~*~
Encore pardon si j'ai froissé les deux-tiers du lectorat par remise (à l'accoutumée) de chapitre en retard inconsidéré. J'ai pas pu préparer l'interro, Maîtresse, mon chien à mangé mon cahier. De toute façon, vous vous sentiriez tous trop dépaysés, si je me mettais à rendre mes chapitres en temps et en heure ! Pour être honnête, j'avais juste oublié (c'est la faute à mes partiels, d'abord) d'envoyer le chapitre à Julie. Ne m'assassinez pas, vous n'aurez pas la fin de l'histoire... Qu'il me soit donc tout simplement permis de vous souhaiter une bonne fin de fête (il reste encore la galette des Rois, youpi !) et surtout une bonne guérison de gueule de bois. Et un bon régime. Et, pourquoi pas ? une excellente lecture. Mélusine, traductrice assermentée et un peu (beaucoup) coupable.
~*~
Chapitre Sixième : Tentation
Ce jour commença comme tous les autres, et je passai la matinée à m'occuper de ceux qui désespéraient. Il n'en restait plus guère à présent, et je louais les Valar qu'il en fût ainsi. Je portai assistance à une Elfe du mieux que je pus, puis me retirai, à peine affaiblie par l'opération. Je m'assis sur un banc à l'extérieur du bâtiment, afin de respirer l'air froid et piquant, et m'aperçus très vite que ma faiblesse avait disparu. Je me sentais ravivée, dotée de forces nouvelles par un moyen mystérieux, et j'adressai une nouvelle prière de gratitude aux Valar, ainsi qu'à Ilúvatar, le Premier, le Père de tous.
Je me vis vivement sur pieds et entrepris de parcourir les longues allées bordées de mallornes, les pensées à la dérive comme je foulais le sol jonchés de feuilles d'or. Haldir était parti, et je m'efforçais de ne point trop y penser car j'avais pris conscience à présent, que chaque fois que mes pensées allaient à lui, déferlaient sur moi des pensées semblables, des émotions, et parfois des images extrêmement déconcertantes, dont beaucoup avaient le don d'amener la couleur à mes joues. Trop tard, je perçus un éclair d'amusement et sus qu'il émanait de lui : il se moquait de moi, me taquinait, parce que je rougissais si facilement, et cela m'ennuya tant que je m'assombris.
Je poursuivis ma promenade. Ô combien en étais-je venue à aimer cette cité merveilleuse et ces arbres immenses ! Avec lenteur, peu à peu, ils avaient apaisé le chagrin qui avait si longtemps emprisonné mon c?ur. Mon enfant n'était plus, mais la douleur que j'avais à porter n'était plus la même. Il me fallait continuer. Mais pour aller où ? Où le chemin me conduisait-il à présent ?
L'image qui vint me frapper était si forte que je dus m'accrocher à un arbre non loin pour ne pas perdre l'équilibre. Elle paraissait venir de très loin, mais était pourtant si intense que je me laissai glisser au sol, où je demeurai un moment. Son désir brûlait comme une flamme vive dans ma tête. Il pensait encore à moi. Je n'aurais su dire où il se trouvait, mais le fait que j'étais l'objet de ses attentions devint très évident, lorsqu'il m'assaillit à dessein d'autres images, des leçons d'érotisme comme je n'en avais jamais imaginées, et encore moins connues. Son amusement pénétra à nouveau mon esprit, comme il m'envoyait une image si précise que je manquai gémir sous l'effet de ma propre excitation.
Comment osait-il me faire cela ? Outrée, je me rétablis avec quelque maladresse, inquiète à l'idée que quelqu'un pût me surprendre en pareille situation. Je m'adossai au tronc lisse du même arbre, m'efforçant de calmer les battements désordonnés de mon c?ur. Dès que j'en fus capable, je me hâtai en direction des escaliers de la cité, frôlant les montants ornementés, mes pensées toujours rivées au souvenir de ce qu'il venait de me faire. Lorsqu'enfin j'atteignis ma chambre, je pressai la main à mon front, brûlant encore de mon fard précédent, et me servis un verre de vin. J'avais à peine commencé de boire, qu'il le fit à nouveau, m'assaillant d'une autre de ses images sensuelles. Celle-ci était si explicite que je manquai m'étrangler, et bien que je l'eusse maudi, il rit de moi et m'en promit davantage. Il s'apprêtait à venir réclamer ce qui lui appartenait, me dit-il. Sa patience était à bout.
Je reposai le verre. Tout tourbillonnait dans mon esprit. Les flots que je traversais s'étaient soulevés, et j'avais été emportée par leur puissant courant. Il venait pour moi. Il n'avait pas encore pénétré la cité ; mais il en approchait. Une autre de ses pensées me frappa, et mon c?ur se mit à marteler. Il n'attendrait plus. De quelque manière qu'il me plût, je devrais m'y préparer. Il venait pour me réclamer, que j'y consentisse ou non - et si je ne l'étais pas, il me séduirait sans excuse et sans regret. J'étais à lui, et lui à moi, et il était temps que je l'accepte.
Je fui ma chambre, l'attente m'étant devenue insupportable, incapable d'accepter que le temps pût être venu. Je courus, sans me préoccuper de ce que les gens pussent en penser, les cheveux volant dans mon dos tandis que je filais sans regarder où j'allais, traversant au hasard les allées et les ponts de la cité elfique. Peut-être un sens ou quelque force me guidait- elle, car je me retrouvai dans les clairières de la forêt au bas de la cité. Je m'arrêtai, la main pressée sur mon c?ur lourd, pour reprendre souffle.
C'est alors que j'entendis la douce voix de Galadriel. « Pourquoi courez- vous, Keara ? »
Je me tournai brusquement, et la vis qui se tenait là. Je restai bouche bée sans pouvoir répondre. Connaissait-elle des choses que je ne savais pas ? Une fois encore, mes genoux se dérobèrent sous moi, et j'eus l'impression d'être une idiote.
Elle glissa vers moi avec grâce jusqu'à m'atteindre, et me prit la main. « Pourquoi ne faites-vous pas face à vos peurs ? »
Ses yeux cherchèrent les miens, ses élégants sourcils joints tandis qu'elle attendait ma réponse. Son visage était empreint de compassion, et elle m'attira à un banc.
« De quoi avez-vous peur ? » répéta-t-elle, alors que je refusai de lever les yeux sur elle. « Vous en avez guéri tant, sans considération pour le prix que cela pouvait vous coûter. N'est-il donc pas temps pour vous de parachever votre propre guérison ? »
Je lui rendis son regard, sans comprendre. Parlait-elle de Haldir ? Ou de la douleur due à ma fille ?
« Ne réalisez-vous donc pas que les réponses vous furent données il y a longtemps ? »
« Les réponses à quoi ? » demandai-je, emplie d'appréhension.
