Encore un chapitre qui a mis du temps à venir… Je sais que vous trouvez ça long pour des chapitres qui ne le sont pas tellement, mais c'est parce que je tiens à donner exactement le ton voulu à cette fic, je m'applique énormément !

Merci encore au revieweurs, même s'ils ne sont pas aussi nombreux que je le voudrais ! ! (il faut dire que je le cherche un peu aussi, à me faire autant attendre…)

Disclaimer : Sakura et Cie ne sont pas à moi, mais à Clamp (je crois...), et je ne fais aucun argent sur cette fic.

Chapitre 3 : La déprime de Sakura.

Sakura n'avait pas dormi de la nuit, tant l'enlèvement de Kéro l'avait bouleversé. Yué n'ayant pas pu l'aider à comprendre d'où venait ces démons et pourquoi ils s'en prenaient à elle, elle avait cherché à joindre Anthony, sans avoir la moindre idée de l'heure qu'il pouvait être en Angleterre, mais personne n'avait répondu. Sans même un début de commencement de piste à explorer, Yué avait philosophiquement conclu qu'ils ne pouvaient qu'attendre, encore une fois, en rappelant Anthony dès que possible.

Aussi Sakura avait-elle passé une nuit blanche à se ronger les sangs, ne pouvant s'empêcher d'imaginer Kéro blessé, enchaîné, torturé et Dieu sait quoi d'autre. Ne tenant plus en place, elle se leva et s'habilla bien avant son père et son frère, puis descendit préparer le petit déjeuner.

Quand Dominique entra dans la cuisine, il eut la surprise de trouver sa fille, les yeux dans le vague et rougis par les larmes, attablée devant une assiette à moitié pleine dans laquelle elle chipotait du bout de sa fourchette.

-Sakura ? s'exclama-t-il, inquiet. Quelque chose ne va pas ?

Sakura releva les yeux mais ne répondit pas. Dominique s'approchait d'elle quand Thomas passa la porte. D'un coup d'œil, il comprit la situation, et, comme son père se tournait vers lui, les sourcils en points d'interrogation, il lui fit signe qu'il lui expliquerait plus tard. Il s'adressa à sa sœur en s'asseyant comme si de rien n'était.

-Dis donc, petit monstre, tu es pressé de revoir le morveux, on dirait.

Sakura sursauta et le dévisagea, les yeux ronds. Lionel ! Bien sur, il fallait qu'elle parle à Lionel !

Elle se leva d'un bond, soudain parfaitement réveillée, et courut comme une tornade vers la porte d'entrée, avant de s'arrêter à deux pas d'elle pour faire demi-tour et revenir à son point de départ sans ralentir. Elle attrapa le déjeuner qu'elle s'était préparé, écrasa le pied de son frère au passage pour le " petit monstre " et le " morveux ", et ressortit en coup de vent en criant :

-Je suis partie ! A ce soir, tout le monde !

Dominique cligna des yeux une ou deux fois et se tourna vers Thomas qui souriait en se massant le pied, assez content de lui.

Sakura fila tout droit au collège. Elle était de corvée ce matin-là, mais elle arriva tellement en avance que la grille était à peine ouverte lorsqu'elle entra dans la cour. Une dizaine d'élèves matinaux se dispersait déjà dans les couloirs, et quelques-uns, la connaissant comme une lève-tard, lui jetèrent des regards étonnés quand elle se dirigea vers les casiers pour y déposer ses rollers.

Plus tard, quand Tiffany entra à son tour dans la salle de classe, le plancher balayé était impeccable, l'eau des vases avait été changée et Sakura écrivait soigneusement la date sur le tableau fraîchement lavé.

-Whaow ! s'exclama-t-elle, immobile sur le pas de la porte.

Son amie se retourna et lui adressa un timide sourire.

-Bonjour, Tiffany. Je suis arrivée tôt ce matin, alors...

-Eh bien, dites donc ! Tu n'as pas chômé, on dirait.

