** Chapitre 2 **

Elle eut un moment d'hésitation. Après le Professeur, Scott… Elle s'accroupit et voulut retourner le jeune homme qui était tombé, face contre terre. Elle remarqua la blessure, infligée par Stryker, et un flot de rage l'envahit. Mais aussi vite qu'elle était apparue, sa colère disparut. Elle venait de voir que la blessure, loin de se cicatriser, semblait avoir été faite la veille.

« C'est impossible… » murmura t-elle la gorge sèche.

Brusquement paniquée, elle secoua Scott avec violence, avant de se précipiter dans le couloir, lorsqu'elle constata que ses efforts étaient vains.

« Professeur ! Professeur ! »

Elle se rendit compte qu'elle hurlait. Elle entendit la panique des enfants.

« Mais qu'est-ce que j'ai fait ? » gémit-elle, avant de rassurer ceux qui venaient de la rejoindre.

Ce n'est rien, Tornade.

Le Professeur… Il saurait tout arranger. Elle reprit sa course et se rua dans la chambre de Scott.

Charles Xavier regardait Cyclope.

« Comment va-t-il ? »

Elle croisa le regard du professeur, qui baissa les yeux :

« Je l'ignore, Ororo, je l'ignore… »

Horrifiée, la jeune femme vit celui en qui elle avait une confiance aveugle quitter la chambre, alors qu'elle-même restait auprès de Scott, totalement dépassée par la situation.

Il était allé rejoindre la quiétude de son bureau. D'une main tremblante, il sortit une bouteille de whisky d'une armoire ancienne, et, renonçant à prendre un verre, il but une rasade au goulot. Il fit la grimace. Les images s'estompaient peu à peu, et il estima qu'il pouvait entrer en contact mental avec Scott… en prenant soin de se concentrer sur les mots, pas les images.

Scott ? Tu m'entends ? C'est moi, Charles Xavier… Réponds moi Scott !

Scott ne savait pas où il était. Il ne voyait que des nuages, à perte de vue. D'abord noirs, puis, au fur et à mesure qu'il avançait, indigos, violets, mauves, de plus en plus clairs...Abandonné dans ce monde inconnu, il ressentit soudain une profonde solitude. Pourtant, il n'était pas seul...Il y avait cette voix, cette voix suppliante qui l'appelait...la voix du Professeur. Mais il avait déjà vécu cela. Il ne voulait pas se laisser manipuler à nouveau. Cette fois-ci, il ne les laisserait  pas entrer dans son esprit. Il ne les laisserait pas le réveiller. Il préférait se laisser mourir que de tuer...Laissez-moi tranquille ! Je sais qui vous êtes ! Mais je ne cèderai pas cette fois-ci !  cria-t-il à la voix.

La main du professeur se crispa sur la bouteille. Résister, il devait résister. S'il ne parvenait pas à convaincre Scott, il faudrait qu'il pénètre dans ce monde dont il avait ressenti toute l'angoisse.

Scott ! C'est moi ! Tu dois te reprendre, c'est une illusion, tu dois revenir ! Tornade a besoin de toi ! Concentre toi sur elle, elle te veille, elle ne veut pas te perdre. Et moi non plus. Je t'en prie… Reviens…

Scott posa ses mains sur ses oreilles pour ne pas entendre la voix, mais en vain : elle le harcelait. Ils étaient trop persuasifs, mais il ne voulait pour rien au monde que tout recommence. Il lui fallait trouver une solution. Rapidement. Et il n'en voyait qu'une seule... Sa décision était prise. Il se retourna et marcha vers les nuages les plus sombres. A mesure qu'il s'enfonçait dans ce brouillard, il sentait une terreur oppressante l'envelopper. Derrière lui, il entendait résonner les échos de la voix.

Allez-vous en !  Tout est terminé... dit-il avec résignation en continuant vers l'obscurité.

NOOONNN !!!!

