Entre Lune et Etoile
Disclaimer : toujours rien que ma propre folie… et les personnages d'une autre…
Version revue en juillet 2010- Merci à Dina d'avoir été là et à Chinader d'avoir tout relu après !
23- Le Pourquoi et le Comment.
Une. Deux. Trois. Trois gouttes seulement.
La main releva vivement le flacon pour arrêter l'écoulement du liquide.
Le mélange frissonna comme s'il réagissait à l'amertume de la matière.
Une. Deux. Trois. Quatre. Cinq minutes s'écoulèrent avant que la même main réduise le feu sous le chaudron. Il ne fallait surtout pas exposer un tel mélange à une trop forte température !
Une cuiller. Deux cuillers. La poudre blanche resta un instant en suspension avant d'être engloutie par le liquide brûlant. L'air se remplit d'une nouvelle odeur plus âcre. Mais il n'avait jamais été question dans ce lieu de fabriquer des parfums agréables !
D'une main ferme, Severus Rogue, LE maître de potions de Poudlard, arrêta complètement la cuisson du mélange. L'œil fixé sur le sablier, il attendit cinq nouvelles longues minutes, avant de filtrer le liquide au travers d'un fin voile de coton. Les racines, les pétales de fleur, les pierres et autres débris de végétaux qui entraient dans la préparation se déposèrent sur le film. Des ingrédients qui étaient maintenant inutiles, des déchets. Il les laissa tomber dans sa poubelle d'un geste sec. Il n'y avait pas, dans les potions comme dans la vie, de place pour la pitié.
Il laissa ensuite le liquide refroidir et prendre une couleur bleue limpide. Si limpide, songea Severus. Qui pourrait deviner la puissance contenue dans ce flacon ?
Lui savait.
Il sentit son cœur s'accélérer d'un mélange d'excitation et de crainte. Comment avait-il pu accepter de se replonger dans ces sombres méandres de la matière ? Comment avait-il pu rouvrir cette boîte de Pandore qu'il avait eue une fois déjà tant de mal à refermer ? Comment osait-il mettre encore une fois son savoir-faire au service d'un projet qui niait les lois de la nature ? Les humains n'ont qu'une seule vie, linéaire. Ils ne peuvent changer le cours du temps. Surtout ils ne doivent pas le faire, corrigea-t-il pour lui même.
Mais, il n'eut pas le temps d'aller plus loin dans son introspection. Des coups légers frappés à la porte du cachot interrompirent brusquement le cours de ses pensées. Il sentit son corps se tendre et une légère irritation - presque une inquiétude - l'étreindre. Qui pouvait donc venir ici à cette heure ? Au milieu de la nuit ? Une nuit froide comme seul pouvait l'être le début de l'hiver. Il s'approcha silencieusement de la porte et murmura :
« Oui ? »
« C'est moi, Severus », lui répondit-on sur le même ton.
« Lupin ? » Malgré l'incertitude qui persistait dans son esprit, il leva d'une incantation les sorts qui protégeaient le laboratoire des intrus. La porte s'ouvrit doucement sur le directeur de Poudlard qui pénétra presque timidement dans la pièce. «Que se passe-t-il ? »
« Rien… J'étais curieux de… Tu m'as dit...», commença Remus d'un ton hésitant. « C'est vraiment prêt ? »
Rogue acquiesça gravement. C'était la première fois que Lupin venait de lui-même jusqu'au cachot. Il devait vraiment s'inquiéter ! Mais, n'était-ce pas déjà trop tard pour s'interroger sur l'intelligence de leur petit complot pour libérer un inconscient qui était allé se jeter neuf ans auparavant dans le piège le plus grossier que Severus n'ait jamais entendu parler ? Il cacha, comme souvent, son agacement.
« Et… ça, ça marche ? », continua le nouveau venu sans chercher à cacher son malaise. Ses yeux n'arrivaient pas à se fixer sur un point.
