Chapitre 13: Abysses

"Ton père est parti en Bulgarie, en réponse à l'appel de son Maître. J'ai proposé de l'accompagner, mais il prétend que je dois rester pour entretenir ses affaires dans le pays. Je présume qu'il a raison, comme toujours. Quant à toi, mon fils, prends soin de toi et reste toujours sur tes gardes. L'école de Poudlard ne manque pas d'oreilles rebelles prêtes à glaner la moindre preuve. Ne parle que à des gens de confiance qui se sont clairement révélés partisans du Maître. Et continue à travailler, ou ton père sera fâché à son retour.

Ta mère qui t'aime. "

Drago froissa la lettre d'un geste méprisant et la jeta dans une carafe de jus de concombre. C'était bien de sa mère, ça, de jouer les mères prévoyantes et attentionnées. Surtout quand il était à trois cent kilomètres de chez lui. D'où lui venait cette pulsion stupide de lui écrire ses recommandations par hibou? Elle qui ne s'était jamais souciée de son éducation. Elle était aussi changeante que la lune.

Qu'est-ce que son père fichait en Bulgarie? Drago ne comprenait pas pourquoi Voldemort rassemblait ses forces là-bas. Comment allait-il faire pour faire transplaner tout ce petit monde rapidemment au moment de l'assaut? Car il y aurait assaut, ça il en était sûr. Voldemort préparait une guerre. Et les Serpentards qui étaient à ses côtés joueraient un rôle capital dedans.

Mais en attendant aujourd'hui était une date capitale. Dans quelques heures, son équipe affronterait Potter et les autres au Quidditch.

Et à minuit

Incapable de se retenir, il ressortit le mot de sa poche. Griffoné avec élégance, l'écriture à l'encre vert pâle disait: "Ce soir, à minuit sur la Tour Sud, le Chevalier aura une chance de conquérir sa Dame. "

Il cacha le mot rapidemment. Un Malefoy ne devait pas laisser transparaître ses émotions.

Ce qui ne l'empêcha pas de laisser transparaître sa haine, quelques heures plus tard, quand il se retrouva sur son balai face à Potter et à tous ces chiens de Gryffondors. Mais une haine froide, inspirée. Il ne pouvait que gagner, c'était évident. Non?

Non, bien sûr que non. Potter était imbattable. Mais Drago allait lui abattre sa sale petite carapace de *****, et le Survivant mordrait la poussière. Foi de Malefoy. Plus on s'élève haut, plus la chute est brutale. Ça valait aussi bien métaphoriquement que dans la réalité. Surtout au Quidditch.

- Les capitaines, serrez-vous les mains! ordonnait Mme Bibine.

Warrington arracha si bien la main de Johnson qu'elle faillit crier. Mais elle serra les dents et enfonça ses ongles dans la paume du Serpentard, qui grogna. Puis ils enfourchèrent leurs balais et rejoignirent leurs équipes respectives, déjà dans les airs.

On était le 18 octobre. Dans quelques heures viendrait le rendez-vous au sommet de la Tour Sud. Mais pour l'instant, le Souaffle était lancé, et les Poursuiveurs se jetaient dans la mêlée, tandis que Drago prenait le large, imité par Potter. Il grimpa en chandelle vers le ciel si blanc qu'il en était insoutenable, et ce fut comme s'il allait s'y fondre. Mais ça ne dura qu'un temps.

Les premières gouttes commencèrent à tomber. Encore un coup de Dumbledore, ça, de faire jouer le premier match de l'année un jour de pluie.

Là-bas, dans les buts de Gryffondor, la petite nouvelle ne se débrouillait pas trop mal. Pour l'instant. Les Serpentard s'étaient concertés: toutes leurs attaques seraient dirigées contre elle, parce qu'elle était sans doute la moins expérimentée de l'équipe.

