Entre Lune et Étoile
Chapitre 21 – Six jours avant la pleine lune…
Des bruits confus réveillèrent Harry. Des bruits qui n'allaient pas avec sa chambre d'habitude si tranquille : des voix inquiètes, des pas énervés, des claquements de porte… Harry se dressa à demi sur son lit et chaussa immédiatement ses lunettes pour voir Ron en pyjama qui écoutait l'oreille collée contre la porte.
« Qu'est-ce qui se passe ? », demanda-t-il en étouffant un bâillement
« Je ne sais pas… Ça m'a réveillé… Je viens d'entendre ton père… Il a dit un truc comme 'je m'habille'…On va voir ? »
Harry regarda son réveil. Il n'était même pas six heures du matin ! Normal qu'il se sente fatigué !
« Attend ! Papa ne veut pas qu'on se lève avant neuf heures. »
« Il a dit ça quand ? »
« Cette nuit », répondit laconiquement Harry en se laissant retomber sur ses oreillers. Il ne se sentait pas le courage d'avouer à Ron, tout à trac, combien sa petite expédition s'était mal terminée.
« Cette nuit ? Non ? Tu t'es fait prendre ? », interrogea pourtant Ron en revenant vers lui.
Mais Harry n'eut pas le temps de répondre car la porte s'ouvrit sans ménagement devant Remus. Il s'était clairement habillé à la hâte. Si son visage était moins effrayant que la nuit passée, il n'avait rien de serein ou de reposé.
« Ah les garçons, vous êtes réveillés, tant mieux… Habillez-vous, vite ! Vous ne pouvez pas rester là. »
Ron et Harry échangèrent des regards surpris mais s'empressèrent d'obéir. Remus ressortit, et ils l'entendirent annoncer à quelqu'un qu'il avait « qu'à commencer sans lui ». Quand il revint, Ron enfilait sa robe de sorcier – ils étaient revenus à Poudlard, non ? - et Harry ses chaussettes.
« Que se passe-t-il ?», s'enquit ce dernier, la curiosité cédant progressivement à l'inquiétude.
« Hum… Disons que notre ami le rat s'est échappé », expliqua Remus avec un instant d'hésitation. « Quelqu'un l'a certainement aidé… »
Harry dévisagea son père. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Comment était-ce possible ? Et Quirrell et Minerva qui devaient le garder ? Mais avant qu'il n'ait pu poser une de ces questions, Ron intervint, très excité :
« Croûtard ? Heu, je veux dire... Comment as-tu dit qu'il s'appelait, Harry, déjà ? »
Harry ferma les yeux. Vraiment, Ron ne savait pas se taire ! Quand il les rouvrit, Remus s'était laissé aller avec un certain découragement contre le chambranle et secouait la tête. Harry ouvrit la bouche sans trop savoir quelle explication il pourrait donner, mais Remus leva la main et l'interrompit d'une voix lasse :
« Nous n'avons pas le temps de discuter. Vous allez finir votre nuit à l'infirmerie avec Poppy. Emmenez des jeux, des livres… Non, Ron, les game-boys ne marchent pas à Poudlard… »
Minerva et lui avaient cherché partout, se montrant l'un l'autre des passages et des raccourcis que l'autre ignorait. Ils devaient se rendre à l'évidence : Queudver n'était nulle part. Remus avait même pensé, au bout d'un moment, à demander à Rusard s'il avait toujours la carte des Maraudeurs :
« Le parchemin que vous nous aviez confisqué en septième année ? Vous vous rappelez ? Vous l'auriez toujours ? »
Mais le concierge eut beau retourner son bureau en maugréant, rien ne ressemblait au vieux parchemin qui avait accompagné leurs promenades nocturnes.
« Vous l'aurez détruit », supposa Lupin, à peine étonné de son manque de chance.
« M. le directeur, je ne détruis rien, moi… Seuls les élèves détruisent ici… L'un d'eux l'aura chapardé ! », s'indigna le concierge.
De toutes façons, songea Remus, Peter doit être loin. Il n'avait rien à espérer à rester aux alentours… À part se venger ? Sa gorge se serra. Aurait-il un jour cru qu'il aurait peur du petit Peter ?
Les deux professeurs avaient demandé à tous les portraits de les aider. Mais les seuls témoignages qu'ils avaient pu recueillir parlaient seulement d'un rat qui courait de toutes ses pattes en rasant les murs. Comment diable avait-il pu, sans baguette, pétrifier Quirrell ? Remus ne savait pas ce qui l'exaspérait le plus : que Peter se fut enfui ou que Quirrell n'ait même été capable de le retenir ? Il s'en voulait d'avoir confier la garde à son timide et jeune professeur. C'est vraiment un incapable ! - rageait-il, tout en s'inquiétant pour lui. Et en plus, me voilà sans professeur à neuf jours de la rentrée ! Espérons que Poppy se trompe et qu'il sera vite sur pied.
Mais il savait pertinemment que Poppy ne se trompait jamais… Quirrel ne pourrait se remettre qu'avec une potion à base de mandragore, et il faudrait des semaines avant que des plants soient à maturité ! Il fallait aussi que Severus soit rentré pour préparer cette potion ! Encore un qu'il faut que je retrouve ! Où est-il donc passé ? s'irrita-t-il encore. En résumé, sans professeur de défense contre les forces du mal, il allait devoir assurer lui-même tous les cours de cette matière en attendant de trouver un hypothétique remplaçant, plus son rôle de directeur, plus Harry – qui semblait avoir besoin de lui plus que jamais ! -, plus essayer de faire rouvrir le procès de Sirius – rien que ça ! -, plus ces histoires de Malefoy… Au fait, il ne savait toujours rien de ce qui inquiétait tant Minerva hier soir – était-ce seulement hier soir ? Il passa deux mains fatiguées sur son visage mal rasé. Il devait tenir le coup…
« Bon Minnie… va falloir se résoudre à passer à autre chose… », conclut-il à haute voix.
