Vous avez vu ça ? Je l'ai tenu, mon délai ! ^___^ Allez, je ne vous fait pas poirauter plus longtemps. Bonne lecture et encore merci à mes revieweurs. Ca m'encourage toujours autant !
Chapitre 9 : Le monde de la Terre : Rencontre.
Sakura fit quelques pas dans l'herbe du monde inconnu où elle venait de pénétrer. La Porte ne se trouvait pas à la lisière d'une forêt, comme le laissait penser la vision qu'on en avait depuis l'autre côté, mais dans une vaste clairière. Au-dessus d'elle, les frondaisons des arbres s'élançaient très haut dans le ciel.
-Woaw !
Sakura se retourna à l'exclamation.
-Je me sens revivre ! cria Kéro.
Le petit Gardien semblait effectivement plein d'énergie, et tout à fait à son aise dans cet environnement qui alimentait sa magie comme aucun autre. Mathieu, lui, ne semblait ressentir aucune différence.
[-Tu ferais bien de dire à Stéphanie de ne pas trop s'éloigner...]
Sakura sursauta en entendant Lionel. Elle avait encore beaucoup de mal à se faire à la télépathie. Elle tourna la tête et repéra Stéphanie, qui semblait fascinée par les fleurs qui poussaient dans la clairière et se rapprochait de plus en plus de la forêt.
-Stéphanie, appela-t-elle, ne va pas trop loin. Il faut qu'on reste ensemble !
-Oui, oui ! J'arrive !
La jeune fille revint avec une magnifique fleur vert pâle qu'elle accrocha dans ses cheveux.
-Voilà !
Sakura sourit et fit le tour de ses compagnons. Tiffany tentait de retenir Kéro qui voulait absolument faire un tour en haut des arbres pour profiter de la vue, et Mathieu et Thomas commençaient déjà à discuter de la direction à prendre. Tout le monde était là. Un mouvement attira son regard : la Porte se refermait, et l'image de Pierre, seul dans la cave de la maison de Stéphanie et Lionel, se dissipait, les séparant de leur monde. Elle eut un pincement de cœur, mais elle savait que de toute façon elle ne rentrerait pas sans le Symbole de la Terre, caché quelque part dans cet univers.
Résolument, elle se dirigea vers Kéro, qui fixait béatement le soleil au-dessus d'eux.
-S'il te plaît, Tiffany ! Rien qu'une fois !
-Juste une, alors.
Kéro se tourna vers sa maîtresse, les yeux brillants.
-C'est vrai ? Je peux ?
-Oui. Essaye de voir si il n'y a pas un village, ou quelque chose comme ça, dans les environs.
Elle n'avait pas fini sa phrase qu'il était déjà loin. Souriant, elle sortit le livre d'Aënas Read de son sac et l'ouvrit à la page de la carte du Monde de la Terre. Visiblement, le voyant avait réussi à trouver de nombreuses informations, au point de pouvoir la tracer. Malheureusement, elle était peu claire, et il n'avait jugé bon d'indiquer ni les points cardinaux, ni l'échelle. Sakura soupira. C'était dans ces moments-là qu'on voyait l'utilité des cours de géographie.
Un petit dessin marquait l'emplacement de la Porte près de laquelle ils se trouvaient. Autour, elle pouvait voir des sortes de moutonnements, qui, elle le comprenait maintenant, indiquait une forêt. Ce qui était malheureux, c'est que la carte était pratiquement couverte de ces moutonnements. Ce monde portait bien son nom.
Elle releva la tête.
-Alors, Kéro, tu vois quelque chose ? cria-t-elle.
Son petit Gardien redescendit, manifestement à contrecoeur.
-La vue est vraiment magnifique ! Tu devrais venir voir ça, Sakura, tu ne sais pas ce que tu rates !
-Kéro, le coupa-t-elle, pour l'instant, j'aimerais savoir si tu as vu quelque chose qui puisse nous servir.
-Oh... Eh bien, il y a des montagnes, par là, dit-il en indiquant une direction, mais elles sont loin. Sinon, je crois que j'ai vu la fin de la forêt, de ce côté, ajouta-t-il en désignant les arbres derrière Sakura. Mais je ne suis pas monté très haut, il y a un espèce de tas de plumes vicieux qui m'a pris pour un pigeon. Moi, le grand Kéroberos, un pigeon !
