Entre Lune et Étoile

Disclaimer : Ah, si tout ça était à moi….

Spéciale dédicace à Louloute qui m'a inspiré le titre
Merci à Chinader pour ses remarques constructives...
Merci à Dina pour la relecture finale...

34 – Les fils et le fil

Le retour dans l'aile des professeurs parut étrangement long à Cyrus.
Peut-être à cause de Rusard qui, sans discontinuer, lui rappela tout le long du chemin tout le mal qu'il pensait de lui et lui souhaita les châtiments les plus divers et les plus pénibles. L'enfant ne l'écoutait pas vraiment, mais certaines de ses paroles passaient quand même ses barrières mentales. Même s'il ne pouvait pas réellement croire que Remus « l'enfermerait jusqu'à sa majorité dans l'une des oubliettes de Poudlard » – pour prendre une solution que le concierge semblait chérir particulièrement –, il savait bien qu'il allait avoir des ennuis… Disons ça comme ça, convenait Sirius avec une sincère sympathie. Mais Harry a raison, de toutes façons, on était en retard…On n'y aurait pas coupé cette fois, je crois… Bien sûr, il était convaincu qu'il avait certainement pris une bonne décision en se dénonçant… Mais il savait aussi que la patience de Remus avait des limites et il sentait confusément qu'il devait s'en approcher. Il n'était plus le petit garçon sans mémoire qui était arrivé il y avait presque un an à Poudlard. Il savait et les interdits et les avertissements. Et Sirius ne cherchait pas à lui faire croire le contraire : "Il doit sans doute se ronger les sangs s'il te cherche !"

Mais Cyrus ne s'inquiétait d'ailleurs pas que pour lui. Il essayait de se convaincre que Harry, Ron et Hermione rentreraient sans encombres dans leurs dortoirs. A priori, Rusard était avec lui, donc la principale menace était conjurée, mais les fins de réunion étaient des moments bizarres: certains professeurs allaient directement se coucher mais d'autres entreprenaient alors des rangements de leurs bureaux, des sauts à la bibliothèque ou des retours dans leur classe pour aller chercher quelque chose oubliée - Severus et Minerva étaient de ce style-là… Et puis, il y avait les fantômes ou Peeves… Là encore, Sirius essaya de le rassurer : "Fais leur donc confiance… Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour eux déjà !"

C'est pourtant plein de ces inquiétudes diffuses que Cyrus arriva sur les talons de Rusard dans le couloir qui menait aux appartements de Remus. Le concierge n'avait pas fait dix pas dans le passage qu'il s'arrêta brusquement et se mit de côté, lui dévoilant au dernier moment la silhouette blonde de son père adoptif. Les yeux qui tombèrent sur lui parurent avant tout soulagés, mais Cyrus sentit son cœur battre comme s'ils avaient été pleins de colère.

« Je pense que j'ai trouvé ce que vous cherchez, M. le directeur », commenta le concierge de Poudlard. Le ton était respectueux mais triomphant.

Et Cyrus trouva cela détestable. Il ne comprenait pas pourquoi le concierge se plaignait en permanence des élèves, lui qui semblait toujours si content de les prendre sur le fait ! Si personne n'avait fait de bêtise, il n'aurait pas pu parader comme cela ! Mais il n'eut pas le temps d'y réfléchir plus car Remus s'approchait d'eux sans un commentaire et il se sentit rétrécir de plusieurs centimètres. « Sirius… », appela-t-il intérieurement. "Je serai là… quoiqu'il arrive… mais je te l'ai déjà dit… N'attends pas un miracle… Ni à ce que je l'assomme si l'envie lui vient de mettre ses menaces à exécution !"

« Merci, M. Rusard… » - répondit assez sèchement Lupin.

Et Cyrus pensa qu'il n'avait pas l'air d'apprécier plus que lui le contentement du concierge de Poudlard. Je parierai que tu as raison, appuya Sirius. Lunard a toujours été un raisonneur, mais pas un cafteur…

« Vous voudrez peut-être savoir, M. le directeur, que je l'ai trouvé sur le pallier du troisième étage… » - continua imperturbablement Rusard.

Cyrus frissonna. Rien ne lui serait épargné. Fallait s'y attendre, commenta Sirius avec philosophie. Ça va bien avec le bonhomme !

« Au troisième étage », murmura Remus. Cyrus nota avec une certaine inquiétude qu'il avait pour l'instant l'air plus incrédule que furieux. « Qu'est-ce que tu faisais au troisième étage ? », le questionna-t-il plus fort. Cyrus avala sa salive avec difficulté.

