Entre Lune et Étoile

Merci à Camille, Alana et Nana pour leur relecture attentive ! Merci Dina d'avoir pris la suite en 2010 !

28. Confiance en construction

Remus ne s'était pas contenté de « parler » à Harry et Cyrus après cet incident. Il avait mis fin à ces étranges vacances qui duraient depuis l'arrivée du second et cessé de les observer pour s'imposer dans leur quotidien. Il avait patiemment mais fermement rappelé - ou expliqué, quand Cyrus avait eu l'air totalement abasourdi par le principe - les règles du jeu. En deux jours, l'aîné avait compris le message, rattrapé son retard dans ses devoirs et repris un comportement plus conforme à ce que Remus lui avait inculqué.
«Je savais que ça ne durerait pas » , avait-il même avoué un soir où Remus était venu dire que si il entendait encore un seul bruit dans leur chambre, il élevait un mur pour la couper en deux. Remus y avait presque entendu du soulagement.
Mais son "petit frère" avait plus longtemps opposé un air sidéré au fait qu'on ne courre pas dans les couloirs, qu'on doive dire où on est, arrêter d'espionner les élèves en utilisant les passages secrets (ou pire leur verser des verres d'eau sur la tête) ou se coucher à une heure raisonnable. Rattrapé par ses premières réserves, Remus en était venu à sincèrement craindre que Sirius n'explose et bouscule Cyrus pour venir lui dire à lui de le laisser vivre comme il l'entendait. Mais comme pour confirmer que l'époque restait aux surprises sans fin, ce n'était pas ce qui s'était produit.

Un matin, sans que rien de spécial ne puisse l'expliquer, Cyrus avait semblé décider exactement le contraire. Il avait pris sa main pour traverser la Grande salle et s'asseoir à côté de lui à la table des professeurs. Le geste lui avait rappelé Harry plus jeune, intimidé par tant de visages curieux, sauf que là, il sentait que ça tenait de l'affirmation plutôt que de la crainte. Cyrus avait ensuite semblé saisir chaque occasion qui se présentait de se mettre sur ses genoux, de poser sa tête sur son épaule ou de lui demander son avis ou des explications sur tout ou rien. Là encore, les neuf ans et demi de l'enfant et les forces adultes qu'il contenait auraient dû induire un tout autre comportement. Remus ne pouvait pas dire que cette évolution ne l'avait pas troublé - même Harry avait froncé les sourcils, mais peut-être y avait-il là un élan de jalousie. Et puis, il avait entendu la demande d'un enfant jeune encore et qui voulait avoir un père. Il ne savait pas ce que Sirius en disait - sans doute pas grand-chose, sinon l'enfant n'aurait pas autant persisté... mais il n'avait aucun moyen d'en être sû tout le monde - même l'intéressé - semblait lui conseiller d'installer les choses dans la durée, comme si Cyrus « était là pour rester », Remus avait décidé d'occuper l'enfant en lui faisant suivre un enseignement de base – lire, écrire, compter… – comme il l'avait fait avec Harry avant lui. Comme toute chose apprise par Sirius, les connaissances étaient là, en Cyrus, et ne demandaient qu'à être éveillées. Fort de cette progression rapide, Remus lui avait demandé s'il avait envie d'être initié à d'autres matières. A sa plus grande surprise, l'enfant avait répondu : « Comme Harry… le latin et les potions. »

« Tu peux choisir autre chose, Cyrus, tu sais ? »

« Non. Je veux faire comme Harry. Et Sirius dit qu'il y connaît rien, et que ça l'intéressera ! »

« Cyrus, je voudrais que tu cesses de dire son nom tout le temps… »

« Ah ! Pardon, Papa… j'avais oublié !», s'était excusé son petit lutin brun - comme il en était venu à l'appeler - en se jetant dans ses bras pour bonne mesure.

Remus avait pris lui-même en charge le latin – d'abord parce que Minerva n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'avoir un nouvel élève débutant et ensuite parce qu'il voulait avoir l'occasion d'être seul avec lui pour essayer de mieux comprendre comment Cyrus et sa double mémoire fonctionnait. « Vous seul pouvez l'aider à en tirer partie », avait dit Dumbledore. Pour l'instant, Lupin se demandait s'il était seulement capable de saisir ce qu'il pouvait faire. Comment rendre l'expérience de Sirius utile à Cyrus ? La question était ouverte et Remus continuait d'espérer qu'ils ne se faisaient pas collectivement plus de mal que de bien.