Tiffany entra et posa ses affaires. Elle jeta un regard en coin à Sakura, qui s'appliquait méticuleusement à finir sa tâche. Ne sachant par où commencer, elle demanda banalement :

-Tu as bien dormi, cette nuit ?

Sakura remit la craie à sa place et s'approcha de son siège avec un petit sourire triste.

-Pas vraiment, non. Je n'ai pas arrêté de penser à Kéro.

-Ca ira, tu verras, la rassura gentiment Tiffany. Je suis sûre qu'il va bien et qu'on va vite le retrouver.

-Oui, c'est ce que je me dis. Et puis, Lionel pourra nous aider !

Plusieurs élèves entrèrent à cet instant, et la conversation mourut. Tiffany sortit ses affaires de cours pendant que Sakura se plantait dans le couloir, devant une fenêtre qui donnait sur la grille d'entrée, de plus en plus impatiente au fur et à mesure que le temps passait.

Nadine passa près d'elle, la saluant au passage, bientôt suivie de Sandrine et Yvan, se tenant par la main comme à leur habitude. De nouveau seule, elle vissa son regard sur les élèves qui entraient dans l'enceinte du lycée.

" Mais qu'est-ce qu'il fait, bon sang ? "

-Sakura ?

L'appel la fit sursauter, et elle se retourna plus vivement qu'elle n'aurait voulu.

-Lionel ? Par où es-tu entré ?

-Je sui passé par la porte près du gymnase, répondit-il, perplexe, je devais parler au prof de sport. Quelque chose ne va pas ? Tu as l'air nerveuse.

Sakura dévisagea l'élu de son cœur. Elle prit une inspiration pour tout lui raconter, mais soudain, deux grosses larmes roulèrent sur ses joues.

-Sakura, qu'est-ce qui ne va pas ? demanda Lionel, manifestement alarmé.

Avant qu'elle ait pu répondre, leur professeur passa en coup de vent près d'eux en fixant sa montre. Il leur jeta un coup d'œil par-dessus son épaule sans ralentir, et, ne semblant pas s'apercevoir de l'expression de Sakura dans son empressement, les prévint :

-Dépêchez-vous, le cours va commencer ! Je suis déjà en retard.

Le démon aurait éclaté de rire si cela n'avait pas nui à sa mission. Cette imbécile réagissait exactement comme son Maître l'avait prévu. Quelle idiote ! Pleurer pour un Gardien ! Le Maître vaincrait, c'était évident.

Et il ne pouvait que s'en réjouir, puisqu'il serait largement récompensé s'il réussissait sa mission, comme ce serait forcément le cas. Il était le meilleur, et c'était pour ça qu'il avait été choisi.

Même s'il ne pouvait pas rire, il avait du mal à se retenir. Mais l'illusion n'en trahissait rien, il le savait. Il était le meilleur, et il n'échouerait pas.

-Enlevé ?

Sakura, Tiffany et Lionel était assis sur l'herbe, à l'écart des autres élèves qui déjeunaient en discutant par petits groupes.

-Je ne peux pas y croire ! répétait Lionel, abasourdi. Un gardien du saut, enlevé !

-Tu as entendu parler de ces démons ? demanda timidement Sakura.

-Non, jamais, répondit-il, reprenant enfin ses esprits. Mais celui qui a créé des êtres pareils doit être très puissant ! Les cartes ne t'ont pas prévenue ?

-En fait, je crois bien que si, avoua-t-elle, gênée.

Elle lui raconta en détail l'étrange avertissement et Lionel écouta avec beaucoup d'attention.

-Quand est-ce arrivé ? demanda-t-il enfin.

-Le jour de ton arrivée.

Lionel haussa brusquement un sourcil, ce que Sakura ne manqua pas de remarquer.

-C'est important, tu crois ?

-Je n'en sais rien, répondit-il après un instant de silence qu'il mit à profit pour retrouver son air impassible. Mais tu aurais dû m'en parler, reprocha-t-il.