« A vos prières, » dit-elle gentiment. « N'avez-vous pas prié les Valar de prendre la douleur de votre fille ? Ne leur avez-vous point demandé de prendre sa douleur sur vous ? Vous fûtes entendue, Keara, et cela a été fait. Non, votre fille ne vit plus dans ce monde, mais elle a été libérée de la souffrance avant que de se rendre au vont les mortels, quand ils quittent ce monde. Peut-être l'ignoriez-vous. »
Comme elle parlait, je baissai les yeux sur mes mains jointes.
« Auparavant déjà, possédiez-vous le don de Guérir, mais il était faible. Les Valar l'élevèrent, comme s'accroissait la douleur que vous aviez à l'utiliser. » Elle effleura mon bras. « Vous avez pris ce don et en avez fait usage, avec sagesse et bravoure. Les Valar ont assisté à vos épreuves, et ils sont satisfaits de vous. Voilà longtemps qu'ils guident vos pas. Ils amenée à la Cité Blanche. Ils se sont assurés que le premier Elfe que vous alliez soigner soit Haldir. Ne comprenez-vous toujours pas ? »
Je pensais commencer à comprendre. Je ne le dis pas, submergée par ce qu'elle s'efforçait de me dire, effrayée de savoir où cela menait. Elle se pencha plus près, et donna une pression à ma main avant de contempler un long moment dans ma direction, le regard fixe. Il semblait lointain, et je me demandai à quoi elle pouvait être en train de penser. Elle soupira, avant de reporter les yeux sur moi.
« Vous ne pouvez nier vos sentiments plus longtemps ? » déclara-t-elle. « Si vous les laissiez libres, ils vous seraient d'un grand secours. »
Elle continua de me regarder, et je la sentis essayer de pénétrer mon esprit, mais je ne pus supporter ce regard et me détournai. J'eus la stupéfaction d'apercevoir, debout au milieu de la clairière, Haldir qui m'obsrvait. J'inhalai brusquement, et à mon grand embarras, mes joues tournèrent au rose.
Il secoua la tête d'un air amusé. « Vous paraissez surprise. Ne saviez-vous donc pas que j'étais ici ? »
J'éprouvais des difficultés à avale ma salive, et jetai un coup d'?il à Galadriel, mais elle avait quitté le banc dont à présent elle s'éloignait. Lentement, je me tournai vers Haldir, qui leva un sourcil, me défiant de prendre la fuite. Courez, annonçait son silencieux message, mais je courrai derrière vous.
« Que voulez-vous de moi ? » demandai-je, la gorge serrée.
« Vous savez ce que je veux. »
Je tentai d'ignorer mon excitation grandissante quand il s'avança d'un pas digne. Son visage était changé ; c'était celui du chasseur, au regard sombre et ardent. Je ne savais toujours pas ce qu'il recherchait, ou ce que je cherchais moi-même - et ce que le futur pouvait nous réserver, d'autre que l'éventuel déchirement de nos c?urs. Il m'avait affirmée sienne, mais que voulait-il dire ? Devais-je être sa maîtresse ? Je n'étais pas sûre de pouvoir survivre à cette expérience sans voir mon c?ur voler davantage en éclats. En y repensant, je me mis à considérer l'idée de courir dans la direction opposée.
Il marqua une pause lorsque je fis un pas en arrière ; il eut un petit sourire plein d'indulgence. « Allez-y, courez. Je cours plus vite que vous. Mais si cela vous apporte du plaisir, je vous pourchasserai volontiers. Où que vous alliez, je vous suivrai. »
Je redressai les épaules pour conserver un semblant de dignité. « Je n'ai aucunement l'intention de me conduire de si sotte manière, Haldir. »
Il inclina la tête, et jamais ses yeux ne quittèrent les miens tandis qu'il faisait un autre pas en avant. « Vous vous soumettez donc à ce qui doit être ? »
« Pourquoi me voulez-vous ? » m'exclamai-je soudain. « Pourquoi ? Je ne soutiens pas la comparaison avec celles de votre races ! Je ne suis pas comme vous ! »
Il éclata de rire, et j'en conçus un vif déplaisir, en pensant qu'il raillait mon inquiétude. Je pris de l'élan pour le gifler, mais il se saisit mon poignet, les yeux étincelants. « Vous n'êtes pas comme moi ? Keara, vous faites partie de moi ! » Je tentai de dégager mon poignet, mais il me tira à lui d'un coup sec. Je pus sentir son impatience, son besoin élémentaire, à la fois par sa pensée et la dureté de son corps. « En me guérissant, et par la grâce des Valar, nous avons échangé quelque chose. Je porte une part de vous dans mon âme, tout comme vous portez une part de la mienne dans la vôtre. Nous appartenons l'un à l'autre ! »
A ma grande surprise, il ne marqua pas de pause pour m'embrasser, mais me souleva comme il l'avait fait déjà, maintes fois auparavant. Il m'emporta en longues enjambées souples et rapides jusqu'à ma chambre. Je m'apprêtais à protester, lui dire qu'aujourd'hui j'étais tout à fait bien et capable de marcher, mais il était clair qu'il n'était en aucun cas disposé à m'écouter. Il avait adopté son comportement dominateur et suffisant, mais au lieu de m'agacer, cela ne fit qu'attiser mon désir grandissant, si bien qu'au moment où il me reposa, je tremblai du besoin que j'avais de lieu.
Et il le savait. « Ah, Keara, lirimaer amin, » murmura-t-il, « lle naa vanima. » Il écrasa mes lèvres sous les siennes, ses mains se posèrent partout sur mon corps, et il fut clair que cette fois-ci, il n'y aurait pas d'interruption dans le procédé. Lorsqu'enfin il s'interrompit pour reprendre son souffle, il se retira légèrement pour baisser des yeux pétillants sur moi. « Toutes ces audacieuses images que vous m'avez envoyées m'ont empli d'impatience. »
« Je ne vous ai envoyé aucun image ! » protestai-je avec véhémence. « C'est vous qui m'en avez envoyé ! »
« C'est vrai, mais vous en avez envoyé également, » m'informa-t-il, pince- sans-rire. « Vous les envoyez la nuit en dormant. Vraiment très intéressantes, pour la plupart. » Il saisit ma main qu'il tira à lui, et la posa contre le tissu de son pantalon, de manière à ce que je puisse sentir son impressionnante érection. « Ceci est ma condition habituelle depuis plusieurs semaines, grâce à vous. »
Peut-être aurais-je dû être choquée, mais en lieu et place je sentis les derniers pans de ma résistance s'effondrer. Je le voulais autant qu'il me voulait, et c'est ce que je lui dis. Prenez-moi, dis-je, inclinant la tête en arrière, le dos voluptueusement arqué en manière d'invite. Prend-moi. Fais-moi l'amour. Apprend-moi ce que tu sais. Montre-moi ce qui te donne du plaisir.