Il avait donc été étonné que Severus paraisse suffisamment soutenir les nouveaux arrangements pour accepter Cyrus dans sa classe comme il avait pris Harry deux ans plus tôt. Remus n'aurait pas parié que l'expérience dure plus d'une semaine mais il avait été une nouvelle fois surpris. Cyrus semblait content de ce qu'il faisait là-bas, content de rencontrer d'autres élèves comme de préparer des potions. Et Severus ne s'était pas plaint. Un soir où ils étaient les deux derniers seuls dans la salle des professeurs, Remus décida néanmoins d'en avoir le coeur net :

« Severus, un instant !»

Le maître de potions allait sortir. Il se retourna pour faire face à Lupin.

« M. le directeur ? »

Toujours poli, toujours froid, toujours formel. Toujours Severus.

« Ils sont tous partis, Severus », essaya Lupin.

Le professeur Rogue se raidit plutôt qu'il ne se détendit à ces paroles et attendit dans un silence poli. Remus soupira.

« Je vois. Tu n'as pas envie d'être amical avec moi, ce soir… »

« Amical, Lupin ? »

« Tu sais, comme les fois où tu perds la tête et que tu te rappelles subitement de mon prénom… ou que tu me parles d'éducation… », se moqua gentiment Remus. Devant le regard outré se son adjoint il reprit rapidement « C'est pas grave, Severus : je ne voudrais surtout pas entamer ta cuirasse, même si elle doit être bien lourde parfois… »

Les deux hommes se tenaient face à face et la nuit de Poudlard offrait à leur silence le plus absolu des écrins.

« Lupin… il est très tard. Qu'est-ce que tu veux ? Un nouvel ami à sortir de prison ? Une fille non déclarée peut-être ? », finit par demander Rogue d'un ton acide.

Remus préféra rire.

« Franchement, tu baisses, Severus ! Comment espères-tu encore me vexer avec des remarques aussi faciles ? Allons… Non, je voulais juste… solliciter une entrevue particulière avec le professeur de potions de mon plus jeune fils… »

« Cyrus ? »

« Promis, Severus, je n'en ai pas d'autres… que je sache… »

« Eh bien, ça peut aller », annonça Rogue, après un instant de réflexion

« C'est tout ? », s'étonna ouvertement Remus.

Severus eut un sourire fugitif.

« Cyrus… Cyrus a une étonnante capacité à détourner les potions - ce qui en dit beaucoup sur sa compréhension des mécanismes en œuvre… Comment dire…Nous divergeons sur les fins… pas sur les moyens ».

Lupin le dévisagea. Faisait-il allusion à LEUR conversation sur les fins et les moyens quelques mois auparavant ? Le contraire aurait été étonnant. Severus était depuis longtemps passé maître dans l'utilisation de multiples niveaux de langages. Voulait-il alors dire qu'il se sentait proche de Cyrus ?

« Bien. Je suppose que je dois me réjouir », finit par commenter Remus prudemment.

« Lupin… ce n'est pas une faveur que je te fais… S'il était ingérable, je ne l'accepterais pas en classe. J'ai encore les moyens de prévenir ses petites inventions, ça ne m'empêche pas de reconnaître leur habileté… »

« Ne me dis pas qu'il se débrouille mieux qu'Harry ? »

« Différemment. Harry aime apprendre et faire, Cyrus aime comprendre et imaginer de nouvelles choses. »

Et Severus en vient à apprécier chez Cyrus ce qu'il détestait chez Sirius - une belle intelligence et une audace incroyable en matière d'expérience ! songea avec stupeur Remus. La vie était décidément surprenante !

« Heureusement nous avons eu la présence d'esprit de les mettre dans des cours différents », commenta-t-il simplement. Il ne s'agissait pas de refroidir la bonne volonté de son adjoint !

« Je ne saurais mieux dire, M. le directeur », commenta froidement Rogue, qui avait repris le masque le plus distant qu'il avait dans sa panoplie de méchant maître de potions.

Bien sûr… il est tout sauf bête… Il est bien conscient qu'il est en train de pardonner à Sirius, comprit Remus, qui ne trouva rien de plus à dire tellement les questions se bousculaient dans sa tête. Comprendrait-il un jour vraiment ce qui motivait cet homme ? La défense de la magie blanche ? L'autonomie de Poudlard ? La loyauté envers Dumbledore ? Un peu de tout ça ? Quoiqu'il en soit, son manque de rancune envers les deux enfants ne cessait de le surprendre.

