** Chapitre 1 **

Tornade fut la première dans la chambre du Professeur. Il était tombé de son lit et son visage reflétait une profonde terreur. Il s'éveilla dès qu'elle lui parla et s'évertua à la rassurer.

« Ce n'est rien… c'est un cauchemar, c'est tout. »

Elle l'aida à se recoucher, et il la congédia d'un sourire.

Dans le couloir, elle soupira, et décida qu'il était temps de parler sérieusement aux autres… Elle eut une pensée pour Scott, et se demanda si leurs blessures guériraient un jour…

Scott se réveilla lentement. Quelqu'un venait de passer près de la porte de sa chambre. Encore assoupi, il jeta un rapide coup d'oeil au radio-réveil et fronça les sourcils. Bien que le manoir ne soit jamais complètement endormi, personne n'était censé être debout à cette heure-ci...

Le manoir...Le jeune homme secoua la tête. A mesure qu'il s'éveillait, la réalité lui revenait. Il n'était pas au manoir. Il n'était pas dans sa chambre avec Jean, et Jean était morte...et cela faisait presque deux semaines maintenant qu'à chaque fois qu'il se réveillait, il se retrouvait  ainsi, pour quelques secondes, dans son univers sécurisé, avant que la conscience ne l'arrache peu à peu à cette torpeur, transformant cet univers paisible en pénibles souvenirs d'un passé à jamais révolu...

Scott massa le bas de sa nuque en grimaçant de douleur. La marque qu'avaient laissée les hommes de Stryker y serait toujours présente pour lui rappeler ce jour où sa vie avait basculé en enfer. Il prit sa tête dans ses mains. Depuis deux jours, la cicatrice avait recommencé à le brûler atrocement. Et, à nouveau, il lui semblait, comme à Alkali Lake, entendre des voix dans sa tête, des voix lui dictant sa conduite. Et puis il y avait aussi ce visage...Il avait l'impression par moment d'avoir des flashs, d'apercevoir des images...Une image en particulier, qu'il pouvait détailler très clairement. Un visage d'enfant, un petit garçon aux yeux vairons...

Evidemment il n'en avait parlé à personne, tout comme il avait tenté de cacher au mieux son profond désespoir d'avoir perdu Jean. Il avait repris ses activités et avait recommencé ses cours dès leur arrivée dans le nouveau bâtiment. Il s'était persuadé qu'il lui fallait être fort, pour Ororo, pour le Professeur. Pour les enfants, aussi. Ils étaient tout ce qui lui restaient. Mais lui-même n'était pas dupe : il savait qu'il s'enfermait surtout dans le travail pour combler le vide immense qui menaçait d'absorber sa vie comme un trou noir. Il refusait de se laisser une seule minute de répit, un seul instant de réflexion. Lorsqu'il ne donnait pas de cours, il participait activement à la reconstruction du manoir ou à la recherche des quelques enfants qui étaient toujours portés disparus. Il s'était caché derrière ce personnage de travailleur acharné qu'il interprétait à merveille. Et c'est la nuit, lorsqu'il se retrouvait seul, que les pensées douloureuses réprimées avec force pendant la journée refaisaient surface, encore plus fortes...Si fortes que cette nuit-là, il en était presque étourdi. Il se leva pour aller prendre un verre d'eau, et aperçut à ce même moment un mince filet de lumière qui venait éclairer la pièce alors que la porte s'entrouvrait doucement. « Tornade ? Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure-ci ?» s'exclama Scott, surpris, en voyant la jeune femme à la porte.

Mais celle-ci n'eut pas le loisir de répondre à cette question. Scott venait de s'effondrer à ses pieds.