Entre Lune et Étoile
Disclaimer : Toujours pareil
Chapitre 30 – Sang d'embrumes
Cyrus s'ennuyait.
Dans le petit magasin sombre, les boites vides et les explosions s'ajoutaient aux précédentes sans que Harry ne semble trouver la baguette qui lui convenait.
Cyrus bâilla.
Que d'histoires, franchement ! Pour une baguette magique dont il ne saurait rien faire… Parce que on pouvait dire tout ce qu'on voulait, mais Harry ne savait pas grand-chose en matière de magie, décida Cyrus. Il était incapable de jeter le moindre sortilège ! Alors que lui avait déjà lancé un Experlliarmus - sans baguette, s'il vous plaît ! Et ses entraînements avec Rogue avaient montré que ce n'était pas seulement grâce à Sirius. Il n'était pas loin d'y arriver par lui-même !
Il bâilla de nouveau un peu plus fort. Un nécessaire d'entretien des baguettes lui frôla l'oreille et s'écrasa contre la vitrine…
Il ne lui jeta pas un seul regard.
Severus avait eu une longue explication sur les transferts de pouvoirs venant de Sirius et la nécessité d'employer ses pouvoirs avec précaution… Quelle importance !
Cyrus eut un sourire condescendant et se tourna résolument vers la vitrine lorsqu'un énorme pan des rayons de Ollivander s'écroula sous l'action incontrôlée d'une baguette aussi vainement essayée par Harry que les précédentes. Cyrus distinguait des passants qui se pressaient le long du Chemin de Traverse, des paquets pleins les bras. Car, bientôt, l'élite des enfants sorciers entrerait à Poudlard… et Harry serait parmi eux… et lui serait seul.
Et c'était profondément injuste, pensa Cyrus rageusement – pas pour la première fois.
Dans son dos, il entendit Ollivander et Remus conjuguer leurs efforts pour rassurer Harry. Le premier lui assurait qu'il ne sortirait pas de son magasin tant qu'il n'aurait pas trouver LA baguette de Harry Potter – Autant pour le Lupin, songea Cyrus sombrement. Le second ne semblait pas s'en formaliser et encourageait Harry à se concentrer. Il haussa les épaules et se dirigea vers une vitrine où des baguettes anciennes étaient exposées pour les collectionneurs. L'une d'elle – cyprès incrusté d'albâtre, plume de faucon, - aurait appartenue à Ptolémée, la grande sorcière égyptienne, lut-il. Elle lui parut très jolie - petite et délicate – et, sans trop réfléchir, il ouvrit la vitrine pour mieux la voir. Un nouveau pan de boîtes s'écroula laissant échapper les baguettes qu'elles contenaient dans un envol de papier de soie… Ollivander se précipita pour limiter les dégâts tout en affirmant à Harry qui balbutiait des excuses que ce n'était rien. Il s'arrêta net néanmoins quand il vit Cyrus, la baguette de Ptolémée à la main. L'enfant eut l'impression qu'il allait exploser.
« Prof…professeur Lupin…pouvez-vous dire à VOTRE fils…de ne RIEN toucher…S'IL VOUS PLAÎT ? »
« Oh ? Cyrus… Voyons ! » Remus lança un regard d'avertissement à Cyrus et sans le savoir ajouta la dernière goutte qui fit déborder le vase amer de sa jalousie grandissante depuis qu'Harry avait fêté ses onze ans, le 31 juillet dernier. « Sois sage Cyrus, on n'en a plus pour très longtemps… Excusez-le, M. Ollivander ! »
Ollivander, le regard noir, avait arraché la baguette bien-aimée des mains de l'enfant et la rangeait avec maintes précautions dans la vitrine. Après une hésitation, il ajouta un sort pour que la porte soit inouvrable. Cyrus voulut partager son amusement face à ces précautions inutiles avec son père, mais celui-ci avait déjà tourné le dos pour aller rejoindre Harry qui essayait une nouvelle baguette. La vitrine se referma avec un bruit sec, il eut l'impression que son cœur faisait le même bruit en explosant de chagrin.
Ne comptait-il pour rien ? Allait-on jamais en finir ? Harry, Harry, toujours Harry… Harry, qui avait défait Voldemort… Harry, qui était là le premier et qui resterait là, près de Remus, quoiqu'il arrive… Harry, qui avait eu une grandiose fête d'anniversaire chez Albus Dumbledore… La célébration de son propre anniversaire – placé symboliquement le 21 juin sous le signe des Gémeaux – avait été bien plus discrète ! Harry, encore, qui entrait à Poudlard… Il refoula les larmes qui emplissaient ses yeux. Un bourdonnement grave lui emplit soudain les oreilles.
Ah, non ! - pensa-t-il rageusement. Sirius attendra !
