LA COMPLAINTE DES EDELWEISS
Chapitre VIII :Les archives de Poudlard.
A peine son dernier cours terminé, Hermione se précipita vers la bibliothèque. « Dépêche toi ma petite Hermione, dépêche toi » se disait elle, tandis qu'elle arpentait les couloirs de l'école. Elle marchait prestement, espérant reprendre le plus tôt possible ses recherches. Ce désir créait en elle comme une excitation qui ne faisait que croître à mesure qu'elle approchait de son but. Son comportement apparaissait aux yeux de beaucoup comme une excentricité caractéristique de sa personnalité. Hermione savait bien ce qui se disait derrière son dos mais cela faisait bien longtemps qu'elle ne prêtait plus attention à ce genre de commérages. Elle avait fini par ressentir une certaine fierté à ne ressembler qu'à elle-même, c'est ce qui faisait, aujourd'hui, sa force.
Elle parvînt rapidement aux portes de la bibliothèque. Sans faire de bruits, elle pénétra dans ce lieu, qui gardait pour elle une part de sacré. Son regard balaya la salle. Elle fut surprise de voir, au coin d'une table, une crinière noire qui ne lui était pas étrangère. Harry était occupé par l'étude des parchemins et des livres qui s'entassaient autour de lui. Hermione ne désirait pas qu'il la remarque. Il l'empêcherait sûrement de se concentrer, comme elle le désirait, sur son enquête. Pire, il pourrait finir par se poser des questions sur les motivations de ses recherches. Ce n'est pas vraiment ce qu'elle souhaitait. Elle longea le mur en toute discrétion mais ce fut sans succès. Le jeune homme tourna sa tête dans sa direction.
« -Hé ! Ho ! Hermione, harangua t-il, je suis là. »
Il leva les bras et lui fit signe de le rejoindre. Hermione feignit d'être surprise de le voir puis elle le rejoignit aussitôt. « Cà sera pour une prochaine fois, pensa t-elle avec un peu de déception. » Elle déposa ses livres sur la table en face de son ami qui semblait s'enthousiasmer de sa venue.
« -Je n'était pas sûre que tu viennes, commença Harry. »
« -Tu voulais me voir ? demanda t-elle. »
« -Oui, c'est çà, avoua t-il, j'ai besoin de ton aide. »
« -Pour tes cours ? »
« -Non, pour l'instant je me débrouille, dit il un sourire aux lèvres. »
Hermione fronça les sourcils d'un air interrogateur.
« -Voilà, reprit Harry, je suis venu ici, pensant trouver des informations sur… tu sais, il se mit à murmurer, Ysella. J'ai demandé à Miss Pince si je pouvais consulter les archives de l'école mais elle m'a répondu que c'était impossible, que seuls les préfets en chefs avaient ce droit. C'est à ce moment là que j'ai pensé à toi. Pourrais tu m'aider ? »
Il jeta un regard suppliant à l'adresse de son amie. Harry était devenu un expert en la matière et il savait fort bien qu'Hermione n'était pas capable d'y résister.
« -Arrêtez çà tout de suite Mr Potter, le réprimanda t-elle gentiment. Comme si c'était mon genre de refuser d'aider un ami. Mais avant que j'aille faire ma demande à Miss Pince, il faut que tu me donnes l'année qui t'intéresse, les archives sont classées de manière chronologique.
«-Oui, çà parait logique, dit il réjouit de l'aide que voulait bien lui apporter la jeune fille. »
Harry fouilla parmi les documents qui l'entouraient, il en extirpa un bout de parchemin tout froissé.
« -Mon père est rentré en 1972 à Poudlard tout comme Yselle, commenta t-il, le mieux serait de consulter les registres concernant leur dernière année dans cette école puisque c'est de cette époque que date la photo, c'est à dire…Harry fit rapidement le calcul, 1979. »
Hermione approuva avant de se lever pour s'adresser à la bibliothécaire. Cette dernière accepta avec réticence la demande de la jeune fille. Hermione repartit à sa place les bras chargés d'un recueil épais. Harry se leva précipitamment pour l'aider à le porter, il le laissa tomber lourdement à la surface du bureau. Les parchemins, qui s'y trouvaient, voltigèrent jusqu'au sol. Le jeune homme les ramassa hâtivement avant de se redresser sur sa chaise. Hermione se tenait à ses côtés, le livre ouvert devant elle.
« -C'est l'un des trois tomes qui regroupent tous les griffondors de l'année 72, l'informa t-elle. »
Elle fit glisser son doigt le long de la première page et reprit :
« -Il commence à la lettre A et se termine par la lettre J. »
« - Sirius est sûrement là-dedans, s'enthousiasma Harry. »
Hermione lui répondit par un petit sourire d'acquiescement.