-Bon, souffla Sakura sans tenir compte de ses dernières phrases, les yeux rivés sur la carte. Alors, je crois qu'il vaut mieux partir vers la lisière de la forêt.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ? interrogea Mathieu en s'approchant.
-On dirait qu'il y a une rivière de ce côté. C'est la seule qui est indiquée sur la carte, d'ailleurs. Si il y a des gens, ce sera sûrement à proximité.
-Et si on ne rencontre personne ? demanda Thomas, dubitatif.
-Eh bien, on remontera la rivière vers les montagnes, répondit-elle. Il y a un drôle de symbole à cet endroit de la carte, mais je n'arrive pas à voir ce que c'est. Sûrement quelque chose d'important.
-Je suis partante, s'exclama Stéphanie, qui avait visiblement hâte de se mettre en route.
-De toute façon, toi, la chipie, tu es toujours partante, rétorqua Kéro.
-Même pas vrai ! Et ne m'appelle pas comme ça, peluche !
-De quoi ?
[-Aïe, aïe, aïe, soupira Lionel. Avec ces deux-là, tu n'es pas sortie d'affaire...
-Tu peux parler, toi. C'est bien toi qui as commencé à le traiter de peluche, non ?
-...]
***
Ils finirent tout de même par se mettre en route. Thomas et Mathieu ouvraient la marche et Kéro interrompait parfois ses disputes avec Stéphanie pour aller voleter au-dessus de la cime des arbres, s'assurant qu'ils ne changeaient pas par mégarde de direction. Tiffany et Sakura, en queue de file, discutaient de tout et de rien, et surtout de ce qui les attendait dans ce monde inconnu.
Le soleil ne tarda pas à se coucher — ils avaient tout de même passé la Porte à 8 heures du soir, et il était rassurant de savoir que le décalage horaire n'était pas si grand — et ils durent s'arrêter pour la nuit.
-On se croirait en camping, fit remarquer Stéphanie en ramassant du bois mort pour alimenter le feu que les garçons avaient tant bien que même allumé — surtout grâce à l'aide de Kéro, car aucun d'eux n'avaient pensé à apporter de briquet.
Sakura et Tiffany sourirent à la remarque tout en disposant les sacs de couchage près du feu. Bientôt, ils se rassemblèrent tous pour dévorer leurs sandwiches. Sakura remarqua que Mathieu semblait volontairement se forcer à moins manger que d'habitude. Elle se promit de lui en toucher deux mots pour qu'il ne se sente pas trop gourmand, mais le regard désapprobateur que lança Thomas à son ami la convainquit qu'il saurait parfaitement s'en charger.
Le repas fini, Mathieu proposa de prendre le premier tour de garde. Lui et Thomas avaient en effet décidé de ne pas prendre de risques tant qu'il ne saurait pas à quoi s'attendre dans cet environnement étranger. Sakura, Stéphanie, Tiffany et Thomas s'allongèrent donc et cherchèrent le sommeil, tandis que Kéro se blottissait près de la tête de sa maîtresse.
Mais Sakura avait beau faire, elle n'arrivait pas à dormir. Alentour, la forêt était silencieuse. Seuls les craquements du feu résonnaient dans l'air immobile.
[-Lionel ?]
Pas de réponse.
[-Lionel ? Tu m'entends ?
-Mmm...
-Lionel, qu'est-ce qui t'arrive ? insista-t-elle, inquiète.
-Je suis fatigué... Je crois que maintenir le contact avec toi me prend beaucoup trop d'énergie. Il faut que je me repose, Sakura.]
Avant qu'elle n'aie pu répondre, elle sentit le contact s'amenuiser, puis se rompre, comme à contrecoeur. Son front se plissa d'inquiétude, et elle sentit quelques larmes perler au coin de ses yeux. Elle s'efforça de se raisonner, de se convaincre que c'était normal qu'il doive récupérer, mais elle avait tellement peur de perdre le seul contact qui lui restait avec celui qu'elle aimait...
Un froissement de tissu la fit se retourner. Près du feu, Mathieu s'était levé. Sakura se tint aussitôt aux aguets, mais le jeune homme ne réagissait pas comme si il avait perçu un danger. Il s'éloigna de ses compagnons endormis et s'enfonça sous les arbres, hors de leur vue. Puis, Sakura perçut un bruit de vent et les feuilles des fougères avoisinantes se soulevèrent, portées par une légère brise.