Le retour en classe de potions d'Harry en avait été presque caricatural. Il s'était installé calmement au premier rang, à côté de Cho Chang avant que Severus n'arrive. Quand le maître de potions avait, à son habitude, surgi en claquant la porte dans la classe, Harry s'était promis d'accepter sans broncher toutes les remarques qu'il pourrait faire. Et il avait eu bien besoin de cette promesse faite à lui-même !

« M. Potter-Lupin ! Assis, à l'heure et au premier rang ! », avait immédiatement grincé Rogue dès qu'il était arrivé à son niveau.

Avisant le rouleau de parchemin qu'Harry, comme ses condisciples, avait posé au coin de son bureau, il continua de la même voix acide : « Et il a même fait ses devoirs ! Absolument incroyable ! Que vous arrive-t-il, Potter-Lupin ? Une résolution tardive ? Un retour de conscience ? Ou simplement celui de votre père ? »

Les yeux noirs de Severus s'étaient arrêtés sur lui à la fin de sa tirade. Ignorant volontairement les murmures et les regards des Serdaigles autour de lui, Harry avait baissé simplement les yeux et murmuré :

« Je vous demande pardon, professeur… »

Pour s'entendre répondre ces paroles qui lui avaient serré le cœur :

« Vous pouvez, Potter-Lupin, vous pouvez ! Je ne sais pas si mes collègues français vous auraient accepté si facilement de nouveau dans leurs cours…. »

Ainsi Remus et lui en avaient discuté ? Pour Harry, la menace de ne PAS faire ses études à Poudlard prenait une réalité par trop effrayante. Il sentit le regard interrogateur et désolé de Cho sur lui mais n'osa même pas tourner la tête vers elle. Ses yeux étaient trop brûlants pour qu'il autorise quiconque à les contempler !

Un moment après, Rogue expliquant des choses à un groupe de l'autre côté de la classe, elle en avait profité pour lui glisser :

« Il y va un peu fort quand même…Tu es toujours venu en cours ! »

« C'est pas grave… C'est de bonne guerre, j'imagine », avait répondu Harry dans un souffle – convaincu que Severus ne lui tolèrerait aucun bavardage.

Jusqu'à la fin, le maître de potions avait été sur son dos, critiquant sa potion – qui avait pourtant la couleur verte émeraude et la consistance sirupeuse qu'il avait indiquées -, ignorant ses tentatives de répondre à des questions auxquelles personnes d'autre que lui, pourtant, ne connaissait de réponse et lui imposant, tout à fait arbitrairement, de nettoyer le sol de la classe devant l'estrade avant de partir. Ce traitement avait eu le mérite de lui attirer la sympathie de la majeure partie de la classe – pourtant habituellement réservée vis-à-vis du fils aîné du directeur. Harry n'avait pas bronché, espérant qu'il payait ainsi d'un coup tout ce que Severus pouvait avoir à lui reprocher.

Il n'avait levé les yeux qu'en voyant les robes soyeuses du maître de potion au bout de sa serpillière.

« Harry… ça ira, merci »

L'enfant s'était relevé et avait fait face avec un peu de suspicion au professeur qui tenait un échantillon de sa potion à la main.

« En y réfléchissant bien, elle n'est pas si ratée… elle est même acceptable… mais… hum…j'espère que ces bonnes résolutions vont durer ! »

« Oui, professeur », assura Harry avec un petit sourire. Il n'en avait jamais espéré autant aussi vite.

« Ce serait vraiment dommage, Harry. » Les yeux de Severus, eux, ne souriaient pas.

« Oui, professeur », répondit-il cette fois très sérieusement.

Le regard de Severus s'était posé sur lui avec moins de dureté.

« Allez, file ! »

Remus savait que cette conversation – pour minimaliste qu'elle soit ! - avait beaucoup compté pour Harry et avait contribué à l'encourager à se montrer digne de confiance. Bien sûr, ils continuaient à s'entendre - trop bien ! - avec Cyrus pour provoquer des petites pagailles dans les couloirs, chevaucher des balais aux limites de la pesanteur, ou convaincre Hagrid de les emmener au plus profond de la forêt magique... mais Remus ne se voyait les priver de cette complicité. Et puis, même là, ils avaient même su l'étonner en vainquant totalement le ressentiment du garde chasse d'avoir révéler la présence d'accromentula à tout Poudlard – même si toute l'école n'avait pas compris, l'ensemble des professeurs et un certains nombres d'élèves maintenant savaient. Harry avait d'ailleurs dû s'armer de la plus grande patience pour tenir tête aux jumeaux Weasley qui avaient essayé, par la persuasion et la menace, de savoir d'où venaient ces « drôles » d'araignées. « Fred et George, je vous en prie, arrêtez… je ne PEUX rien dire ! », avait-il répété inlassablement, précisant à chaque fois, avant même que quelqu'un ne l'envisage, « …et Cyrus non plus !»

