Et je tiens encore mon délai ! Wow ! C'est que ça deviendrait une habitude, dites-moi ! ^^ Bon, comme d'habitude, je m'abstiendrais de commentaires de dix pages de long. Simplement, je dois vous avouer qu'avec mon autre fic qui attend toujours, celle-ci me motive de moins en moins. Il est donc probable que d'ici quelques temps, je ne puisse plus du tout uploader pendant un bon moment. J'essaierai en effet de me concentrer sur " Changer le passé " afin d'en finir la première partie avant de me remettre à celle-ci. Je suis vraiment désolée pour ça ! _

Sur ce, merci à Kiwidieu (oui, en effet, très longue !), à nahi, Dark Queen Balkis et à loyalbus pour leurs précieuses reviews !

Bonne lecture !

Chapitre 10 : Le monde de la Terre : Le Conseil.

La marche se poursuivait depuis plusieurs heures, et leurs guides auto-promus ne paraissaient pas vraiment fatigués. Stéphanie avait renoncé à ses jérémiades habituelles et avançait à présent avec beaucoup plus d'entrain que la plupart de ses amis. Sakura suspecta qu'elle agissait ainsi pour prouver de quoi elle était capable au garçon brun qui les avait apostrophés le premier.

Mais celui-ci y paraissait complètement indifférent, occupé qu'il était à discuter à l'avant-garde avec une jeune fille de son âge qui l'avait rejoint. De temps en temps, ils leur jetaient des coups d'œil par-dessus leurs épaules, les sourcils froncés. Pour les autres par contre, ils auraient tout aussi bien pu ne pas être là. Mais quelque chose disait à Sakura que si l'un seul d'entre eux tentait quelque chose, ils réagiraient au quart de tour.

L'après-midi tira ainsi à sa fin sans que l'allure ne se ralentisse, et Sakura commençait sérieusement à avoir mal aux jambes. Brusquement, alors que rien ne le laissait présager, le petit groupe diminua sa vitesse, pour finalement s'arrêter dans un coin de la forêt comme ils en avaient déjà vu des centaines d'autres.

-Que se passe-t-il ? demanda Sakura.

Le jeune homme, qui semblait avoir pris l'habitude d'être leur interlocuteur exclusif, ne tint pas compte de sa question, mais se tourna vers Mathieu. Yué avait en effet constaté que sa présence rendait les habitants de ce monde étrange plutôt nerveux, et, pour plus de commodités, lui avait laissé la place.

-Si celui qui partage ton corps n'est pas votre dirigeant, qui est-ce ?

-Un dirigeant ? marmonna Thomas. Et pourquoi on en aurait un ?

Mathieu ne répondit pas tout de suite et laissa ses yeux se perdre dans le lointain, signe qu'il parlait avec Yué.

-Eh bien, commença-t-il en reprenant pied dans la réalité, nous n'avons pas de chef vraiment établi...

Le garçon fronça les sourcils.

-Mais Yué dit que, pour sa part, il obéit à Sakura, continua Mathieu. Et je suis d'accord.

-Ouais ! s'exclama Kéro. C'est Sakura la chef !

-Moi, je suis pour, sourit Tiffany.

-Moi aussi ! cria Stéphanie.

-Idem, se contenta d'émettre Thomas.

Sakura devint rouge comme une pivoine, d'autant plus qu'une voix qu'elle était seule à entendre ne faisait qu'ajouter à son trouble.

[-Sûr, affirma Lionel. Tu es la plus qualifiée pour ça, ici. De toute façon, ça ne changera pas grand-chose. Officieusement, c'était déjà toi qui prenait toutes les décisions importantes. Allez, ne fais pas cette tête-là, ajouta-t-il pour la détendre. Ca montre simplement qu'on a confiance en toi.

-Merci, Lionel.]

Ils n'eurent pas le temps de continuer, car déjà le garçon reprenait.

-C'est toi, Sakura ? Parfait, conclut-il en la voyant hocher la tête.