« -Tu ne trouves pas que c'est beaucoup trois gros tomes pour réunir l'ensemble des griffondores de cette année ? reprit le jeune homme. »
Son amie haussa les épaules.
« -Il n'y a pas que les noms qui sont répertoriés dans ces livres, répondit elle avec assurance. C'est les dossiers de chaque élève qui sont ici emmagasinés. »
Harry ne savait pas s'il devait se réjouir de trouver une mine d'informations si complète ou s'il devait se soucier d'être lui-même inventorié dans un de ces gros bouquins. Qui sait qui pourrait un jour tomber là-dessus ? Il esquissa un rictus qui n'exprimait pas grand-chose puis sauta sur le livre. Mais Hermione l'en empêcha, elle le tira vivement vers elle.
« -Qu'est ce que tu fais ? demanda t-il abasourdi par le geste de son amie. N'oublie pas que c'est moi qui veux le consulter. »
« -Certes mais tu t'y prends mal, dit-elle sobrement, c'est un livre précieux, il faut le manipuler avec délicatesse. »
De la poche de sa robe, Hermione extirpa une paire de gants blancs qu'elle enfila aussitôt devant un Harry Potter interdit.
« -Tu vois comme çà, reprit elle en agitant ses petites mains gantées devant son nez. »
« -C'est souvent que tu te promènes avec ce genre de choses ? demanda le jeune homme. »
« -On ne sait jamais, çà peut toujours servir. »
Elle feuilleta rapidement les premières pages du livre avant de parvenir à la lettre E.
« -Ebert, Eckhart, Eddel…Hermione énuméra la longue liste des noms répertoriés…Edelweiss, c'est çà, j'ai trouvé, Edelweiss Ysella, s'écria t-elle. »
«-Laisse moi voir. »
Harry n'y tenait plus. Hermione s'apprêtait à lui céder sa place quand elle ajouta :
« -Dis moi, Harry, pourquoi veux tu ces renseignements sur Ysella ? Sa voix timide gardait un sérieux qui déstabilisa Harry. Je me doute que tu aimerais en savoir un peu plus sur tes parents et en particulier sur ton père, mais ce n'est pas ces livres qui te diront si oui ou non Yselle était sa petite amie ou quelque chose comme çà. Après tout, même si c'est le cas, je ne vois pas ce que çà change. Je crois que tu ne devrais pas te préoccuper de tout cela. »
Le jeune homme la regarda dans le silence durant un instant, le temps pour lui de trouver une réponse à une question qu'il ne s'était jamais posé. Puis d'une voix douce et posée, il s'adressa à son amie.
« - Toi et moi, Hermione, nous nous ressemblons beaucoup. En tout cas, c'est ce que disent la plupart des gens. Ce n'est pas faux, après tout nos parents sont morts, nous sommes, aujourd'hui, tous deux des orphelins. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me dire que tu as une avance sur moi, car toi tu connais tes parents, tu sais qui ils sont, ce qu'ils aimaient, avec eux tu as partagé tellement de choses, des choses que je ne partagerais jamais avec les miens. Tout ce que j'ai ce sont des images, mais çà ne me suffit plus. J'aimerai avoir les souvenirs qui vont avec. Quand j'ai vu cette photo, celle de mon père et de ses amis, j'ai vu quelque chose que je ne connaissais pas chez lui, un côté de sa personnalité qui m'échappait et qui m'échappe encore. Je ne sais pas pourquoi exactement, mais il me semble que cette fille, Ysella, que c'est elle qui me donnera la clef. C'est sûrement idiot de ma part de croire cela mais je n'y peux rien, c'est plus fort que moi. »
Les paroles d'Harry avaient quelque chose d'amer pour Hermione. Ce n'était sûrement pas volontaire de la part du jeune homme mais sa confession avait alourdie le cœur de son amie. Il y avait comme un lointain reproche dans tout cela, un reproche qui ne se justifiait pas pour Hermione. Même si elle avait connu une certaine forme de bonheur, étranger à Harry, elle avait surtout vu son monde se détruire à une époque où elle aurait tellement eu besoin de s'y raccrocher. Parents adoptifs ou pas, c'était les corps meurtris des gens qu'elle aimait qu'elle avait retrouvé ce jour maudit. Elle aurait préféré se passer de ce genre de souvenir. « Les autres ont raison, songea t-elle, lui et moi, nous nous ressemblons, bien plus en tout cas que ne le croit Harry. Moi aussi je suis à la recherche de souvenirs qui ne m'appartiennent pas. Moi aussi je cherche une partie de moi même dans des vieux livres. » Cette pensée la rassura et elle fut capable de dire avec un peu de tendresse :
« -Je comprends, Harry. Excuse moi, si je t'ai vexé. »
« -Non, protesta t-il vigoureusement, ce n'est pas ce que je voulais dire Hermione, tu ne m'as pas vexé, bien au contraire. Je sais que tu ne veux que mon bien, déclara t-il les joues rosées de confusion. »
La jeune fille posa sa main sur celle de son ami comme pour le rassurer. Il lui adressa un sourire pour la remercier, reconnaissant du geste de tendresse qu'elle venait d'avoir pour lui.