Sa vieille amie soupira et murmura :
« Quel dommage qu'Albus n'ait pas été là… Au moins, il pourrait faire quelque chose pour Sirius… »
« Mais je n'ai pas l'intention de ne rien faire ! », s'indigna-t-il.
« Ce n'est pas pareil, Remus, et vous le savez bien », contra calmement la professeure de Métamorphoses.
Cette dernière remarque l'irrita plus encore. Lui aussi avait plutôt confiance en Dumbledore, cela allait sans dire, mais les gens exagéraient… Aussi puissant soit-il, le vieux sorcier n'aurait rien pu faire tout seul ! Mais ce n'était pas le moment de se disputer avec Minerva.
« Puisque nous sommes dans les choses désagréables », demanda-t-il après avoir pris une grande inspiration, « Racontez-moi donc ce que me veut Malefoy ? »
Il vit Minerva se mordre la lèvre inférieure.
« C'est si grave que ça ? »
« Je ne sais pas… C'est une manœuvre compliquée… Vous savez que Albus a milité auprès du Ministère pour qu'on reprenne les échanges scolaires avec les autres écoles de magie européennes ? »
Remus hocha la tête.
« Mais les choses allaient lentement tant du côté anglais que du côté français ou du côté bulgare… Cet été, Malefoy a demandé au ministre de le charger d'une ambassade en Bulgarie… Fudge a dû être trop content de se débarrasser de lui ! » estima Minerva méchamment. « La semaine dernière, retour de la famille Malefoy accompagnée de Karkarov, le directeur de Durmstrang. Mais vous n'étiez pas là, Albus non plus… J'ai… Enfin, Severus et moi, nous avons d'abord pensé attendre votre retour. Malefoy a alors accordé une longue interview pleurnicharde à la Gazette disant que personne ne l'aidait… qu'il s'inquiétait de la disparition de toute l'équipe dirigeante de Poudlard à moins de quinze jours de la rentrée, etc. Hier – ou était-ce avant-hier, je ne sais plus où j'en suis – Severus a appelé Malefoy puis il est parti précipitamment pour Londres…sans vraiment me dire pourquoi… »
« Mais si, professeur McGonagall, je vous ai dit POURQUOI j'y allais ! »
Remus et Minerva sursautèrent. Au moment où ils allaient quitter le hall d'entrée, Severus, dans une envolée de robes, entrait à grands pas par la grande porte. Il n'avait pas l'air très heureux à première vue, mais Remus comme Minerva avaient trop de pratique de Rogue pour s'arrêter à une première impression.
« Ah Severus, tu peux dire que je suis content de te voir ! », l'accueillit Remus réellement soulagé – Voilà enfin quelque chose qui venait à lui et qu'il n'avait pas à traquer !
« Vraiment, 'M. le directeur' ? », commença Rogue sans ambages. « Tu réalises, j'espère, que la maison brûle ? Allons donc dans ton bureau ! »
« Allez-y tous les deux, je vous rejoins tout de suite ! Je vais demander à Hagrid de s'occuper des garçons… Ils ne vont pas rester toute la journée à l'infirmerie ! », répondit Remus laissant à dessein percer dans sa voix son agacement. Il faudrait que Severus apprenne à prendre un ton moins condescendant avec lui ! Il ne put manquer le regard sombre qu'échangèrent Severus et Minerva en entendant ses paroles. Ils ne semblaient pas particulièrement chérir l'idée d'être seuls tous les deux !
« À l'infirmerie ? », s'étonna à haute voix Severus d'une voix moins agressive.
« En chemin, Minerva te racontera… Nous avons eu une fin de vacances…surprenante ! », répondit-il laconiquement en leur tournant résolument le dos. Qu'ils se débrouillent tous les deux ! songea-t-il avec un peu de colère.
À l'infirmerie, Harry et Ron attaquaient leur troisième partie d'échecs sorciers, après quatre parties de Quidditch miniature et un petit-déjeuner pantagruélique. Harry s'était d'ailleurs demandé si Linky avait dormi après les avoir quitter vu la quantité de nourriture qu'elle avait préparée. Il avait été content de voir qu'elle avait respecté les ordres de Remus et qu'elle ne présentait aucune nouvelle cicatrice… Il aurait détesté la voir renvoyée à cause de lui !
Maintenant la matinée s'étirait dans le silence de l'infirmerie - un calme qui laissait à Harry beaucoup trop de temps pour réfléchir aux évènements récents. Comment Peter avait-il pu s'enfuir ? Il n'avait aucune information sur le sujet mais, si frêle et timide soit Quirrel, Peter n'avait pas paru tellement en meilleure forme. « Mais c'est un traître », se rappela sombrement Harry, « il est habile à cacher ce qu'il est. Il a trahi mes parents, ses meilleurs amis, sans que personne ne le soupçonne ! N'en avaient-ils pas été réduit à penser que Remus était le traître ?– Harry n'arrivait même pas à le concevoir ! Remus qui l'avait sauvé, qui devait se battre chaque matin contre tellement de préjugés et d'injustices ! « Remus, que tu viens de laisser tomber en beauté ! », se reprocha-t-il amèrement.