Il porta deux doigts à sa bouche et émit un long sifflement strident et étrangement modulé. Aussitôt, des arbres alentour tomba une demi-dizaine de guerriers d'âge mur, indifféremment hommes et femmes, et toujours habillés de la même façon que ceux qu'ils avaient déjà vu jusque là, de manière à se camoufler parfaitement dans les branches.

Le jeune homme brun s'approcha du plus âgé avec révérence, inclina la tête devant lui, puis commença à lui parler à voix basse. L'autre, le sourire aux lèvres, hocha la tête d'un air satisfait et se tourna vers les autres jeunes gens.

-Nous vous avons observé comme il se devait, dit-il, et nous avons été satisfaits de ce que nous avons vu. Vous avez parfaitement réagi à une situation qui, pourtant, n'était pas si facile à gérer que cela. Dès notre retour, tout le village saura que vous êtes dignes de devenir guerriers.

Le garçon brun releva le menton, les yeux pétillants de fierté. Autour de lui, les autres réagissaient à peu près de la même manière, échangeant des sourires ravis. Sakura comprit qu'elle et ses compagnons étaient tombés en plein test des 'jeunes recrues', et que, saisissant l'occasion, les adultes les avaient envoyé voir de quoi il retournait.

Impassibles, les quatre autres adultes s'approchèrent d'eux. Le plus âgé s'adressa cette fois à eux :

-Suivez-moi, étrangers.

Et il monta dans l'arbre le plus proche à une vitesse hallucinante. Sakura et ses compagnons restèrent bouche bée.

-Eh ! protesta Stéphanie. On n'est pas des singes, nous !

Comme il allait suivre les membres de son groupe qui s'enfonçaient dans la forêt en discutant entre eux, le garçon brun qui les avaient menés jusque là se retourna à son exclamation. Il fronça les sourcils en voyant que les autres adultes s'impatientaient.

-Il faut que vous y alliez, lança-t-il de loin à Sakura. Ils vont vous mener au Conseil.

-T'es sourd ou quoi ? cria Stéphanie d'un air excédé. Comment tu veux qu'on monte ?

Les guerriers s'entre-regardèrent, visiblement stupéfaits. Chez eux, on devait apprendre à monter aux arbres très jeunes, comprit Sakura.

-On va se débrouiller, décida-t-elle.

-Mais..., tenta d'émettre Stéphanie.

-Kéro et Yué peuvent porter chacun une personne, récapitula-t-elle comme si elle n'avait rien entendu. Moi, je peux voler, et avec la Carte de la Lévitation, ça devrait faire le compte.

-Ca me va, approuva Kéro.

Et il se transforma sans plus attendre. Les guerriers, si ils commençaient à s'habituer aux apparitions de Yué, qui faisait de même de son côté, parurent quelque peu choqués par ce nouvel imprévu. Et le fait de voir Sakura sortir sa clé de son col n'arrangea pas leur opinion.

-Clé du sceau sacré qui détient les pouvoirs de l'étoile, montre-moi ta véritable apparence ! Moi, Sakura, par le pacte qui nous unit, je te l'ordonne !

Elle jeta deux cartes devant elle et abaissa son sceptre.

-Fly, Float ! Transportez-nous !

Aussitôt, deux ailes blanches poussèrent dans son dos, pendant que Tiffany se retrouvait juchée sur une sorte de montgolfière miniature.

-Wouaouh ! s'enthousiasma celle-ci. Il faut absolument que je filme ça !

La caméra au poing, elle entreprit donc d'immortaliser tout ce qui lui passait devant l'objectif, pendant que Stéphanie montait sur le dos de Kéro et que Yué se chargeait de Thomas. Et les cinq guerriers restés au sol, ainsi que celui qui les attendait en haut, les regardèrent s'envoler comme si ils ne devaient plus jamais s'en remettre.