Il se concentra comme Severus le lui avait appris et conjura l'image d'une immensité, la mer. Il vida ainsi son esprit de toute autre pensée, et le bourdonnement s'éloigna. Il eut un sourire sans joie. Sans même jeter un regard au trio, qui examinait maintenant une autre baguette – avec une gravité pour le moins étrange ! –, il se glissa d'un geste souple hors du petit magasin sombre, retint la porte pour qu'elle ne sonne pas et se fondit prestement dans la foule magique.
Dès la troisième foulée, il se sentit grisé. Il était libre ! Qu'avait-il besoin de Remus et d'Harry? Ils n'étaient ni son père, ni son frère… Il n'était ni leur fils, ni leur frère… Il n'était qu'un pis-aller… Personne ne l'aimait pour lui-même !
Une fois de plus, le bourdonnement pointa au fond de ses tympans, mais il le bloqua immédiatement – avec une certaine fierté. Non, ceux-ci ne savaient pas l'aimer… et ils ne souhaitaient qu'une chose : que l'Autre revienne - l'ami, le parrain… le condamné… le paria… le plus intéressant que lui en tout cas ! Seul, Severus s'intéressait vraiment à lui – encore qu'il le soupçonnait d'avoir des arrières pensées d'expérimentation…
« Qu'ils s'inquiètent donc ! » - bougonna-t-il.
Cyrus avançait droit devant lui, rageusement. Il hésita un moment devant la boutique de Quidditch, mais il estima sage de mettre un peu plus de distance entre lui et Remus… Il repartit d'un pas rapide. Une sorcière vendait des crêpes au coin de la rue, son estomac gargouilla et il se rendit compte qu'il n'avait pas d'argent sur lui… Il s'approcha néanmoins et demanda le prix.
« Six mornilles.»
« Bien, j'en prendrais une au sirop d'airelles », décida Cyrus avec un grand sourire.
« Montre moi donc ton or d'abord ! », exigea la marchande les sourcils froncés.
«Ah. Mon père, Remus Lupin… ne va pas tarder. Il est plus haut dans la rue », expliqua l'enfant, levant vers elle des yeux gris confiants.
La sorcière le dévisagea. Lupin ? Comme tout le monde elle connaissait le nom du directeur de Poudlard. L'enfant portait des vêtements bien coupés. Il parlait avec une certaine distinction, comme ces enfants des sorciers aisés qui faisaient leurs études à Poudlard. Il avait un air sûr de lui – comme ceux qui sont habitués à commander depuis leur naissance, décida-t-elle. Elle se rappela soudain cette nouvelle rumeur selon laquelle, Lupin aurait adopté le fils de Sirius Black. Elle décida que ça valait le coup de retenir l'enfant pour avoir l'occasion de voir le père… Elle aurait peut-être quelque chose d'intéressant à raconter au pub ce soir ! Elle hocha la tête et commença à préparer lentement la crêpe.
« Tu t'appelles ? », questionna-t-elle plus aimablement.
« Cyrus…. Cyrus Lupin », précisa obligeamment l'enfant.
Elle versait le sirop et repliait le disque de pâte. De nouveaux clients étaient arrivés et elle commença à préparer leurs commandes. La crêpe de Cyrus reposait sur le petit comptoir. Elle lui jetait de temps à autres un charme pour qu'elle ne refroidisse pas.
« Eh bien, ton père, il traîne ! », lui lança-t-elle après un moment.
Cyrus lui fit un sourire d'excuse mais haussa les épaules d'un air dégagé.
« Il a dû rencontrer quelqu'un… »
Elle hocha la tête une fois de plus. L'enfant profita du moment où elle comptait la monnaie qu'elle devait rendre à une sorcière encombrée de trois ou quatre marmots en bas âge pour chiper la crêpe et s'envoler à toutes jambes. Il entendit bien des cris mais il ne se retourna pas, et personne ne l'arrêta.
Cyrus n'osa pourtant pas ralentir avant un moment. Le sirop d'airelles coulait et lui poissait les doigts. La crêpe refroidissait. Il décida qu'il était assez loin et mordit avec entrain dans la crêpe. Délicieux ! Au moment où il allait en croquer une deuxième bouchée, il vit au loin le minuscule chapeau fleuri qui ornait toujours le chignon de Minerva McGonagall lors de ses sorties. Il pila net et fit marche arrière. Mais cette direction le ramenait vers la petite marchande de crêpes. Ne sachant pas quoi faire d'autre, l'enfant prit la première bifurcation à droite, une rue plus petite, plus sombre, moins passante. Il y serait à l'aise pour finir sa crêpe, décida-t-il, ignorant tout ensemble l'inquiétude qui menaçait et la reprise du bourdonnement.