Et Remus avait aussi vu ce dernier faire des efforts inédits et méritoires pour essayer d'effacer la première impression qu'il avait créée. C'était notamment Cyrus qui avait réussi à faire sortir le demi-géant de la réserve peinée où il restait enfermé, bien après que Remus les eut autorisé à reprendre leurs activités de soins aux créatures magiques avec lui. Alors qu'ils marchaient dans ce silence lourd qui marquait maintenant leurs après-midi, Cyrus avait brusquement accéléré jusqu'à dépasser le garde chasse et se placer face à lui. Interloqué, Hagrid s'était arrêté et avait contemplé le jeune garçon de toute sa hauteur.

« Hagrid », avait commencé celui-ci de sa voix aiguë. « Nous avons été stupides et nous méritons que vous soyez en colère… nous ne savons pas quoi faire pour nous faire pardonner… »

Le demi-géant avait été embarrassé. Il n'était pas habitué à parler si ouvertement de ses sentiments et les deux jeunes garçons – deux orphelins qui grandissaient dans un château qui était un monde en soi avec un statut bizarre - avaient toujours attiré son affection. Il savait après tout ce qu'il en était d'être seul et différent – quelques en soient les raisons !

Harry avait senti que la franchise de Cyrus portait. Il avait rejoint son frère – il n'imaginait plus un instant qu'un VRAI frère eut été différent - et avait levé lui aussi des yeux implorants vers Hagrid.

« Hagrid… vous avez toujours été mon…mon ami, et je sais que j'aurais du comprendre que vous auriez de la peine… Papa dit que ça ne sert à rien d'être désolé… mais je le suis ! Si je pouvais revenir en arr' »

« Bon, bon, ça suffit, ça suffit…hein », avait coupé Hagrid, sa grosse voix cachant avec difficulté son émotion. « Les enfants font des bêtises… tous… Moi, le premier ! N'en parlons plus ! »

Bref, Remus avait vu ses fils réussir à se faire plus ou moins pardonner par tout le château de leurs débordements de début d'année. S'il n'avait pas relâché pour autant sa surveillance, il sentait que sa colère avait eu des effets certains et qu'il n'était pas loin de pouvoir de nouveau leur faire plus confiance… Mais, voir Severus aller dans ce sens ne cessait de le surprendre. D'un certain coté, il y puisait une force nouvelle qui le faisait espérer, au-delà de toute raison, qu'ils parviendraient à venir à bout de toutes les épreuves qui les séparaient encore de la réhabilitation de Sirius. D'un autre, cette bonne volonté était tellement contraire à ce qu'il savait du ressentiment de Severus envers James et Sirius… qu'elle l'inquiétait. « Et, c'est moi que Dumbledore veut faire passer pour un rêveur ? Mais celui qui veut changer le passé, c'est Severus ! » C'est sur cette pensée étrange qu'il quitta ce soir là le maître de potions qui était arrivé devant sa porte.

ooo

« Tiens, mais qui voilà ! »

« Les louveteaux ! »

« T'es sûr ? Z'ont pas de trop grosses dents pourtant ! »

Harry et Cyrus s'étaient arrêtés net au niveau du terrain de Quidditch. Ils faisaient face à trois membres de l'équipe de Serpentard qui revenaient visiblement de leur entraînement. Le soir était sur le point de tomber et ils se hâtaient de retourner vers le château pour dîner. Hormis les Serpentards, l'endroit était désert. Ça ne peut pas se présenter plus mal, jugea Harry. Cyrus lui lança un regard interrogateur. Depuis la magistrale engueulade de Remus, il laissait souvent Harry décider de ce qu'ils pouvaient faire ou ne pas faire. Il insistait beaucoup moins qu'avant quand son grand frère jugeait l'entreprise trop risquée. Et là tant mieux, pensa Harry, parce que va falloir la jouer finement !

« Excuse-nous, Marcus », commença-t-il calmement, « nous devons rentrer. »

« Vous avez vu ? Font moins les malins quand y'a personne pour les défendre ! », répondit l'interpellé, déclenchant immédiatement les rires de soutien des deux autres. « Alors, pas d'araignées dans les poches ? Pas d'Hagrid dans les environs ? Et Papa loup, il hurle à la lune ? »

La dernière pique avait fait bondir Cyrus, les poings levés, et Harry avait dû le retenir par sa robe.