C'est pourquoi Drago ne fut pas étonné de voir Montague foncer à grande vitesse vers les buts, sa batte en position agressive, suivi de près par Bole qui tenait le Souaffle. Casona hésita, tenta stupidement d'éviter l'attaque tout en protégeant ses buts et reçut un coup de balai si violent qu'elle partit en vrille, laissant le champ libre à Bole qui marqua glorieusement. Drago poussa un cri de victoire, de même que tous les Serpentards.

Mais le sifflet de madame Bibine retentit: les Gryffondors protestaient. Crétins. Ils n'avaient toujours pas compris comment se jouait le Quidditch: sans pitié.

L'espagnole était sonnée: son équipe demanda un temps mort. Qui fut accordé.

Tandis que Drago se posait dans l'herbe, il entendit Derrick, un sixième année à la carrure de rugbyman (voir de sumotori), qui pestait:

- Mais quelles chochottes! Leur gardien est dans les vapes, et alors? C'est la règle du jeu.

- Calme, Derrick, intima Warrington, le capitaine. Laisse Bibine les favoriser, ne proteste pas. On verra bien si ils réussiront à résister à notre superbe tactique.

- Quelle tactique? fit Montague (c'était une remarque d'un haut niveau intellectuel venant de lui).

- Le rentre-dedans! ricana Warrington.

Et tous les membres de l'équipe de s'esclaffer avec lui. Drago se contenta d'un sourire méprisant. Ah! Vivement l'année prochaine, où la moitié de l'équipe aurait quitté Poudlard. Drago s'arrangerait alors pour se faire nommer capitaine, et on verrait bien si le niveau était toujours aussi minable.

Le sifflement retentit, et les joueurs remontèrent sur leurs balais. Drago vit la petite espagnole retourner vers ses buts avec rage. En voilà une qui venait de comprendre le véritable sens de l'axiome: "Les Serpentards ne sont pas des enfants de chur".

- Et c'est reparti, murmura-t-il pour lui-même, tandis que le Souaffle était mis en jeu et que Potter reprenait de l'altitude à la recherche du Vif-d'Or.

C'était reparti, oui. La mascarade. Voler, piquer, plonger, remonter il avait l'impression de jouer à un jeu. Pas dans le sens de sport, bien sûr, un jeu, une pièce de théâtre. Rien en semblait naturel. À commencer par ce match qui était en train de se jouer: qu'est-ce qu'il fichait là? Ça n'était pas ça dont il avait envie. Pas ça. Mais quoi alors? Il était incapable de le déterminer.

Voilà pourquoi Potter allait gagner, bien sûr. Voilà pourquoi les Gryffondors allaient encore écraser leurs adversaires. Drago n'avait plus envie d'attraper la balle, plus envie de gagner. Il sentait seulement que c'était important, mais il était incapable de se motiver. Il se demandait si s'écraser comme une merde au sol y changerait quelque chose. Peut-être que ça valait le coup d'essayer?

Mais soudain, ses pensées changèrent du tout au tout, car là-bas, dans les gradins, il venait de voir une petite étincelle blanche: elle était là, elle était là, sa bien-aimée, elle le regardait Sylverstelle. Il allait gagner pour elle, il allait lutter de toutes ses forces contre la langueur qui l'emplissait, refouler le doute, reconquérir le terrain le Vif-d'Or lui appartenait, la victoire revenait de droit aux Serpentards, spoliés de gloire depuis trop longtemps. Il allait écrabouiller la sale petite face terreuse du trilobite à lunettes dans une mare de boue.

C'est ce moment que choisit Potter pour apercevoir sa cible au ras du sol et foncer dessus. Drago se mit immédiatement en branle, poussa à fond sur son balai. Techniquement, l'Éclair de feu du héros bigleux faisait des pointes de vitesse un quart, voire un tiers plus rapides que le Nimbus 2001 du Serpentard. Mais Drago n'était pas le fils de Lucius Malefoy pour rien: durant les vacances, son père l'avait aidé à concevoir un enchantement particulièrement puissant, qui lui avait permis de renforcer la puissance de son balai. Bien entendu, le Service des Usages Abusifs de la Magie n'avait rien eu à redire: Lucius avait réalisé la partie magique, laissant son fils imaginer et planifier la structure de l'enchantement. C'était, selon Mr Malefoy, un excellent exercice théorique, même si les idiots de la direction de Poudlard pensaient que la pratique devait être proscrite pendant les vacances.