« -Je te remercie Hermione d'être là quand j'en ai besoin. Je crois que je ne te le dis jamais assez, avoua t-il, mais ta présence est réconfortante pour moi. »
« -Un semblant de famille, n'est ce pas ? demanda t-elle. »
« -Non, pas un semblant, une vraie famille, reprit il d'une voix aimante. Sirius et toi êtes pour moi une vraie famille. »
Hermione touchée se pencha vers le jeune homme et appuya ses lèvres contre sa joue avec affection. C'était une façon pour elle de le remercier et Harry en fut toucher. Le cœur ainsi réchauffé, tous les deux reprirent leur investigation. Penchée au-dessus du livre, Hermione s'arrêta soudainement.
« -Qui y a-t-il, demanda Harry étonné, tu as trouvé quelque chose d'intéressant ? »
« -Non, pas vraiment, répondit elle, mais une partie de son dossier a été déchiré. Regarde par toi-même. »
Le jeune homme ne pu que le constater.
« -Je ne crois pas qu'on puisse y faire grand-chose, souffla t-il à son amie. »
« -Je sais mais çà me révolte de voir comment certain prenne si peu soin des livres anciens, gronda t'elle. »
« -Crois tu vraiment que çà ne soit dû qu'à un manque de précaution, dit-il, je pencherai plus pour un acte volontaire. »
Hermione le regarda incrédule. « Qui donc serait capable de mutiler des archives ? Et pour quelles raisons, se demanda t-elle. » Harry avait le don pour imaginer les plus terribles des scénarios. La carrière d'Aurore semblait tout à fait lui convenir.
« -Bon, reprit il, contentons nous de ce qui reste. »
Hermione entreprit de lire les principales informations qui étaient fournis.
« - Edelweiss Ysella, née le 11 février 1964 de l'ère moldu, mère : Edelweiss Zinnia décédée en 1964, père… »
« -Pourquoi t'arrêtes tu, demanda Harry avec surprise. »
« -Il n'y a rien d'inscrit, répondit elle gênée, peut-être qu'elle n'en avait pas, enfin qu'elle ne le connaissait pas. A la place, il y a une annotation : 'En l'absence de tout représentant légal, le tutorat de l'enfant incombe à Sir Albus Dumbledore'. »
« -Dumbledore, demanda Harry incrédule. »
« -Oui, c'est ce qui est indiqué, confirma t-elle. »
Harry lut à son tour les quelques informations restantes jusqu'à buter sur les dernières lignes.