« Oui, » fit-il, d'une voix basse et rauque. « C'est mon intention. »
Je perçus son triomphe tandis que ses lèvres qui me parcouraient, son insistance empreinte d'une force lancinante. Il embrassa ma bouche, mes joues, mes yeux, puis il reprit ma bouche, intensément, et je ne pensai plus qu'à lui, et à ses mains sur ma peau dénudée. Il me déshabilla, et ce faisant, je m'empêchai à grand peine de le toucher, tant était grand mon désir. Tremblante, je pris enfin conscience de l'ampleur de mon amour pour lui. Oui, je l'aimais, et quand bien même ne m'aurait-il jamais aimée en retour, j'étais prête à risquer n'importe quoi pour posséder la moindre part de lui qu'il voudrait me donner.
Je ne puis même comparer mes expériences précédentes avec celle-ci. Il se montra habile, faisant preuve d'un art consommé, me rendant voluptueuse et dévergondée, telle une déesse courtisée par un dieu, ce qu'il me semblait être, cet Elfe, immortel, superbe et parfait. Son corps nu était immaculé, fort et puissant, aux muscles saillants, à la peau lisse et sans défauts. Son ardeur était inégalée.
Mon esprit céda sous le siège de mon désir, si intense que j'en avais perdu tout contrôle. Je frissonnai, submergée par les sensations et les émotions qui m'inondaient, les siennes et les miennes entremêlées. J'avais l'impression d'être allongée dans un champ, le ciel et les fleurs autour de nous, la chaleur de mon sang qui battait furieusement dans mes veines, le voile de ses longs cheveux d'argent drapé sur ses larges épaules et qui glissait sur moi. Ses yeux gris se lièrent aux miens, tandis que ses mains me caressaient, et le long corps ferme qui recouvrait le mien me donna un plaisir que je n'avais jamais connu, me jetant dans un enfer de passion comme je n'en avais jamais imaginé. Il trouva chacun des points qui pouvaient m'en procurer, et les enflamma tour à tour avec un talent virtuose, s'assurant que je ressentais tout ce que j'étais en mesure de ressentir, et en retour je lui donnai tout ce dont j'étais capable, tout ce que je pouvais connaître.
Notre première union fut brève et impétueuse, passionnée et enivrantes, une possession brûlante qui culmina en spasmes violents. La seconde fut plus calme, agrémentée de mots doux et de taquineries qui prolongèrent le plaisir. Je goûtai à lui, expérimentai et appris ce qu'il aimait quand il commença de m'enseigner ses préférences. Combien de temps cela nous prit, je l'ignore. Tout ce que je savais, était que jamais je ne pourrais me lasser de lui. Les eaux du torrent se déversèrent, et je me noyai au creux des vagues de l'euphorie.
~*~
Je sombrai dans un profond sommeil, et en me réveillant je m'aperçus qu'il faisait presque nuit. j'étais seule, ce à quoi je ne m'étais pas attendue, mais dès que la pensée me vint à l'esprit, il m'envoya un message rassurant. Il allait revenir.
Je me languissait déjà de lui. Comme il l'avait annoncé, il faisait partie de moi à présent, une part de moi que je chérissais et que je n'aurais abandonnée pour rien au monde. Je me levai, m'habillai, puis me laissai tomber dans mon fauteuil, à méditer sur ce que j'avais fait, tenter de rassembler mes esprits et d'en venir à bout. Je n'éprouvais aucun regret, de cela au moins j'étais sûre.
Je me versai à boire d'une main mal assurée, et attendis son retour tandis que les ombres s'épaississaient et que la nuit remplaçait le crépuscule. Des souvenirs me traversaient, des bribes de ma vie passée, de mon enfant, des soins que j'avais prodigués, mes échecs et mes succès. Qu'en était-il de mon avenir ? Je luttai contre cette pensée pendant toute la durée de mon attente.
Où cela allait-il mener ? Je l'aimerais toujours, mais qu'en serait-il de lui ? Me garderait-il à ses côtés jusqu'à ma mort ? Qu'en serait-il de ses sentiments, lorsque je serais devenue vieille et grisonnante ? Recroquevillée dans le fauteuil, je souffrais de cette idée qui s'insinuait en moi, et j'embrassai mes genoux repliés ; mais à cela, il n'envoya nulle réponse rassurante, et je m'en alarmai. Peut-être n'y en avait-il aucune qu'il me pût donner.
Laissant ma tête aller en arrière, je repensai à tous les Elfes que j'avais eu à soigner. Et une pensée me frappa soudain, qui me fit courir un frisson glacé le long de l'échine. Le désespoir, lui reviendrait-il ? Lorsque je ne serais plus là pour lui venir en aide, le dominerait-il enfin ? Il ne partirait pas, tant qu'il se sentirait dans le devoir envers la Lórien. Je le connaissais. Il résisterait à l'appel de sa terre, peut-être jusqu'à ce qu'il soit trop tard et que la détresse le close trop fermement en son sein. L'image de lui, gisant comme ce que j'avais eu l'occasion de voir, étreint par l'agonie de la mélancolie, de l'apathie et de l'impuissance, me fit frémir.
Je quittai enfin mon siège, pour me traîner jusqu'à mon lit. Je dormirais. Je repousserais les pensées effrayantes hors de ma tête, et je m'attarderais en lieu et place sur la sensation de son toucher, de ses baisers extraordinaires, les baisers qui m'avaient bouleversée.
~*~
Des baisers... je rêvai de ses baisers, et m'éveillai pour trouver ses lèvres sur les miennes. Il était penché sur moi, ses cheveux magnifiques cascadant sur moi, son regard fixé sur moi tandis qu'il pressait davantage de baisers sur mon visage. Il s'assit à côté de moi, les doigts parmi mes cheveux répandus sur l'oreiller. Il me dit que mes pensées avaient été sombres la nuit dernière. Il connaissait un moyen de les dissiper, me confia-t-il, et eut un sourire lorsque je me redressai pour l'atteindre. Ses lèvres couvrirent les miennes une fois encore, ravivant mon désir, mais il ne faisait que me taquiner. Pas maintenant, me dit-il, et il me tira du lit avec un air d'amusement. Il était ravi de mon impatience, mais le soleil allait se lever et il voulait que je le voie.