« …Me…me promenais », articula-t-il finalement. Nul, décréta Sirius. Il ne va jamais avaler ça, tu peux me croire ! Sais-tu bien à qui tu parles ?

« Pardon ? », répondait, de fait, Remus. Son incrédulité était palpable.

« Je me promenais », répéta Cyrus plus fort. Si tu as d'autres idées, c'est le moment, Sirius !

Lupin leva les yeux au ciel et soupira, avant de reprendre d'une voix trop polie pour qui le connaissait : « Nous vous avons retenus trop longtemps, M. Rusard… Je vous remercie encore… Essayez donc de prendre un peu de repos cette nuit. »

Le concierge ne put cacher sa déception d'être si vite écarté d'une discussion dont il aurait visiblement aimé connaître l'issue. Son « bonsoir, M. le directeur » obséquieux ne faisait pas illusion. Cyrus ne put s'empêcher de s'en réjouir mais quand la main de Remus tomba sur son épaule et le poussa sans grand ménagement vers leur appartement, il se reprit à penser que tout ça allait décidément trop vite !

oo

« Alors… je t'écoute ».

Cyrus leva des yeux inquiets vers son père adoptif. Qu'est-ce qu'il allait pouvoir bien dire maintenant… Faut dire qu'après un début pareil ! T'aurais encore mieux fait de te taire ! L'enfant haussa légèrement les épaules. Ça ou autre chose …Remus l'avait poussé devant lui sans un mot jusqu'à sa chambre. Les portes s'étaient miraculeusement ouvertes devant eux – sans même une incantation. Miraculeusement ? Tu crois vraiment ! - avait un instant souri Sirius. Mais Cyrus ne pouvait s'empêcher de penser que tout cela arrivait bien vite, sans un moment de répit, sans une pause pendant laquelle il aurait pu trouver une excuse valable ou une explication crédible. Ils se faisaient maintenant face. L'homme blond et l'enfant brun. Le premier paraissait calme mais le deuxième ne s'attendait pas à que ça dure.

« Alors ? », répéta Remus sur le même ton distant.

Cyrus avala plusieurs fois sa salive sans trouver le courage de prononcer les mots que Sirius lui soufflait. Ce moment dura. Les yeux de Remus déjà de glace se durcirent encore puis perdirent patience.

« Pourquoi ai-je tant une impression de déjà vu, Cyrus ? Hein ? Pourquoi dois-je ENCORE te demander où tu étais ? Pourquoi dois-je ENCORE m'inquiéter ? Pourquoi ? »

« Pardon… » - balbutia l'enfant incapable d'en dire plus.

Mais Remus haussa les épaules sans chercher à cacher son exaspération.
« C'est quoi ta bonne excuse cette fois ? Hein ? Tu ne savais pas que tu ne dois pas courir les couloirs la nuit ? »

« Si », murmura Cyrus après un instant de surprise devant la nature de la question.

« Tu ne savais pas que le troisième étage t'était, comme à tous les élèves de cette école, totalement interdit ? », continua Lupin implacable.

« Si », reconnut l'enfant la gorge serrée. Sirius, plaida-t-il. Je ne t'abandonne pas… mais pour l'instant, qu'est-ce que tu veux dire d'autre ?

« Tu étais jaloux, malheureux, délaissé… que sais-je encore ? » Cyrus secoua doucement la tête faisant voler légèrement ses longs cheveux noirs en réponse. « Bien. Tu t'ennuyais peut-être ? » L'ironie contenue dans la voix de Remus n'avait rien de bienveillante

Cyrus haussa les épaules, un peu gêné. Dire non aurait été mentir. Peut-être mais tant qu'à mentir, ç'aurait été le moment, soupira Sirius.

« C'est donc ça », constata Remus de sa voix la plus calme et d'autant plus inquiétante. «C'était "drôle", n'est-ce pas ? Faire justement la chose la plus interdite, c'est ça ? Juste pour voir, juste pour l'adrénaline…. Tu es tellement fort, hein ? Au pire, hein, Sirius t'aurait sorti de là, encore une fois, c'est ça ? »

Pétrifié, Cyrus préféra se taire. De fait, c'était exactement ce qu'il avait pensé… que ça serait drôle, un peu dangereux mais intéressant. Et Sirius, après avoir un peu grogné que ce n'était pas très gentil pour Remus, avait fini par dire qu'il le laisserait aller jeter un œil… s'il faisait attention… Exactement ce que je craignais… Désolé, Cyrus, c'est qu'il me connaît trop pour ne pas imaginer comment tu fonctionnes… Comment aurait-il oublié comment NOUS fonctionnions ?