Il engloutit la crêpe en trois bouchées, pas aussi plaisantes qu'il les avait imaginées. Les passants autour de lui paraissaient de plus en plus étranges. Les sorciers étaient moins bien habillés. Ils lui lançaient des regards méfiants ou inquisiteurs. Surmontant sa prévention, Cyrus continua son chemin. Cette rue irait bien quelque part… dans le monde moldu peut-être… Une créature étrange s'approcha de lui et lui susurra d'une voix aiguë :
« Où vas-tu, petit maître ? Ce n'est pas un endroit pour toi, ici ! Tu as perdu ta maman ? »
Il se dégagea un peu nerveusement. Il continuait à respirer profondément et régulièrement pour tenir en, respect les hurlements intérieurs de Sirius.
« Tais-toi », grommela-t-il. « Tu as eu ta chance ! Maintenant, c'est mon tour ! »
Plus Cyrus avançait, et plus les maisons lui paraissaient différentes, les boutiques rares et décrépies et les passants bizarres. La rue était de plus en plus sombre, comme si le soleil l'évitait ou si elle était devenue souterraine. D'ailleurs, un essaim de chauve-souris la traversa avec des cris stridents. Il sentait son cœur battre dans sa poitrine avec de plus en plus d'insistance. Instinctivement, il se retourna pour mesurer la distance qu'il avait parcourue. Et, à ce moment là, il se sentit projeté brutalement contre le sol. L'instant suivant, il ne pouvait plus bouger, ni pieds, ni bras.
Cyrus réussit quand même à lever la tête et croisa trois paires d'yeux des plus étranges, brillants au fond d'orbites boursouflées et crasseuses, au ras de bonnets sombres et déchirés. Il n'avait pas eu à lever la tête très haut puisque aucun de ses assaillants n'étaient plus grand qu'un jeune elfe de maison ! Sous des nez ronds, pointaient de petites dents acérées. Des Lepréchaunes ! Il avait été attaqué par des Lepréchaunes ! Il n'avait pas besoin de Sirius pour savoir que c'étaient des créatures agressives et parfois friandes de chair humaine… - C'était dans tous les livres magiques pour les enfants ! Il déglutit avec peine et murmura un incertain : « Lâchez-moi ! »
Les trois lutins ricanèrent.
« Alors petit maître ! », coassa l'un d'entre eux. « Tu vas être notre meilleure prise de la saison ! »
« Avec ça, plus d'or qu'on peut en porter ! », ajouta le second.
« A moins qu'on ne le mange », ajouta le troisième visiblement très excité.
Cyrus paniqua. Sirius ! Sirius ! - plaida-t-il. Fais quelque chose ! Je t'en prie ! Tu ne vas pas les laisser me manger ! Nous manger ! Sirius ! Mais ses supplications restèrent sans réponse. Il imagina un Sirius Black adulte – comme sur les photos de Remus, enveloppé dans une cape aussi noire que ses cheveux, le regardant à distance être dévoré…. Au moment où il allait se décider à hurler pour demander de l'aide, il entendit le bruit caractéristique d'un sort d'Experlliarmus jeté à pleine puissance.
Il se tortilla pour découvrir qui en était l'auteur et fut surpris de ne pas le connaître. Cyrus se rendit confusément compte qu'il s'était attendu à voir Remus – même en colère ! – ou Minerva… Enfin quelqu'un qui le cherchait… Quelqu'un le cherchait-il d'ailleurs ? Mais il n'eut pas le temps de réfléchir plus avant à cette question inquiétante. Le sorcier s'avançait. Ses bottes claquaient sur les pavés. Sa cape d'été en lin noir voltigeait comme ses robes. Ses mains portaient plus de bagues que Cyrus n'en avait jamais vu. Argent et pierres précieuses jetaient des éclats assourdis par le manque de lumière de la ruelle. Le bourdonnement enfla dans ses oreilles sans qu'il n'y prête attention. Il se tordit désespérément le cou pour voir le visage de son sauveur, un visage fin, aristocratique, des yeux gris très pâles, périodiquement cachés par des mèches blanches à force d'être blondes. Quel qu'il soit, il était connu… et craint. Les trois lepréchaunes s'étaient étalés sur le sol en signe de soumission, constata Cyrus avec une légère satisfaction.
« Mais qu'avons-nous là ? », demanda l'homme d'un ton hautain.
« Maître, maître, pardonnez-nous… la tentation… », commença l'un des lutins.
L'homme les ignora. Il dévisageait avec curiosité et incrédulité l'enfant qui se tortillait toujours à ses pieds pour se libérer de ses liens.