Il me drapa dans ma cape, et me conduisit au long des allées - mes pieds humains faisaient davantage de bruit que ses bottes. Nous atteignîmes le sommet juste comme les premiers rayons illuminaient le ciel, le bord des nuages ciselé d'or à l'horizon. Les dernières étoiles parurent me faire des clins d'?il lorsque je pris appui contre la rambarde, ses mains légèrement posées sur mes hanches. Il ne soufflait mot, mais me tenait fermement, et lorsque je frissonnai sous la fraîcheur du vent vif, il m'entoura de ses bras, me serrant contre la paroi chaude et confortable de sa poitrine. L'instant était presque parfait, mais je savais qu'il avait quelque chose à me dire, quelque chose qui vacillait entre nous comme une barrière invisible. Je pouvais le sentir.
« Alors... que faisons-nous, à présent ? » m'enquis-je, comme ses lèvres entreprenaient de tracer délicieusement la courbe de ma nuque. La sensation me fit fermer les yeux, mais je le suppliai sans mot de répondre. Il releva la tête, et je l'entendis soupirer.
« C'est ce dont nous devons parler, » dit-il, d'un ton bourru et d'une voix étrange.
Je jetai un coup d'?il par-dessus mon épaule pour le regarder, sentant que quelque chose n'allait pas.
Presque une minute entière passa avant qu'il ne parle. « Le monde a changé pour moi lorsque je vous ai rencontrée, » déclara-t-il. « J'étais désespéré, presque résigné à une éternité de souffrance. Puis vous êtes arrivées, et je me suis éveillé pour trouver cette souffrance disparue. » Il marqua une pause. « Lorsque vous êtes revenue, la seconde fois, pour achever ce que vous aviez entrepris, je pouvais ressentir vos émotions, même si je n'en connaissais pas la raison. Je pouvais sentir combien vous étiez effrayée, quelle peine vous aviez déjà enduré, et à quel point vous étiez déterminée à me guérir complètement. Après la seconde étape, je connaissais vos pensées. Pas beaucoup, d'abord, seulement quelques bribes ici ou là. » Il resserra son étreinte. « Je savais ce que cela vous coûtait de faire ce que vous faisiez pour moi. Et cette deuxième fois, vous avez manqué vous perdre. Je vous ai sentie lutter contre l'obscurité. Je vous ai rappelée. »
« Je sais, » lui dis-je. « Mais pour vois, je me serais perdue. »
« C'était trop risqué ! » fit-il d'un ton brusque. « Je n'aurais pas dû permettre cela. Mais vous êtes une femelle entêtée et opiniâtre, et je savais que vous continueriez à me harceler jusqu'à ce que j'accepte de vous laisser faire. De plus, mes frères y tenaient.
Je me tournai vivement pour lui faire face. « Il valait mieux que je souffre pendant une semaine plutôt que vous durant l'éternité ! » répliquai- je avec sécheresse.
Il se renfrogna. « C'est peut-être vrai, mais cela m'a troublé profondément. Puis je vous ai demandé de m'accompagner en Lórien et vous avez refusé. Vous avez souffert encore, cette fois sans nécessité. »
« Ce n'était pas une décision facile, » répondis-je d'une voix basse et contenue. Je ne voyais toujours pas où cette conversation pourrait mener.
« Savez-vous seulement à quel point j'ai été prêt de vous supplier de venir ? Ou même de vous y forcer ? Je croyais que nous appartenions l'un à l'autre, et je le crois toujours. Et au cas où vous vous poseriez la question, oui, je serais revenu au printemps si Galadriel n'était pas intervenue. Je n'avais pas l'intention de vous abandonner, Keara. Cependant... »
J'eus soudain la bouche sèche. « Cependant ? » demandai-je, la voix tremblante.
« Nombre de semaines ont passé, depuis que je me suis entretenu à ce propos avec la Dame. Son pouvoir s'estompe, mais son miroir continue de lui parler. Et il lui a beaucoup parlé de vous. Et de votre avenir. »
Mon c?ur tressaillit de crainte. J'avais entendu parler du miroir ensorcelé de Galadriel. « Quoi ? Que dites-vous ?! »
Haldir posa les mains sur mes épaules, les agrippant fermement comme pour me convaincre de l'importance de ses paroles. « Ne craignez rien, Keara. Mais vous allez vous trouver face à un choix, et je ne peux vous aider à décider quel chemin prendre. »
« Un choix ? Quel choix ? » demandai-je brusquement.
Je le repoussai et fis un pas en arrière pour voir son expression.
Ses yeux cherchèrent les miens. Je le vis lutter avec ce qu'il s'apprêtait à me dire. « Je ne vous ai pas demandé de vous lier à moi, Keara, mais c'est ce que je souhaite. »
J'avalai péniblement ma salive, en proie à la confusion. « Vous souhaitez vous lier à moi ? Mais vous ne me le demandez pas ? »
« Je vous le demanderais, mais... » Il pinça les lèvres. « ... ça n'est pas si simple. Deux chemins s'offrent à vous. Le premier vous conduit à guérir et finir votre vie comme une mortelle. Le second vous lie à moi à jamais, et vous fait renoncer à ce don. Vous n'en pouvez choisir qu'un. Les Valar vous ont accordé cela. »
Je le regardai fixement, avant de secouer la tête, incrédule et extrêmement choquée. « Non. Vous devez faire erreur. »
« Je ne fais pas erreur. » Il avait pris une expression distante, et il m'était impossible de lire sur son visage fermé. « Si vous vous liez à moi, vous deviendrez comme moi, immortelle. Si vous choisissez de conserver le don, alors il me faut vous laisser partir. »
J'eus envie de hurler. Tout cela n'avait aucun sens ! Comment pouvait-on me faire choisir ? Comment pouvait-il rester planté là et me débiter ça avec un tel détachement ?! Guérir, mais c'était ce que j'avais à faire. c'était ce qui me définissait, qui me donnait un but. On avait besoin de moi. Tant encore avait besoin de moi. Tellement...
Haldir me regarda, et s'aperçut mon hésitation. « J'espérais que cela serait un choix facile, » dit-il avec raideur. « La nuit dernière, j'ai essayé de vous montrer comment aurait pu être pour nous. »
Je ne répondis rien. Ma respiration était laborieuse, je peinais à retenir mes larmes. Je secouai de nouveau la tête, et me détournai vers la barrière. Je ne voyais plus le ciel ou le soleil. « Je dois réfléchir, » dis-je d'une voix étranglée. « J'ai besoin de temps pour réfléchir. »
Il demeura silencieux pendant plusieurs secondes, et je sentis un vide profond s'engouffrer en moi tandis qu'il se fermait davantage à moi. « Je comprend, » dit-il. « C'est votre choix. »
Je fus incapable de le regarder, ou de percevoir ses émotions et ses pensées. Il attendrait ma décision, m'informa-t-il d'une voix sans timbre. Puis il me quitta.
Mon c?ur déchiré souffrait pour lui et pour moi, tandis que je le regardai partir. Mais comment pouvaient-ils me faire cela ? Comment pouvaient-ils me faire choisir !
(à suivre...)