« J'imagine que ce n'est pas la peine de te rappeler que tu es trop jeune pour savoir te défendre… que tu es plus fragile que tu ne le croies… Tous les discours, toutes les mises en garde du monde n'y changeront rien, n'est-ce pas ? » - reprit Remus d'une voix cinglante.

« Je… je suis désolé… » essaya Cyrus, se rappelant vaguement que Harry s'excusait toujours.

« Bien sûr, bien sûr ! Bien sûr que tu es désolé ! Désolé de t'être fait prendre surtout ! »

« Non », essaya assez faiblement l'enfant.

« …et peut-être aussi que je me sois inquiété… Je sais ça. » - l'interrompit l'adulte. Cette fois, le ton était presque amer. Cyrus ouvrit une nouvelle fois la bouche pour se défendre mais ne trouva rien de bien cohérent à dire. « Il semble aussi que tes promesses ne t'engagent pas vraiment, hein ? », gronda alors Lupin.

Hou... là… on est mal partis… jugea Sirius d'un ton désolé. - Je sais… Les yeux brillants de Cyrus quémandèrent en silence le pardon de Remus sans réussirent de fléchir une seconde le regard parental et fatigué en face de lui.

« Il semble donc que temps est venu de tenir la mienne… », conclut Lupin en soupirant. Il saisit fermement le bras de cet enfant qu'il était venu à considérer comme son fils.

ooo

Harry, Hermione et Ron arrivèrent en retard au petit-déjeuner le lendemain matin. Ils avaient eu bien du mal à se lever – presque autant de mal qu'ils en avaient eu à se coucher. De fait, les soupçons de Cyrus s'étaient révélés exacts. Il n'y avait pas que Quirrell et Rusard qui traînaient dans les couloirs cette nuit là. Ils avaient d'abord attendu que les récriminations du concierge contre Cyrus soient devenues inaudibles pour sortir de leur cachette. Des minutes qui leur avaient paru horriblement longues. Non seulement parce qu'ils plaignaient le petit frère d'Harry – « Qu'est-ce que tu crois qu'il va dire, ton père » avait soufflé Ron – « Oh, le féliciter, certainement… lui offrir un nouveau balai ! » - avait répondu Harry avec dérision pour cacher sa mauvaise conscience. N'aurait-il pas dû être celui qui prenait de tels risques ? Mais tous les trois savaient bien aussi la précarité de leur position.

Au moment où ils allaient enfin partir, ils entendirent revenir précipitamment Quirrell. Ses robes étaient déchirées et il semblait plus pâle que d'habitude. Il passa devant eux d'un pas rapide et nerveux, ses deux mains tenaient son turban comme s'il craignait qu'il s'envole. Mais les enfants n'eurent pas le temps d'en sourire. Sans attendre, il disparut à son tour dans les escaliers. Livides, les trois Gryffondors attendirent encore que le silence revienne avant de se risquer hors de leur cachette.

Ils allaient atteindre le passage, quand ils entendirent de nouvelles voix, une très grave et une autre plus aiguë, qui en provenaient. Ils avaient immédiatement battu une nouvelle fois en retraite derrière leur tenture. Quand le portrait de Circé, qui cachait la sortie du passage, avait pivoté, ils avaient eu la surprise de voir apparaître Minerva et Hagrid. Celui-ci portait une énorme bassine de viande sanguinolente dans ses bras.

« Ne croyez-vous pas que vous le nourrissez trop ? » - demandait la professeur de Métamorphoses en refermant le portrait derrière le demi-géant.

« Allons, allons, Professeur… ce n'est que le minimum ! » - avait répondu le garde-chasse avec bonhomie. « Vous avez peur qu'il s'endorme ? Comme je l'ai dit au professeur Lupin, une seule chose… »

« Taisez-vous, Hagrid ! Je ne veux pas savoir… Vous savez bien que moins nous en saurons sur les différents obstacles, moins nous risquerons de trahir la confiance du professeur Dumbledore… »

« Oui, Professeur », se soumit Hagrid d'un ton penaud.

« …et rappelez-vous que vous avez promis au professeur Lupin de tenir votre langue ! »

Tout en parlant, Minerva McGonagall avait ouvert une grosse porte ferrée et la tenait ouverte à Hagrid. La porte se referma derrière eux avec un grincement sinistre.

« Qu'est-ce qu'ils fabriquent tous ? » - grommela Ron, les sourcils froncés.

« Une expérience » - risqua Hermione.

« Je ne pense pas que Cyrus ait menti… » - objecta Harry avec un peu d'agacement.

« Pourquoi tant de viande, alors ? La pierre ne mange pas que je sache ! » - répliqua Hermione un peu vexée.