Comprenant ce qui venait de se passer, elle laissa sa tête retomber près de Kéro. Mais elle avait beau fermer les yeux et consacrer toute son attention au recensement des moutons, le sommeil ne venait toujours pas. Bien pire, dans son esprit se retournaient sans cesse des dizaines de questions. Où... ? Comment... ? Pourquoi... ?
D'un geste exaspéré, elle repoussa le pan de son sac de couchage qui lui servait de couverture et envoya les moutons paître — dans les deux sens du terme. Elle se leva et se dirigea à son tour vers les arbres. Pour l'instant, il n'y avait qu'une seule personne, à part elle, qui ne dormait pas. Par chance, c'était l'une des plus à même de répondre à toutes ses interrogations.
Silencieusement, elle se mit donc à la recherche de Yué, jusqu'à ce qu'un léger bruit au-dessus d'elle la fasse sursauter. Levant les yeux, elle croisa ceux de son gardien, assis sur l'une des branches de l'arbre le plus proche. Se félicitant d'avoir toujours ses cartes sur elle, elle invoqua Jump à mi-voix et se posa près de lui.
-Pourquoi ne dors-tu pas, Sakura ? demanda-t-il, imperturbable, en la regardant s'asseoir.
-Je n'y arrivais pas, dit-elle.
Ils gardèrent le silence quelques instants. Sakura examina son gardien et constata qu'il contemplait fixement le ciel. Levant à son tour les yeux, elle aperçut entre les branches une faible lueur, trop grosse cependant pour être celle d'une étoile. Elle identifia une lune, semblable à celle qu'elle connaissait, mais bien plus petite.
-Alors, constata-t-elle rêveusement, quel que soit le monde où l'on se trouve, les trois autres éléments sont toujours présents.
Yué ramena son regard vers elle.
-Les quatre éléments sont indissociables.
Sakura opina de la tête, puis se tourna vers lui.
-Yué, je voulais te poser quelques questions...
-Je t'écoute.
-Pourquoi le Maître des démons voulait-il vous séparer de moi ?
-Parce que cela t'affaiblit. Pas magiquement, bien sûr, ajouta-t-il comme elle le fixait, étonnée. Pas magiquement, mais moralement. Si il avait pu t'enlever toutes les personnes qui te sont chères et qui peuvent t'aider, il pensait que cela t'affaiblirait suffisamment pour que tu cèdes.
-Mais pourquoi comme ça ? Je veux dire, il a commencé par Lionel alors qu'il ne m'écrivait même plus. Je commençais même à me demander si je le reverrais.
Yué lui jeta un regard étonné.
-Sakura, Lionel a été enlevé il y a déjà assez longtemps.
-Quoi ?
-Je pense que lorsqu'il a cessé de t'écrire, il était déjà aux mains du Maître des démons.
-Tu veux dire que depuis trois mois... ? souffla Sakura, épouvantée.
Yué hocha la tête, et elle baissa les yeux, catastrophée.
-Mais Lionel fait partie d'une famille de magiciens, continua-t-il. Au bout de quelques temps, aussi puissant qu'était le faux Lionel, sa mère et ses soeurs se sont doutées de quelque chose. C'est sans doute pour cela qu'il a reçu l'ordre de rejoindre Tomoéda alors que son Maître n'était pas encore prêt à t'affronter.
-Mais pourquoi l'avoir envoyé ? Il lui aurait suffi d'emprisonner Lionel !
-Mais tu n'aurais pas su ce qui lui était arrivé. En agissant ainsi, il comptait faire en sorte de te miner, puis te supprimer ton dernier appui, le plus fort.
-Je ne comprends pas...
Yué releva un instant les yeux vers le ciel, pensif.
-Imagine-toi que ton cœur se trouve sur une plate-forme au-dessus du vide. Si tu bascules dans le désespoir, tu tombes. Mais pour l'instant, la plate-forme tient en équilibre parce qu'elle s'appuie sur des piliers. Ces piliers, ce sont tes amis, ceux que tu aimes. Petit à petit, le Maître des démons aurait frappé sur ces piliers jusqu'à ce qu'ils cèdent et qu'il n'en reste plus qu'un, le plus solide : celui qui symbolise ton amour pour Lionel. Mais ce pilier-ci, il avait pris soin de le détruire sans que tu le vois, et de le remplacer par un autre. Alors, au moment où tu te serais le plus appuyé sur lui, il t'aurait abandonné et tu aurais sombré. A ce moment-là, tu aurais été à sa merci.