« Tu devrais faire attention à ce que tu dis, Flint », essaya-t-il encore.

« Ah ouais ? Et tu comptes faire quoi, Harry ? Lâcher ton p'tit frère sur moi ? Il mord ? »

Harry dut s'agripper à deux mains cette fois pour retenir Cyrus. Que faire ? se demanda-t-il avec fureur. Nous n'avons aucune chance contre eux trois ! Confirmant ses pires inquiétudes, il vit du coin de l'œil un des Serpentards sortir sa baguette de ses robes.

« Qu'en penses-tu Marcus, et si on les faisait hurler… comme des loups ? »

« Très bonne idée, Draven, une idée qui ne laisse pas de trace ! »

Le troisième Serpentard confirma son accord d'un petit rire arrogant. Au moment où le dénommé Draven levait sa baguette et ouvrait la bouche pour articuler son incantation, Harry ferma instinctivement les yeux. Il entendit alors une voix étonnement profonde crier « Expelliarmus ! » et une violente explosion secouer l'air. Quand il rouvrit les yeux, rien ne semblait s'être passé comme les trois Serpentards l'avaient prévu. Draven avait été propulsé – plutôt violemment - contre le mur de la tribune ouest, Marcus et le troisième Serpentard étaient eux aussi à terre et leur expression montrait qu'ils n'avaient pas plus qu'Harry compris ce qui avait pu se passer. Cyrus, lui, tremblait de tous ses membres, ses yeux lançaient des éclairs et, dans sa main tremblante, se trouvait une baguette.

« Cyrus », murmura Harry, impressionné et inquiet. Mais son frère s'écroula immédiatement sans connaissance sur le sol.

Cet évanouissement sembla finir de paniquer les trois Serpentards – c'était une chose de se moquer des fils du directeur, voire de leur jouer des tours, mais si l'un d'eux finissait à l'infirmerie, ils auguraient mal de leur avenir à Poudlard ! Avant qu'aucun des trois n'ait pu décider quelle attitude adoptée, un nouveau personnage arriva en courant sur les lieux.

« Severus », reconnut Harry – sans trop savoir s'il s'en réjouissait ou non. Comment le directeur des Serpentards pouvait-il réagir dans une telle situation ? Les défendrait-il devant des élèves de sa propre maison ? Les croirait-il seulement ?

« Que diable ce passe-t-il ici ? Répondez ! », aboya le maître de potions.

« Monsieur », commença Flint qui avait été le premier à reprendre ces esprits. « Cyrus…Cyrus Lupin a dérobé la baguette de Draven Stillwater et quand nous avons essayé de lui reprendre, il… il a essayé de nous désarmer… Ceci a dû lui prendre toute son énergie… il vient de s'évanouir… »

Draven confirma d'un signe de tête un peu hésitant, de même que le troisième Serpentard. Harry restait sans voix, sidéré de leur aplomb. Severus regarda autour de lui : la tribune au tissu déchiré, les mines défaites des trois élèves… la suspicion ne quitta pas son regard.

« Essayé ? Vraiment, M. Flint ? Des enfants si jeunes ? Et vous vous êtes laissés avoir comme ça ? », susurra-t-il dangereusement.

Les trois Serpentards ne surent que répondre. Flint ne put qu'acquiescer silencieusement.

« Harry ? », interrogea alors sèchement le maître de potions sans quitter ses trois élèves des yeux.

Harry soupira. Il entendait encore son père le mettre en garde contre sa tendance à s'opposer systématiquement aux Serpentards. Et s'il se retrouvait l'année prochaine parmi eux ? Plutôt aller à Beaux-Bâtons, pensa-t-il rageusement. Mais s'il racontait ce qui s'était passé, Remus devrait intervenir. Et il apparaîtrait encore une fois comme avant tout « le fils de son père »…et pas seulement pour les Serpentards. Toute l'école penserait qu'il se croyait au-dessus d'eux… Sans plus réfléchir, il murmura :

« C'est à peu près ce qui s'est passé… professeur… »

Il put voir la surprise, vivement camouflée, traverser le visage du maître de potions et des lueurs de curiosité et d'espoir – presque de respect - s'allumer dans les yeux des trois Serpentards.