« Vraiment Harry, concentre-toi, sinon je vais encore gagner ! », s'agaça Ron.
« Gagne donc… », soupira Harry tout à ses pensées : Non, il n'arrivait pas à comprendre comment les quatre amis, dont Remus avait encore et encore raconté les exploits, avaient pu se déchirer entre eux comme cela. Sans parler de Lily ! Peter l'avait présentée comme la seule qui ait défendue Remus – et Harry était content de penser que sa mère n'avait pas succombé à la suspicion générale.
Mais en face de lui, Ron s'inquiétait de son renoncement – non que Harry partage totalement sa passion pour les échecs, mais il mettait généralement un point d'honneur à se battre pied à pied.
« C'est à cause de cette nuit ? », demanda donc le rouquin d'un ton attentionné.
Harry haussa les épaules. C'étaient moins les évènements de la nuit dernière eux-mêmes que les perspectives qu'ils ouvraient. Est-ce qu'on pouvait sauver son parrain d'Azkaban ? Est-ce que Remus avait réellement été amoureux de Lily ? Est-ce que Remus pourrait lui pardonner ? Il frissonna.
« Je suis désolé, Harry, sincèrement... Je ne pensais pas... J'aurais dû comprendre que c'était un secret... », reprit Ron, clairement embarrassé.
« Comment aurais-tu pu savoir !», soupira de nouveau Harry.
Ron secoua la tête en réalignant les pièces.
« Ton père m'a fait jurer le silence pour bien moins que ça », il lui rappela. « J'espère que tu ne vas pas trop te faire gronder après ! »
Ça..., songea Harry, je me fais prendre à écouter aux portes... Je te dis un secret.. Il revit l'air distant et triste de Remus, ré-entendit le ton découragé avec lequel il avait soupiré « Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? », et son angoisse latente n'alla pas mieux.
« Ma mère, elle me tuerait sur un coup comme ça », estima Ron sans doute pour le consoler.
Malgré son inquiétude, Harry ne put s'empêcher de sourire : il doutait que les Weasley aient le même type de secret et il les enviait. Ron lut-il dans son esprit ? - il ajouta plus bas comme si Poppy risquait de les entendre :
« Mon père travaille en cachette sur une voiture... qui vole ! »
« Les voitures roulent, Ron », corrigea machinalement Harry.
« Celle-là, elle roule mais elle vole aussi », insista Ron.
« Ça n'existe pas », estima Harry.
« Elle est un peu arrangée.. magiquement », expliqua son ami.
Harry fronça les sourcils, pas réellement convaincu, quand la grande silhouette d'Hagrid assombrit l'infirmerie.
« Mme Pomfrey, bonjour ! »
« Bonjour Hagrid ! »
Une fois de plus, Harry nota que personne ne prenait la peine d'appeler Hagrid par son prénom ou par un titre quelconque – comme Monsieur, par exemple. Il ne s'expliquait pas cette familiarité. Seuls, les élèves appelaient Rusard entre eux sans ajouter monsieur !
« Je viens chercher ces deux graines de potence ! Ordre de M. le directeur ! »
« Ah tant mieux, ils vont devenir chèvre ici ! »
« Bonjour, les garçons ! Alors ça vous dit de passer le reste de la journée avec moi ? »
« Toute la journée ? », s'enquit Harry le cœur serré. Que se passait-il donc ? Son père n'allait-il jamais venir leur dire quoi que ce soit ?
« A priori, oui… Même le dîner », confirma Hagrid, visiblement plus content qu'Harry. « Vous allez me raconter vos vacances, hein ? »
ooo
Quand Remus revint à son bureau, il sut tout de suite que Minerva et Severus s'étaient disputés. Il ferma les yeux, fatigué par avance de devoir gérer ce différend en plus de tout le reste. Il se résigna pourtant à quitter le rôle du gentil Remus pour endosser celui du directeur de Poudlard.
« Bien. Voilà, je suis libre jusqu'à ce soir… Bon, alors Severus, raconte-moi donc quelle force surhumaine a réussi à t'extirper de tes cachots... »
Si le propos semblait anodin, la voix avait pris cette légère inflexion qui apprenait à ceux qui le connaissaient bien qu'il n'entendait pas qu'on lui résiste. Le maître de potions ne s'y trompa pas.
« Mais bien sûr, M. le directeur », commença-t-il avec un petit salut ironiquement déferrant de la tête. « Le professeur McGonagall ne pensait pas que ça soit utile, mais je me suis dit qu'en tant que sous-directeur de Poudlard… »
Sa voix insista sur le titre. Minerva leva les yeux aux ciels, Remus resta impassible
« …Je ne pouvais pas laisser continuer la cabale de Malefoy sans intervenir. Je ne savais pas où te joindre » – il y avait un reproche latent dans cette dernière affirmation. Remus l'entendit. « Lucius m'a contacté directement. Le grand jeu : 'Nous sommes amis depuis si longtemps… je suis si inquiet pour Poudlard… Et mon fils qui va y entrer…' Je te passe les détails. Je ne pouvais pas refuser. »
En concluant sa phrase, Severus s'était penché en avant et avait plongé ses yeux noirs dans ceux de Remus qui resta imperturbable. C'est donc ça qui inquiète tant Minerva, songea-t-il. Qu'il ne résiste pas aux propositions de Malefoy ?