Encore pardon si j'ai froissé les deux-tiers du lectorat par remise (à l'accoutumée) de chapitre en retard inconsidéré. J'ai pas pu préparer l'interro, Maîtresse, mon chien à mangé mon cahier. De toute façon, vous vous sentiriez tous trop dépaysés, si je me mettais à rendre mes chapitres en temps et en heure ! Pour être honnête, j'avais juste oublié (c'est la faute à mes partiels, d'abord) d'envoyer le chapitre à Julie. Ne m'assassinez pas, vous n'aurez pas la fin de l'histoire... Qu'il me soit donc tout simplement permis de vous souhaiter une bonne fin de fête (il reste encore la galette des Rois, youpi !) et surtout une bonne guérison de gueule de bois. Et un bon régime. Et, pourquoi pas ? une excellente lecture. Mélusine, traductrice assermentée et un peu (beaucoup) coupable.
~*~
Chapitre Sixième : Tentation
Ce jour commença comme tous les autres, et je passai la matinée à m'occuper de ceux qui désespéraient. Il n'en restait plus guère à présent, et je louais les Valar qu'il en fût ainsi. Je portai assistance à une Elfe du mieux que je pus, puis me retirai, à peine affaiblie par l'opération. Je m'assis sur un banc à l'extérieur du bâtiment, afin de respirer l'air froid et piquant, et m'aperçus très vite que ma faiblesse avait disparu. Je me sentais ravivée, dotée de forces nouvelles par un moyen mystérieux, et j'adressai une nouvelle prière de gratitude aux Valar, ainsi qu'à Ilúvatar, le Premier, le Père de tous.
Je me vis vivement sur pieds et entrepris de parcourir les longues allées bordées de mallornes, les pensées à la dérive comme je foulais le sol jonchés de feuilles d'or. Haldir était parti, et je m'efforçais de ne point trop y penser car j'avais pris conscience à présent, que chaque fois que mes pensées allaient à lui, déferlaient sur moi des pensées semblables, des émotions, et parfois des images extrêmement déconcertantes, dont beaucoup avaient le don d'amener la couleur à mes joues. Trop tard, je perçus un éclair d'amusement et sus qu'il émanait de lui : il se moquait de moi, me taquinait, parce que je rougissais si facilement, et cela m'ennuya tant que je m'assombris.
Je poursuivis ma promenade. Ô combien en étais-je venue à aimer cette cité merveilleuse et ces arbres immenses ! Avec lenteur, peu à peu, ils avaient apaisé le chagrin qui avait si longtemps emprisonné mon c?ur. Mon enfant n'était plus, mais la douleur que j'avais à porter n'était plus la même. Il me fallait continuer. Mais pour aller où ? Où le chemin me conduisait-il à présent ?
L'image qui vint me frapper était si forte que je dus m'accrocher à un arbre non loin pour ne pas perdre l'équilibre. Elle paraissait venir de très loin, mais était pourtant si intense que je me laissai glisser au sol, où je demeurai un moment. Son désir brûlait comme une flamme vive dans ma tête. Il pensait encore à moi. Je n'aurais su dire où il se trouvait, mais le fait que j'étais l'objet de ses attentions devint très évident, lorsqu'il m'assaillit à dessein d'autres images, des leçons d'érotisme comme je n'en avais jamais imaginées, et encore moins connues. Son amusement pénétra à nouveau mon esprit, comme il m'envoyait une image si précise que je manquai gémir sous l'effet de ma propre excitation.
Comment osait-il me faire cela ? Outrée, je me rétablis avec quelque maladresse, inquiète à l'idée que quelqu'un pût me surprendre en pareille situation. Je m'adossai au tronc lisse du même arbre, m'efforçant de calmer les battements désordonnés de mon c?ur. Dès que j'en fus capable, je me hâtai en direction des escaliers de la cité, frôlant les montants ornementés, mes pensées toujours rivées au souvenir de ce qu'il venait de me faire. Lorsqu'enfin j'atteignis ma chambre, je pressai la main à mon front, brûlant encore de mon fard précédent, et me servis un verre de vin. J'avais à peine commencé de boire, qu'il le fit à nouveau, m'assaillant d'une autre de ses images sensuelles. Celle-ci était si explicite que je manquai m'étrangler, et bien que je l'eusse maudi, il rit de moi et m'en promit davantage. Il s'apprêtait à venir réclamer ce qui lui appartenait, me dit-il. Sa patience était à bout.
Je reposai le verre. Tout tourbillonnait dans mon esprit. Les flots que je traversais s'étaient soulevés, et j'avais été emportée par leur puissant courant. Il venait pour moi. Il n'avait pas encore pénétré la cité ; mais il en approchait. Une autre de ses pensées me frappa, et mon c?ur se mit à marteler. Il n'attendrait plus. De quelque manière qu'il me plût, je devrais m'y préparer. Il venait pour me réclamer, que j'y consentisse ou non - et si je ne l'étais pas, il me séduirait sans excuse et sans regret. J'étais à lui, et lui à moi, et il était temps que je l'accepte.
Je fui ma chambre, l'attente m'étant devenue insupportable, incapable d'accepter que le temps pût être venu. Je courus, sans me préoccuper de ce que les gens pussent en penser, les cheveux volant dans mon dos tandis que je filais sans regarder où j'allais, traversant au hasard les allées et les ponts de la cité elfique. Peut-être un sens ou quelque force me guidait- elle, car je me retrouvai dans les clairières de la forêt au bas de la cité. Je m'arrêtai, la main pressée sur mon c?ur lourd, pour reprendre souffle.
C'est alors que j'entendis la douce voix de Galadriel. « Pourquoi courez- vous, Keara ? »
Je me tournai brusquement, et la vis qui se tenait là. Je restai bouche bée sans pouvoir répondre. Connaissait-elle des choses que je ne savais pas ? Une fois encore, mes genoux se dérobèrent sous moi, et j'eus l'impression d'être une idiote.
Elle glissa vers moi avec grâce jusqu'à m'atteindre, et me prit la main. « Pourquoi ne faites-vous pas face à vos peurs ? »
Ses yeux cherchèrent les miens, ses élégants sourcils joints tandis qu'elle attendait ma réponse. Son visage était empreint de compassion, et elle m'attira à un banc.
« De quoi avez-vous peur ? » répéta-t-elle, alors que je refusai de lever les yeux sur elle. « Vous en avez guéri tant, sans considération pour le prix que cela pouvait vous coûter. N'est-il donc pas temps pour vous de parachever votre propre guérison ? »
Je lui rendis son regard, sans comprendre. Parlait-elle de Haldir ? Ou de la douleur due à ma fille ?
« Ne réalisez-vous donc pas que les réponses vous furent données il y a longtemps ? »
« Les réponses à quoi ? » demandai-je, emplie d'appréhension.
