** Chapitre 10 **

Scott s'appuya contre le mur du couloir et se laissa glisser lentement avant de s'accroupir, prenant sa tête dans ses mains. Il venait de recevoir la vision que lui avait transmise le professeur. Et il avait compris qu'il s'était trompé, qu'il l'avait accusé à tort. Je vous ai laissé tombé...Me pardonnerez-vous, Charles ? Scott savait qu'il ne le méritait pas. Comment avait-il pu avoir si peu de foi en son mentor, au point de croire que celui-ci l'avait abandonné ? Lui qui lui avait tout appris, qui l'avait protégé, qui lui avait donné une famille, une vie...Scott essuya la sueur de son front et se releva. Faisant demi-tour, il marcha vers l'infirmerie, résolu à aller aider le professeur. C'était son devoir...

Mais à peine avait-il fait quelques pas que la douleur le reprit. Une autre vision, encore plus torturée que la précédente...Mais cette fois-ci, ce n'était pas le professeur. C'était Jean...Il en était sûr...

Elle lui montra un oiseau, une forêt, et un homme ressemblant étrangement à l'enfant de ses propres visions. Puis il entendit des paroles. La voix de Jean qui appelait au secours. Cette voix était lointaine, étouffée, et Scott dut se concentrer pour pouvoir distinguer quelques bribes :  Scott...Le barrage...Jason...Aide-moi !!!

La liaison psychique fut brutalement interrompue, faisant sursauter Scott. Il hésita d'abord, puis, ayant lancé un dernier regard vers la porte de l'infirmerie, il se retourna et courut vers le hangar où était parqué le jet. Il avait pris sa décision...Il irait seul. Les autres ne l'avaient pas cru à propos de Jean, et il n'y avait aucune raison qu'ils le croient maintenant. Mais Scott était catégorique : Jean était vivante. Et il allait la trouver...

Il passa rapidement son uniforme et remplaça ses lunettes par son viseur. Puis il fit descendre la rampe d'accès, monta dans l'appareil et prit place aux commandes. 

Ororo Munroe ne savait plus quoi faire. Elle était près de Kurt, les yeux dans le vague. Il lui semblait que le temps s'était arrêté.

Charles Xavier sursauta brusquement, comme pris de spasmes.

« Scott… Bien sûr que je te pardonne. Mais, toi, me pardonneras-tu d'avoir abandonné la lutte ? Scott… mon fils… N'y va pas seul. Tu ne tiendras pas. Emmène-moi avec toi. Loin d'ici je ne pourrais pas leur nuire, et seule Jean est capable de me venir en aide. Ne me laisse pas. Par pitié. »

Le professeur se rendit compte qu'il était au bord du désespoir. Non seulement il était capable de tous les tuer, mais surtout, il connaissait suffisamment Scott pour savoir qu'il foncerait, tête baissée.

« Je peux les figer quelques minutes, le temps que nous partions… Ne me laisse pas… »

Lui-même ignorait les risques. Mais si Jean était encore de ce monde, il fallait qu'il la retrouve. L'étendue de ses pouvoirs était telle qu'elle était un et en danger.

Lorsque Scott releva la tête, il crut qu'il avait été pris d'un étourdissement. Il avait eu une sorte d'absence, comme celles qu'il ressentait lorsque le professeur le figeait pendant que...

Le professeur...

Scott se tourna vers sa droite, réalisant ce qui était arrivé. Et ce qu'il vit confirma ses suppositions. Charles Xavier était tranquillement assis à la place du copilote. Scott lui sourit timidement. « Professeur...Etes-vous sûr que vous voulez  m'accompagner ? Est-ce que cela veut dire que vous me croyez, vous ? » lui demanda-t-il, d'un ton empreint à la fois d'appréhension et d'espoir.

L'ombre d'un sourire effleura les lèvres du professeur alors qu'il acquiesçait.

« Bien sûr que je souhaite t'accompagner. Tu vas m'avoir sur le dos pendant quelques temps encore… »

J'espère…

« Et… Scott… »

Il se tut brusquement. Jean. Etait-il possible que ? Ou n'était-ce qu'un autre piège. Il ferma les yeux, pris d'un vertige. Si Scott avait dit vrai, alors Jean avait besoin d'eux. Mais s'il avait été manipulé…

Il rouvrit les yeux et reprit :

« Scott, si jamais tu te rends compte que je… que je ne suis plus moi-même, je t'ordonne de prendre les mesures qui s'imposent. Est-ce clair ? »

Il avait parlé avec autorité, afin de cacher à Scott son état de faiblesse, mais surtout pour qu'il comprenne l'importance de cette clause.

Le visage de Scott s'était assombri. Il avait très bien compris les implications de ce que le professeur venait de lui dire. Et il savait qu'il n'avait pas d'autre choix que d'obéir. Il hocha simplement la tête et se concentra sur ses commandes pour faire décoller l'appareil...Il repensa à Jean. Il avait de la peine à croire qu'elle était encore en vie. Il l'avait vue mourir...Et pourtant, il était formel, il l'avait ressentie...

Soudain, les mains de Scott cessèrent d'activer les commandes lumineuses. Une pensée venait de lui traverser l'esprit. Et si...et si c'était à nouveau une manipulation ? Si le professeur était venu lui injecter une nouvelle dose de ce poison ?

Scott est rarement le premier à paniquer. Ce n'est pas pour rien que ses amis l'appellent  leader sans peur, et que ses ennemis le disent froid et calculateur... Et pourtant, à ce moment précis, Scott se sentit emporté par une immense vague de terreur. Il ne pouvait plus se contrôler. La peur au ventre, il se mit à transpirer, à haleter, puis, brusquement, il se leva, mit la main sur son viseur et se tourna vers le professeur en hurlant : « ça suffit ! j'ai compris ce que vous maniganciez ! Jean ne m'a jamais envoyé ce message ! c'est juste l'une de vos nouvelles tactiques pour me tuer !! Sortez cette seringue de votre poche !! SORTEZ LA OU J'UTILISE MON POUVOIR POUR VOUS COUPER EN DEUX !!! »

Charles Xavier réagit humainement. Spontanément, il fit un geste dérisoire pour se protéger, le bras devant son visage, la paume ouverte. La violence de l'émotion de Scott lui avait fait perdre tous ses moyens, et il se rendit compte qu'il n'avait plus assez de force pour se défendre à l'aide de ses pouvoirs. Il était à la merci de Cyclope, qui semblait déterminé.

« Je n'ai pas de seringue. » fut la seule réponse qu'il trouva. « Regarde par toi-même si tu ne me crois pas. »

Il sentit une goutte sur sa joue et détourna la tête. La larme glissa lentement.