« Je n'ai jamais dit que tu avais eu tort de le faire », répondit-il sans briser le contact visuel.
Minerva ne disait rien.
« Et alors, qu'est-il sorti de vos grandes retrouvailles ? », s'enquit encore Remus, légèrement ironique.
« J'ai refusé de prendre ta place -il me l'offrait ! Je lui ai dit que je LUI étais plus utile comme ça… »
« Vous ne pouvez pas trahir Poudlard, Rogue ! », s'emporta Minerva quittant sa réserve.
Remus leva la main pour lui demander de se taire.
« Plus utile, Severus ? »
« N'était-ce pas la stratégie suivie par notre ancien directeur à tous ? Vendre un duo, un Dumbledorien contre un Malefoyien pour rassure le bon peuple sur l'union de la communauté magique ? », répondit celui-ci de sa voix la plus mielleuse.
Celle que Sirius imitait si bien, s'amusa intérieurement Remus. Enfin, il n'avait plus à se cacher combien son vieil ami lui manquait ! Enfin une chose positive !, conclut-il toujours sans rien laisser paraître des sentiments qui l'assaillaient.
« Suis-je donc autre chose que encore et toujours fidèle à Poudlard ? », continuait Rogue tout à sa plaidoirie. « N'ai-je donc pas calmé Malefoy et pallié à ton absence en arrangeant une visite de Karkarov et de tout le comité demain après-midi ? Je suis d'ailleurs content de voir que tu es déjà rentré ! »
Un silence de plomb tomba ensuite sur le bureau. Severus s'était drapé dans sa dignité. Minerva se mordillait la lèvre, visiblement soucieuse de laisser Lupin affirmer son autorité. Remus, lui, se donnait le temps de la réflexion. À quel point Rogue est-il jaloux ? Ce n'était jamais facile de séparer la posture des réels sentiments de Severus. Il reprit de sa voix la plus calme :
« Je n'ai pas demandé ce rôle… »
« Je le sais. Tu le sais. Lucius, lui, ne le croit pas… Il ne peut pas imaginer que certaines personnes puissent rechercher autre chose que du pouvoir… »
Il y avait du dégoût dans la voix de Severus. Remus pesa ses paroles et décida de leur offrir le bénéfice du doute – il savait combien Rogue avait appris à détester le pouvoir.
« Demain après-midi ? »
« Oui. »
« Bien. Nous avons le temps de faire face. Peux-tu contacter tous les professeurs qui ne sont pas encore rentrés et leur demander d'être là ce soir à 18 heures ? Nous ferons le point avant de recevoir cette fameuse 'inspection'. Minerva, pouvez-vous trouver un endroit pour cacher Quirrell ? »
Il fut heureux de se sentir à la hauteur de la tâche. Malgré la fatigue, malgré l'urgence qui l'aurait poussé à s'occuper de toute autre chose, il était capable d'être LE directeur de Poudlard. Dumbledore ne s'était peut-être pas trompé. En parlant, il s'était tourné vers Minerva et vit dans ses yeux combien elle doutait de Rogue. Il faudrait qu'il leur parle à chacun en privé. Il ne pouvait pas se faire une opinion ici, là maintenant, fatigué comme il l'était.
« Oui, M. le directeur », répondit-elle néanmoins en sortant immédiatement – comme si la présence de Rogue lui était insupportable. Severus s'était lui aussi levé, acceptant tacitement les ordres de Remus, mais s'attardait comme s'il avait encore quelque chose à dire.
« Severus ? »
« Lupin… Poudlard a plus que jamais besoin de stabilité. Comment dire…hum…Je ne pense pas que le sauvetage d'un soi-disant innocent entre dans une quelconque stratégie pour préserver l'autonomie de cette école… voire la santé de son directeur – si je peux me permettre ce commentaire personnel, bien sûr. »
Remus sentit ses muscles fatigués par le manque de sommeil et la lune montante se crisper. La dernière chose pour laquelle il se sentait prêt aujourd'hui c'était de discuter avec Severus de Sirius ! Il savait que le maître de potions n'avait jamais pardonné à Sirius d'avoir fait de lui le souffre-douleur de James. Sa haine du pouvoir gratuit englobait Sirius et James, leur autorité naturelle sur leurs camarades et leur manque de retenue quand ils l'exerçaient. Peut-être que si Severus avait été là quand Peter racontait, il aurait compris que cette haine était surdimensionnée. On ne sacrifie pas des vies par ressentiment, songea Remus. Il décida de biaiser.
« Tu savais que Peter travaillait pour Voldemort ? », demanda-t-il à brûle-pourpoint.
« Non. »
Un léger haussement des sourcils répondit à Severus.
« Je te jure que non ! »
Les deux hommes se mesurèrent du regard. « Crois ce que tu veux !», semblait dire Severus. « Fais attention, je finirai par le savoir ! » répondait en silence Remus.
« Je ne veux que la justice », expliqua doucement Lupin après un moment.
« La justice ? Mais QUELLE justice ? La justice aurait été que Dumbledore vous punisse VRAIMENT pour tout ce que vous m'avez fait subir, il y a quinze ans ! La justice aurait été que Voldemort soit PRIS ! La justice ? Il n'y a que des injustices et des combats solitaires pour l'oublier ! »
Severus s'était enflammé, ponctuant ses phrases de grandes envolées de manches. Cette position était très proche de celle de Peter, remarqua Remus. Était-ce ça les Mangemorts ? Des déçus de la justice ?