***

Le loup avançait de son trot léger, rapide et silencieux comme une ombre. Son flair et son instinct lui disaient qu'il approchait. Les arbres se succédaient autour de lui, les odeurs de pistes de gibier parvenaient sans cesse à sa truffe, mais il n'y prêtait aucune attention. Elle l'avait appelé. Il ne pouvait pas la faire attendre.

D'un bond agile, il sauta par-dessus le tronc d'arbre qui lui barrait le chemin et entra dans la clairière. Comme à son habitude, elle était là, allongée immobile sur sa couche de pierre, les yeux fermés. Mais le loup sentait que les habitudes allaient être bouleversées, car elle venait d'ouvrir les yeux.

Elle tourna la tête, et deux perles brunes le fixèrent. Les plantes semblèrent frémir, l'herbe s'agita sans qu'aucune brise ne vienne troubler l'air, et le loup entendit son message.

[-Il est arrivé... Je sens sa présence, mon ami. Va ! Informe ta famille. Que tous les tiens se tiennent prêts. Il va venir près de moi...]

***

Kéro ne pouvait s'empêcher de voleter dans tous les sens. Il y avait tellement de choses à voir et à sentir ! Le potentiel magique de ce monde le boostait comme jamais auparavant.

-Kéro ! Reste tranquille, tu me donnes le tournis ! reprocha Sakura.

Le petit Gardien éclata de rire.

-Mais c'est tellement beau ici !

Sakura dût reconnaître qu'elle partageait parfaitement son avis. Partout autour d'eux, accrochées aux branches des arbres et pendant audacieusement au-dessus du vide, des passerelles de bois et de cordes permettaient d'accéder aux divers structures qui abritaient les habitants des lieux. Partout, des fleurs étalaient leurs couleurs vives, des plantes grimpantes envahissaient les ouvertures. La lumière tamisée qui leur parvenait à travers les feuilles des arbres teintait le lieu d'un vert diffus, en faisant une véritable féerie. Le village tout entier rayonnait d'une beauté sauvage.

Le brusque arrêt du guerrier qui les guidaient à travers les lieux — à bonne distance, on ne sait jamais de quoi des étrangers pareils sont capables — la fit brusquement sortir de sa rêverie. Jetant un coup d'œil autour d'elle, elle arrondit les yeux en découvrant une structure bien plus imposante que toutes les autres, perchée au-dessus de leurs têtes. Avant qu'ils n'aient le temps de dire quoi que ce soit, le guerrier émit le même sifflement que celui qu'avait produit le garçon brun un peu plus tôt. Sakura remarqua d'ailleurs que celui-ci les suivaient avec le reste des adultes, sa curiosité visiblement éveillée par leur démonstration de tout à l'heure... Elle allait le faire remarquer à Tiffany quand une silhouette apparut sur la plate-forme au-dessus d'eux.

-Oui ? demanda l'homme, d'âge assez respectable à en juger par sa barbe grise.

-Nous voulons voir le Conseil, exposa le guerrier. Ces étrangers — il les désigna d'un signe du menton — ont pénétré sur notre territoire sans autorisation.

Le vieil homme hocha la tête et tourna les talons sans un mot de plus. L'instant suivant, une échelle de corde atterrit aux pieds du petit groupe. Le guerrier la monta avec la même agilité qu'il l'avait fait pour l'arbre, puis se tourna vers eux.

-Et ça, étrangers, vous arriverez à le faire ? leur demanda-t-il d'une voix légèrement moqueuse.

Comme il fallait s'y attendre, Stéphanie vit immédiatement rouge.

-Tu vas voir, vieux singe ! marmonna-t-elle entre ses dents.

Elle saisit immédiatement l'échelle et entreprit de rejoindre l'homme avec au moins autant de rapidité. Parvenue en haut, elle lui jeta un regard victorieux auquel il ne répondit que par un haussement de sourcil. Chacun à leur rythme, Sakura, Tiffany, Thomas et Mathieu la suivirent, puis les autres guerriers montèrent à leur tour.