Ainsi donc, le balai de Drago fendait les airs, plus rapide que l'Éclair de Feu, même si ses accélérations n'étaient pas aussi fulgurantes. Et Drago traversait le terrain à la poursuite de Potter. Il cherchait désespéremment le Vif-d'Or, et comme celui-ci ne se montrait pas, il continuait à suivre Potter de son mieux.

Mais il aurait dû prévoir. Le sol n'était plus qu'à cinq mètres. Puis deux. Puis un. Potter redressa. Le Nimbus 2001, plus lent à réagir, grinça méchament et les pieds de Drago soulevèrent un nuage de poussière. Une feinte! Il lui avait fait la feinte de Wronski! Et lui, Drago Malefoy, s'était laissé avoir! La haine le submergea tandis que sa descente en piqué s'achevait dans un triple roulé-boulé, et il resta étendu là, dans la boue, suffocant de rage.

Un jour, Potter regretterait toutes les humiliations qu'il lui avait infligées. Très bientôt.

S'efforer de ramasser les dernières miettes de dignité. Remonter sur le balai. Décoller d'un coup de pied rageur. Le balai maltraité eut un grincement inquiétant.

Mais Drago était trop occupé à enrager pour s'en apercevoir. Il allait faire pleurer Potter, il allait y mettre toute sa haine et l'humilier publiquement, il allait

Pendant ce temps-là, les Gryffondors avaient élevé leur score à 40, contre 50 pour Serpentard. La gardienne espagnole avait encore des progrès à faire. Dans un ricanement sadique, Drago songea qu'elle allait bien regretter d'avoir pris ce poste.

Mais d'abord, envoyer Potter mordre la poussière. Au sens propre du terme, si possible.

Justement, ce crétin venait encore de faire croire qu'il avait vu le Vif-d'Or. Drago se lança à sa poursuite, juste au cas où, mais resta à distance prudente du sol. Potter remonta, déçu.

Jonhson en avait profité pour mettre deux buts, la garce.

Drago décida de s'investir un peu plus dans le jeu d'équipe. Il fonça vers les buts de Serpentard, l'air inspiré. Potter lui emboîta le pas prudemment.

Mais le Serpentard n'avait pas l'intention de faire une feinte, du moins pas pour l'instant. Non, ce qui l'intéressait, c'était la grosse balle rouge dans les mains de Jonhson, et Warrington qui faisait des cercles juste en dessous. Apparemment, il avait saisi la manuvre. Drago surgit devant la Gryffondor, lui coupant la route. Elle fit une embardée à gauche, rétablit sa trajectoire vers les buts, mais trop tard: Bole avait fait mouche, faisant preuve d'une compréhension surprenante pour quelqu'un de son niveau, et le Cognard frappa Angelina en pleine face.

Warrington récupéra le Souaffle et vola à tire-d'aile vers les buts, tandis que trois des sept joueurs adverses se précipitaient pour rattraper Jonhson avant qu'elle ne tombe. Quant à Potter, il jeta son balai contre celui de Drago, furieux:

- Tu es fier de toi? lança-t-il.

- Quoi? se moqua le Serpentard. Je joue dans les règles.

- Tu parles! Tu sais très bien que nous ne devons pas nous mêler des affaires des Poursuiveurs. Nous, c'est le Vif-d'Or, un point c'est tout.

- Que tu crois. Moi je joue pour faire gagner mon équipe, et je ne m'arrête pas à de stupides considérations de fair-play. Si tu veux jouer noblement, ne te gêne pas. Je t'inviterai peut-être à la remise de la Coupe.

Pour toute réponse, Potter fit un léger écart avec son balai et revint aussitôt sur Drago, cognant avec violence les deux montures magiques.

- Rends-moi service, Potter, soupira Drago. Lâche ton balai et saute.