« La justice », répondit Remus patiemment, sur le ton qu'il employait pour raisonner Harry. « C'est de reconnaître ses torts, c'est de chercher des solutions collectives et durables… Ce n'est ni la vengeance, ni le spectacle… C'est long, difficile et hasardeux. »
Severus ramena sa mèche de cheveux sur le côté sans répondre. Il cherchait visiblement à se calmer, mais ses mains tremblaient. « Était-il si sincère à l'instant qu'il ne puisse maîtriser ses émotions ? », se demanda Lupin, intrigué. Mais ce n'était ni le lieu ni le moment pour une telle conversation.
« Maintenant », continua sur le même ton Remus. « Je voudrais que tu te concentres sur l'avenir de Poudlard… »
« Mais, bien sûr, 'M. le directeur' », répondit sèchement Rogue en sortant immédiatement du bureau.
oooo
Dans la cabane d'Hagrid, seul Ron semblait partager la bonne humeur du garde-chasse. Tous deux commentaient avec précision les qualités des différents dragons européens. Harry les écoutait les yeux dans le vague. Il attendait que Remus revienne. Il n'avait fait que ça de toute la journée. Il voulait savoir ce qui c'était réellement passé. Il voulait savoir ce que son père avait décidé d'entreprendre pour sauver Sirius. Il voulait aussi désespérément qu'il le prenne dans ses bras et qu'il lui dise qu'il ne lui en voulait pas.
Soudain, des coups brefs retentirent. Hagrid se leva et ouvrit la porte à un Remus Lupin positivement épuisé mais souriant.
« Bonsoir Hagrid ! Bonsoir les garçons ! »
« Papa ! », commença Harry en sautant sur ses pieds. Il s'arrêta net devant le regard curieux de Ron. Finalement ce n'était peut-être pas plus mal qu'il rentre chez lui celui-là ! s'agaça-t-il mal à l'aise devant son ami. Ron ne savait ce que c'était d'être seul au monde ! Il avait toujours vécu dans une famille nombreuse et aimante. Il ne savait pas combien Harry avait besoin de l'amour de Remus.
« Bonsoir M. le directeur », salua Hagrid avec une déférence qui fit sourire Remus.
« Allons Hagrid, j'aimerais beaucoup que vous soyez moins cérémonieux avec moi dans des moments comme celui-ci… Rappelez-vous quand vous nous courriez après dans la forêt, hein ? Vous étiez, comment dire, plus direct ! »
Hagrid eut l'air un peu gêné. Lui aussi se souvenait de ses menaces et de ses colères contre les Maraudeurs.
« Mais… »
« Et vous aviez raison de l'être, Hagrid !», continua Remus toujours souriant.
« J'essaierai, Prof... », commença le garde-chasse.
« Remus ? »
« Je ne sais pas si j'y arriverais ! »
« Comme vous voulez, Hagrid, comme vous voulez… Et ceux là, ils vous ont fait courir ? »
« Eux ? Non, professeur, non ! Ils m'ont juste raconté leurs vacances ! »
Harry et Ron virent bien la furtive flamme d'inquiétude qui s'alluma dans les yeux de Lupin. Ron fut le plus rapide – il savait qu'il avait causé des problèmes à Harry le matin même. Il le regrettait. Il voulait aussi que Remus ne doute pas qu'il se tairait sur tout ce qu'il avait vu :
« Oui, les Moldus, les magasins, les jeux, les musées », commença-t-il. « C'était vraiment super ! »
Remus respira plus librement. Vraiment ! Il nous prend vraiment pour des imbéciles !, songea amèrement Harry.
« Bon, bon, tant mieux… Et puis, tu as mieux fait de t'entraîner ! Tes parents vont arriver d'une minute à l'autre ! », commença Remus en fixant Ron comme pour lui rappeler leur marché. D'un signe de tête, l'enfant confirma qu'il avait compris l'allusion.
« Oui, je sais, je sais… », s'excusa presque Remus, « Je ne vous ai pas prévenus mais voilà, une inspection surprise arrive demain… J'aime autant que tu ne sois pas là, Ron et ton père est d'accord avec moi sur ce point… D'ailleurs Hagrid, le professeur Gobe-Planche aura besoin de vous demain matin…», continua-t-il ensuite d'un ton badin.
Une inspection ? Est-ce que ça a quelque chose à voir avec Peter ? Harry eut hâte qu'ils soient seuls, peut-être en saurait-il plus ! Juste avant de se dire qu'il n'avait pas récemment démontré qu'on pouvait lui faire confiance et que sans doute Remus allait être plus réticent à lui donner des informations. Ses remords revinrent en masse.
« Bon, je crois que je n'ai pas besoin de dire que je suis fatigué…hein ? ça se voit », constata Remus. « Alors, dépêchons messieurs… on rentre vite au château ! », conclut-il en frappant dans ses mains comme s'il allait faire la classe.
Quand ils sortirent de la cabane, le vent d'automne faisait tournoyer les feuilles dans la nuit.
« Brrr », commenta Lupin en se frottant les bras. « On court ? Le dernier au château a perdu ! »
Sans attendre, il partit en courant, poursuivi par Harry et Ron. Ils n'arrivèrent pas à le rattraper. En entrant dans le château, Ron glissa à l'oreille d'Harry
« Il est quand même trop cool, ton père… vraiment ! » Harry se sentit sourire. Lui aussi était plutôt fier de Remus…et son sourire se figea en pensant que ce dernier ne devait pas être aussi fier de lui.