Le maître de potions soupira bruyamment. Pourquoi prétendait-on que les Gryffondors étaient si courageux ? D'autant que Severus puisse en juger, ils étaient surtout téméraires et présomptueux. Ils voulaient sauver le monde, changer les choses, défendre les plus faibles ou tout autre cause difficile mais ils reculaient dès que la réalité se montrait têtue et leur imposait trop de compromis… Ils reculaient ou ils mourraient ! Belles victoires dans les deux cas !
« Lupin, t'ai-je déjà fourni une potion qui n'ait pas déclencher les effets escomptés ? Si j'estime que celle-ci est prête, c'est qu'elle l'est », répondit-il brusquement en se tournant vers le fond de son laboratoire où s'alignaient plusieurs cages contenant de jeunes animaux endormis. Il les désigna avec une évidente fierté : « Tous ceux-ci peuvent en témoigner… ils sont revenus à leur plus jeune âge ! »
Remus contempla, livide, le chiot, le petit rat et le petit singe endormis.
« Ils… étaient.. »
« Oui… ces animaux sont entrés adultes dans ce laboratoire… J'ai testé la potion sur le singe, ce matin… - c'est l'organisme vivant le plus proche de celui des humains… même les moldus l'ont compris ! »
Remus baissa les yeux. Ce projet restait monstrueux ! Il violait toutes les règles de la nature, toutes les règles sacrées qui retenaient la communauté magique d'utiliser la magie pour perturber l'intégrité de la nature ! Mais que valaient ces règles ? Les mêmes sacro-saintes règles ne disaient-elles pas que les loups-garous de son espèce devaient rester le plus loin possible des autres sorciers ? Il dut se forcer à poser les questions qui s'imposaient :
« Mais, ces animaux… ils vont rester… ? »
« Pour l'instant, oui. J'étudie d'éventuels effets secondaires : je n'aurais droit qu'à un seul essai…sur l'homme », lui rappela le maître des potion, content de sa sérénité. Lupin avait voulu savoir ? Eh bien, il saurait ! Qu'il se salisse lui aussi un peu les mains ! C'était SON idée après tout - ou celle de Dumbledore, peu importe ! Qu'il sache le prix de la libération de Black !
« D'éventuels effets ? » Remus sentit son cœur se serrer. Le coût de la liberté de Sirius paraissait extravagant… mais le laisser, innocent, dans la solitude totale d'Azkaban, était plus inimaginable encore. Il soupira, exaspéré de ne pas être capable de se convaincre une fois pour toute que ce plan était le meilleur.
« D'après mes premières observations, une certaine confusion et une grande fatigue sont à craindre… Ce qui n'a pas que des désavantages : nous pourrons en profiter pour l'aider à endosser une nouvelle identité par la suggestion », développa Severus, clinique.
Remus hocha la tête. Dumbledore avait déjà parlé de cette possibilité : elle permettrait de faire entrer dans la tête de Sirius un nouveau nom et une histoire crédible qu'il pourrait resservir aux autorités… Même, lui donner des rudiments d'une autre langue ! Mais Severus continuait sur un ton quasiment professoral :
« Il y a aussi à prévoir, mais là je me base sur les travaux des Russes, une modification de la mémoire la plus récente… Quand on absorbe une grande dose de cette potion, celle-ci déclenche une certaine forme amnésie - la présence d'opium l'explique… Selon les Russes, qui semblent être allés très loin dans leurs expériences, si l'antidote n'est pas pris dans les cinq ans, le sujet finit par oublier totalement sa première identité ! »
La fascination de Severus était palpable – on atteignait ici les limites de la matière. Peu de potions, à part évidemment les poisons, avaient des effets aussi définitifs et constants. Évidemment quelqu'un comme Lupin ne pourrait jamais le comprendre !
« Comment ça, il l'oublie ? », s'insurgea Remus pris dans ses propres tourments.