« Eh bien, eh bien… Regardez, Narcissa, ma chère… ça ne peut être que LUI… »
Une femme entra dans le champ de vision de Cyrus. Ses vêtements vert sombre avaient un éclat presque métallique. Son visage paraissait tout aussi hautain et curieux que celui de l'homme. Après l'avoir longuement observé, elle acquiesça d'un petit signe de tête. L'homme se retourna vers Cyrus et lui demanda alors :
« Comment t'appelles-tu ? »
« Cyrus… Cyrus Mélanio Lupin », articula l'enfant avec peine.
Il ne comprenait pas pourquoi cet homme, qui l'avait sauvé, ne prenait pas la peine de le détacher, ni de le redresser. Il n'avait pas non plus fait un seul geste pour arrêter ses trois agresseurs qui venaient de s'enfuir. Ses oreilles bourdonnèrent de plus belles.
« Et vous ? », réussit-il à demander.
La réponse explosa à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de sa tête : « Lucius Malefoy. »
Cyrus ferma les yeux pour échapper au regard ironique de l'homme. Il connaissait ce nom. Remus, Harry, Minerva, Severus… - même Hagrid ! - avait dit du mal de la famille Malefoy. Il déglutit une nouvelle fois. Sans plus chercher à repousser Sirius de ses pensées, il demanda très humblement : Que dois-je faire, Sirius ! Le silence qui lui répondit le terrifia. Sirius, ô Sirius, fais quelque chose, toi ! Je ferai ce que tu voudras… On retournera à Poudlard, tu pourras parler à Remus autant… - Ne rêve pas, Cyrus, intervint sévèrement Sirius. Tu t'es jeté dans les mains de mon pire ennemi : ma famille. Tout ce que je pourrais faire aggraverait les choses…Pour le moment, suis-les.
Mais la femme parlait :
« Nous ne pouvons pas rester là… Relevez-le, allons ailleurs… »
Malefoy s'exécuta sans une parole. Il le libéra de ses liens sans que pour autant Cyrus ne se sente libre de partir. La femme continuait de le regarder d'un air critique. Quand il fut sur ces pieds, il distingua un enfant de son âge, aussi blond que son père, qui se tenait derrière elle et le dévisageait, lui aussi, avec une curiosité hautaine. Il se sentit rougir sans trop savoir pourquoi.
« Mélanio, hein ?», s'anima brusquement la femme. « Comme si Cyrus ne suffisait pas…
De toute façon, un tel visage ne peut appartenir qu'à une seule lignée !…Une lignée sur laquelle un demi-humain comme Lupin n'a aucun droit ! »
« On ne sait rien de la mère », objecta doucement Malefoy - comme si Cyrus n'avait pas été capable de comprendre ces paroles.
« Aucune importance. Regardez-le ! Le sang des Black est plus fort que n'importe quelle mésalliance ! Cet enfant nous appartient ! », asséna Narcissa Malefoy avec une arrogance certaine.
Son mari lui sourit :
« Il n'est pas permis d'en douter. »
Cyrus savait bien qu'il n'y avait aucun croisement avant le chemin de Traverse, aucun moyen de fausser compagnie à ses étranges et inquiétants sauveurs. Il suivit donc sans broncher la famille Malefoy. Sirius s'était de nouveau tu, et il se sentait plutôt seul. Il refoula les larmes qui menaçaient avec rage. Ce n'était vraiment pas le moment…
Lucius Malefoy s'arrêta et sortit une longue clé brillante de ses robes. Il commença à ouvrir une porte très abîmée, décorée d'un serpent qui avait perdu sa tête. Il entra et Cyrus sentit la femme le pousser sans un mot. Ne voyant aucune alternative, il allait se résoudre à obéir quand un cri – peut-être devrait-on dire un rugissement - lui fit tourner la tête.
« Cyrus ! »
« Hagrid ! »
Sans attendre l'enfant s'élança, glissant entre les mains de Narcissa Malefoy. Instinctivement, il se jeta dans les bras du garde-chasse.
« Hagrid, oh Hagrid… »
« Eh bien, eh bien… Tu es content de me voir, on dirait ? Mais que fais-tu dans un endroit pareil ! Tout le monde te cherche ! »
Avant que Cyrus n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche, Malefoy les avait rejoints.
« C'est une bonne question… Hagrid… Je me la posais moi aussi… Si ma femme et moi ne l'avions secouru, Lupin en aurait été pour une bonne rançon… »
Rançon ? La voix moqueuse de Sirius explosa dans sa tête: Ah oui… toi qui croyais qu'ils allaient te manger ! Je me suis dit que j'allais attendre pour intervenir… ça t'aurait fait une bonne leçon ! Quelle idée de t'enfuir comme ça au hasard !
Cyrus se sentit bouillir de rage – contre Sirius, mais aussi contre lui-même. Ce qu'il pouvait être crédule parfois !