Il était si inquiet qu'il eut du mal à faire bon accueil aux Weasley. Se trompant sur les causes de son chagrin, Molly lui assura qu'il reverrait Ron très bientôt. Arthur fit un commentaire désobligeant sur les manœuvres de Malefoy. Molly s'inquiéta de la santé de Remus qui mit, avec aplomb, sa mine épouvantable sur le compte de la lune montante. Les deux Weasley se laissèrent rassurer par le verdict de Mme Pomfrey sur la bonne santé de Ron et parurent tout à fait convaincus que des Moldus pouvaient vacciner quelqu'un juste parce qu'il voulait voir des serpents ! Ils repartirent finalement très vite, arguant qu'il était déjà tard et qu'ils avaient laissé le reste de la tribu seule.
Quand les Weasley embarquèrent dans un carrosse de Poudlard qui les ramenait vers la gare, Remus et Harry entreprirent lentement et silencieux de regagner leur appartement. L'enfant sentait son coeur battre sourdement dans sa poitrine. Il était plus ou moins certain qu'ils ne pouvaient pas en rester là – que Remus n'en resterait pas là. Il ne savait pas exactement ce qui s'était passé la nuit dernière, à quel point l'évasion de Pettigrow était de sa faute par exemple, mais il était convaincu qu'il avait mal agi. À bien y réfléchir, et il avait eu toute la journée pour ça, il était très étonnant que Remus ne l'ait pas déjà grondé – il l'avait grondé pour des choses bien moins graves dans le passé. L'absence de sanction paraissait presque inquiétante à Harry.
Mais, en rentrant dans l'appartement, Remus se dirigea vers son bureau, toujours sans un mot pour lui. Il y avait deux nouveaux hiboux à la fenêtre, et il entreprit de lire leurs messages séance tenante. Son dos tourné était tendu, Harry le sentait et s'en désolait.
« Il est furieux », songea-t-il. « Il est tellement furieux contre moi qu'il n'arrive même pas à me parler. » Harry aurait bien voulu trouver les mots pour s'excuser mais aucun ne lui semblait convenir. Dans un grand moment de désarroi, il décida que le mieux était sans doute de se faire invisible.
« Je vais dans ma chambre », annonça-t-il d'une voix un peu timide.
Remus leva brusquement la tête de la lecture du parchemin qui l'avait occupé jusqu'à présent pour demander :
« Quoi ? »
« Je vais... me coucher », précisa Harry passablement inquiet de sa réaction. Il avait voulu faire un geste de paix et de soumission et n'était pas sûr d'avoir été entendu.
« Non », le coupa Remus en posant le parchemin aussi brusquement qu'il avait parlé. « Assied-toi », ajouta-t-il en montrant le canapé. Se rendant sans doute compte de la brutalité de sa voix, il précisa plus doucement. « S'il te plaît, je sais qu'il est tard, mais il faut qu'on parle. »
Harry obéit immédiatement, non qu'il tienne particulièrement à la conversation qui semblait s'imposer, mais parce que le ton ne semblait réellement laisser une place à la contestation éventuelle. Remus vint s'asseoir en face de lui. Son visage lui sembla tiré et distant, et Harry sentit son estomac se serrer. Décidément, il lui en voulait.
« J'ai beaucoup réfléchi aujourd'hui, Harry », commença Remus en ayant l'air de chercher ses mots. « J'ai réfléchi à comment... continuer... »
Le cœur d'Harry s'arrêta. Continuer ? Ses pires craintes semblaient trouver confirmation. « Qu'est-ce que je vais faire de toi ? », avait dit Remus la veille. Pouvait-il avoir déjà trouvé où l'envoyer ? Des larmes brûlantes aux yeux, Harry balbutia sans écouter plus avant :
« S'il te plaît, pas chez les Dursley... Papa, s'il te plaît! »
« Pardon ? »
Harry avait trop de larmes en lui pour répondre, et Remus fronça les sourcils.
« Qu'est-ce que... pourquoi tu me parles des Dursley ? », insista-t-il suspicieux et sévère.
Harry haussa les épaules, dépassé par ses craintes, ses remords et son chagrin.
« Qu'est-ce que tu vas faire de moi ? », demanda-t-il totalement désespéré. La seconde suivante Remus l'avait empoigné par ses deux bras et le tenait debout devant lui.
« Harry ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Combien de fois vais-je devoir te répéter, Harry, que tu es ici chez toi ? Hein ? Combien de fois ? Tu crois vraiment que je POURRAIS te renvoyer... » La voix de Remus se cassa et il reprit plus doucement: « Harry, c'est ce que tu penses de moi ? »
L'enfant secoua la tête, terrifié de la réaction de Remus et rasséréné en même temps.
« Je ne sais pas », finit-il par articuler. « Tu avais l'air tellement en colère... »
Les mains de Remus sur ses bras se desserrèrent légèrement comme s'il craignait de renforcer l'impression de Harry.
« Harry », soupira-t-il en secouant la tête. « Harry, tu es mon petit garçon... Même si je ne suis pas...James, je... Harry, seules des choses terribles pourraient nous séparer avant que tu sois en âge de voler de tes propres ailes... Des choses plus terribles que n'importe quelle bêtise que tu pourrais faire... Je te le jure. »
Il assit doucement Harry sur l'un de ses genoux mais face à lui, tenant visiblement au contact visuel. Malheureusement, il rencontra des lunettes fort embrumées par l'humidité du visage d'Harry. Avec un sourire en coin, il s'en empara et les essuya avec un pan de sa chemise avant de les reposer sur le nez de l'enfant.