- Je te ferai plutôt lâcher le tiens, grogna l'intéressé.

Mais le Serpentard n'avait pas attendu la fin de la réponse pour décrocher, braquant d'un coup son manche vers le sol. Potter émit un grognement de surprise et changea de cap à son tour. En cinq secondes, il avait rejoint son adversaire, malgré toute la puissance libérée par le Nimbus 2001. Fichu Éclair de Feu.

- Tu ne t'échapperas pas si facilement! lança-t-il.

Drago eut un rire méprisant. Il risqua un looping, aussitôt imité par Potter. Il freina brusquement, zigzagua, tenta une descente en piqué, une accélération maximale, un demi-tour forcé rien à faire. Potter s'accrochait.

Mais très bien, après tout. S'il voulait suivre Drago, qu'il assume les conséquences. Celui-ci fonça sur un des Batteurs de Gryffondor, Weasley, ou peut-être Weasley un des deux. Il vira in extremis et Potter dut faire une embardée pour éviter son coéquipier. Puis Drago continua la manuvre: il se jeta sur Spinnet, qui tenait le Souaffle, et lui écorcha le visage avec les brindilles de son balai. Tenace, elle ne lâcha pas le balai, malgré les profondes entailles laissées dans sa peau par le bois à grande vitesse. Le sang voleta en fines gouttes le long de sa trajectoire.

- Faute! hurlèrent les Gryffondors.

Mais Mme Bibine n'entendit pas, ou ne s'en préoccupa pas, car au même moment elle était très occupée à redresser son balai qui partait en vrille, à cause du Cognard reçu dans la queue.

Et comme tous les matchs qui opposaient les deux maisons ennemies, celui-ci tourna au désastre: pendant que Weasley&Weasley se battaient à coups de battes contre Derrick et Bole, qui avaient frappé Katie Bell directement avec leurs battes, Pritchard et O'Connor empêchaient Jonhson de rejoindre la partie, à grands renforts de coups de poings et de balais. Mme Bibine avait dû poser son balai au manche fracassé, et tentait de décrypter la situation depuis le sol, d'où elle ne distinguait pas les couleurs des joueurs à cause du contre-jour. Spinnet avait fini par devoir se poser pour soigner ses blessures, et seul Warrington restait en lice pour attraper le Souaffle. Il se faisait des passes à lui-même, jouant à envoyer la balle dans les buts d'un coup de son balai. La petite Gardienne était complètement perdue (une incapable!) et n'arrêtait qu'un tir sur deux.

Alors que la foule commençait à prostester, Jonhson réussit à se dégager. Derrick et Bole revinrent en lice après avoir mis un Weasley et demi au tapis. Et surtout, Drago aperçut le Vif-d'or.

La petite balle dorée voletait du côté du gradin des Poufsouffles. L'Attrapeur se précipita. Il allait l'avoir, cette fois, il allait l'avoir. Il l'aurait.

Trop contente de se venger, Spinnet surgit sur son trajet, le visage couvert de bandages ensanglantés, et donna un grand coup de balai qui faillit faire tomber le garçon. Il se raccrocha de justesse au manche et resta là, pendant dans les airs, paniqué, tandis que la Gryffondor hurlait:

- Là-bas, Harry! Le vif-d'or! Là-bas!

Ah, non. Ça n'allait pas se passer comme ça. D'un effort de traction, rendu encore plus terrible par la peur du vide énorme entre lui et le sol, Drago se hissa sur son balai. Une fois assis, bien en sécurité, il essuya la sueur qui coulait dans ses yeux.

Spinnet allait payer. Mais avant tout, rattraper Potter.

Celui-ci avait repéré la petite balle aux ailes d'argent. Dans quelques secondes

Drago poussa son Nimbus à fond. Il n'arriverait jamais à temps.

Tant pis, il allait devoir utiliser la magie. Il avait caché sa baguette dans sa manche, de manière à ce qu'elle soit la plus discrète possible. Rapidement, il en fit glisser l'extrémité dans sa main. Au contact rassurant du bois, il sentit la magie affluer.