« A vos prières, » dit-elle gentiment. « N'avez-vous pas prié les Valar de prendre la douleur de votre fille ? Ne leur avez-vous point demandé de prendre sa douleur sur vous ? Vous fûtes entendue, Keara, et cela a été fait. Non, votre fille ne vit plus dans ce monde, mais elle a été libérée de la souffrance avant que de se rendre au vont les mortels, quand ils quittent ce monde. Peut-être l'ignoriez-vous. »
Comme elle parlait, je baissai les yeux sur mes mains jointes.
« Auparavant déjà, possédiez-vous le don de Guérir, mais il était faible. Les Valar l'élevèrent, comme s'accroissait la douleur que vous aviez à l'utiliser. » Elle effleura mon bras. « Vous avez pris ce don et en avez fait usage, avec sagesse et bravoure. Les Valar ont assisté à vos épreuves, et ils sont satisfaits de vous. Voilà longtemps qu'ils guident vos pas. Ils amenée à la Cité Blanche. Ils se sont assurés que le premier Elfe que vous alliez soigner soit Haldir. Ne comprenez-vous toujours pas ? »
Je pensais commencer à comprendre. Je ne le dis pas, submergée par ce qu'elle s'efforçait de me dire, effrayée de savoir où cela menait. Elle se pencha plus près, et donna une pression à ma main avant de contempler un long moment dans ma direction, le regard fixe. Il semblait lointain, et je me demandai à quoi elle pouvait être en train de penser. Elle soupira, avant de reporter les yeux sur moi.
« Vous ne pouvez nier vos sentiments plus longtemps ? » déclara-t-elle. « Si vous les laissiez libres, ils vous seraient d'un grand secours. »
Elle continua de me regarder, et je la sentis essayer de pénétrer mon esprit, mais je ne pus supporter ce regard et me détournai. J'eus la stupéfaction d'apercevoir, debout au milieu de la clairière, Haldir qui m'obsrvait. J'inhalai brusquement, et à mon grand embarras, mes joues tournèrent au rose.
Il secoua la tête d'un air amusé. « Vous paraissez surprise. Ne saviez-vous donc pas que j'étais ici ? »
J'éprouvais des difficultés à avale ma salive, et jetai un coup d'?il à Galadriel, mais elle avait quitté le banc dont à présent elle s'éloignait. Lentement, je me tournai vers Haldir, qui leva un sourcil, me défiant de prendre la fuite. Courez, annonçait son silencieux message, mais je courrai derrière vous.
« Que voulez-vous de moi ? » demandai-je, la gorge serrée.
« Vous savez ce que je veux. »
Je tentai d'ignorer mon excitation grandissante quand il s'avança d'un pas digne. Son visage était changé ; c'était celui du chasseur, au regard sombre et ardent. Je ne savais toujours pas ce qu'il recherchait, ou ce que je cherchais moi-même - et ce que le futur pouvait nous réserver, d'autre que l'éventuel déchirement de nos c?urs. Il m'avait affirmée sienne, mais que voulait-il dire ? Devais-je être sa maîtresse ? Je n'étais pas sûre de pouvoir survivre à cette expérience sans voir mon c?ur voler davantage en éclats. En y repensant, je me mis à considérer l'idée de courir dans la direction opposée.
Il marqua une pause lorsque je fis un pas en arrière ; il eut un petit sourire plein d'indulgence. « Allez-y, courez. Je cours plus vite que vous. Mais si cela vous apporte du plaisir, je vous pourchasserai volontiers. Où que vous alliez, je vous suivrai. »
Je redressai les épaules pour conserver un semblant de dignité. « Je n'ai aucunement l'intention de me conduire de si sotte manière, Haldir. »
Il inclina la tête, et jamais ses yeux ne quittèrent les miens tandis qu'il faisait un autre pas en avant. « Vous vous soumettez donc à ce qui doit être ? »
« Pourquoi me voulez-vous ? » m'exclamai-je soudain. « Pourquoi ? Je ne soutiens pas la comparaison avec celles de votre races ! Je ne suis pas comme vous ! »
Il éclata de rire, et j'en conçus un vif déplaisir, en pensant qu'il raillait mon inquiétude. Je pris de l'élan pour le gifler, mais il se saisit mon poignet, les yeux étincelants. « Vous n'êtes pas comme moi ? Keara, vous faites partie de moi ! » Je tentai de dégager mon poignet, mais il me tira à lui d'un coup sec. Je pus sentir son impatience, son besoin élémentaire, à la fois par sa pensée et la dureté de son corps. « En me guérissant, et par la grâce des Valar, nous avons échangé quelque chose. Je porte une part de vous dans mon âme, tout comme vous portez une part de la mienne dans la vôtre. Nous appartenons l'un à l'autre ! »
A ma grande surprise, il ne marqua pas de pause pour m'embrasser, mais me souleva comme il l'avait fait déjà, maintes fois auparavant. Il m'emporta en longues enjambées souples et rapides jusqu'à ma chambre. Je m'apprêtais à protester, lui dire qu'aujourd'hui j'étais tout à fait bien et capable de marcher, mais il était clair qu'il n'était en aucun cas disposé à m'écouter. Il avait adopté son comportement dominateur et suffisant, mais au lieu de m'agacer, cela ne fit qu'attiser mon désir grandissant, si bien qu'au moment où il me reposa, je tremblai du besoin que j'avais de lieu.
Et il le savait. « Ah, Keara, lirimaer amin, » murmura-t-il, « lle naa vanima. » Il écrasa mes lèvres sous les siennes, ses mains se posèrent partout sur mon corps, et il fut clair que cette fois-ci, il n'y aurait pas d'interruption dans le procédé. Lorsqu'enfin il s'interrompit pour reprendre son souffle, il se retira légèrement pour baisser des yeux pétillants sur moi. « Toutes ces audacieuses images que vous m'avez envoyées m'ont empli d'impatience. »
« Je ne vous ai envoyé aucun image ! » protestai-je avec véhémence. « C'est vous qui m'en avez envoyé ! »
« C'est vrai, mais vous en avez envoyé également, » m'informa-t-il, pince- sans-rire. « Vous les envoyez la nuit en dormant. Vraiment très intéressantes, pour la plupart. » Il saisit ma main qu'il tira à lui, et la posa contre le tissu de son pantalon, de manière à ce que je puisse sentir son impressionnante érection. « Ceci est ma condition habituelle depuis plusieurs semaines, grâce à vous. »
Peut-être aurais-je dû être choquée, mais en lieu et place je sentis les derniers pans de ma résistance s'effondrer. Je le voulais autant qu'il me voulait, et c'est ce que je lui dis. Prenez-moi, dis-je, inclinant la tête en arrière, le dos voluptueusement arqué en manière d'invite. Prend-moi. Fais-moi l'amour. Apprend-moi ce que tu sais. Montre-moi ce qui te donne du plaisir.