***

Sur un geste d'invitation des occupants de la pièce dans laquelle on les avait introduits, Sakura s'assit timidement en observant le jeu des lumières qui filtraient du dehors par d'innombrables ouvertures. Aussitôt, Tiffany vint près d'elle et lui prit la main, tandis que Thomas s'installait autoritairement de l'autre côté, son visage montrant clairement qu'il était branché en " mode grand frère ", comme le taquinait parfois Mathieu.

Face à eux, une dizaine de personnes assez âgées les regardait gravement, assises derrière une table de bois polie par le temps. L'examen semblait d'ailleurs passablement agacer Stéphanie, pas impressionnée pour un sou.

-Bon, alors ? demanda-t-elle abruptement. Vous êtes qui ?

Près de la porte, le jeune garçon sembla manquer s'étouffer et jeta un regard noir à la jeune fille. Les autres ne semblèrent pas beaucoup plus apprécier le ton employé, et l'homme installé directement en face d'eux entreprit de mettre les points sur les i.

-Ici, c'est nous qui posons les questions, mademoiselle, gronda-t-il.

-Posez-les vite, alors, marmonna-t-elle presque pour elle-même, mais assez fort pour que tout le monde puisse l'entendre. On n'a pas toute la nuit !

Sakura sourit et se détendit un peu devant les effronteries de son amie. L'homme qui avait parlé sembla faire un effort surhumain pour se contenir, puis attaqua directement :

-Que faisiez-vous sur notre territoire ? lança-t-il férocement à Sakura, ignorant les autres étrangers, visiblement plus loufoques les uns que les autres.

-Euh..., fit celle-ci, prise au dépourvu. C'est à dire qu'on savait pas qu'on était sur votre territoire...

-C'est une blague ? Tout le monde sait où il se trouve ! Vous êtes qui ? Des Montagnards ou des Habitants des plaines ?

Sakura et ses amis s'entre-regardèrent, passablement perdus. Dans un éclair de génie, Sakura sortit le livre d'Aënas Read et l'ouvrit à la page de la carte.

-Ah oui ! s'exclama-t-elle à mi-voix pour les autres. Je vois où on est ! Il y a un petit dessin en forme de maison près de la rivière... Ca doit symboliser le village !

-T'as raison, souffla Kéro depuis son épaule. Et regarde ! Il y en deux autres : un...

-... Près de la montagne, et l'autre sur la plaine, compléta Sakura.

-Dites donc ! tonna soudain une voix, les faisant tous sursauter.

Le vieil homme s'était levé, visiblement furieux.

-Votre irrespect est inadmissible ! Des messes basses en plein conseil...

-Désolé, répondit Sakura, déboussolée. On ne voulait pas être impolis.

L'homme sembla vouloir ajouter quelque chose, mais la femme près de lui le força à se rasseoir d'une pression sur son bras.

-Dans ce cas, dit-elle, répondez à la question d'Antön. D'où venez-vous ?

Sakura interrogea Kéro et Mathieu du regard. Après réflexion, ses deux Gardiens semblèrent tout deux d'avis à leur apprendre au moins une partie de la réalité. Sakura prit une grande inspiration.

-Nous ne sommes pas de ce monde.

Il y eut un silence étonné. Puis les dix membres du Conseil se mirent tous à parler en même temps, se coupant la parole et se contredisant sans cesse. A la porte, le guerrier qui les avait guidé les regardait faire comme si cette simple réaction allait à l'encontre de tout ce qu'il croyait sur eux, tandis que près de lui, le jeune garçon était restée bouche bée, partagé entre l'incrédulité et l'ébahissement. Finalement, ce fut lui qui réagit de la manière la plus censée, c'est-à-dire en interrogeant directement les plus concernés.

-Vous êtes passés par la Porte ?!

Le Conseil cessa aussitôt ses chicaneries. Impressionné par sa propre audace, le garçon rougit perceptiblement. Personne ne devait interrompre le Conseil ! Sa présence était à peine autorisée, en tant que nouveau guerrier. Mais les dix autorités du village ne lui prêtaient plus attention, attendant impatiemment la réponse comme un enfant la solution d'un devinette.