«D'après les Russes toujours, la première mémoire tend à s'effacer peu à peu. La seconde personnalité… les nouvelles expériences vécues… tendent à remplacer le passé des années supprimées », expliqua Severus jusqu'au moment où il lut l'horreur dans le regard du directeur. «C'est ce que j'ai lu ! Il semble que seules des expériences fortes puissent raviver la première mémoire… Mais je ne sais pas à quel point ces textes sont fiables. Je n'ai pas le temps de mesurer leur véracité… Et, même avec le Seigneur des Ténèbres, je n'ai jamais osé essayer ce que nous allons tenter… »
Le silence tomba dans le cachot. Un silence humide et froid comme les murs de pierre.
« Qu'est-ce que nous sommes en train de faire, Severus ? », murmura Lupin la gorge serrée.
« Nous ? Toi, je ne sais pas. Moi, je réponds à votre demande : vous m'avez commandé une potion ; vous m'avez dit de ne pas m'inquiéter des aspects moraux ; vous m'avez dit que la fin justifiait les moyens… je vous ai écouté… Maintenant, je vous préviens des risques, c'est tout. Quand il aura bu la potion, ce ne sera plus totalement le Sirius que tu as connu ! »
Le maître de potions s'autorisa un sourire ironique et des effets de manches pour ponctuer sa longue tirade. Est-ce une si grande perte, après tout, que quelqu'un comme Black 'oublie' sa première personnalité ? Il sera peut-être un peu moins sûr de lui ! pensa-t-il un peu méchamment. Remus s'était raidi. La voix mielleuse et les paroles condescendantes du maître des potions lui paraissaient insupportables en cet instant, et il contre-attaqua avec plus de virulence qu'il ne s'en serait cru capable :
« Avec ou sans potion, le Sirius qui sortira d'Azkaban ne sera PAS le Sirius que je connaissais ! Ni même celui que tu croyais connaître ! C'est trop tard ! »
Pour toute réponse, Rogue leva les yeux au ciel. Pourquoi diable les gens comme Lupin avaient-ils toujours besoin de telles déclarations grandiloquentes ?
« C'est comme ça que tu te justifies à toi-même, Severus ? Hein ? », continua Remus, hors de lui finalement. « Ce n'est jamais de TA faute, hein ? C'est celle de Voldemort, celle de Malefoy, celle de Dumbledore, la mienne… hein ? Un peu facile, non ? »
Les deux hommes, les yeux brillants de colère contenue, se jaugèrent dans la pénombre du cachot. Severus finit par hausser les épaules – il venait de décider que cette envolée ne le concernait pas. N'avaient-ils pas besoin de lui ? Il n'avait que faire de leur bonne conscience et de leurs regrets. Lui connaissait intimement les limites des remords.
« Excuse-moi», finit par murmurer le directeur de Poudlard, troublé de s'être laisser si facilement emporter. « Tu n'y es bien sûr pour rien… »
Rogue accepta ses excuses d'un signe de tête un peu agacé.
« Tu n'as pas besoin de t'excuser… J'aime autant être à ma place qu'à la tienne », répondit-il sèchement. Que les puissances supérieures me gardent de devoir faire semblant d'être le père d'un irresponsable comme Black !, ajouta-t-il mentalement. Comment des gens comme Lupin peuvent mettre tant de choses en jeu pour sauver une seule personne ? C'était au-delà de son entendement.
«Je veux… je veux simplement sauver Sirius!», plaida alors Remus, presque pathétique.
« Sauver ? Tu vas le sauver d'Azkaban mais le sauveras-tu de lui-même ? » rétorqua Severus sans se laisser émouvoir.
Remus resta muet de surprise. Severus s'inquiéterait-il vraiment de la santé mentale de Sirius ? Lupin savait que Rogue avait vécu des expériences qui auraient rendu fou plus d'un sorcier. Ceux qui le trouvaient bizarre, ne mesuraient pas à quoi il s'était exposé. Et qu'il l'ait fait par ambition ou désespoir, n'y change rien, songea Remus, finalement content de se dire que quelqu'un d'aussi expérimenté serait à ses côtés dans cette étrange aventure. Mais le maître de potions reprit, visiblement peu désireux de continuer cette conversation :
« J'ai prévenu Dumbledore : c'est quand il veut… » Eh oui Lupin, si tu veux faire machine arrière, je ne peux rien pour toi !