« Écoute, on y pensera plus tard si tu veux bien », soupira Harry. « J'aimerais bien que Cyrus ne se prenne pas une fessée pour rien ! Essayons de partir d'ici avant qu'ils ne reviennent ! »

Ron et Hermione hochèrent la tête. Tous deux avaient été impressionnés par la décision courageuse du jeune garçon. Ron imaginait bien que le directeur de Poudlard – pour compréhensif qu'il soit - ne pourrait pas paraître prendre à la légère les escapades nocturnes de son fils. Même s'il leur avait plusieurs fois raconté qu'il n'avait pas toujours été si sage quand il était plus jeune ! Et, même si Hermione ne connaissait pas personnellement le professeur Lupin, et peut-être parce qu'elle ne le connaissait pas d'ailleurs, elle était prête à lui attribuer la plus grande sévérité. Enfin, ils envisageaient que leur sort ne serait guère plus enviable si leur directrice les trouvait derrière cette tenture…Ils se glissèrent donc plus qu'ils ne marchèrent jusqu'au portrait de Circé.

« Vanitas necat », murmura Harry. Le portrait ne frémit même pas. Les trois amis échangèrent un regard nerveux. « Vanitas necat », répéta Harry un peu plus fort. Rien ne se produisit. Ron jeta un coup d'œil inquiet par-dessus son épaule vers la porte ferrée. Harry se sentit responsable. Il les avait amenés là. Il était celui qui connaissait les lieux. Il devait décider quelque chose ! « Prenons l'escalier », souffla-t-il. « Minerva a dû changer le mot de passe » - ajouta-t-il pour répondre à la question muette d'Hermione.

Ils commencèrent à descendre l'escalier le plus vite possible – hésitant à courir et essayant de faire le moins de bruits possibles. En se rétablissant sur une marche, Hermione glissa et se tordit la cheville. Elle se mordit les lèvres jusqu'au sang pour ne pas crier de douleur. Les deux garçons avaient pris un peu d'avance. Ils étaient déjà sur le pallier du deuxième étage. Ils se retournèrent pour l'encourager et durent eux aussi se retenir d'hurler. L'escalier, avec cette volonté fantasque dont lui et ses congénères faisaient preuve à Poudlard, venait de se mettre à pivoter pour emmener Hermione vers un autre pallier. Cette opération faisait un bruit énorme, renvoyé par la gigantesque cage d'escalier. Attirerait-elle l'attention de la directrice des Gryffondors qui n'était qu'à quelques volées de marche ? Comment rejoindre leur camarade de l'autre côté sans perdre un temps précieux ?

Faisant de son mieux pour repousser l'angoisse qui menaçait de le paralyser, Harry se força à réfléchir. Il devait y avoir un moyen… Toute son enfance, il avait vu les escaliers pivoter plus ou moins abruptement. La plupart du temps, il n'avait pas été seul – et quand il l'était, il avait simplement contourner l'obstacle…. Remus, Minerva ou Severus – et même Linky ! - faisaient revenir l'escalier dans le droit chemin sans difficulté apparente. Avaient-ils expliqué comment ? Il ne lui semblait pas. Harry avait vu des préfets le faire eux aussi. Pas toujours aussi rapidement, mais bon… Il était sûr d'avoir lu quelque chose là-dessus dans l'Histoire de Poudlard… Il en était là dans ses pensées quand l'escalier s'arrêta dans sa course, à mi-chemin entre les deux paliers, comme s'il hésitait. Puis avec une lenteur incroyable, l'escalier revint vers sa première position, laissant apparaître une Hermione, plutôt calme, assise sur les marches et psalmodiant silencieusement une incantation. Quand l'escalier toucha le pallier, la jeune fille se précipita jusqu'à ses camarades sans plus se soucier du bruit de ses pas. Elle tomba presque dans leurs bras.

« Comment t'as fait ça ? », s'ébahit Ron.

« L'histoire de Poudlard… De Lupinis Viris… » - haleta Hermione. Sa pâleur était extrême mais elle ne semblait pas mécontente d'elle-même.

« Par la volonté de Lupin », murmura Harry. « Bien sûr ! Je ne me rappelais plus… quel idiot ! »

« J'ai perdu du temps parce que je me rappelais « la volonté du directeur », et non qu'il fallait le nom du directeur en poste", expliqua Hermione. "Et puis, moi, le latin… j'ai tout essayé ! Mais ne restons pas là ! »

Tous trois reprirent immédiatement leur progression vers la tour de Gryffondor. Ils évitèrent
de justesse Peeves grâce à Harry qui reconnut le bourdonnement bien avant qu'eux ne l'aient entendu. Quand ils arrivèrent enfin devant la Grosse Dame, Ron s'empressa de prononcer :

« Quidditch ! »

« Ah non, mon cher », répondit le portrait sans perdre son sourire. « Ce n'est pas ça ! »

Tous trois se figèrent avec angoisse. Hermione fut la première à se secouer. « On est bête… il est plus de minuit, le mot de passe à changer tout simplement ! Victoire ! » - ajouta-t-elle en se tournant vers le portrait.