-Désolée, s'excusa-t-elle. Je ne pensais pas qu'il arriverait un truc pareil..., ajouta-t-elle à mi-voix, baissant le nez sur ses genoux.

Tiffany, qui gardait le silence jusqu'à maintenant, regarda tour à tour ses deux amis et se leva. En réponse à la question muette de Sakura, elle expliqua :

-J'ai promis à Nadine d'aller la rejoindre. On doit aller à la bibliothèque ensemble !

Sur ce, elle se retourna en leur faisant un petit signe de la main et s'éloigna.

-A tout à l'heure !

Un silence pesant s'installa, comme Lionel semblait perdu dans ses pensées. Mal à l'aise, Sakura tenta de le rompre.

-J'ai toujours ton ours en peluche, tu sais.

Il releva la tête en fronçant les sourcils.

-Mon ours en peluche ?

-Oui. Tu sais bien, celui que tu m'as offert, le jour de ton départ, précisa-t-elle devant son perplexe.

-Ah...

Il détourna de nouveau la tête, comme si le sujet ne l'intéressait pas. Surprise par sa réaction, elle insista.

-Est-ce que tu as toujours le mien ?

Il la regarda à nouveau, l'air assez agacé, maintenant.

-Bien sûr ! Il est resté en Chine, je crois, ajouta-t-il d'un air désinvolte.

Sakura sursauta. " Je crois " ? Il s'en préoccupait donc si peu ? Un peu énervée, elle aussi, elle garda le silence. Mais comme Lionel ne faisait rien pour briser la glace qui s'installait entre eux, elle inspira un grand coup pour se calmer, et tenta à nouveau de faire la conversation.

-Je suis heureuse que tu sois là pour nous aider, maintenant que quelque chose se prépare. Ca ne veut pas dire que je n'étais pas contente avant de savoir qu'il y avait du danger, se rattrapa-t-elle rapidement. Mais... enfin, tu me comprends, termina-t-elle plutôt lamentablement.

Lionel lui jeta à peine un coup d'œil. Vraiment mal à l'aise, maintenant, et ne comprenant pas ce qu'elle avait pu dire pour le mettre en boule ainsi, elle commença à discuter à tort et à travers, sans qu'il l'interrompe une seule fois. A cours d'inspiration et de souffle, elle s'arrêta finalement et laissa passer quelques instants de silence.

Ce n'était peut-être pas le bon moment, mais il fallait qu'elle sache, décida-t-elle. Et elle se lança.

-Lionel... Je voulais savoir... Ne te sens pas obligé de répondre si ça te gêne, hein...

Nerveuse, elle déglutit et s'éclaircit la voix. Elle parla d'une voix aussi calme que possible :

-Est-ce que tu m'aimes encore ?

Lionel tourna vivement la tête et la regarda avec de grands yeux, dans lesquels elle crut voir une lueur d'angoisse.

-Pardon ? demanda-t-il d'une voix un peu trop rauque.

Inquiète, elle voulut répéter :

-Est-ce que...

-J'ai parfaitement entendu, la coupa-t-il en se levant, brusquement furieux. Tu crois vraiment que c'est le moment ? Je te rappelle qu'on a des démons sur les bras ! Tu ferais mieux de t'occuper de ton gardien, si tu es si inquiète que ça !

Et il partit sans se retourner, la laissant plantée sur la pelouse. Elle le suivit des yeux sans faire un geste pour le retenir, effondrée. Quand il fut hors de sa vue, elle resta encore longtemps immobile, avant que le torrent de ses larmes ne se déverse, creusant une petite ravine dans l'herbe.

Lionel ne vint pas en cours, cet après-midi-là. Intriguée, Tiffany regarda Sakura entrer seule dans la salle de cours et s'installer à sa place habituelle, baissant les yeux. Elle était persuadée qu'en les laissant en tête à tête, elle avait agi de la meilleure façon qui soit. Lionel pouvait rassurer leur amie bien mieux qu'elle-même ne le ferait, et il n'y avait sans doute pas manqué.