« Tu… tu iras ? », murmura Remus après un moment.
« Je pense oui… il faudra peut-être l'aider… avec d'autres potions… »
« Et s'il ne la supportait pas ? »
Encore une fois, Rogue haussa les épaules :
« S'il supporte l'idée… il devrait supporter la potion, non ? »
Remus dût une nouvelle fois lutter contre la colère qui l'assaillait. Comment Severus pouvait se protéger ainsi ? N'avait-il donc jamais de faille ?
« J'aimerais être à ta place… avoir quelque chose à faire ! », répondit-il calmement pourtant.
Rogue leva un sourcil : « Mais… tu vas devoir le convaincre d'accepter le projet… »
Remus secoua la tête :
« Non… Je voulais, je pensais en être le seul capable… Mais Dumbledore…» - Dumbledore, toujours Dumbledore, ragea-t-il intérieurement - «...pense que personne ne doit imaginer que je puisse avoir une relation avec sa disparition. Je ne dois donc pas quitter Poudlard à ce moment-là… Mais, personne ne te soupçonnera, toi ! », ajouta-t-il un peu perfidement
C'était assez inhabituel pour que Severus lui lance un regard ouvertement étonné. Tu vis ça mal, dis-moi, Lupin ! Je n'ai jamais rien vu qui te mettre dans un état pareil... Si, quand tu es venu nous supplier de récupérer Harry, peut-être… - remarqua-t-il. Mais il se contenta de lui demander, sur le ton de la conversation :
« C'est Albus qui le fera ? »
«Il... il pense qu'il saura le convaincre… », acquiesça Lupin visiblement malheureux de cette décision.
Severus souleva le flacon qui contenait le précieux liquide bleu dans la lumière. Remus le regarda, hypnotisé lui aussi par sa limpidité. Un silence moins tendu s'installa entre les deux hommes.
« Et… comment prépares-tu le 'grand frère' à cet heureux évènement ? », reprit Severus, les yeux rivés sur le flacon.
Remus eut un petit sourire. C'était tout Severus ça. Plus il était agressif, plus on pouvait parier qu'il s'inquiétait !
« Honnêtement, je ne lui ai encore rien dit… On ne pourra pas lui reprocher quelque chose qu'il ne sait pas. » Severus reposa doucement le flacon sur la paillasse et fixa longuement Remus qui continua : « J'ai… j'ai fait un testament. Il donne la garde d'Harry aux Weasley… s'il m'arrivait quelque chose… »
« Aux Weasley ! »
Faut-il qu'il doute, songea le maître de potions. De son côté, Remus nota que Severus questionnait plus le choix des personnes plutôt que la démarche.
« A qui d'autre ? »
oo
Il y avait des jours comme ça où Harry se demandait pourquoi il s'était levé. Tout allait de travers ! Vraiment.
Ça avait commencé dès l'aube, lorsque son père lui avait reproché d'avoir laisser son bureau en désordre.
« Vraiment Harry, ce n'est pas possible, tu ne peux pas RANGER les livres que tu regardes quand tu as fini ? Je n'ai pas le temps de fouiller partout tous les matins pour retrouver ceux dont j'ai besoin ! »
Harry n'avait pas cherché à se disculper ou à amener son père à relativiser le désordre qui pouvait lui être réellement imputé. Il savait que Remus était sous pression entre l'école, les cours et Sirius, et qu'il était moins tolérant que d'habitude. Mais, la suite de la matinée n'avait pas été plus heureuse. Minerva lui avait reproché de ne pas avoir fini la traduction d'une fable d'Euclide qu'elle lui avait donnée :
« Harry, il faut apprendre à travailler plus vite, tu n'es plus un enfant ! », l'avait elle sermonné. Voilà autre chose, avait pensé Harry vexé.