Sakura resta sans voix. Elle était soufflée, d'abord parce qu'elle n'avait jamais vu ça comme ça, mais aussi parce que, elle avait beau chercher, elle ne se rappelait pas avoir déjà entendu son gardien parler aussi longtemps. Yué constata sa surprise et se détourna, gêné. Peut-être qu'il n'était pas si hermétiquement fermé, tout compte fait.
Sakura réfléchit à ce qu'il venait de dire. Cela se tenait parfaitement. Bien sûr, leur ennemi ne s'en était pas encore pris à Tiffany, à Thomas ou à son père quand ils l'avaient pris de court, mais il voulait probablement se débarrasser d'abord de ceux qui auraient été les plus susceptibles de l'aider par leur magie. Elle soupira. Dire que les démons avaient été à deux doigts de réussir ! Elle renversa la tête en arrière et contempla les étoiles en priant pour qu'elle ne soit jamais plus séparée de ses amis.
-Yué, appela-t-elle après quelques secondes de silence.
Son gardien la dévisagea de nouveau.
-Kéro dit que Lionel ne devrait pas pouvoir entendre ce qui se passe autour de moi. Pourtant, on dirait que c'est le cas.
Il parut réfléchir quelques instants.
-Théoriquement, ça devrait en effet être impossible.
-Mais...
-Il se peut, cependant, continua-t-il, qu'il est transporté une partie de son âme jusqu'à toi.
-Hein ?
-Lionel perd sans cesse de l'énergie, expliqua-t-il patiemment. Par réflexe, il a pu faire que son esprit, normalement entièrement rattaché à son corps, se projette vers le tien. De cette manière, le cristal dans lequel il est enfermé ne peut atteindre les réserves d'énergie qu'il garde hors de sa portée. Ainsi, Lionel voit par tes yeux et entend par tes oreilles aussi souvent qu'il le désire, car il s'accroche à ton esprit.
-Ohlala...
Sakura se prit le front à deux mains. Lionel était dans sa tête ?? Tout ça commençait un peu à l'embrouiller.
-Mais, ajouta Yué après un temps de réflexion, il doit quand même régulièrement revenir à son corps pour ne pas manquer d'énergie.
-C'est ce qu'il fait, alors, s'exclama Sakura, soulagée de savoir que la fatigue de Lionel était normale.
Ils se turent à nouveau, et elle finit par constater que ses paupières se fermaient toutes seules. Elle se mit donc en devoir de descendre précautionneusement de l'arbre.
-Je crois que je vais aller me coucher...
Au moment où elle prononçait ces mots, son pied glissa sur l'écorce humide et elle tomba. Elle ferma les yeux, attendant le choc, mais elle sentit au contraire deux bras la saisir fermement. Un instant plus tard, elle regagnait la terre ferme. Se retournant, elle sourit à son sauveur.
-Merci, Yué !
-Tu devrais faire plus attention, répondit-il, ou tu finiras par te casser quelque chose.
Sakura éclata de rire.
-Tu ressembles beaucoup à Thomas, tu sais !
Yué sembla intrigué par la remarque. Souriant toujours, Sakura retourna vers leur campement sommaire.
-Bonne nuit, Yué !
-Bonne nuit, Sakura, répondit-il.
Il la regarda s'éloigner, puis étendit ses ailes et, d'un battement, remonta sur sa branche pour reprendre sa contemplation silencieuse de l'astre nocturne dont il tenait ses pouvoirs.
***
-J'en ai plein les jambes ! cria Stéphanie. On ne pourrait pas faire une pause ?
-Hé, la chipie, on en a fait une il y a un quart d'heure à peine, rétorqua Kéro. Je ne te croyais pas si fragile !
-Facile à dire pour toi, la peluche ! Je n'ai pas d'ailes, moi ! Surtout que tu passes la moitié de ton temps à te faire porter !
Et pour illustrer son propos, elle le chassa d'une pichenette de l'épaule de Sakura.
-Et c'est reparti pour un tour, sourit Tiffany.