« Oui, » fit-il, d'une voix basse et rauque. « C'est mon intention. »
Je perçus son triomphe tandis que ses lèvres qui me parcouraient, son insistance empreinte d'une force lancinante. Il embrassa ma bouche, mes joues, mes yeux, puis il reprit ma bouche, intensément, et je ne pensai plus qu'à lui, et à ses mains sur ma peau dénudée. Il me déshabilla, et ce faisant, je m'empêchai à grand peine de le toucher, tant était grand mon désir. Tremblante, je pris enfin conscience de l'ampleur de mon amour pour lui. Oui, je l'aimais, et quand bien même ne m'aurait-il jamais aimée en retour, j'étais prête à risquer n'importe quoi pour posséder la moindre part de lui qu'il voudrait me donner.
Je ne puis même comparer mes expériences précédentes avec celle-ci. Il se montra habile, faisant preuve d'un art consommé, me rendant voluptueuse et dévergondée, telle une déesse courtisée par un dieu, ce qu'il me semblait être, cet Elfe, immortel, superbe et parfait. Son corps nu était immaculé, fort et puissant, aux muscles saillants, à la peau lisse et sans défauts. Son ardeur était inégalée.
Mon esprit céda sous le siège de mon désir, si intense que j'en avais perdu tout contrôle. Je frissonnai, submergée par les sensations et les émotions qui m'inondaient, les siennes et les miennes entremêlées. J'avais l'impression d'être allongée dans un champ, le ciel et les fleurs autour de nous, la chaleur de mon sang qui battait furieusement dans mes veines, le voile de ses longs cheveux d'argent drapé sur ses larges épaules et qui glissait sur moi. Ses yeux gris se lièrent aux miens, tandis que ses mains me caressaient, et le long corps ferme qui recouvrait le mien me donna un plaisir que je n'avais jamais connu, me jetant dans un enfer de passion comme je n'en avais jamais imaginé. Il trouva chacun des points qui pouvaient m'en procurer, et les enflamma tour à tour avec un talent virtuose, s'assurant que je ressentais tout ce que j'étais en mesure de ressentir, et en retour je lui donnai tout ce dont j'étais capable, tout ce que je pouvais connaître.
Notre première union fut brève et impétueuse, passionnée et enivrantes, une possession brûlante qui culmina en spasmes violents. La seconde fut plus calme, agrémentée de mots doux et de taquineries qui prolongèrent le plaisir. Je goûtai à lui, expérimentai et appris ce qu'il aimait quand il commença de m'enseigner ses préférences. Combien de temps cela nous prit, je l'ignore. Tout ce que je savais, était que jamais je ne pourrais me lasser de lui. Les eaux du torrent se déversèrent, et je me noyai au creux des vagues de l'euphorie.
~*~
Je sombrai dans un profond sommeil, et en me réveillant je m'aperçus qu'il faisait presque nuit. j'étais seule, ce à quoi je ne m'étais pas attendue, mais dès que la pensée me vint à l'esprit, il m'envoya un message rassurant. Il allait revenir.
Je me languissait déjà de lui. Comme il l'avait annoncé, il faisait partie de moi à présent, une part de moi que je chérissais et que je n'aurais abandonnée pour rien au monde. Je me levai, m'habillai, puis me laissai tomber dans mon fauteuil, à méditer sur ce que j'avais fait, tenter de rassembler mes esprits et d'en venir à bout. Je n'éprouvais aucun regret, de cela au moins j'étais sûre.
Je me versai à boire d'une main mal assurée, et attendis son retour tandis que les ombres s'épaississaient et que la nuit remplaçait le crépuscule. Des souvenirs me traversaient, des bribes de ma vie passée, de mon enfant, des soins que j'avais prodigués, mes échecs et mes succès. Qu'en était-il de mon avenir ? Je luttai contre cette pensée pendant toute la durée de mon attente.
Où cela allait-il mener ? Je l'aimerais toujours, mais qu'en serait-il de lui ? Me garderait-il à ses côtés jusqu'à ma mort ? Qu'en serait-il de ses sentiments, lorsque je serais devenue vieille et grisonnante ? Recroquevillée dans le fauteuil, je souffrais de cette idée qui s'insinuait en moi, et j'embrassai mes genoux repliés ; mais à cela, il n'envoya nulle réponse rassurante, et je m'en alarmai. Peut-être n'y en avait-il aucune qu'il me pût donner.
Laissant ma tête aller en arrière, je repensai à tous les Elfes que j'avais eu à soigner. Et une pensée me frappa soudain, qui me fit courir un frisson glacé le long de l'échine. Le désespoir, lui reviendrait-il ? Lorsque je ne serais plus là pour lui venir en aide, le dominerait-il enfin ? Il ne partirait pas, tant qu'il se sentirait dans le devoir envers la Lórien. Je le connaissais. Il résisterait à l'appel de sa terre, peut-être jusqu'à ce qu'il soit trop tard et que la détresse le close trop fermement en son sein. L'image de lui, gisant comme ce que j'avais eu l'occasion de voir, étreint par l'agonie de la mélancolie, de l'apathie et de l'impuissance, me fit frémir.
Je quittai enfin mon siège, pour me traîner jusqu'à mon lit. Je dormirais. Je repousserais les pensées effrayantes hors de ma tête, et je m'attarderais en lieu et place sur la sensation de son toucher, de ses baisers extraordinaires, les baisers qui m'avaient bouleversée.
~*~
Des baisers... je rêvai de ses baisers, et m'éveillai pour trouver ses lèvres sur les miennes. Il était penché sur moi, ses cheveux magnifiques cascadant sur moi, son regard fixé sur moi tandis qu'il pressait davantage de baisers sur mon visage. Il s'assit à côté de moi, les doigts parmi mes cheveux répandus sur l'oreiller. Il me dit que mes pensées avaient été sombres la nuit dernière. Il connaissait un moyen de les dissiper, me confia-t-il, et eut un sourire lorsque je me redressai pour l'atteindre. Ses lèvres couvrirent les miennes une fois encore, ravivant mon désir, mais il ne faisait que me taquiner. Pas maintenant, me dit-il, et il me tira du lit avec un air d'amusement. Il était ravi de mon impatience, mais le soleil allait se lever et il voulait que je le voie.