« Vraiment ? », Hagrid semblait soupçonneux et mal à l'aise face aux Malefoy. « Eh bien… je vous remercie M. Malefoy… Je… je suis sûr que le professeur Lupin vous en sera reconnaissant… »
« Mais certainement ! Mais certainement… Je serai heureux de l'entendre moi-même… Où est-il donc, notre grand directeur ? »
Le regard d'Hagrid n'eut rien d'amical. Il se fit visiblement violence pour répondre.
« Pas loin d'ici… en train de retourner le Chemin de traverse » ,grommela-t-il, posant sa grosse main sur l'épaule de Cyrus comme pour montrer qu'il entendait le protéger – ou l'empêcher de disparaître une nouvelle fois... L'enfant se colla un peu plus étroitement à lui.
« Nous vous suivons, mon ami », répliqua Malefoy, sans sembler un instant douter que Hagrid allait lui obéir.
De fait, l'étrange petit groupe rejoignit peu après le Chemin de traverse. Le garde-chasse et l'enfant devant, la famille Malefoy derrière eux. Ils n'y eurent pas fait trente pas qu'ils furent accompagnés d'une rumeur croissante : "- le fils de Black ! - En tout cas, il a volé une crêpe ! Non ? Si, je vous le dis ! -A propos de Black, vous avez lu le dernier article de Skeeter sur Azkaban ? - Ne m'en parlez pas ! »
Cyrus sentit croître son angoisse. Tout cela prenait des proportions inquiétantes ! Remus allait sûrement – c'était quoi l'expression d'Harry, déjà ? – ah, oui, « l'assassiner ». Il entendit Sirius rire dans sa tête – un rire profond comme un aboiement, un rire un peu moqueur et méprisant, selon lui. Une fois de plus, la colère le submergea. Mais il n'eut pas le temps de s'agacer davantage. Fendant la foule, qui s'écartait d'ailleurs sur son passage en murmurant, Lupin fonçait droit sur lui. Hagrid s'écarta lui aussi. Cyrus vit les mains de son père adoptif se lever et il attendit la gifle – il pouvait dire que Sirius lui aussi s'y préparait. A sa plus grande surprise, les deux mains tombèrent directement sur ses deux épaules et le secouèrent violemment.
« MAIS OU ÉTAIS-TU PASSE ? », martela Remus. « QU'EST-CE QUI PEUT BIEN TE PASSER PAR LA TÊTE POUR DISPARAÎTRE COMME ÇA ? »
Devant le regard glacial, Cyrus ne se sentit pas le courage de répondre autre chose que :
« Pardon, Papa… »
Mais déjà Malefoy quittait son rôle de spectateur.
« Le sang, bien sûr… Lupin… Quoi d'autre que le sang peut ramener un Black vers le chemin des Embrumes ? »
Un murmure parcourut la foule de curieux qui les entouraient. « Black » « Sang » « Embrumes » De quoi nourrit bien des peurs ! Cyrus vit, avec inquiétude, Lupin blêmir.
« Malefoy », constata-t-il, très calmement, sans quitter l'enfant des yeux ou se tourner vers l'homme qui venait de l'apostropher.
« Oui, M. le directeur…. Narcissa et moi, nous sommes tellement rassurés de voir que vous êtes un homme de discipline… un pédagogue… Au moment où Draco va entrer dans votre école… », plastronnait l'homme prenant la foule à témoin. L'avocat dans son prétoire.
Cette fois, Remus fit face. Avait-il même le choix ?
« Ainsi c'est vous qui avez retrouvé Cyrus ? Merci », répondit-il de sa voix la plus calme, tendant la main pour serrer celle de Malefoy qui… ne put que l'accepter !
Délibérément, Lupin évitait de répondre sur le fond. Cyrus était-il le fils de Black ? La rumeur de Dumbledore avait pris trop facilement racine dans la communauté magique. Quoiqu'il ait pu répondre, les gens ne l'auraient pas cru. Était-il un mauvais directeur pour Poudlard ? Cette attaque-là était plus gênante mais il pouvait encore l'atténuer en montrant qu'il n'avait aucune peur de Malefoy.
« Ça a été un plaisir », répondit Lucius, visiblement agacé de le voir si calme.
« Une chance que vous ayez été là !», ajouta Lupin toujours aussi égal. « Peu de sorciers de confiance s'aventure dans ces parages… - surtout avec leur famille ! » Autant pour toi, Lucius !
Le chef des Malefoy prit cela aussi mal qu'on pouvait s'y attendre.