Sakura se contenta de soupirer. Cela faisait plusieurs heures qu'ils étaient repartis en direction de la rivière, le soleil atteignait son point le plus haut dans le ciel, et Kéro et Stéphanie n'étaient toujours pas à cours de salive. C'était à désespérer.
Comme d'habitude, Thomas jeta par-dessus son épaule aux deux protagonistes un regard qui voulait dire : " Par pitié, dites-moi que ça ne va pas recommencer... ". Et comme d'habitude, Mathieu se contenta de sourire à la mine de chien battu de son ami.
Décidant qu'elle en avait plein les oreilles, Sakura se décida à intervenir avant que ça ne dégénère.
-Kéro, demanda-t-elle en élevant la voix pour se faire entendre, tu ne pourrais pas aller voir où on en est ?
Sans répondre, son petit gardien commença tout de même à s'élever lentement, tout en déversant sur la tête de Stéphanie, qui le lui rendait bien, toutes les insultes qui lui venaient à l'esprit. Finalement, quand ni l'un ni l'autre n'entendirent plus ce que disait l'adversaire, ils finirent par se taire.
-Pfah ! souffla Stéphanie d'un air méprisant en rejetant ses longs cheveux en arrière. Il a préféré fuir, comme d'habitude ! Ma pauvre Sakura, je te plains de devoir le supporter. Ça doit être un véritable calvaire !
-Euh..., émit Sakura, un peu estomaqué.
-Oh non ! gémit Thomas en s'appuyant sur l'épaule de Mathieu. Là, je n'en peux plus ! Je sens que je vais craquer !
Son ami éclata de rire, pendant que dans l'esprit de Sakura résonnait un long soupir de résignation.
-Aleeeeerte ! !
Le cri de Kéro les fit tous sursauter. Stéphanie leva des yeux indignés vers le petit gardien qui redescendait en piqué vers le sol.
-Mais ça ne va pas de crier comme ça ?
L'ignorant totalement, Kéro fonça sur sa maîtresse en roulant des yeux affolés.
-Sakura ! On est... on est...
-On est quoi, Kéro ? Calme-toi, tu veux...
A ce moment, un drôle d'objet siffla juste à côté de son oreille et alla se planter dans l'arbre derrière elle. Se retournant, elle constata qu'il s'agissait tout simplement d'une flèche.
-On est encerclés ! cria Kéro.
***
-Non ! s'écria Sakura en constatant que ses deux gardiens étaient déjà prêts à se transformer.
-Mais, Sakura..., commença Kéro en la regardant avec des yeux ronds.
-Attendez ! Si ils voulaient nous faire du mal, ils l'auraient déjà fait.
-Et ça ? demanda Thomas d'un air subjectif en pointant la flèche du pouce.
-Sakura a raison, intervint Mathieu en se détendant. La flèche est passée à côté de nous et ils n'en ont tiré aucune autre.
-Mouais, dit Kéro, peu convaincu. Ben, restons sur nos gardes, quand même...
Ils n'eurent pas le temps d'en dire plus : une voix s'éleva d'entre les feuillages des arbres autour d'eux.
-Vous êtes sur notre territoire ! Jetez vos armes et ne faites pas d'histoires.
-Territoire ? Armes ? bégaya Sakura en ouvrant des yeux ronds.
Pour un peu, elle se serait cru dans un de ces films sur le Moyen Age.
-Mais ça ne va pas, non ? cria Stéphanie d'une voix hystérique avant que personne n'ait pu l'arrêter. Vous nous envoyez des flèches, et après on doit vous obéir ? Et puis d'abord, vous êtes qui ?
Il y eut un instant de flottement derrière les feuilles, puis une forme humaine sauta lestement au sol. Il s'approcha légèrement, et Sakura put voir un jeune homme assez séduisant, légèrement plus âgé qu'elle, les cheveux bruns ébouriffés et les yeux d'un bleu perçant. Il portait des vêtements entièrement verts et bruns, et surtout, il pointait un arc dans leur direction.
-Jetez vos armes et on en reparlera, ordonna-t-il d'un air sévère.
Sakura identifia sa voix comme celle de leur premier interlocuteur. Tous ses compagnons se contentaient de le dévisager sans mot dire, les yeux ronds comme des balles de tennis — leur premier habitant d'un autre monde, ça faisait un choc ! — tous, sauf Stéphanie.