Il me drapa dans ma cape, et me conduisit au long des allées - mes pieds humains faisaient davantage de bruit que ses bottes. Nous atteignîmes le sommet juste comme les premiers rayons illuminaient le ciel, le bord des nuages ciselé d'or à l'horizon. Les dernières étoiles parurent me faire des clins d'?il lorsque je pris appui contre la rambarde, ses mains légèrement posées sur mes hanches. Il ne soufflait mot, mais me tenait fermement, et lorsque je frissonnai sous la fraîcheur du vent vif, il m'entoura de ses bras, me serrant contre la paroi chaude et confortable de sa poitrine. L'instant était presque parfait, mais je savais qu'il avait quelque chose à me dire, quelque chose qui vacillait entre nous comme une barrière invisible. Je pouvais le sentir.
« Alors... que faisons-nous, à présent ? » m'enquis-je, comme ses lèvres entreprenaient de tracer délicieusement la courbe de ma nuque. La sensation me fit fermer les yeux, mais je le suppliai sans mot de répondre. Il releva la tête, et je l'entendis soupirer.
« C'est ce dont nous devons parler, » dit-il, d'un ton bourru et d'une voix étrange.
Je jetai un coup d'?il par-dessus mon épaule pour le regarder, sentant que quelque chose n'allait pas.
Presque une minute entière passa avant qu'il ne parle. « Le monde a changé pour moi lorsque je vous ai rencontrée, » déclara-t-il. « J'étais désespéré, presque résigné à une éternité de souffrance. Puis vous êtes arrivées, et je me suis éveillé pour trouver cette souffrance disparue. » Il marqua une pause. « Lorsque vous êtes revenue, la seconde fois, pour achever ce que vous aviez entrepris, je pouvais ressentir vos émotions, même si je n'en connaissais pas la raison. Je pouvais sentir combien vous étiez effrayée, quelle peine vous aviez déjà enduré, et à quel point vous étiez déterminée à me guérir complètement. Après la seconde étape, je connaissais vos pensées. Pas beaucoup, d'abord, seulement quelques bribes ici ou là. » Il resserra son étreinte. « Je savais ce que cela vous coûtait de faire ce que vous faisiez pour moi. Et cette deuxième fois, vous avez manqué vous perdre. Je vous ai sentie lutter contre l'obscurité. Je vous ai rappelée. »
« Je sais, » lui dis-je. « Mais pour vois, je me serais perdue. »
« C'était trop risqué ! » fit-il d'un ton brusque. « Je n'aurais pas dû permettre cela. Mais vous êtes une femelle entêtée et opiniâtre, et je savais que vous continueriez à me harceler jusqu'à ce que j'accepte de vous laisser faire. De plus, mes frères y tenaient.
Je me tournai vivement pour lui faire face. « Il valait mieux que je souffre pendant une semaine plutôt que vous durant l'éternité ! » répliquai- je avec sécheresse.
Il se renfrogna. « C'est peut-être vrai, mais cela m'a troublé profondément. Puis je vous ai demandé de m'accompagner en Lórien et vous avez refusé. Vous avez souffert encore, cette fois sans nécessité. »
« Ce n'était pas une décision facile, » répondis-je d'une voix basse et contenue. Je ne voyais toujours pas où cette conversation pourrait mener.
« Savez-vous seulement à quel point j'ai été prêt de vous supplier de venir ? Ou même de vous y forcer ? Je croyais que nous appartenions l'un à l'autre, et je le crois toujours. Et au cas où vous vous poseriez la question, oui, je serais revenu au printemps si Galadriel n'était pas intervenue. Je n'avais pas l'intention de vous abandonner, Keara. Cependant... »
J'eus soudain la bouche sèche. « Cependant ? » demandai-je, la voix tremblante.
« Nombre de semaines ont passé, depuis que je me suis entretenu à ce propos avec la Dame. Son pouvoir s'estompe, mais son miroir continue de lui parler. Et il lui a beaucoup parlé de vous. Et de votre avenir. »
Mon c?ur tressaillit de crainte. J'avais entendu parler du miroir ensorcelé de Galadriel. « Quoi ? Que dites-vous ?! »
Haldir posa les mains sur mes épaules, les agrippant fermement comme pour me convaincre de l'importance de ses paroles. « Ne craignez rien, Keara. Mais vous allez vous trouver face à un choix, et je ne peux vous aider à décider quel chemin prendre. »
« Un choix ? Quel choix ? » demandai-je brusquement.
Je le repoussai et fis un pas en arrière pour voir son expression.
Ses yeux cherchèrent les miens. Je le vis lutter avec ce qu'il s'apprêtait à me dire. « Je ne vous ai pas demandé de vous lier à moi, Keara, mais c'est ce que je souhaite. »
J'avalai péniblement ma salive, en proie à la confusion. « Vous souhaitez vous lier à moi ? Mais vous ne me le demandez pas ? »
« Je vous le demanderais, mais... » Il pinça les lèvres. « ... ça n'est pas si simple. Deux chemins s'offrent à vous. Le premier vous conduit à guérir et finir votre vie comme une mortelle. Le second vous lie à moi à jamais, et vous fait renoncer à ce don. Vous n'en pouvez choisir qu'un. Les Valar vous ont accordé cela. »
Je le regardai fixement, avant de secouer la tête, incrédule et extrêmement choquée. « Non. Vous devez faire erreur. »
« Je ne fais pas erreur. » Il avait pris une expression distante, et il m'était impossible de lire sur son visage fermé. « Si vous vous liez à moi, vous deviendrez comme moi, immortelle. Si vous choisissez de conserver le don, alors il me faut vous laisser partir. »
J'eus envie de hurler. Tout cela n'avait aucun sens ! Comment pouvait-on me faire choisir ? Comment pouvait-il rester planté là et me débiter ça avec un tel détachement ?! Guérir, mais c'était ce que j'avais à faire. c'était ce qui me définissait, qui me donnait un but. On avait besoin de moi. Tant encore avait besoin de moi. Tellement...
Haldir me regarda, et s'aperçut mon hésitation. « J'espérais que cela serait un choix facile, » dit-il avec raideur. « La nuit dernière, j'ai essayé de vous montrer comment aurait pu être pour nous. »
Je ne répondis rien. Ma respiration était laborieuse, je peinais à retenir mes larmes. Je secouai de nouveau la tête, et me détournai vers la barrière. Je ne voyais plus le ciel ou le soleil. « Je dois réfléchir, » dis-je d'une voix étranglée. « J'ai besoin de temps pour réfléchir. »
Il demeura silencieux pendant plusieurs secondes, et je sentis un vide profond s'engouffrer en moi tandis qu'il se fermait davantage à moi. « Je comprend, » dit-il. « C'est votre choix. »
Je fus incapable de le regarder, ou de percevoir ses émotions et ses pensées. Il attendrait ma décision, m'informa-t-il d'une voix sans timbre. Puis il me quitta.
Mon c?ur déchiré souffrait pour lui et pour moi, tandis que je le regardai partir. Mais comment pouvaient-ils me faire cela ? Comment pouvaient-ils me faire choisir !
(à suivre...)