« Je vous trouve… », commença-t-il
« Pressé ? », proposa Remus avec un sourire dangereux. « Oui, pardon. Nous devrions vous proposer d'aller prendre une bièraubeurre ensemble mais j'ai déjà perdu trop de temps aujourd'hui… Nous nous reverrons bientôt, n'est-ce pas ? Encore une fois, merci, Lucius. Mme Malefoy, Draco. »
Avant que Malefoy n'ait eu le temps de répliquer, Lupin s'éloignait, indifférent aux murmures qui le poursuivaient et poussant Cyrus, encore sous le choc de cette matinée, devant lui.
OO
« Harry, vas donc ranger tes achats… »
L'interpelé leva les yeux vers son père mais ne vit que son dos qui s'éloignait dans l'appartement. Il chercha le regard de Cyrus qui restait vissé au sol et soupira. Ne trouvant rien n'y a rétorquer au premier, ni rien à conseiller au second, il se retira seul dans leur chambre commune, avec une pile branlante de cartons qui représentait la somme de leurs achats de la journée. Il n'aurait jamais cru qu'il reviendrait aussi triste de ces courses de rentrée à Poudlard !
« Toi, assieds-toi », continua Remus sans même chercher à maîtriser la dureté de sa voix. Il désigna de sa main libre une chaise près de son bureau. Cyrus n'hésita qu'une seconde. Avait-il d'autre choix ? Il regarda en silence Lupin poser ses propres achats sur son bureau et jeter un coup d'œil aux messages qui étaient arrivés dans son absence. Ses mains tremblèrent légèrement quand il leva un des parchemins couverts de cachets officiels pour le relire plusieurs fois. L'enfant prit cela pour de la colère et attendit – presque avec impatience. Autant en finir ! – l'inévitable explosion. Mais quand Remus se retourna vers lui, il lui dit simplement :
« Bien. Alors… explique-moi donc pourquoi tu es parti comme ça… »
Il avait repris le contrôle de sa voix et Cyrus osa le regarder. Son père adoptif s'était assis sur son bureau et le fixait les bras croisés sur sa poitrine. Mais ni lui, ni Sirius, ne se faisaient d'illusion sur ce calme apparent. La vérité, Cyrus. Il n'acceptera QUE la vérité, lui conseilla son double adulte.
« Je… je m'ennuyais », finit par répondre Cyrus. Une demi-vérité, ça va ?
« Tu t'ennuyais », répéta Remus, et l'enfant eut l'impression d'avoir donné une mauvaise réponse.
Il hocha ta tête mais Lupin n'ajouta rien. Cyrus expérimenta ce long regard glacé et immobile qu'offrait Remus aux élèves récalcitrants et à tous ceux qui s'opposaient à lui. Comme eux tous avant lui, il craqua le premier et hurla :
« OUI ! JE m'ennuyais ! J'en avais MARRE d'être transparent ! Tu ne m'as parlé que pour me dire d'être sage ! Tu t'en fiches de moi ! Tout le monde se fiche de moi ! Même Harry ! Alors… je suis parti. »
A la fin de sa tirade, Cyrus s'effondra en larmes entre ses mains. Il était fatigué, il avait peur… - Remus n'allait jamais lui pardonner ! Quand son corps commença à trembler, il sentit un onde de sympathie inondée son cerveau et il était bien trop faible pour essayer d'empêcher Sirius de lui parler – s'il l'avait même voulu. Hem, Cyrus… je ne sais pas si c'est le moment… mais tu n'es pas seul, tu le sais… et… La voix de Lupin, à peine plus aimable interrompit leur petite conversation.
« Donc, c'est là toute ton excuse. Tu es malheureux alors tout le monde doit s'inquiéter… Un peu facile, non ? »
L'enfant lui jeta un regard furtif. Que puis-je dire ? - Ah ça… c'est qu'il est fort à ce jeu là… reconnut Sirius avec un soupir presque compassionnel pour la première fois.
« Est-ce que ce ne serait pas toi, qui ne penses pas beaucoup aux autres, Cyrus ? » continuait Remus. « As-tu pensé à notre inquiétude à Harry et à moi ? A celle d'Hagrid et de Minerva qui nous ont aidés à te chercher ? Et la crêpe, c'était aussi parce que personne ne t'aime ou était-ce un message plus subtil ? »
Qu'est ce que je t'avais dit ? Tu n'as aucune chance… Contre les Malefoy au moins, j'aurais pu faire quelque chose ! – Merci Sirius ! – Mais franchement ! Le problème est qu'il a raison ! – Ça va, hein, si c'est tout ce que tu as à dire, tais-toi !
Cyrus avait secoué la tête pour accompagner ces paroles intérieures, et Lunard pensa qu'il devait discuter avec Sirius… Harry lui avait appris à reconnaître ces moments-là. Il décida que cette comédie avait assez duré.
« Eh bien, quels sont les conseils de notre ami Patmol ? », interrogea-t-il d'un ton plutôt acide.