Le professeur entra, et Sakura releva ses yeux rougis pour le saluer distraitement en même temps que le reste de la classe. Mal à l'aise, Tiffany acquit la certitude que tout ne s'était pas passé comme elle l'avait prévu.

Le cours s'éternisa, et son amie ne montrait toujours aucun signe d'un regain de gaieté. Enfin, les élèves se levèrent et rassemblèrent leurs affaires en bavardant bruyamment. Sakura sortit de la salle sans un mot, les yeux dans le vague, laissant sa cousine la suivre sans paraître la remarquer.

Comme elles étaient à mi-chemin et qu'elle était toujours muette, Tiffany la prit par le bras et la força à la regarder en face, très inquiète.

-Sakura, qu'est-ce qui ne va pas ?

Sakura la dévisagea un instant, puis se jeta dans ses bras.

-Oh ! Tiffany ! Il ne m'aime plus !

Thomas descendit la rue en pente en roue libre. La journée avait été longue, d'autant plus qu'il avait failli être en retard après avoir expliqué à son père les évènements de la veille. Il avait donc fini son service au plus vite, puis, une fois Mathieu déposé près de chez lui, il avait pris la direction de sa maison, impatient de savoir si sa sœur allait mieux.

Il tourna au coin de la rue et passa devant le parc. Jetant un rapide coup d'œil, il allait poursuivre son chemin quand il aperçut Lionel, assis sur un banc entre deux arbres. Il s'arrêta net et le salua.

-Tiens ! Ca faisait longtemps !

Le jeune homme leva à peine les yeux, poussa un grognement et replongea dans son examen attentif du sol. Piqué au vif par son indifférence apparente, Thomas s'approcha, poussant son vélo d'une main.

-Tu n'es pas très bavard, dis donc ! J'imagine que Sakura t'as parlé de ce qui s'était passé. Comment va-t-elle ?

Lionel lui jeta un regard furieux et se leva d'un bond.

-J'en sais rien, et je ne vois pas ce que ça peut me faire !

-Eh ! Parle-moi sur un autre ton, gamin !

-Vraiment ? Et je devrais t'appeler " Monseigneur ", peut-être ? rétorqua-t-il, sarcastique. Je vais te dire quelque chose : tu ne vaux plus rien ! Tu as été assez bête pour sacrifier ton pouvoir par affection pour sauver une créature magique ! Tu n'es plus qu'un humain ordinaire, et il faudrait que je me prosterne devant toi ? Laisse-moi rire !

Il fit volte-face et partit en courant sans un mot de plus, pendant que Thomas le regardait faire, les yeux ronds.

-Il a complètement disjoncté, ma parole ! éclata-t-il, hors de lui, en refermant brutalement la porte d'entrée. Sakura ! J'ai deux mots à te dire !

Des pas se firent entendre dans l'escalier pendant qu'il enlevait son manteau, et Tiffany entra dans le hall, le visage soucieux.

-Sakura est dans sa chambre, répondit-elle aux questions de Thomas. Elle ne va vraiment pas bien. Il s'est passé quelque chose avec Lionel... Il n'a pas été tendre.

-A elle aussi ? Je l'ai croisé près du parc et il m'a traité comme si j'étais un déchet bon à jeter à la poubelle ! Il est devenu fou, ou quoi ?

Tiffany baissa les yeux. Elle ne comprenait pas ce qui se passait, mais le comportement de Lionel était vraiment trop étrange.

-Je vais aller le voir, décida-t-elle. Je suis sûre qu'il pourra m'expliquer. Tu devrais peut-être parler un peu avec Sakura.

-D'accord, approuva-t-il. Sois quand même prudente, ajouta-t-il comme elle ouvrait la porte en enfilant ses chaussures, on ne sait jamais.

Tiffany le remercia d'un sourire et referma la porte derrière elle.