Ça n'était pas allé mieux avec Flitwick qui lui enseignait des rudiments de théorie magique et tout ce qu'on pouvait faire sans baguette. Le professeur de Charmes lui avait reproché de ne pas assez se concentrer et de ne pas faire d'efforts. Harry aimait plutôt ce vieux professeur qui avait toujours été gentil et compréhensif avec lui et il avait mal vécu ses critiques.
C'est lourd de tout cela qu'il était arrivé dans le cachot de potions. Et, au moment, où il allait s'asseoir à côté de Cho et de son amie Marietta, Rogue l'avait pris par l'épaule pour le diriger vers une autre table:
« Non, non, Potter-Lupin, pas aujourd'hui ! Nos jeunes amies ont déjà suffisamment bénéficié de votre aide… elles doivent avoir appris à lire leurs instructions maintenant… Venez plutôt faire équipe avec Thomson et Elfwood », avait susurré le maître des potions.
Les deux élèves n'avaient pas eu l'air plus contents qu'Harry de ce changement. Ils avaient beaucoup de mal dans ce cours, mais Rogue venait de clairement leur adjoindre un tuteur, plus jeune qu'eux en plus, et ça les agaçait prodigieusement. Harry n'était pas d'humeur à faire les efforts nécessaires pour les intéresser à la fabrication d'une potion Brillantine – « donnant de l'éclat à toute chose pendant 80 heures ! Je vous demande un peu ! » - avait grogné Elfwood.
Harry les laissa donc accumuler les erreurs et les maladresses en protestation contre cette journée qui n'allait que de travers. Thomson et Elfwood firent tant et si bien que leur potion explosa dans un bang sonore et un nuage verdâtre peu ragoûtant. A ce stade, Harry jeta un regard un peu coupable à Severus qui avait blêmi avant d'exploser – lui aussi – dans une longue diatribe sur les épreuves qui attendaient ceux « qui n'avaient pas une once de cervelle ! »
Pendant qu'ils nettoyaient tous les trois leurs dégâts, Thomson reprocha à Harry de les « avoir laissés tomber ! » Harry dut faire appel à toute sa patience pour ne pas jeter sa serpillière sur le sol et quitter la salle de classe en claquant la porte ! Oh qu'il aurait aimé oser le faire ! Il bouillait toujours de colère quand il arriva dans la Grande salle pour le déjeuner. Il se dirigea directement vers les Gryffondors deuxième année – Que quelqu'un vienne me dire que je ne peux pas ! fulmina-t-il. Une préfète de septième année essaya bien de vérifier qu'il avait l'autorisation.
« Bien sûr », répondit-il crânement. « Si t'en doutes, va demander ! »
La jeune fille laissa tomber immédiatement son enquête préférant passer son temps de déjeuner à finir un devoir d'astronomie.
« Bien répondu, Harry ! », lui glissa George.
« De quoi se mêle-t-elle ! », renchérit Fred.
Harry leur sourit. Enfin quelqu'un faisait autre chose que le critiquer depuis ce matin. Son humeur s'embellit encore quand la conversation porta sur le prochain tournoi de Quidditch – la saison allait commencer. Dubois cherchait désespérément un nouvel attrapeur.
« Bon cet après-midi, choix final ! On a le terrain à quinze heures. Percy ? Tiberius ? Isaliacca ? Vous êtes tous libres ? »
Les trois candidats attrapeurs opinèrent.
« J'espère que ça ne sera pas Percy ! », glissa George à l'oreille d'Harry qui pouffa peu charitablement.
«Bon, et le reste de l'équipe ? Fred ? George? Angelina ? Katie ? Oui ? Tant mieux !»
Olivier se redressa, satisfait, et se mit à plier le parchemin qu'il tenait à la main. Son regard tomba par hasard sur Harry qui se réconfortait en reprenant une deuxième portion de pudding au chocolat.