« Eh bien… je vois que vous n'avez toujours pas fini de chercher les ennuis tous les deux », commenta avec acidité Rogue après un silence. Harry n'aurait pas pu en jurer mais il avait cru entendre une intonation d'incrédulité dans la voix de Severus. « Je vais être obligé de prévenir votre père », continua néanmoins celui-ci effaçant la première impression d'Harry..

Harry acquiesça avec nervosité. Dans quels draps s'était-il encore fourré ? Pourquoi avait-il pris de tels risques ? Mais, il ne pouvait plus vraiment changer de version. Il regarda sans rien dire Severus se pencher sur Cyrus et le réanimer d'un coup de sa baguette.

« Cyrus ? Tu m'entends ? » L'enfant hocha la tête mais n'ouvrit pas les yeux pour autant. « Hum, il ne semble pas en mesure de marcher. » D'un autre léger geste du poignet, il fit apparaître un brancard sur lequel il posa doucement Cyrus qui se rendormit aussitôt. « Bien. Harry, tu vas m'accompagner à l'infirmerie…puis nous irons voir ton père ».

Toujours sidéré de sa propre décision, Harry hocha la tête, incapable de prononcer une seule parole.

« Vous trois, je veux vous voir après le dîner dans mon bureau… Quelque soient vos excuses, j'entends que les Serpentards aient un peu plus de dignité que de se laisser berner par deux enfants», commenta ensuite Rogue sévèrement.

Les trois interpellés baissèrent humblement les yeux. Ils savaient qu'un mauvais moment les attendait mais aussi qu'ils s'en sortaient à bon compte.

Finalement, quand Rogue et Harry étaient sortis de l'infirmerie, il était trop tard pour aller dîner.

« Rentre chez toi, Harry. Linky t'apportera à manger. Je vais prévenir ton père ».

ooo

Harry n'avait pas osé revenir sur sa première version même quand il avait été seul avec Severus. Il s'était fait tout petit dans l'infirmerie, laissant Rogue et Poppy discuter de potions, de traitement et de compatibilité d'ingrédients à lui en faire tourner la tête. Quand Severus l'avait laissé partir, il était rentré la mort dans l'âme dans leur appartement. Mme Pomfrey avait dit que Cyrus devait rester en observation – de toute façon, il dormait toujours. Remus, après qu'on lui ait assuré que Cyrus allait bien, avait fait savoir qu'il irait à l'infirmerie après le dîner. Ça faisait longtemps que Harry ne s'était pas senti aussi seul.

Désemparé par les évènements, le jeune garçon s'assit sur le canapé en cuir qui faisait face à la cheminée et laissa ses yeux vagabonder dans la pièce à la recherche de quelque chose qui rendrait son attente moins insupportable. Un énorme volume de magie noire couvrait presque la totalité de la table basse. La couverture de cuir noir était couverte de signes cabalistiques dorés. Des marques pages de différentes couleurs dépassaient d'un peu partout, annotés à chaque fois de l'écriture serrée et régulière de Remus. Harry soupira. Il ne se faisait pas d'illusion sur la réaction de son père. Voler la baguette d'élève pour leur jeter un sort devait bien être entrer dans la catégorie "se croire au dessus de toute règle", selon lui. Papa ne croirait jamais que Cyrus ait fait ça seul. Si ça ne l'envoyait pas à Beaux-Bâtons, ça risquait bien de lui valoir une fessée... surtout qu'il n'allait pas mettre tout sur le dos de son frère ! Était-ce le prix à payer pour être accepté l'année prochaine comme un élève « comme les autres » ? Harry avait l'impression qu'il désirait que cela depuis des siècles, « être comme les autres ».

Pour éviter d'y réfléchir plus avant, il attira le gros livre sur ses genoux. Sans surprise le titre de l'ouvrage était en latin.

« Ombres, nuées et autres ectoplasmes produits par la magie noire», traduisit-il à haute voix. Eh bien, ça n'avait pas l'air gai !

Harry se demanda dans quel cours de septième année, Remus pouvait bien aborder un sujet pareil ! Il remarqua sans surprise que la tranche portait le signe rouge qui indiquait que cet ouvrage appartenait à la réserve de la bibliothèque. Il ouvrit le volume au hasard et fut surpris d'y trouver autant d'illustrations. Des fantômes menaçants, des ombres visqueuses, des nuages maléfiques, des brumes ensorcelantes et autres phénomènes étranges et inquiétants défilèrent devant ses yeux. Il n'avait pas tellement envie d'essayer de comprendre le texte. Il arriva soudain à un marque page jaune où Remus avait écrit en anglais : « Ectoplasme cadavérique ? Résonance psychique ? Demander des échantillons des cadavres à Sofia.» Harry frissonna. Des cadavres ? Sofia ? Qui était Sofia ? Mais il entendit des voix qui s'approchaient dans le couloirs – Remus ET Severus. Il reposa précipitamment le livre sur la table basse et envisagea un peu trop tard de battre en retraite dans sa chambre.