Il se demanda si son cri avait été uniquement mental, et guetta avec appréhension l'apparition de l'un ou l'autre des élèves. Mais la demeure restait silencieuse. Il but une autre rasade, et évalua les risques. Il ignorait où se trouvait Scott, mais il avait ressenti ses émotions. Affaibli et éprouvé comme il l'était, le jeune homme ne serait pas capable de se défendre.

A moins qu'il ne soit responsable de son coma… Qu'il ait préféré s'enfuir dans un autre monde…

Un éclair de colère passa dans les yeux du professeur. Personne ne lui enlèverait un autre enfant. Une nouvelle goulée et il irait le chercher lui-même. Oh, avec Cerebro ç'aurait été mille fois plus simple, mais il s'en savait capable. Il ramènerait Scott. De gré ou de force. Il but encore, et se sentit beaucoup mieux. Il ferma les yeux et se concentra.

L'angoisse le saisit à la gorge. Où que se trouve Scott, ce n'était pas le paradis… Il avançait dans des zones d'ombre, et sentit la présence de Cyclope dans les ténèbres. A mesure qu'il avançait, il lui semblait se perdre un peu plus, et des images venaient le frapper tels des éclairs.

Scott… je suis perdu… où es-tu ?

Scott était loin devant. Il courait pour fuir cette voix, s'enfonçant de plus en plus dans l'épaisse et sinistre brume. Les nuages avaient commencé à s'effiler, prenant la forme de spectres aux visages torturés. Ils se mirent à hurler, couvrant la voix. Des dizaines d'autres  voix venaient le hanter à présent. Des voix de son passé...Tout était confus à présent. Il n'entendait plus que les cris de ces spectres qui lui répétaient :

 Monstre ! Tu as tout détruit ! Le toit du lycée ! Tu as blessé trois élèves ! Tu es un monstre ! Monstre ! Regarde ce que tu as fait ! La gare ! Tu aurais pu tuer des centaines de personnes ! Monstre ! C'est toi qui as tué Jean !! Monstre ! Monstre ! Monstre !!!!  

Les voix ne cessaient plus, l'envahissant de toutes parts.

Arrêtez ! Laissez-moi tranquille !! Laissez-moi mourir !!! implora Scott.

            Assise au bord du lit de Scott, Tornade se mordait les lèvres. Si Jean avait été là, elle aurait su quoi faire… Elle se sentait démunie, et pensa à son dernier ami. Elle ne perdit pas de temps, et alla frapper à une porte… Il fallait qu'elle se contienne, ou elle allait laisser libre court à son chagrin.

« Kurt… Kurt… c'est moi… ouvre ! »

Elle songea aux rumeurs qui ne manqueraient pas de circuler dès le matin entre les élèves, mais n'eut pas envie de sourire…

            Charles Xavier entendit la dernière supplique de Scott et coupa le lien télépathique. La réalité le frappa de plein fouet. Un nouvel échec… Après Jason… Scott était perdu. Qui était-il finalement ? Il avait perdu Jean, il ne parviendrait pas à sauver Scott.

« Oh, et après tout, c'est peut être mieux ainsi… Au moins, ils seront réunis. »

Il eut honte de lui à peine ces mots prononcés. Il décida de tout oublier. Il prit la bouteille, fit rouler son fauteuil jusqu'à la fenêtre, et s'abîma dans la contemplation du paysage tout en buvant.

            Scott continuait à hurler, autant pour exprimer sa terreur que pour couvrir les voix qu'il ne supportait plus d'entendre. Tout était si embrouillé qu'il ne se souvenait même plus de ce qui l'avait amené là. Il voulut revenir en arrière, pour retourner vers la lumière. Mais c'était impossible, il faisait tellement sombre qu'il ne savait pas dans quelle direction aller...Et puis soudain, il s'aperçut que quelqu'un se tenait à côté de lui. Un enfant, qu'il reconnut aussitôt. C'était le petit garçon qu'il avait vu tant de fois dans ses flashs...