« Hé, tu es là, toi ? Bonjour ! Dis-moi, tu fais quoi cet après-midi ? »
Déglutissant à grande peine, Harry fit un signe de tête vers la table des professeurs.
« Hagrid… »
« Ah… toute la journée ?», regretta le capitaine de Gryffonder. «Tu ne pourrais pas venir à quinze heures ? Tu serais un bon test! »
Tout le monde le regarda d'un air appréciateur – sauf Percy qui se rembrunit - et Harry rougit un peu.
«… sais pas… », répondit-il la bouche encore à moitié pleine.
« Tu veux que je demande pour toi ? », proposa Olivier, visiblement prêt à tout pour pouvoir compter sur Harry.
Mais ce dernier n'apprécia pas cette démarche à sa juste valeur : il en avait assez d'être chaperonné en permanence :
« Non, non… pas la peine… je peux ! »
« Tu es sûr ? Tu en as parlé avec ton père ? »
« Oui, oui », mentit Harry avec un aplomb qu'il ne se connaissait pas encore. « Il est d'accord sur le principe. Reste juste Hagrid, mais je dois pouvoir m'arranger ! »
« C'est sûr, hein ? », insista le capitaine de l'équipe de Gryffondor.
« Oui, oui », répéta Harry d'un air dégagé.
« Bien alors, à quinze heures… ou dès que tu peux ! »
ooo
Harry fut sur le terrain avant quinze heures. Il fit les cent pas en attendant les autres car le vent froid de novembre ne permettait pas de rester immobile. Comme il l'avait prévu, il n'avait pas été très difficile de convaincre Hagrid de le laisser partir.
« Papa est au courant », avait-il de nouveau affirmé de nouveau sans rougir. Il était remonté discrètement dans sa chambre prendre son balai et des vêtements de Quidditch en prenant bien soin de contourner les passages les plus empruntés… et le bureau du directeur.
Olivier le félicita de sa ponctualité, et ils commencèrent immédiatement l'entraînement et le test des éventuels attrapeurs. Harry montra rapidement combien il aurait été meilleur qu'eux tous à ce poste ! Comme durant l'été précédent, il était bien plus audacieux, agile et rapide que Percy. Tiberius avait de bons réflexes mais il était plus lourd que lui. Isaliacca n'était pas assez intrépide. Olivier s'agaça des médiocres performances des trois candidats qu'il avait péniblement recrutés. Harry, lui, eut l'impression de prendre enfin une revanche sur cette mauvaise journée où tous avaient cherché à le dénigrer ou le contrarier. Il se sentait trop heureux, trop léger, sur son balai… jusqu'au moment où il vit Angelina blêmir et lâcher le souaffle qu'elle venait de réceptionner !
« Mais qu'est-ce qui t'arrive ! », tempêta Olivier
Angelina ne répondant pas, tous les joueurs baissèrent les yeux pour regarder ce qu'elle fixait avec tant d'attention. A l'entrée du terrain de Quidditch se tenait un grand et mince sorcier blond, sa cape et sa robe sombre volaient dans le vent. Harry et se amis n'eurent aucun mal à établir que la silhouette familière appartenait au directeur de Poudlard. Devant le regard interrogatif des autres, Harry balbutia :
« Je… je vais aller voir… »
« Attend, Harry », l'interrompit Olivier, « Tu m'avais dit qu'il était d'accord, non ? Tu m'as menti ? »
Tous regardèrent le plus jeune joueur avec inquiétude, et ce dernier comprit brusquement qu'il n'était pas le seul à risquer des ennuis. Ils étaient plus grands que lui, ils seraient tenus pour responsables de sa propre désobéissance. Ses belles prouesses semblaient loin et il se sentit minable devant eux.