« En fait, c'est justement de ça que je voulais te parler », reprit-il ensuite d'un ton précautionneux. « Si tu m'avais simplement désobéi et que je t'avais retrouvé te promenant dans les couloirs quand je te croyais sagement dans ton lit, ce serait facile pour moi, Harry : Il suffirait de t'imposer pendant une semaine de te coucher directement après le dîner et d'espérer que tu comprennes ainsi ce qu'il y a à gagner à respecter mes instructions... »
Une ébauche de sourire moqueur traversa le visage de Remus quand Harry grimaça bien à l'idée d'aller se coucher comme un bébé juste après dîner. Mais l'enfant ne protesta pas, inquiet de penser que Remus n'avait pas fini avec lui. Il n'y avait qu'à voir le un visage horriblement sérieux qu'il avait pris pour continuer :
« Mais la question est plus grave, Harry. Et ce n'est sans doute pas totalement juste pour toi, sauf que je ne vois pas comment y échapper. »
L'enfant osa à peine s'essuyer le nez sur sa manche.
« Harry, je crois t'avoir expliqué aussi clairement que je le pouvais que, un, ma situation de loup-garou arrivé à un poste qu'aucun lycanthrope britannique n'a jamais pu atteindre et, deux, la fragilité de cette situation... »
Comme Remus s'arrêta, Harry comprit qu'il devait acquiescer pour montrer qu'il savait de quoi il parlait.
« Ensuite, je ne t'ai pas caché... enfin, je t'ai dit, même quand je n'en étais pas sûr, que... que le rat de Ron était sans doute la clé... l'explication qui nous manque à tous depuis des années pour éclaircir... pour savoir comment tes parents ont pu être trahis, Harry... »
Remus déglutit plusieurs fois, visiblement ému, avant d'être capable de continuer :
« Je t'ai expliqué des choses qui n'étaient pas de ton âge, aussi simplement que je le pouvais, parce que j'avais besoin que tu comprennes, Harry, parce que c'était ton histoire – comme tu me l'as fait remarquer », insista encore Remus, l'émotion patente dans sa voix maintenant. « Et j'ai pensé...que tu sentirais de toi-même les risques que nous courrons tous à essayer de trouver cette vérité... - que tu comprendrais à la fois que je n'ai pas le temps de plus t'expliquer tout de suite et que j'ai besoin de te savoir en sécurité... »
Comme Harry savait qu'il n'avait jamais, à aucun instant, réfléchi à la situation sous cet angle, il piqua du nez. Pourtant présenté comme ça, il avait l'impression qu'il aurait en effet dû le sentir. Remus soupira.
« Mais visiblement, je me suis trompé parce que non seulement tu ne m'as pas fait assez confiance pour rester dans ton lit, mais tu as raconté à Ron des choses qu'il n'avait absolument pas besoin de savoir ! »
« C'était son rat », essaya faiblement Harry. « Il voulait savoir pourquoi... »
« Ce que tu lui as raconté, Harry, c'étaient des hypothèses, des hypothèses extrêmement audacieuses que, je m'en rends compte maintenant, je n'aurais pas dû partager avec toi », le coupa Remus.
« C'est de ma faute s'il s'est enfui », s'accusa Harry amèrement.
« Non Harry, non, mais... Comment te faire comprendre ? » Remus soupira, une de ses mains alla dans ses cheveux. « Harry, quand j'ai été mordu, j'étais plus jeune que toi... », reprit-il d'une voix différente, une voix plus calme, moins inquiétante. « Et mes parents se sont battus pour que j'ai la vie la plus normale possible... Cette bataille-là, elle a demandé pas mal - non, énormément - de secrets, même envers des membres de ma famille, envers mes cousins, même envers ceux qui sont ensuite devenus mes meilleurs amis... Je sais que ça n'a rien d'agréable ou de satisfaisant, mais parfois, le secret est une sécurité... pas seulement pour toi et moi, mais aussi pour Ron et sa famille... Il est peu probable, Harry, que Peter ait pu s'enfuir seul... Comment aurait-il pu lancer un sortilège aussi puissant à Quirrel ? Ceux qui ne veulent pas que la vérité éclate sont plus nombreux et plus proches de nous que nous le voudrions... Il ne s'agit pas de te faire peur mais la vérité demande que tu apprennes à être prudent, réellement prudent. »
Harry opina, réalisant brusquement l'ampleur de ce qui était en jeu. Instinctivement, il se serra contre Remus.
« Je ne suis pas enthousiasmé de devoir insister sur les risques qui nous entourent... J'aimerais te dire qu'aucun mal ne te trouvera plus, Harry », reprit Remus doucement, l'enserrant de ses deux bras, et chuchotant à son oreille. « Mais ce serait te mentir... Et je n'ai pas l'intention de t'élever dans le mensonge, Harry. Je voudrais pouvoir te dire le plus de choses possibles... »
Harry se retourna pour affirmer :
« Je suis désolé, vraiment ! Vraiment ! Je... »
Il se mordit les lèvres les seules explications qu'il avait à donner lui paraissaient terriblement futiles.
« Non, vas-y Harry, raconte-moi... », intervint Remus, très doucement. « Hier soir, je n'avais pas le courage d'en parler avec toi mais je ne sais pas ce que tu as entendu... et... je suis prêt à répondre à tes questions, Harry. »
L'enfant eut du mal à se décider.