« Si vous le dîtes », acquiesça la Grosse Dame avec un visible soulagement. « Pour être tout à fait sincère, tant mieux ! J'aurais détesté appeler M. Rusard au beau milieu de la nuit… Il fait toujours tellement de bruit ! »

Les trois amis préférèrent ne pas commenter, ils la remercièrent et se précipitèrent dans leurs dortoirs respectifs.

Leur fatigue le lendemain ne passa pas complètement inaperçue de leurs camarades ou de leurs professeurs. Mme Chourave se moqua des bâillements de Ron : « Vous travaillez trop M. Weasley ! Visiblement ! » Le professeur Flitwick reprit vertement Hermione quand son sort de lévitation s'interrompit brutalement : « Mademoiselle Granger, il faut dormir la nuit : ça vous rendrait plus concentrée et plus adroite ! » Et, bien sûr, Severus se fit un devoir de les asticoter tout au long de leur heure de potion – leur dernier cours de la journée – dès qu'il eut remarqué leurs traits tirés. Harry se demanda le soir dans son lit comment ils avaient réussi à ne pas faire exploser leur chaudron avec les erreurs qu'ils avaient accumulées. Bien sûr, Severus lui avait fait comprendre – c'est-à-dire qu'il l'avait hurlé ! - que c'était la plus mauvaise préparation qu'il lui avait présentée depuis longtemps, mais le jeune garçon pensait que c'était bien le moins grave qu'il pouvait leur arriver.

Oui. Il ne pouvait qu'espérer que le maître de potions oublierait de raconter ça à son père parce qu'il se faisait peu d'illusion sur la capacité de Remus à connecter les deux informations : «Vraiment Harry, Ron et Hermione étaient TRES fatigués aujourd'hui ? »

Il grimaça. Ils avaient croisé Cyrus furtivement dans un couloir. Hermione et Ron avaient fait le guet pendant que Harry et son frère échangeaient quelques paroles : « T'inquiète pas… J'ai pas dit que tu étais là », avait frimé Cyrus. « Me remercie pas… il me l'a même pas demandé… » - l'avait coupé son petit frère en haussant les épaules avant qu'il ne répondre. « A charge de revanche, plutôt ! Encore que je prends l'avantage ces temps-ci, non ? » Un léger sourire avait traversé son visage mince.

« Papa te cherchait ? » - avait biaisé Harry – il ne tenait pas à ce que Ron et Hermione l'interrogent sur l'autre chose qu'il « devait » à son frère.

« Oui », avait soupiré Cyrus, en se rembrunissant.

« Oh… Ça… ça c'est passé… comment ? »

« Comme tu l'imagines…Harry, exactement comme tu l'imagines ! » - avait répondu sèchement le plus jeune. Les deux garçons s'étaient tus quelques secondes. Les yeux gris avaient confirmé aux yeux verts ce que la fierté ne permettait pas de dire à haute voix.

« Je suis désolé », avait répondu l'aîné avec sincérité.

« Je sais ça… » Harry avait reconnu le ton – Cyrus avait hérité de Sirius une grande capacité à l'imitation et il sourit un peu tristement. « Bon, vous êtes bien rentrés ? Tant mieux ! Je vous laisse, hein… Manquerait plus que je sois en retard avec Severus ! Allez…à plus tard et silence, hein ! » - avait lancé un peu nerveusement Cyrus pour garder sa contenance avant de disparaître en courant dans les couloirs.

Les trois Gryffondors avaient acquiescé avant de se dépêcher de rejoindre les serres du professeur Chourave.

« T'as de la chance d'avoir un frère comme Cyrus… » - avait commenté Hermione pendant le déjeuner après un regard au jeune garçon qui mangeait d'un air morose à la table des professeurs.

« Oui », avait reconnu sans difficulté Harry.

« En fait… je me demandais… c'est vraiment ton frère ? » - avait questionné la jeune fille en rougissant un peu.

« C'est le fils de mon père adoptif », avait répliqué un peu sèchement Harry - peu de sujet lui paraissait moins léger que celui-là même si Hermione ne pouvait pas le savoir. « Mais c'est mon frère. » Quel autre frère aurait-il pu vouloir ?