« Il dit… il dit que tu as raison », admit Cyrus. « Il ne sait dire que ça ! », ajouta-t-il avec un peu de colère.
« Vraiment ? Eh bien, il aurait mieux fait de t'arrêter avant ! Je sais qu'on ne peut pas te demander d'être plus prudent qu'un autre, ni plus malin… Mais LUI savait à quel point la rue des Embrumes était une mauvaise idée ! »
Là encore Cyrus ne sut que répondre. La vérité ? – Plus ça sera difficile et plus il appréciera, affirma Sirius avec conviction. L'enfant se mordit la lèvre et s'essuya un peu nerveusement les yeux avec sa manche. Remus lui tendit sans un mot un mouchoir qu'il accepta avec un petit signe de tête.
« Je… Il… parfois… Je n'écoute pas ce qu'il me dit », lâcha Cyrus après un moment. Ouais… disons ça comme ça, grommela Sirius.
Lupin haussa les sourcils. Il songea à plusieurs conversations qu'il avait eues depuis leur retour de vacances avec Severus. Celui-ci n'arrivait plus à pénétrer aussi facilement l'esprit de l'enfant par légilimentie… il y avait aussi l'étrange absence de réaction de Sirius lors de la révélation des Diggory…
« Cyrus… tu ne l'écoutes pas ou… tu l'empêches de parler ? », enquêta-t-il plus doucement.
Sirius siffla d'admiration dans la tête de Cyrus qui en eut un haut le cœur. Désolé, Cyrus, mais il est fort, non ? L'enfant jeta un regard de détresse à l'homme qu'il appelait Papa.
« Je veux… je voudrais des fois tellement qu'il n'existe pas ! », lâcha-t-il en baissant la tête.
Le regard de Lupin s'adoucit notoirement à cet aveu mais l'enfant ne le regardait pas. Il ne le vit pas quitter le bureau et s'approcher de lui. La main sur son épaule le fit sursauter.
« Regarde-moi, Cyrus… Allez ! », commença Remus gentiment.
L'enfant obéit. Ses yeux gris débordaient de larmes. Remus ne se souvenait pas avoir vu Sirius dans un tel état… Quelque soit les épreuves qu'il avait traversé, il avait une conscience de lui-même suffisante pour les surmonter. Il mesura l'extrême fragilité de cette personnalité clonée par Severus huit mois auparavant.
« Tu ES important pour moi, Cyrus - autant que Sirius et autant que Harry… Je ne peux pas aimer Sirius sans t'aimer toi, et vice-versa… Je sais que c'est dur à comprendre… Moi-même, je ne le sais pas depuis très longtemps… Je suis désolé si je n'ai pas su te le montrer… »
– Hem… Moi aussi… Pardon, Cyrus… Tu sais que tu es important pour moi… et pas seulement parce que tu me protèges… Je veux que tu aies une bonne vie… Je te protégerais toujours et de toutes mes forces…
– Tu parles ! Si on trouve ce Rat, tu seras bien content de te débarrasser de moi !
– Non, Cyrus, non… non tu resteras dans mon cœur et ma mémoire, je te l'ai déjà dit… Tu es mon innocence…
Remus avait vu les yeux de l'enfant se figer et reprendre vie l'espace d'une seconde.
« Ça ne doit pas être toujours facile, Cyrus… Je le sens… Nous te demandons tous des choses très difficiles… et tu n'as pas beaucoup le droit à l'erreur, je le reconnais… Mais tu peux demander de l'aide. Je suis là, Harry aussi et Severus et… je crois que tu devrais faire plus confiance à Sirius… »
Cyrus hocha la tête. Il voulait bien croire qu'il s'était mis en danger… Il savait que Remus, Harry et Severus cherchaient à l'aider quant à écouter Sirius… il ne savait pas trop quoi en penser ! Mais l'enfant en lui, celui qui avait besoin de sécurité, prit le dessus. Il demanda un peu timidement à Lunard qui était resté près de lui :
« Tu n'es pas en colère ? »
« Si. Je suis plutôt en colère, Cyrus : tu m'as désobéi ; tu t'es mis volontairement en danger ; tu as volé une pauvre marchande de crêpe en précisant bien que tu étais mon fils ! - Merci encore ! Et, même si ce n'est pas ta faute, je ne te cache pas que je me serais passé d'un affrontement avec Malefoy ! J'ai de quoi être en colère, non ? »
Le ton oscillait entre la moquerie et la réprimande. Cyrus baissa prudemment les yeux. Lupin reprit plus sérieusement :
« Je suis en colère, mais je comprends aussi. Tu sais,Harry aussi était jaloux quand tu es arrivé… » Il laissa à l'enfant le temps de digérer cette information. Il en suivit la progression dans les yeux sombres. Il ajouta finalement :« Que s'est-il passé dans le chemin des Embrumes ? »
« Heu… je suis tombé d'abord sur des Lepréchaunes…. Ils m'ont attaqué…ficelé… Ils disaient qu'ils allaient me …manger ! »
Remus eut un petit sourire. et Cyrus s'énerva :
« Sirius ne faisait rien… Je l'ai supplié pourtant !... Je ne savais pas que ce n'était pas vrai ! »
« Il ne te l'a pas dit ? »
« Non… plus tard, il a dit que c'était pour me donner un leçon… » – B'en quoi ? C'était de bonne guerre, non ?