«Je ne… je ne voulais pas le déranger avec ça», commença-t-il par expliquer. Devant leur air peu convaincu, il proposa d'une toute petite voix : « Je vais aller lui parler... »
« NOUS allons aller lui parler », corrigea Olivier les sourcils froncés. « Je suis responsable, je ne veux pas me défiler ! Continuez à vous entraîner sans nous, vous autres ! »
Harry ne trouva pas quoi répondre. D'un côté, il était content qu'Olivier prenne sur lui une partie de la responsabilité, d'une autre il ne chérissait pas vraiment l'idée d'être réprimandé en public. Il amorça pourtant lentement sa descente à la suite du capitaine des Gryffondors. Ils descendirent de leur balai et marchèrent sans échanger une autre parole jusqu'à Lupin qui n'avait pas fait un geste.
« Papa », commença Harry, horriblement gêné par la présence d'Olivier.
« Je vois que les créatures magiques ne valent pas un entraînement de Quidditch », remarqua doucement Remus sans pourtant nul ne puisse douter qu'il était mécontent.
« J'ai demandé à Hagrid… », essaya son fils luttant pour avoir l'air digne devant Olivier.
« N'en rajoute pas Harry : tu lui as dit que j'étais d'accord ET au courant - beaucoup de mensonges dans une seule phrase, non ? »
«Monsieur », commença Olivier venant au secours d'Harry. «C'est moi qui lui ai demandé de venir. Je teste les futurs attrapeurs, et Harry est très fort à ce poste et… »
«Et vous ne lui avez pas demandé s'il avait l'autorisation de voler ? Ça m'étonne de vous M. Dubois ! », commenta Lupin d'un ton plus neutre.
Olivier hésita à endosser plus de responsabilité, et cette fois c'est Harry qui intervint.
« Je lui ai menti à lui aussi… j'en avais trop envie », avoua-t-il dans un murmure.
Lupin eut un petit sourire fugace : «Voilà enfin quelque chose que je veux bien croire!» L'élève et l'enfant ne trouvèrent rien à répondre à cela. « Bon, ils vous restent un quart d'heure, si j'ai bien lu », reprit Remus. «Allez-y vite ! Je t'attends dans la tribune Nord, Harry. »
L'enfant hésita, mais son père s'éloignait déjà vers la tribune, et il décida de rejoindre le reste de l'équipe. Il verrait bien après ce que dirait Remus ! A la fin de l'entraînement, Olivier indiqua qu'il préférait Tiberius et nommait Isaliaca remplaçante. Il n'y avait pas de place dans l'équipe pour Percy qui quitta le terrain sans même se changer. Dans les vestiaires, l'équipe regarda Harry remettre ses vêtements de tous les jours avec un peu d'embarras. Olivier osa briser le silence :
« Il n'avait pas l'air trop en colère, non ? »
Harry lui jeta un regard sombre : « Il n'est pas Rogue, il n'hurle pas !» Comme Fred et George ouvraient la bouche sans doute pour faire une réflexion philosophique sur la vie, et Olivier sans doute pour lui faire la leçon, Harry s'affola et plaida : « Je vous promets que la prochaine fois je demanderai vraiment !»
« S'il y a une prochaine fois », remarqua Katie gentiment. « Et ce serait dommage que tu ne puisses plus venir… »
Harry soupira en mesurant combien la jeune fille avait raison. Plus ou moins convaincu maintenant qu'il allait se faire confisquer son balai pendant quelque temps, il sentit les larmes menacer. Il ne restait que la fuite :
« Je ferai mieux d'y aller de toutes façons… A…à plus tard ! »
« Ça m'étonnerait qu'il mange avec nous ce soir », commenta Fred derrière lui.
ooo
Remus s'était levé et était venu au devant d'Harry dès qu'il l'avait vu apparaître hors des vestiaires. Ils se rencontrèrent devant la tribune Est. Le vent avait forci et leurs vêtements amples se gonflaient.
« Tu es bien couvert ? Bon, tant mieux, j'aimerais que nous marchions », commença Lupin réajustant machinalement la cape vert olive de son fils, qui hocha la tête sans rien dire.