« Bien sûr ! », avait répondu Hermione en rougissant tout à fait cette fois. « Excuse-moi… je ne voulais pas dire… Tu sais, moi, je n'ai ni frère, ni sœur… »

« Pff.. je t'en donne, si tu veux », avait soupiré Ron. « Que dirais-tu de Percy ? »
Tous trois avaient explosé de rire.

Harry sourit en tirant les couvertures sur lui.
Non, Cyrus était bien son frère et Ron et Hermione des amis exceptionnels.

Visiblement Severus n'avait rien dit. En tout cas, Remus avait gardé sa distance directoriale avec Harry pendant les jours suivants. Avec Ron et Hermione, ils avaient spéculé à leurs moments perdus sur les obstacles qui pouvaient protéger la pierre, sur à quoi une bassine de viande pouvait bien servir, sur ce faisait Quirrell dans les couloirs… des spéculations vides… Ils avaient voulu aussi chercher des choses sur Nicolas Flamel et avait été surpris du peu d'ouvrages qui en parlaient. Le catalogue faisait bien état d'une biographie inachevée – « Tu parles ! », avait commenté Ron – de l'alchimiste mais elle semblait introuvable. Et Harry n'avait pas jugé souhaitable d'interroger Mme Pince. « Pour qu'elle aille dire à mon père que je m'intéresse à Nicolas Flamel ? Merci bien ! On trouvera autrement… ».

C'est donc avec la ferme intention de ne surtout pas poser de question que Harry était allé partager un thé avec son père et son frère le dimanche suivant. Le format ne convenait pas spécialement à ce qu'il interroge Cyrus sur ce qu'il pouvait savoir de plus. Il n'avait donc été question que des cours d'Harry, du championnat européen de Quidditch et du départ prochain de Remus et Cyrus pour l'Irlande.

"Albus souhaite que je participe à une réunion de la coopération magique internationale... que j'anime un atelier sur l'éducation magique en Europe... Je ne peux pas lui dire non", avait expliqué Remus.

"Aucun rapport avec... avec le Rat ?", s'était enquis Harry avec un peu d'appréhension. Il savait qu'il aurait dû souhaiter qu'on le trouve mais ce n'était pas réellement le cas. Il n'avait pas tellement envie que les choses changent encore une fois.

"Non", avait répondu Remus avec un sourire beaucoup trop compréhensif de l'avis de Harry. "Nous n'avons pas de nouvelles significatives pour l'instant..."

"Mais ça va être trop cool, l'Irlande ! Va y avoir pleins de matchs amicaux de Quidditch en plus", avait estimé Cyrus à côté de lui avec un enthousiasme qu'il paraissait difficile de feindre et qui faisait se demander à Harry qui, finalement, souhaitait trouver le Rat.

"Vous partez longtemps ?", avait-il donc sobrement demandé.

"Je ne sais pas exactement, Harry", avait répondu son père avec une infime hésitation. "Il se peut que je prolonge mon séjour d'un jour ou deux après la conférence - profiter du week-end là-bas, par exemple... J'ai bien songé à ce que tu nous rejoignes mais c'est très rare que les élèves partent pour des week-ends et je ne vois pas pourquoi il en serait différent pour toi... Qu'en penses-tu ?"

Harry avait repensé à tous les voyages qu'il avait déjà fait dans les bagages de Remus, tous ces endroits qu'il avait visités et il avait été un peu jaloux de ne pas aller en Irlande. Puis il avait pensé à Ron et à Hermione qui n'auraient pas pu profiter d'un week-end avec leurs parents et il avait jugé qu'il ne pouvait pas dire cela à voix haute.

"J'ai des amis et des devoirs, ça devrait m'occuper !", avait-il donc bravement menti.

Remus lui avait souri avec approbation et ça avait clos la discussion.

A la fin de la semaine suivante, néanmoins, n'ayant pas réellement eu d'autres nouvelles qu'une carte postale magique rédigée par Cyrus, enthousiaste de son t-shirt des Chauve-Souris de Ballycastle, Harry trouvait qu'il aurait dû se rebeller plus. Qu'est-ce que l'Irlande avait de si intéressant ? Est-ce qu'ils ne lui cachaient pas des développements ? Le jeudi soir, en sortant de la Grande Salle, Drago avait péroré dans son dos, pour le plus grand plaisir de Pansy : «Peut-être que Lupin a été recruté par des étrangers qui préfèrent les lycanthropes aux sorciers! Ou peut-être qu'il en a eu marre d'avoir ce bigleux de Potter pour fils et qu'il a préféré s'enfuir avec un fils au sang plus pur !" Après une nuit passée à s'interroger, Harry avait fini par aller voir Minerva à la fin de son cours.