-Des armes ? Et pourquoi on se baladerait avec des armes, hein ? Oh, laisse-moi deviner. Peut-être pour nous défendre contre vous ! Et pourtant, on ne le fait pas ! Pourquoi à ton avis ? Parce qu'on a pas d'armes !
Le jeune garçon eut l'air légèrement déboussolé, puis il fronça les sourcils et tendit un peu plus son arc.
-Stéphanie..., tenta Sakura dans une vaine tentative pour améliorer la situation.
-Non, Sakura ! Je ne me calmerais ! Non, mais, qu'est-ce que c'est que ces manières de sauvage...
En dernier recours, Sakura se tourna vers Kéro, perché sur son épaule, qui comprit tout de suite où elle voulait en venir.
-La ferme, la chipie ! aboya-t-il.
Stéphanie la dévisagea un instant, éberluée par tant d'audace, puis se mit en devoir de reprendre la 'discussion' qu'elle avait avec lui avant que les sauvages ne les interrompent. Complètement stupéfait cette fois, l'adolescent avait baissé son arc et suivait l'altercation sans vraiment paraître comprendre. Il mit quelques secondes à reprendre un air sérieux, puis fit un signe de la main. Aussitôt, une quinzaine d'hommes et de femmes le rejoignirent au sol avec souplesse. Ils étaient tous en moyenne assez jeunes et portaient le même costume que le premier... et le même arc.
Sakura soupira. Cette histoire était sans fin. Le garçon reprit la parole lorsque ses compagnons se furent rétablis en cercle autour des intrus.
-Pouvez-vous jurer sur le cœur du combattant que vous n'avez pas d'armes ni de mauvaises intentions ?
S'ensuivit un silence ébahi. Sakura n'y comprenait décidément plus rien. Le cœur du combattant ? Qu'est-ce que c'était que ça ? A côté d'elle, Mathieu s'agita.
-Sakura, murmura-t-il, Yué veut...
Sakura comprit tout de suite où il voulait en venir.
-Ne t'inquiète pas, lui répondit-elle. Le livre disait que les habitants de ce monde connaissent la magie.
Mathieu hocha la tête, puis ferma les yeux. L'instant d'après, une légère brise se fit sentir et deux grand ailes jaillirent dans son dos. Les jeunes gens autour d'eux émirent des murmures de surprise, puis, lorsque, dans une grande envolée de plumes, Yué se métamorphosa, ils firent un pas en arrière, tendant leurs arcs d'un air menaçant. Le Gardien de la Lune ne fit pas attention à eux, et se tourna vers le garçon qui semblait le chef.
-Tu ne peux nous demander cela, dit-il, imperturbable. Un seul d'entre nous est à même de répondre à ton défi.
Le jeune homme le dévisagea de la tête aux pieds.
-Es-tu le chef ?
-Non. Mais mes compagnons ne connaissent pas la coutume dont tu parles.
-Vous ne connaissez pas le cœur du combattant ?
Ceux qui l'accompagnaient reprirent leur discret murmure. Sakura comprit que, pour eux, c'était presque impensable de ne pas savoir de quoi il parlait. Elle jeta un coup d'œil à son gardien, qui lui fit signe qu'il lui expliquerait plus tard.
Le garçon paraissait contrarié.
-Peu importe ! Que celui qui peut relever mon défi le fasse et se porte garant de vous tous. Qui parmi vous est un combattant ?
Yué le fixa un moment d'un air désapprobateur, puis tendit la main vers Stéphanie. Sur le coup de la surprise, celle-ci en oublia sa dispute avec Kéro. Le garçon fit une grimace, considéra la jeune fille, puis hocha la tête.
-Quoi ? intervint la voix haut perchée de Stéphanie. Qu'est-ce qui se passe ?
-Laisse-moi leur expliquer en quoi consiste le cœur du combattant, demanda Yué.
Le jeune chef acquiesça et fit signe à ses hommes qui reculèrent légèrement. Sakura se tourna tout de suite vers Yué, de même que Stéphanie.
-Eh ! J'aimerais bien qu'on m'explique, moi !
-Qu'est-ce que ça veut dire, Yué ? demanda Sakura.
-Le cœur du combattant est une coutume extrêmement vieille, dont peu de gens de notre monde ont entendu parler.
-Et comment ça se fait que tu la connaisses, alors ? dit Kéro d'un ton accusateur. Je suis sûre que c'est Clow qui t'en a parlé ! Il y a vraiment du favoritisme...
