec Severus n'avaient rien de commun avec leurs relations d'adolescents. Bien sûr, il s'était excusé un matin. Bien sûr, il avait accepté d'être l'un des enseignants d'Harry, liant avec l'enfant d'étonnantes relations d'estime mutuelle. Bien sûr, il l'avait prévenu de la demande de Lucius. Mais jamais Remus ne l'aurait cru capable d'en tel aggiornamento public. Jamais. Son regard croisa celui de Dumbledore assis à quelques rangs de lui. Le vieux professeur hocha la tête comme pour lui dire : "Le temps, Lupin, le temps, seul, peut faire cela."
Pendant ce temps, Lucius Malefoy essayait de faire dire à Rogue que Harry n'avait pas sa place à Poudlard – un endroit trop dangereux, non ? Et la Forêt magique ? Toutes ces insinuations avaient été balayées d'un revers de manche par le Maître des Potions :
"Essayez-vous de me faire dire qu'une école n'est pas un lieu d'accueil sûr pour un enfant, Maître ? Qu'une équipe de professeurs considérés parmi les meilleurs d'Europe n'était pas capable de répondre aux besoins d'un enfant de sept ans ? Il n'y a finalement plus que quatre années avant que Harry n'entre à Poudlard… À moins que vous ne pensiez, Maître, qu'il ne recevra pas sa lettre ?", avait conclu Severus non sans ironie.
D'ailleurs, le public avait ri. Bien sûr que Harry Potter irait à Poudlard !
Lucius changea d'angle d'attaque :
"Comment caractériseriez-vous les relations entre Harry Potter et Remus Lupin ?"
Rogue laissa errer son regard dans le prétoire. Que répondre ?
"Écoutez, je dois reconnaître que je suis mauvais juge. Je n'ai pas d'enfant à moi. Mes souvenirs de mon père ne constituent pas une référence... adéquate pour vous répondre.… Je ne suis pas non plus en permanence dans leur intimité. Mais, à ce que je peux en juger ce sont les relations d'un père et d'un fils… Lupin a donné à Harry beaucoup d'affection et de confiance en lui depuis deux ans. Harry semble heureux avec lui… le respecter aussi… respecter son jugement… Mais là encore, qui suis-je – j'oserais même dire qui : sommes-nous tous ici assemblés – pour juger de leurs relations ?"
Le brouhaha qui suivit les paroles de Severus fit comprendre à Lucius Malefoy qu'il avait perdu la partie.
oooo
"Papa ! Papa !"
L'enfant entra en courant dans le tribunal, lâchant d'un coup la main du docteur Smiley. Les gens s'écartèrent devant lui, les journalistes n'osèrent pas l'arrêter. Ils tournèrent tout de même leurs appareils photo vers le premier rang où Remus serrait la main de Fudge qui le félicitait du bout des lèvres.
Lupin se retourna instantanément en entendant sa voix, soulevant Harry dans ses bras et le faisant tournoyer. Une belle photo que bien des familles de sorciers allaient garder : la naissance tournoyante et officielle d'Harry James Potter-Lupin !