« -Ecoute çà, Hermione, dans les particularités, il est indiqué, je cites : 'Les capacités de divination de la jeune Ysella semblent s'être accrues durant cette année. Tout porte à croire que la jeune fille, comme sa mère avant elle, soit doté du don de voyance. Il serait important d'étudier la question en profondeur pour déterminer si Miss Edelweiss est une vaticinari logum, plus communément appelée "prophète". Dans ce cas, elle devra être signalée auprès du magistère de la magie pour être enregistrée en tant que telle. Je tiens également à indiquer qu'Ysella souffre de troubles caractéristiques qui semblent étayer cette hypothèse. Il est à craindre un développement rapide de cet état de delirium'. Delirium ? reprit Harry en se tournant vers Hermione, qu'est-ce que c'est ? »
« -Folie, répondit sommairement la jeune fille. »
« -Oh ! fut le seul commentaire que fit Harry avant de finir sa lecture. 'Nul n'a oublié que c'est ces mêmes troubles qui ont causé la fin tragique de notre regrettée Zinnia Edelweiss, il serait donc conseillé de porter une attention supplémentaire à la jeune Ysella pour parer à toute éventualité tragique.'… »
Le jeune homme se tu aussitôt, incapable qu'il était d'ajouter le moindre commentaire à ce qu'il venait de lire. Hermione l'imita. Puis elle se ressaisit et prononça un charme pour copier les informations sur un de ses parchemins. Le travail finit et le livre rendu, ils sortirent tous deux de la bibliothèque en silence. Ce n'est qu'avant de se quitter qu'Hermione ajouta :
« -Tu sais, Harry, si tu souhaite avoir plus de renseignement sur elle, tu devrais demander à Lupin. Après tout c'est notre professeur de Défense et tu vas avoir l'occasion de le voir souvent, profites en pour lui parler. »
« -Je ne sais pas Hermione, répondit il. Tu as bien vu comment à réagit Sirius quand j'ai prononcé le prénom d'Ysella, il était très gêné. Je crains qu'il n'en soit de même avec Lupin. Qui sait quels sont les souvenirs liés à cette fille ? »
Les deux amis repartirent chacun en direction de ses quartiers. Tout au long du chemin, Hermione ne pouvait s'empêcher de repenser à ce qu'Harry et elle avaient découvert sur Yselle. Cette histoire la perturbait malgré elle. Elle n'avait pourtant pas besoin de se rajouter des préoccupations supplémentaires. Pourtant Hermione se retrouvait happée par la soudaine compassion qu'elle éprouvait alors pour la jeune fille. Sans père ni mère à ses côtés, Yselle avait sûrement été victime de ses dons particuliers comme l'indiquait son dossier. Il y avait quelque chose de tragique dans toute cette histoire. Les paroles de Miss Sullivan lui revinrent alors à l'esprit. Cette noyade était elle vraiment un accident ? Yselle ne s'était elle pas donnée elle-même la mort ? Hermione frissonna à cette idée. L'eau qui tapait contre son visage n'arrivait pas à l'apaiser. Elle sortit de sa douche transie et se précipita sur un large drap de bain pour s'en envelopper. D'un geste franc, elle retira la buée qui cachait son reflet dans le miroir. Une fois encore, elle se regarda avec insistance dans cette glace quand elle y découvrit le visage de son pire ennemi. Malfoy se tenait debout derrière elle, un petit sourire malfaisant aux lèvres. Elle se tourna brusquement vers lui.
« -Je peux savoir ce que tu fais là Malfoy, gronda t-elle furieuse. »
« -Je te rappelles que c'est aussi ma salle de bain, répondit il. C'est déjà dure pour moi de la partager avec toi, ne commence pas à vouloir m'en priver. »
« -Arrête de jouer les malins avec moi, Malfoy, je prenais ma douche, tu aurais pu attendre ton tour. »
« -Tu n'avais qu'à fermer à clef. Je ne suis pas censé savoir ce que tu fais à tout moment, dit il moqueur. Et puis, je ne vois pas en quoi cela te gêne que je puisse te voir ou non dans ta douche, tu dois être habitué avec ton cher Potter. »
« -Qu'est ce que tu racontes ? demanda t-elle abasourdie. »
« -Tout le monde sait que tu as passé ton été avec "la merveille". Une telle promiscuité crée des liens, n'est ce pas Granger ? »
« -Où veux tu en venir, Malfoy ? »
« -Je ne vais pas te faire un dessin, reprit il amusé, tu es assez éveillée pour comprendre ou je veux en venir. »
« -Tu n'es qu'un pervers, Malfoy, les années ne t'ont pas arrangées, lui cracha t-elle. Harry est un ami, rien de plus. »
« -"Un ami"avec qui tu fricotes allégrement, dis-moi, Ron a droit au même traitement de faveur ? »
« -Je ne fricote pas avec lui, se défendit elle. »
« -Pourtant ce n'est pas ce qu'il semblait dans la bibliothèque, cette après-midi. Ne ment pas, je vous ai vu, tous les deux. »
« -Tu n'a rien de mieux à faire que nous épier, ajouta t-elle, c'est pathétique. »
Elle saisit le reste de ses affaires tout en maintenant bien serrée contre elle la serviette qui la recouvrait. Elle se tourna une dernière fois vers un Draco fulminant avant de sortir rapidement de cette salle de bain. Il n'était pas bon de rester trop longtemps avec lui dans la même pièce. Une fois dans sa chambre, elle enfila son pyjama puis alla se coucher. Une image lui revint alors en mémoire. Elle revoyait le visage de Malfoy figée dans ce miroir. Il semblait différent de ce qu'il n'était habituellement. Durant un court instant, il lui avait même semblé que les joues du jeune homme s'étaient empourprées, juste avant qu'ils ne commencent à se chamailler. Malfoy avait il été troublé de la voir dans une telle tenue ? Cette pensée amusa Hermione.