La maison que Lionel occupait à nouveau depuis son retour semblait déserte. Inquiète à l'idée qu'il ne soit pas rentré chez lui, Tiffany sonna et ne reçut pas de réponse. Elle allait recommencer quand elle aperçut du coin de l'œil la silhouette de son ami à quelques pâtés de maisons de là. Elle s'élança vers lui en l'appelant, mais il avait à peine relevé la tête qu'il faisait demi-tour en courant.

-Lionel, attends ! Il faut que je te parle !

-Qu'est-ce que tu veux ? lança-t-il, furieux, en appuyant sur chaque mot.

-Tu es vraiment bizarre, en ce moment. Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda-t-elle en ignorant le ton agressif de sa voix. Tu n'as pas besoin d'être aussi violent, tu sais. Si quelque chose ne va pas...

-Je t'ai demandé quelque chose ? coupa-t-il rageusement. Mêle-toi de tes affaires ! Et si tu te fais du souci pour cette pleurnicheuse de Chasseuse de Cartes, je ne vois vraiment pas pourquoi ! Elle n'a que ce que qu'elle mérite ! Tu...

Il s'interrompit brusquement, porta la main à sa joue qui prenait une teinte écarlate. La gifle de Tiffany était partie toute seule. Elle le dévisagea, les yeux brûlants de colère et les poings serrés, et dut faire un effort surhumain pour résister à la tentation de laisser sa marque sur son autre joue. Elle lui tourna le dos et s'éloigna dignement, et, pour une fois, ce fut Lionel qui la regarda partir d'un air hébété, planté sur le trottoir.

Lionel ne vint pas en cours le lendemain. Prenant sur elle-même, Sakura tenta d'agir comme si rien ne s'était passé, mais elle avait souvent l'air beaucoup plus grave qu'à son habitude et cela ne trompait pas ses amis. Malgré tout, Sonya, Nadine, Sandrine et Yvan feignirent de ne rien remarquer pour ne pas la mettre mal à l'aise. Si elle pensait qu'ils pouvaient l'aider, elle savait qu'ils seraient là.

A la fin de cette longue journée, Tiffany raccompagna son amie chez elle, s'efforçant de lui rendre un peu de sa bonne humeur, mais sans obtenir beaucoup de résultats. Aussi, Sakura était-t-elle toujours morose en poussant la porte de chez elle.

-Je suis rentrée.

-Ah, Sakura ! fit la voix de son frère depuis le salon.

Thomas passa la tête par la porte de la salle, et l'examina d'un air critique.

-Tu fais une de ces têtes ! Tu as intérêt à te montrer un peu plus enthousiaste quand Mathieu arrivera.

-Il vient ici, ce soir ? demanda-t-elle en s'approchant de lui. Et toi, pourquoi rentres-tu si tôt ? Tu ne bosses pas au restaurant ?

-On a pris notre journée pour travailler ensemble ce soir. Il est parti récupérer quelques affaires chez lui.

Sakura hocha la tête en dissimulant un sourire. Elle savait très bien qu'en réalité, son frère s'était débrouillé pour qu'elle ne se trouve pas seule à la maison, puisque Dominique était parti pour quelques jours sur un chantier de fouilles. Il avait dû raconter tout ce qu'il savait à Mathieu, qui s'était sans doute empressé d'accepter.

-Merci, glissa-t-elle simplement en se retournant pour gagner l'escalier.

Thomas la regarda partir sans un mot, puis il soupira et retourna à son activité première.

Le Maître allait et venait, foudroyant des yeux le démon qui se prosternait devant lui sur le sol de pierre noire. Son aspect physique démontrait clairement que celui-ci n'était pas de la classe des servants, et c'était bien pour cette raison que le Maître ne l'avait pas encore annihilé pour son erreur. Ce genre de démons était rare, même parmi les rangs de ses serviteurs, et il ne pouvait se permettre d'en perdre un.

Ce qui ne le dispensait pas d'un savon mémorable.

-Es-tu devenu fou ? gronda-t-il d'une voix profonde, furieux. Comment as-tu pu faillir ainsi à ta mission ? Par ta faute, mon plan est compromis !