« Papa… », commença-t-il en se levant d'un bond dès que la porte s'ouvrit.

Remus lui offrit un regard calme mais sérieux. Mortellement sérieux , songea Harry la gorge serrée, et l'enfant décida avec fatalisme qu'ils venaient lui dire qu'il partait immédiatement pour Beaux-Bâtons.

« Entre Severus, rassieds-toi, Harry. », indiqua Remus calmement, en refermant la porte derrière le maître de potions. Harry sentit le sort de silence s'installer sur la pièce juste après et il trouva ça plutôt inquiétant ! Il observa un peu nerveusement les deux hommes s'installer de chaque côté de lui en silence. Après un échange de regard, c'est, de manière prévisible, son père qui prit la parole:

« Harry… Harry, je voudrais que tu me racontes ce qui c'est passé… »

« Ce qui c'est VRAIMENT passé, Harry », précisa Severus en regardant ailleurs.

« Professeur… j'ai déjà… »

« Harry, je ne suis pas là comme ton professeur, tu peux m'appeler par mon prénom », l'interrompit calmement le maître de potions le regardant pour la première fois. Il n'y avait aucune trace de colère ou de dédain dans ses yeux.

Stupéfait. Harry était tellement stupéfait par le tour que prenait la conversation qu'il ouvrit la bouche et la referma sans avoir prononcé un son. Remus eut un petit sourire.

« Tu préfères que je te dise ce que nous pensons qu'il s'est passé ? »

Son fils lui jeta un regard désemparé.

« Visiblement, ça ira plus vite », jugea Remus. «Severus pense que Flint, Stillwater et …comment s'appelle le troisième, déjà ? »

« Saltegg », fournit aimablement Severus.

«... et Saltegg vous ont attaqués… D'une manière ou d'une autre, Cyrus a eu une réaction de peur - peut-être Sirius l'a aidé- et il a réussi à les repousser… ça l'a vidé de son influx magique et il a perdu connaissance… Que penses-tu de cette version ? »

Harry hésita, partagé entre le soulagement et la crainte de voir son mensonge si totalement découvert.

« Eh bien », soupira-t-il finalement, « on peut aussi raconter ça comme ça. »

« Comment vous ont-ils attaqués ? », intervint Severus. Harry lui jeta un regard curieux. « Entre nous, Harry. »

« Eh bien, nous revenions de chez Hagrid… Ils sortaient du vestiaire et ils nous ont bloqué le passage. J'ai essayé de parlementer, mais Draven a sorti sa baguette, et il nous a menacés...»

« De quoi ?», coupa Remus.

« De… de nous faire hurler comme… comme des loups », balbutia Harry en rougissant.

« Évidemment », commenta Severus.

« Très Serpentard ça, non ? Humiliant… ne laissant pas de trace… presque prévisible », apprécia Remus devant son fils incrédule. Ça ne l'étonne pas plus que ça !

« Tout à fait », répondit Severus sur le ton de la conversation, ou comme si c'était un compliment.

Les yeux d'Harry allaient de l'un à l'autre sans cesser de s'étonner. Ça faisait longtemps qu'il ne les avait pas vu si complices – Depuis qu'on s'était mis à parler de Sirius en fait, réfléchit Harry.

« Et ensuite, que s'est-il passé ? », interrogea Remus, toujours imperturbable.

« Je ne sais pas trop », avoua Harry. « Je crois que Cyrus - enfin c'était plutôt la voix de Sirius - a crié « Expelliarmus ». Et ça a marché… sans baguette ! On n'a jamais pris leurs baguettes», insista-t-il, content maintenant de pouvoir écarter toute infraction de leur part. «Et puis, tu es arrivé », finit-il en regardant Severus.

« Tu as vu ça, Severus ? »

« Non, Lupin, non, je suis arrivé après. De loin, j'ai vu une lueur qui ressemblait à un sortilège de désarmement. J'ai pensé à un duel entre élèves. »

« Évidemment », commenta Remus, et Harry décida avec soulagement qu'il n'était plus mis en cause.