« Oh .» Un Sirius pédagogue mettait Remus en joie, mais ce n'était pas des pensées qu'il pouvait partager avec l'enfant. « Ce sont donc vraiment les Malefoy qui t'ont libéré ? »
« Oui… mais ils étaient bizarres… Ils faisaient comme s'ils me reconnaissaient… »
« Ils ont du penser que tu étais son fils » – C'est aussi ce que je me suis dit…
« A Sirius ? »
« Oui… Autant que tu le saches : c'est ce que tout le monde pense… » – Bravo !
L'enfant fronça les sourcils un moment, puis il ajouta :
« Tu sais… si Hagrid n'était pas arrivé, je ne sais pas ce qu'il se serait passé… Ils m'emmenaient dans une maison », avoua Cyrus, son besoin d'être rassuré par un adulte dépassant sa crainte de se faire gronder pour son imprudence.
« Vraiment ? »
L'enfant hocha la tête et Remus soupira.
« Narcissa est une cousine de Sirius… Je suppose qu'elle pense avoir des droits sur le «dernier Black» disponible… C'est pour cela que tu ne peux pas faire n'importe quoi ! », conclut-il un peu plus sévèrement.
– Si la seule question est la survie des Black, je veux bien retourner à Azkaban ! Heu pardon, Cyrus… Mais vraiment, pour moi, les Black peuvent disparaître corps et bien !
Cyrus haussa les épaules en guise de réponse à son double, mais il s'était éloigné du moment présent et, quand Remus reprit un air grave, il frissonna.
« Bon… maintenant reste à savoir si je peux te faire confiance… » – Aïe… il ne va pas te lâcher comme ça ! L'enfant leva des yeux interloqués. « Oui, Cyrus, confiance », répéta Remus. « Est-ce que je dois t'attacher à moi la prochaine fois pour être sûr que tu ne t'enfuies pas ? »
Cyrus ne se méprit pas sur le ton ironique. C'était une vraie question. Il secoua la tête avec force.
« Je…je ne le ferai plus… promis… Papa ! » - Voyez-vous ça…, commenta Sirius mais il y avait de l'approbation de sa voix.
« Et tu me diras tes progrès avec Sirius ? », questionna Remus plus doucement.
« Oui… oui, promis ! » assura l'enfant. Progrès, progrès…
Remus soupira.
« Avant de promettre, je voudrais que tu y réfléchisses… vraiment. » L'enfant hocha la tête lentement, sentant qu'une décision se préparait. « Tu vas rester dans ta chambre tout l'après-midi, Cyrus… ce n'est pas très cher payé - ce n'est pas vraiment une punition, d'ailleurs… quoi qu'un peu quand même. Tu as besoin de te reposer après tout ce qui t'es arrivé ce matin… D'accord ? »
« Oh Papa… » De nouveaux les larmes remplirent ses yeux. Mais ce n'était plus la rage qui les provoquait. - Tu peux dire que tu t'en sors bien !
Remus le serra longuement dans ses bras avant de l'accompagner jusqu'à la chambre. Harry, qui trompait le temps en découvrant ses livres de classes, les dévisagea avec une curiosité silencieuse. Lupin fut le seul à soutenir facilement son regard.
« Tu peux tenir compagnie à Cyrus, Harry… mais peut-être voudra-t-il plutôt rester seul », expliqua-t-il doucement.
Harry hocha la tête. Cyrus leva alors des yeux penauds vers lui.
«Je préfère que tu restes…mais je comprendrais quand tu en auras assez… »
Remus les laissa tous les deux à leurs retrouvailles et se dirigea résolument vers la cheminée. Il se sentait plein d'une énergie inquiète. Ils étaient passés aujourd'hui à deux doigts d'une réelle catastrophe sur le chemin de Traverse. Et ce message de Fudge qui lui demandait de réunir le Conseil d'administration de l'école pour vérifier les mesures de sécurité… Il aurait aussi pu demander clairement : « Qu'allez-vous faire face à Black ? » Il soupira et murmura d'un ton las au feu qui, lui, crépitait joyeusement :
« Severus… »