-Clow possédait une bibliothèque très fournie, répliqua Yué. Et que tu n'es jamais donné la peine d'examiner, Kéroberos.
Vexé, Kéro se percha sur l'épaule de Sakura pour bouder. Yué poursuivit sans tenir compte de l'interruption.
-Lorsqu'un combattant ne peut justifier de ses faits et gestes, il jure sur le cœur du combattant. Si quelqu'un vient à l'accuser de quoi que ce soit après qu'il ait juré, celui qui a réclamé le serment et l'accusé se batte en combat singulier. Il est communément reconnu que celui qui vainc est celui qui a raison.
-Mais c'est n'importe quoi ! s'écria Thomas. Le vainqueur est seulement le plus fort.
-Ce n'est pas aussi simple. Celui qui s'engage sur le cœur du combattant met en jeu son honneur et son âme. Si il ment en jurant et que quelqu'un le lui reproche, et s'il est vaincu, la légende veut que son âme soit plongé dans les tourments éternels. Ainsi, l'accusé est souvent déstabilisé en combattant alors qu'il a menti, assez troublé souvent pour perdre. La méthode a souvent porté ses fruits, à ce que j'ai entendu dire, et beaucoup ont peur de ce serment.
Sakura et ses amis gardèrent un instant le silence. C'était vraiment tordu...
-Et moi, alors ? demanda Stéphanie. Qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ?
-Tu es la seule combattante parmi nous, répondit Yué. Il exige donc que tu te portes garante de nous tous.
Et il fit un signe de menton pour désigner le jeune homme brun qui s'était assis sur une souche d'arbre sans les lâcher des yeux.
-De quoi ? s'exclama-t-elle. Mais c'est vraiment...
-Ca suffit, intervint le garçon au même moment. Vous avez eu le temps de prendre votre décision. Soit elle fait le serment du combattant et vous nous suivez de votre plein gré, soit nous vous faisons prisonniers. De toute façon, pour nous, cela revient à peu près au même, conclut-il en haussant les épaules d'un air désintéressé. Si la fille a peur, évidemment...
-Je n'ai pas peur ! hurla Stéphanie de toute la force de ses poumons. Et surtout pas de toi, minus !
Tous les yeux se tournèrent vers elle. L'adolescent la fixa comme si elle était devenue folle.
[-Eh bien, soupira Lionel dans l'esprit de Sakura. Pour la diplomatie, on repassera...]
-Qu'est-ce que je dois faire, alors ? ajouta-t-elle en se tournant vers Yué, le menton bien haut.
***
-Pose ta main droite sur ton cœur.
La jeune fille s'exécuta avec majesté. Yué parut songeur un instant, puis il dit :
-Maintenant répète après moi :
" Par le Cœur du Combattant
Et par sa Lame,
Par la Flèche du Combattant
Et par son Sang,
Je jure que mon Secret,
S'il est lourd à porter,
Ne vous apportera Ténèbres
Ni Obscurité.
Par le Cœur du Combattant,
Je jure que je combats
Pour qu'une fois encore le Sang
Ne coule pas. "
Stéphanie répéta consciencieusement le serment, puis jeta un regard triomphant à cet imbécile qui avait osé prétendre qu'elle avait peur. Elle eut la surprise de les trouver, lui et tous ses hommes, l'air grave et surpris à la fois. Sakura jeta un regard interrogateur à Yué.
-Qu'est-ce qu'ils ont ? Elle a fait comme ils voulaient, non ?
-Il existe plusieurs types de serments du cœur du combattant. J'ai fait prêté à Stéphanie celui qui a le mieux traversé les âges, donc celui dont je suis le plus sûr, mais aussi le moins utilisé : celui du Héros. Elle vient de leur jurer que nous venions pour accomplir de grandes choses au nom du Bien.
-Ce qui n'est pas faux, en définitive, marmonna Thomas.
Alentour, les jeunes hommes et femmes se rapprochaient d'eux, l'air toujours aussi grave. Le chef aux cheveux bruns les rejoignit, l'arc pendant inoffensivement à son épaule.
-Suivez-nous, à présent.
Sans un mot de plus, il prit la direction que Sakura et ses amis suivaient jusque là, celle de la rivière. Ses hommes lui emboîtèrent le pas, poussant devant eux ces étrangers si particuliers.