« Papa », intervint-il . «Comment a-t-il fait ça, Cyrus ? Il va se réveiller ? Il n'est pas blessé ?»

« Je pense que tu as compris : Sirius lui a donné sa force ; il est épuisé, mais il va bien », commença son père.

« Black a toujours disposé d'une grande concentration mentale - ce qui lui a permis de devenir si jeune un Animagus », expliqua Rogue – très professoral.

« On a eu de la chance, dis donc », remarqua Remus, après un moment de réflexion. « Imagine qu'il ait choisi de se transformer et de leur sauter à la gorge, tu serais dans l'embarras ! »

« Moins que toi, M. le Directeur ! », lui rappela Severus.

« Sérieusement, ça aurait pu arriver ? »

« J'en sais rien… peut-être… Tu devrais demander à Minerva de travailler avec lui à contrôler la force qui est en lui », estima Severus.

« Je l'ai déjà fait », répondit Remus d'un air navré.

« Ah. »

« Elle n'a pas voulu ? », questionna impulsivement Harry. Quand les deux hommes le dévisagèrent avec surprise, il comprit qu'ils l'avaient un instant presque oublié.

« Non », répondit un peu sèchement Remus. Harry sentit qu'il n'était pas très content d'avoir à lui dire ça.

« Excuse-moi ! Je ne veux pas… »

« Ça va, Harry, ça va… J'imagine que je peux te faire confiance… » Harry essaya bien de ne pas montrer combien cette remarque lui faisait mal mais échoua assez lamentablement, et Remus soupira et l'attira contre lui. « Nous, on aurait besoin de vacances, hein ? Tous les trois… d'avoir du temps les uns pour les autres… Je te demande pardon… Bien sûr, je te fais confiance ! »

Severus se racla doucement – enfin pas si doucement – la gorge.

« Regarde Harry ! Severus est gêné », se moqua gentiment Remus.

Le maître de potions leva les yeux au ciel mais enchaîna :« Tu as demandé à Flitwick ? »

« Tu ne trouves pas que suffisamment de personnes sont déjà au courant ? »

« Naturellement. »

Un silence profond s'installa dans le salon. Harry, toujours blotti contre son père, évitait de respirer trop fort.

« Il y aurait une solution », commença Severus. « Imaginons… avec ce que je sais des potions qu'il a prises… mon occlumentie… les expériences… les expériences que j'ai suivies plus jeune...»

Là, Harry eut l'impression qu'il lui jetait un regard nerveux. Mais Remus s'était tourné avidement vers le maître de potions.

« Tu n'es pas obligé… »

« Un peu, quand même… et puis, c'est un cas intéressant »

Remus eut un petit sourire qui semblait proclamer qu'il n'était pas dupe mais il se contenta de répondre sobrement : « Merci Severus »

Un nouveau silence remplit la pièce. Severus va lui apprendre ce que Flitwick m'enseigne, comprit Harry. Il se demanda pourquoi Minerva n'avait pas voulu, mais n'osa pas poser plus de questions.

« Et toi, tu as décidé de ne pas les dénoncer ? », questionna alors très doucement Remus, pressant doucement l'épaule de son fils.

Harry lui jeta un regard en biais, essayant de jauger l'état d'esprit de Remus.

« Tu sais… J'ai pensé que tu allais devoir intervenir, que tout le monde penserait encore que… que je… enfin… que tout ça ferait de moi quelqu'un de différent… J'ai préféré… » Il osa lever plus franchement les yeux et vit une lueur de respect dans les yeux de son père.«Tu ne vas pas les punir, hein ? »

« Je vais laisser à leur directeur de maison le soin de leur faire entendre qu'ils feraient mieux de ne pas se retrouver une autre fois dans une situation aussi équivoque », répondit Remus et Harry vit Severus hocher la tête en signe de confirmation. Avant que Harry n'ait eu envie de les plaindre, Remus demandait : «Mais toi, tu n'as pas eu peur que je croie ce mensonge ? »

« Après… un peu… »

« Gryffondor », commenta laconiquement Severus.

« Quoi ? », sursauta Harry.

« Un pur Gryffondor: agit d'abord, pense après ! »

Sur ces paroles, Rogue s'était levé et se dirigeait vers la porte comme s'il n'avait plus rien à faire dans ce salon, et Remus rit doucement.

« Désolé Severus ! »

oooo

Bon le prochain coup, c'est promis, ils partent en vacances… en Turquie, je pense… ou sur la côte dalmate…

Ça leur réussit toujours si bien les vacances…non ?