« Je crois que la réunion elle-même s'est terminée hier, Harry", reconnut-elle, "Mais je n'en suis pas complètement sûre... Severus a dit qu'il ne fallait pas l'attendre avant la fin du week-end... Mais c'est son week-end mensuel de repos", ajouta-elle après une réflexion. "Souvent, il est absent tout le week-end, Harry... Ce n'est pas parce que toi, tu es maintenant élève ici qu'il ne peut plus partir en week-end !»

S'il ne pouvait pas lui donner ouvertement tort, Harry, s'était quand même senti un peu abandonné par son père. Il continuait à se demander s'il n'y avait pas une autre raison à cette escapade qui ne semblait pas en finir. Le week-end arriva en effet sans que le reste de la famille Lupin ne soit revenue. Harry n'osait pas retourner demander des précisions à Minerva et encore moins aller voir Severus. Il rongeait son frein ce dimanche après-midi en faisant semblant d'apprendre ses cours d'histoire de la magie, lorsque Ron proposa : « On a assez travaillé non ? On pourrait sortir… »

« Pour aller où ? », demanda Hermione – ce qui voulait au moins dire qu'elle n'était pas contre.

« On pourrait aller voir Hagrid... Qu'en penses-tu Harry ? Il l'a proposé l'autre jour… »

Harry réfléchit. Hagrid aurait sans doute des informations sur la date exacte du retour de Remus: « Pourquoi pas… »

« On pourrait lui demander à qui il destinait toute cette viande » - ajouta Ron, visiblement très excité par son idée.

« Hum… si on veut vraiment en savoir plus, ce n'est pas lui qu'il faut aller voir… » - commença lentement Hermione comme si elle pesait chaque mot. Les deux garçons échangèrent un regard surpris. « Oui… d'abord, il a promis de ne rien dire, nous l'avons entendu », continua le jeune fille, les yeux perdus dans le vague.

« Oh ça, tu sais… j'ai toujours… hum… ce n'est pas très difficile de… de faire parler Hagrid», l'interrompit Harry.

« Sans doute… mais peut-être que cette fois c'est différent… et puis… et puis, nous savons plus où moins ce qu'il faisait là… »

« Mais c'est TOI qui cherchais à quoi servait la viande ! » - s'exclama Ron.

Hermione haussa les épaules.
« Ce n'est pas très important - ça sert sans doute à nourrir quelque chose qui protège la pierre… Nous savons donc que Hagrid fait partie des gardiens de la pierre - Cyrus a parlé de McGonagall et elle était avec lui… La question est plutôt qu'est-ce que Quirrell faisait là ? »

Ses deux compagnons pesèrent l'argument en silence.

« Qu'est-ce que tu proposes ? », finit par demander Harry.

« Eh bien », Hermione rosit un peu comme si ce qu'elle avait en tête était inconvenant. « Harry, tu… tu pourrais aller le voir… »

Harry leva un sourcil essayant de maîtriser le tremblement de ses mains. Ainsi Hermione savait… elle savait ses visites au professeur de Défense contre les forces du mal… Que savait-elle d'autre ?

« Et… qu'est-ce que je lui dirais ? Bonjour, que faisiez vous dans les couloirs mardi soir à minuit moins le quart ? » - demanda-t-il d'un ton faussement badin.

« Hum… non, bien sûr. Je sais pas…. Tu… tu pourrais te … te plaindre que tu n'es pas au courant… par exemple… »

Hermione évitait le regard d'Harry – et quelque part, il lui en était reconnaissant. Ron ouvrit la bouche et la referma sans un son, visiblement dépassé par les sous-entendus entre ses deux camarades.

« Ça peut se faire… » - finit par commenter tranquillement Harry en remontant de l'index ses lunettes sur son nez – mêlant ainsi sans s'en rendre compte le flegme de Remus avec les réflexes de myope de James. Ne s'était-il pas demandé de longues heures en s'endormant les derniers jours comment interpréter la présence de Quirrell… alors pourquoi pas profiter en effet de sa bienveillance à son égard pour en savoir plus ? Tant pis s'il amenait de l'eau au moulin des soupçons d'Hermione !

« Il me semblait », commenta sobrement sa camarade, le regardant franchement pour la première fois depuis le début de cette conversation, et c'est Harry qui détourna les yeux.

Quirrell était dans son bureau. Comme d'habitude. Harry ne connaissait que Severus qui passait autant de temps dans son bureau ! Et, comme d'habitude, il n'exprima aucune surprise quand il le vit à sa porte.