-Eh bien..., hésita Sakura. Oui...

Malgré ce qu'elle craignait, il n'y eut pas de second chaos, seulement un échange de regards entendus ou stupéfaits. Se reversant en arrière, Antön fixa sur eux un long regard, comme statufié. A côté de lui, la femme les observait avec un soudain regain d'intérêt.

-Voilà qui change tout..., murmura-t-elle.

***

A partir de cet instant, les questions fusèrent de tous côtés, leur laissant à peine le temps de répondre. Visiblement, le Conseil était beaucoup plus intéressé par des visiteurs d'un autre monde que par une intrusion sur leurs terres, et on ne pouvait pas vraiment l'en blâmer.

-De quelle monde venez-vous ?

-Quelle monde... ?

-Celui des Mers Gigantesques ? Celui des Nuages ou celui de la Terre qui Brûle ?

-Euh..., aucun de ceux-là...

Un murmure se fit entendre.

-Ce... Celui des Ténèbres, alors ? Vous êtes des envoyés du Maître ?

Les derniers mots avaient été prononcés à mi-voix, comme emplis d'une crainte superstitieuse.

-Le Maître des Démons ?

Frisson général.

-Bien sûr que non !

Le soulagement détendit les visages.

-Alors il existe bien d'autres mondes que ceux-là ?

-Ce n'est pas une légende ?

-Si vous venez d'ailleurs, vous êtes peut-être les Elus promis par le Visionnaire ?

-Voyons, ils sont beaucoup trop jeunes !

-Mais ils sont puissants, d'après le récit des guerriers ! Ce sont des magiciens !

-Euh..., excusez-moi, intervient Sakura, prise d'un doute.

Ils se tournèrent vers elle.

-Votre Visionnaire, il ne s'appellerait pas Aënas Read, par hasard ?

-Ils le connaissent !

-Je l'avais dit ! Ce sont eux !

-Bien sûr, sinon comment connaîtraient-ils le Visionnaire et le Maître ?

-EYH !

Bien sûr, la seule qui était assez téméraire pour les interrompre de cette façon, c'était Stéphanie.

-Dites, ça vous dérangerait de ne pas nous ignorer chaque fois que ça vous arrange ? Ce serait pas mal de vous calmer, non ?

Antön, qui n'avait pas participé à l'allégresse générale, tout occupé qu'il était à ramasser sa mâchoire par terre, émit un timide :

-L'étrangère a raison, collègues. J'ai bien peur que nous nous comportions comme des sauvages.

Avec des toussotements gênés, les neuf autres Conseillers se redressèrent sur leurs siège comme des gamins pris en faute. La femme leur adressa un sourire d'excuse.

-Pardonnez-nous, mais si vous êtes bien ceux que nous pensons, nous vous attendions depuis si longtemps ! C'est un grand jour pour nous.

-Si vous commenciez par nous dire ce qui se passe, ici, suggéra Thomas, impassible.

-Très bien. Antön est notre historien, il saura mieux vous expliquer que moi, je pense.

Le vieil homme s'éclaircit la gorge, reprenant aussitôt l'air sérieux et austère qu'il arborait à leur entrée dans la pièce.

-Nos légendes racontent qu'il y a bien longtemps, alors que les arbres étaient encore jeunes et que notre village était beaucoup plus grand, un gigantesque éclair illumina l'horizon à l'est. Des guerriers furent envoyés voir de quoi il retournait. Le lendemain, des milliers d'ailes noires passèrent au-dessus des têtes de nos ancêtres, et les corps des guerriers, sauvagement lacérés, furent déposés sur les pas des maisons où ils s'étaient réfugiés. L'un des démons, qui portait un drôle de petit objet autour du cou, leur a ordonné de sortir. Ensuite, il leur a annoncé que son maître prenait possession de ce monde, et qu'ils devraient obéir à l'émissaire qu'il laissait sur place : un golem.