« Je croyais…que…ça serait différent… qu'il s'excuserait… qu'il expliquerait… pas qu'il mentirait et qu'il refuserait de reconnaître ses torts ! »
Remus regarda longuement Harry avant de lui répondre :
« Pourquoi dis-tu qu'il a menti ? »
L'enfant lui jeta un regard désespéré. Comme s'il ne savait pas ! Comme si tout ça pouvait être vrai ! Mais son père insista :
« Tu ne sauras jamais si tu ne ME demandes pas, Harry ! J'aurais voulu pouvoir…. J'aurais sans doute dû te répondre tout de suite ! Je ne sais pas ce que tu as entendu, mais j'imagine que ça suffit à poser des questions… Tu ne peux pas DÉCIDER qu'il a menti et passer à autre chose… Je veux que tu me poses toutes les questions auxquelles tu pourras penser… Je veux que ça sorte de ta tête… Il n'y a pas d'autres solutions.»
Harry ne savait pas par quoi commencer. Il lâcha finalement :
« Il semblait vous détester tellement !»
Remus hocha la tête longuement et se tourna vers lui avant de répondre en grimaçant :
« C'était dur, hein ?»
« Il a trahi… James et Lily… pour ça ? »
Harry ne voulait pas dire « mes parents ». Il ne voulait pas que Remus puisse penser qu'il n'était pas son père à lui, celui qui était important pour lui aujourd'hui. Et c'était d'ailleurs ainsi que Lupin parlait d'eux – « Lily et James ».
« Visiblement », soupira son père adoptif.
« Pourquoi ? »
Remus soupira encore mais répondit quand même :
« Il… Je pense qu'il ne supportait pas que James et Sirius viennent de familles de sorciers très puissantes… pas pour des questions d'argent mais d'ancienneté, de pouvoirs magiques, de reconnaissance - les fameuses quatorze familles ! Comme les Malefoy aussi… pas comme les Lupin ou les Pettigrow ! Il aurait tellement voulu être comme eux… Je ne pense pas qu'il ait eu quelque chose contre Lily… Il a sans doute pensé que Voldemort lui offrirait ça : la crainte dans le regard des gens… Enfin, c'est ce que je comprends…Il n'a peut-être pas tout dit.»
Il y avait clairement dans le ton de Remus des regrets. Harry essaya d'imaginer le sentiment de jalousie de Peter sans y arriver.
« Et toi ? Pourquoi tu n'étais pas jaloux ?»
Il eut un peu peur de la réaction de son père – après tout, c'était plus ou moins la question à laquelle il avait si mal réagi dans la forêt – mais, contre toute attente, celui-ci sourit.
« Bonne question, Harry. Qui te dit que je n'étais pas jaloux ? Ne me regarde pas comme ça ! C'est humain, la jalousie ! Je les aimais trop pour leur en vouloir vraiment… c'est tout…»
Harry n'en croyait pas ses oreilles. Il n'arrivait pas à transformer le quatuor des maraudeurs – leurs blagues, leur fraternité – en une alliance moins limpide. Mais Remus avait l'air si sincère. Harry comprit qu'il pouvait poser TOUTES les questions ce soir là, que son père avait décidé qu'il pouvait tout entendre. Il se jeta alors d'une voix hésitante :
« Et eux croyaient que tu allais les trahir ? »
Remus soupira plus fort cette fois. Il les comprenait, mais ça lui faisait mal.
« Voldemort promettait le pouvoir et la revanche à tous ceux qui le rejoindraient… Il s'adressait particulièrement à tous ceux que les sorciers généralement méprisent : les loups-garous, les géants, les Détraqueurs, les vampires… - que sais-je ! Je peux comprendre que Sirius et James aient douté… On leur avait dit que quelqu'un les trahissait… comment soupçonner Peter ! Même moi, je me serais soupçonné avant lui ! »
Harry hocha la tête. Il n'aimait pas se dire que son papa avait tant souffert d'être un loup-garou. Il en voulut à son père biologique et à ce Sirius qui était son parrain. Ils avaient négligé leur plus fidèle ami ! Il se laissa aller contre lui et resta un moment, blotti et silencieux. C'est là qu'il trouva le courage de poser sa dernière question, la plus personnelle.
« Et Lily ? Tu… tu l'aimais ? »
« Oui. »
La confirmation tranquille de Remus coupa le souffle de Harry sans le surprendre totalement - comme s'il l'avait toujours su.
« Oui, Harry. Plus que tout au monde », répéta néanmoins son père, comme s'il avait mis les faits en doute.
« Et ? »
Remus hésita. Pouvait-il aller jusqu'à avouer à Harry qu'il n'avait pas eu le courage de se battre pour elle ? Qu'il n'avait jamais cessé de s'en vouloir ? Il s'entendit répondre :
« Elle a choisi, Harry »
« Ça, c'est facile », commenta la vilaine voix intérieure. « Je sais », lui répondit fermement le directeur de Poudlard et le père d'Harry. « Mais lui en sait assez pour aujourd'hui. »
ooooo
Version revue de juillet 2007 à Juin 2010. L'écrire m'impressionne...
Merci à Alixe, Dina, LaPaumée et Vert de m'avoir aidé à en finir...
Le suivant s'intitule " L'art subtil de la potion…" On va dire qu'il traite du plan le plus tordu que Dumbledore ait jamais inventé...