Ils s'avancèrent vers les portes de Poudlard. Harry vit son père sortir sa baguette et murmurer un sortilège. Il sentit un champ se former autour d'eux. Il percevait toujours les sons extérieurs mais ils lui arrivaient assourdis. Le vent néanmoins agitait toujours leurs vêtements. Un sortilège avancé peut avoir une action sélective sur les fluides, pensa bizarrement Harry se rappelant des explications de Flitwick.
« C'est une Bulle de silence », expliqua Remus. « Elle nous protège des oreilles indiscrètes. » Incapable de déterminer si cette précaution était de bonne ou de mauvaise augure, Harry ne sut une nouvelle fois que hocher de la tête. « J'ai besoin de te parler, Harry et pas seulement parce que j'ai dû te chercher cet après-midi», reprit son père. «Il semble qu'à chaque fois ces temps-ci que j'aie des choses importantes à te dire, il faut que tu inventes une bêtise à faire… à croire que tu le sens ! »
Harry lui jeta un regard gêné et préféra encore une fois se taire.
« Bon, commençons par ce Quidditch », soupira Remus. «Pourquoi n'es-tu simplement pas venu simplement m'en parler ? Je te fais si peur ? Je te martyrise peut-être ? Ou tu aimerais que les autres le croient ? C'est pas assez d'avoir un loup-garou pour père, faut que je sois un croque-mitaine ? Pourquoi m'obliges-tu à de telles discussions stupides, Harry ? »
Harry s'arrêta de marcher sous le flot de questions. Une fois de plus, Remus le surprenait. Il avait le chic pour trouver des manières complètement incongrues pour aborder ce genre de discussion qui laissaient Harry sans réponse. Il s'était attendu à un sermon sur la sécurité, et son père en faisait une question de confiance et d'affection !
« Papa, c'était stupide, je m'excuse », reconnut lentement l'enfant. « Je sais que je dois dire où je suis... sans mentir», précisa-t-il encore en piquant du nez. «J'aurais dû demander ; Olivier voulait même demander à ma place, mais... j'ai... voulu avoir l'air... grand… »
S'il avait levé les yeux, il aurait vu les yeux de Remus pétiller, satisfait de la sincérité et de l'analyse de l'enfant. Oui, il grandit… de plus en plus ! Tant mieux… parce que je vais avoir besoin de lui !
« Stupide, hum ? »
Sentant que son père n'irait pas beaucoup plus loin dans ses réprimandes, Harry s'autorisa une petite pique :
«Oui… au pire, j'aurai dû demander à Minerva! Du Quidditch, elle aurait jamais dit non !»
Remus eut un bref sourire de confirmation.
« Ça aurait été plus malin ! » Ils cheminèrent un peu en silence avant que l'adulte ne reprenne la parole :
« Et dans les mois à venir, Harry, il va falloir que tu t'efforces d'être malin. » Devant le regard surpris de son fils, Remus hésita un quart de seconde, puis se lança :
« Demain… au courrier, il y aura une lettre pour moi. Elle m'apprendra que mon ex-femme a été tuée par des bandits moldus dans la forêt amazonienne brésilienne… et que mon fils, Cyrus, a été blessé… et que je dois m'en occuper. »
Les yeux d'Harry s'élargirent encore derrière ses lunettes.
« Bien sûr, si j'avais une femme et un fils, tu le saurais déjà », le rassura rapidement Lupin. « Je n'ai jamais été marié et je n'ai pas d'autre fils que toi - que je sache… L'enfant qui va arriver aura neuf ans environ…et il cache un grand secret. »
Harry n'arriva pas à articuler la question qui lui brûlait les lèvres. Mais Remus n'avait pas besoin de question pour expliquer:
« L'enfant qui va arriver et vivre avec nous, Harry, n'est autre que... Sirius. »
oooo
Vous croyiez tout de même pas avoir Sirius, heu, Cyrus tout de suite, non…. ?
Laissez moi le temps d'y réfléchir… Le prochain chapitre commencera dans un aéroport…
Je vais aussi un POV de Sirius sur tout ça, ça s'appelle l'Envol du Phoenix...