-Pardonne-moi, Seigneur, siffla l'accusé en se recroquevillant un peu plus à ses pieds. La Chasseuse n'aurait pas dû agir ainsi. Tu ne m'avais pas prévenu !

-Aurais-tu l'audace de faire retomber ta faute sur moi ? tonna-t-il.

-Non, Seigneur, pardon ! bredouilla-t-il, terrifié. C'était ma faute, je n'ai pas réagi comme il le fallait !

-Voilà qui est mieux, souffla le Maître d'un ton doucereux. Et pourquoi as-tu mal réagi ?

Le démon hésita. A ce stade, il aurait dû gémir qu'il n'était pas digne de la confiance de son Seigneur, mais ce n'était pas réellement sa faute... Il dit la vérité.

-J'ai été troublé, Maître.

Le Maître inspira fortement, fronça les sourcils devant cet incorrection. Cet imbécile aggravait son cas.

-Et par quoi ? demanda-t-il quand même d'un ton sarcastique.

-La Chasseuse a dit que les Cartes m'avaient senti, Seigneur.

-Comment ça ?

-Elles ont réagi le jour de mon arrivée, Seigneur, expliqua le démon, soulagé d'avoir intéressé celui qui tenait sa vie dans ses mains.

Le Maître se redressa, les yeux dans le vague, puis, retourna s'asseoir sur son trône.

" Intéressant. Cette Chasseuse de Cartes semble avoir plus de ressources qu'elle ne l'inspire au premier abord... "

-Très bien, lâcha-t-il, enfin. Tu vas retourner poursuivre ta mission. Tâche de réparer les dégâts qui peuvent l'être. Elle est tellement naïve qu'elle ne demande sans doute que ça.

-Oui, Maître, acquiesça le démon avec entrain, empli de gratitude. Il en sera comme tu l'ordonnes.

-Ce soir a lieu la prochaine étape. Tires-en parti comme tu peux, mais surtout n'interviens pas, rappela-t-il d'une voix sans réplique.

Après quoi, il fit un geste négligent de la main, laissant son serviteur se retirer après une dernière courbette.

Dans un des cristaux ornant la salle, la forme humaine ouvrit difficilement un œil pour regarder s'éloigner le démon transformiste.

Mathieu posa ses courses sur la table et rassembla ses affaires de cours. Il ne s'étonnait plus à présent de manger plus que la moyenne : deux êtres ont besoin de plus d'énergie qu'un seul, surtout quand l'un utilise la magie.

" Bon, allez, se dit-il après un coup d'œil à sa montre. Il faut que je me dépêche, Thomas doit m'attendre. "

Il posa la main sur la poignée de la porte.

[-Attends !]

Il s'immobilisa aussitôt, reconnaissant la voix de l'être qui partageait son corps. Bien sûr, Yué ne s'était pas exprimé tout haut, ce qu'il ne pouvait faire que sous sa véritable forme, mais ils avaient réussi au fil du temps à établir une sorte de porte dans le mur qui séparait leurs esprits. Ils pouvaient communiquer d'esprit à esprit, à condition d'être mutuellement d'accord. Dans le cas contraire, si Yué était de mauvaise humeur par exemple, il " fermait la porte " de son côté du mur, et Mathieu ne pouvait plus l'ouvrir.

[-Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il silencieusement.

-Je ne sais pas exactement. On dirait...]

Inquiet de son silence soudain, Mathieu le pressa de s'expliquer.

[-Quelque chose ne va pas ?

-Mince !]

Yué exprimait rarement sa surprise et sa gêne aussi clairement.

[-Quoi ? s'exclama Mathieu, à bout de nerfs.

-Les démons. Ceux qui ont enlevé Kérobéros. Ils nous encerclent.]

Thomas regarda sa montre en fronçant les sourcils.

" Mais qu'est-ce qu'il fabrique ? "

Il replongea le nez dans ses bouquins.

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