« Entrez donc, M. Potter-Lupin. »

L'homme enturbanné lui tourna le dos et retourna fermer une des nombreuses cages qui abritaient différentes créatures magiques qu'il utilisait pour ses cours. Harry nota pour la première fois combien il avait de rats différents : de toutes tailles et de tout poils, des blancs, des noirs, des gris… Pourtant ce n'était pas un support courant pour les cours de défense contre les forces du mal. Mais la voix du professeur le ramena rapidement au but de sa visite.

« Qu'est-ce qui vous amène en ce froid après-midi de décembre ? », demanda-t-il après un instant.

« Je vous dérange », s'excusa Harry, moins certain tout à coup d'être capable de tirer les vers du nez du professeur.

« Non, non… mais je pensais que les élèves avaient mieux à faire de leur dimanche que rendre visite à leurs professeurs… Vous devez vous sentir bien seul. » A la fin de la phrase, Quirrel s'était retourné et regardait Harry de façon critique comme si sa solitude pouvait se lire sur son visage.

« Hum… » L'enfant ne savait toujours pas trop par quoi commencer. Mais la solitude n'était pas un mauvais début. « Je serais allé voir mon… mon père s'il était là », ajouta-t-il un peu nerveusement.

« Bien sûr. »

« Oh, ce n'est pas urgent… mais comme je ne sais pas quand il rentre… Et puis… et puis je ne suis pas sûr qu'il me répondrait… comme vous… »

« Bien sûr. »

Harry eut très envie de partir. Il se détestait de présenter Remus comme un mur d'incompréhension. Il détestait Remus d'être absent. Il détestait Cyrus d'être avec lui. Il détestait Hermione d'avoir vu clair dans sa fascination pour le professeur mal-aimé de l'équipe de Poudlard…

« Vous aimeriez savoir ce qui se passe au troisième étage », demanda subitement le professeur comme c'était la chose la plus naturelle au monde. Harry ne put s'empêcher de tressauter. Il avala sa salive et hocha la tête un peu nerveusement. « Bien sûr, bien sûr », commenta Quirrell en revenant vers son bureau et en s'asseyant sur un haut fauteuil recouvert de cuir, dont les bras étaient sculptés de serpents entrelacés. La sculpture était très précise et à force de les regarder pour éviter les yeux curieux du professeur, Harry eut l'impression de les voir s'animer. «Vous avez des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un cerveau pour penser… et votre père ne partage pas facilement ses secrets… je suis bien payé pour le savoir… »

Harry attendit patiemment. Il sentait qu'il touchait au but. Ce n'était finalement pas si difficile ! Mais le professeur lissa plusieurs fois son turban d'une main distraite avant d'ajouter.

« Si vous voulez savoir ce qui se passe au troisième étage… intéressez-vous aux travaux de Nicolas Flamel », finit-il par indiquer un peu sèchement.

« Ni…Nicolas Flamel, professeur », balbutia Harry un peu déçu. Il n'était pas venu là pour qu'on lui indique des lectures complémentaires pour un devoir !

Quirrell s'autorisa un mouvement de manches et un haussement de sourcils moqueurs.
« Mon meilleur élève méconnaîtrait Nicolas Flamel? »

Harry rosit et s'empressa de le rassurer :
« Oh… c'est un alchimiste français… qui travaillait sur la vie éternelle… »

« Vous parlez de lui comme s'il avait échoué », se moqua Quirrell.

« Vous… vous voulez dire que l'expérience du troisième étage est liée aux travaux de Nicolas Flamel ? »

Quirrell le dévisagea avec un amusement certain.
« Si vous en doutez, cherchez donc où sont passés tous les livres de la réserve parlant des travaux de Flamel ? Vous serez édifié… »

« Mais… mais qui dans ce château chercherait la vie éternelle ? », balbutia Harry, un peu perdu dans toutes ces insinuations. Comme le professeur s'abstenait de lui répondre sur ce point, il repensa à ce qu'avait dit Cyrus et décida de quitter son rôle de petit ignorant. « Seul Voldemort cherchait la vie éternelle… »

Le professeur parut un instant interdit et Harry craint d'en avoir trop dit. Mais Quirrell éclata soudain de rire, un rire profond mais métallique. Un rire qui donnait presque la chair de poule.

« Vol... Bien sûr ! Ils font ça pour prévenir le retour de Vous-Savez-Qui - un méchant pareil, comme c'est commode ! C'est ce qu'ils vous ont dit, n'est-ce pas ? Pourtant vous êtes là, dans mon bureau… C'est bien que même vous, vous n'y croyez pas vraiment… Allez Potter, allez… cherchez les livres et revenez m'en parler… Vous devez trouver par vous-même ! ».

oooo

Bon, bon, bon… j'espère que je vais avoir du courrier…