" Nos ancêtres ont voulu se révolter, mais les démons étaient trop nombreux et personne n'avait la magie nécessaire pour vaincre le golem. Pour éviter que nous ne nous liguions contre lui, le Maître a ordonné que plus de la moitié des habitants quittent le village. Certains ont été obligés de partir vers le sud et de s'installer sur la plaine, près de la rivière. Le golem en a emmené beaucoup avec lui vers les montagnes, pour qu'il l'aide à construire un grand temple. Tout ceux qui y avaient travaillé furent ensuite massacrés, et personne ne sait ni où se trouve ce temple, ni à quoi il sert, pas même les Montagnards qui ont survécu et qui vivent maintenant sur les flancs des montagnes.

" Nous avons continué à vivre, et peu à peu, nous nous sommes habitués à la menace qui planait sur nos têtes. Des jeunes téméraires ont été exploré à l'ouest pour tenter de comprendre d'où venait le Maître des Démons, mais il n'ont trouvé qu'une installation étrange en forme de porte dans une clairière, et ils ont abandonné. Puis, le Visionnaire est arrivé.

" Cette fois, il n'y a pas eu d'éclair, il est juste entré sur notre territoire, un matin. Il nous a annoncés qu'il venait d'un autre monde par la fameuse structure qui était en fait une Porte pour voyager entre les mondes. Au début, nous lui avons simplement ri au nez. Mais quand il a prédit à une femme qu'elle allait avoir un enfant alors que tous la croyaient stérile puisqu'elle attendait depuis si longtemps, nous avons cru qu'il était fou. Il est resté parmi nous, à observer nos vies en prenant des notes dans un petit cahier. Mais au fil des semaines, le ventre de la femme a commencé à s'arrondir, et nous avons commencé à avoir des doutes. Un matin, il s'est approché d'elle, l'a regardé, et a déclaré que son petit garçon naîtrait deux lunes et deux jours plus tard, au coucher du soleil. Puis il est reparti. Deux lunes et deux jours après, alors que le soleil se couchait, un garçon est né.

" Le Conseil a convoqué le voyageur et lui a demandé de s'expliquer. Calmement, il a alors tout simplement dit qu'il était un devin, et qu'il avait pu sentir la venue de cet enfant parce que l'un de ses descendants devaient jouer un grand rôle plus tard. Et cette fois, tout le monde l'a cru. Il a commencé à nous parler des autres mondes : ceux des trois autres Eléments, comme il les appelait, celui où régnait le Maître et qu'il ne quittait que rarement. Et puis d'autres, libres ou bien soumis comme nous. Et enfin, il nous a dit qu'un jour, des hommes viendraient de son propre monde pour nous libérer. Ils viendraient pour chercher quelque chose qui leur permettraient de vaincre le Maître des Démons et se trouvait sans doute dans le temple, et nous devrions les aider. Puis il est reparti, et le temps a continué de s'écouler. Jusqu'à votre venue.

Un grand silence régna pendant que Sakura et ses compagnons tentaient d'intégrer toutes ces informations. Brusquement, la Card Captor fourra à nouveau la main dans son sac pour en ressortir le livre du fameux Visionnaire et le rouvrit exactement à la même page.

-Ah, d'accord, dit-elle simplement. Le petit gribouillage en haut, c'est censé représenter le temple...

-Faut avouer que, devin ou pas, il dessine comme un pied, admit Kéro en plissant les yeux, tentant de déterminer si le gribouillage en question ressemblait à un T très mal formé, à un arbre un peu tordu ou à un de ces gnomes infernaux et au pif énorme tout droits sortis de ses jeux vidéo.

Les membres du Conseil, qui visiblement avaient beaucoup de respect pour Aënas Read, firent semblant de ne pas avoir entendu.

-Devons-nous comprendre que vous êtes bien les Elus ? demanda avec espoir la vieille femme.

-Faut croire que oui, répondit distraitement Stéphanie, en se penchant dangereusement au-dessus de Tiffany pour admirer les merveilles artistiques du cousin de son très illustre ancêtre.

Une fois que ce fut fait, elle sembla retenir très difficilement un éclat de rire et se dépêcha de se rasseoir pour se calmer avant de déclencher un incident diplomatique. Mais le Conseil paraissait bien trop sur son petit nuage pour remarquer quoi que ce soit.

-Dans ce cas, accepteriez-vous de nous conter ce qui vous a menés jusqu'ici et ce dont vous avez besoin, afin que nous puissions vous aider de notre mieux ?

***

Le récit prit encore un certain temps. Comme Sakura commençait à en avoir un peu marre et qu'elle ne se sentait pas vraiment le courage de tout résumer, ce fut Mathieu qui le fit. Une fois que ce fut fini, la lumière qui filtrait dans la pièce avait grandement diminué. L'un des hommes en bout de table, le visage grave, brisa le silence qui s'était installé :

-Ainsi vous cherchez le Symbole de la Terre, qui aurait été confié à la garde du golem dans le temple ?

Un autre soupira, visiblement abattu.

-Aucune chance. Vous n'y arriverez pas, le golem est trop fort.

-Ne dis pas ça, Garn ! le rabroua la femme. De toute façon, nous devons les aider à trouver cet Esprit dont le Visionnaire parle dans ses écrits. Lui, pourra les aider à vaincre !

-Ca veut dire que vous ne connaissez pas d'Esprit, si je comprends bien ? intervint Thomas.

-Euh... non.

-Super, marmonna-t-il. On est vraiment bien parti...

Un toussotement que seule Sakura entendit attira son attention.

[-Lionel ?

-Sakura, il se fait tard. Je n'entends déjà plus grand-chose de ce qui se dit. Il faut que je me repose...

-Bien sûr, je comprends. A demain, alors.

-Moui, à demain, murmura-t-il d'une voix ensommeillée.]

Comme la veille, le contact s'amenuisa peu à peu, comme de l'eau qui coulerait entre les doigts. Sakura ressentit une impression de vide en réalisant qu'il était parti. Se secouant un peu, elle décida qu'elle aussi irait bien se coucher.

-Excusez-moi, dit-elle donc, coupant les délibérations du Conseil, qui se tourna aussitôt vers elle. Excusez-moi, mais on ne pourrait pas reprendre demain ? Nous avons beaucoup marché pour arriver ici, et...

-Oh, bien sûr ! sursauta la femme. Mon dieu, mais à quoi pensons-nous ? Nous sommes vraiment désolés, nous allons immédiatement vous faire conduire là où vous pourrez vous reposer !

Soulagés, les invités se levèrent donc, Stéphanie, à qui l'immobilité ne réussissait pas, la première. Ils se dirigèrent vers la sortie pendant que la femme donnait quelques instructions aux deux guerriers qui étaient restés près de la porte. Elle se tourna ensuite vers eux :

-Nous allons également diffuser la nouvelle de votre arrivée dans le village. Dès demain, nous organiserons une grande fête pour montrer à chacun que tout espoir de liberté n'est pas perdu ! En attendant, je vous souhaite à tous une bonne nuit.

Et enfin, ils purent sortir. Sakura s'étira en sortant dans l'air frais de la soirée. Dans le village, l'obscurité s'installait lentement, et, petit à petit, des bougies de cires colorées et des lanternes recouvertes de chiffons adoucissant la lumière crue s'allumèrent, de petites lucioles voletant entre les passerelles. De nuit, l'endroit était encore plus féerique que de jour.

-Sakura !

La jeune fille sursauta et courut vers l'échelle de corde pour rejoindre ses amis.

-J'arrive !

***

A bien des lieues de là, des ombres furtives se dispersaient dans la forêt. Les chefs de meute couraient rejoindre les leurs pour les prévenir de la nouvelle : celui qu'Elle attendait arrivait. Il fallait se tenir prêt.

Oserais-je réclamer des reviews après ce que j'ai annoncé au début du chapitre ? … ^^