Plus que trois secondes deux

Potter tendit la main vers le Vif-d'or

Drago murmura: "Carambole "

Le balai de son adversaire fit une violente embardée sur la droite, écartant les doigts du sorcier de leur cible au moment où ils allaient se refermer dessus.

Puis Drago se précipita pour attraper la balle.

Mais elle était déjà partie

- Espèce d'enflure! hurla Potter quand il eut réussi à redresser sa monture.

- C'est ça, cracha Drago, mécontent.

- Tu vas regretter ce que tu as fait! La magie est formellement interdite pendant les matchs!

- Ah ouais? Qu'est-ce qui prouve que j'ai fait de la magie? C'est pas ma faute si tu ne sais pas contrôler ton balai, Potter.

- Pauvre vermine! Espèce de Ciseburine* du chaudron! Tu n'as même pas la capacité de gagner en jouant honnêtement! Tu es un déchet de la vie, Malefoy!

- Vas te faire cuire une omelette au cyanure, Potter.

Et il accéléra d'un coup pour éviter le coup de poing que son adversaire lui envoyait.

Ce match devenait vraiment lassant, d'autant plus que les Gryffondors remontaient très vite leur score (le gardien de Serpentard était un crétin, comme tous les joueurs de l'équipe d'ailleurs. Ils étaient choisis pour leur forme physique, personne ne l'ignorait.) Dans quelques buts, ils égaleraient les 140 points de Serpentard. Drago cherchait plus que jamais le Vif-d'or. C'était devenu une question d'honneur. Il gagnerait ce match. Même s'il devait assassiner Potter.

Et peut-être bien qu'il l'assassinerait, après tout. Pas seulement pour gagner le match, bien sûr.

D'autant plus que le Gryffondor était aussi collant qu'un Povrebine**. Il s'était décidé à suivre Drago partout, sans doute pour l'empêcher de nuire encore à ses chers coéquipiers. Très bien. Qu'il joue à ce jeu. Drago allait lui faire voir ce que ça faisait de se ramasser à la feinte de Wronski.

Il piqua d'un coup, et Potter suivit, tout en restant à distance prudente. Il cherchait où son adversaire avait pu voir le Vif-d'or.

Drago, trop occupé à gérer son plongeon, ne remarqua pas l'hésitation. Arrivé au ras du sol, il effectua un rétablissement magnifique et remonta en chandelle.

La foule poussa des hurlements de joie et des applaudissements. Drago se tourna vers ses admirateurs, ravi.

Mais ce n'étaient pas les Serpentards qui le félicitaient.

Ils avaient même l'air plutôt enragés.

Ce n'est qu'alors qu'il jeta un coup d'il par-dessus son épaule pour voir si Potter s'était écrasé.

Il aurait préféré n'en rien faire.

Parce que, pendant qu'il jouait à feinter Potter, celui-ci avait attrapé le Vif-d'or. Le vrai. Pas une feinte. Le Vif-d'or.

La foule en délire s'était levée et applaudissait à tout rompre, tapant des pieds pour exprimer sa joie. On entendait grincer les gradins, dont l'armature en bois protestait contre les vibrations.

Drago poussa un hurlement de bête sauvage. Il n'osait même pas regarder en direction des Serpentards. Et ça lui arrivait le jour de son rendez-vous avec Sylverstelle! Quelle honte! Mais quelle honte! Il n'allait plus jamais pouvoir jouer au Quidditch sans mourir de honte!

Et tout ça, c'était la faute de Potter! De Potter, uniquement! Du sale petit surdoué, avec ses lunettes ringardes et sa super coupe aoute-auf-bède! De l'espèce d'animal préhistorique à poil dru, le petit protégé de Dumbledore, le Survivant, tout juste capable de survivre à trois araignées et un troll. Qu'est-ce qu'il pouvait le haïr! Mais qu'est-ce qu'il le haïssait! S'il avait pu le torturer pendant cent mille ans, ça n'aurait pas encore suffi à satisfaire se haine. Potter! Qu'il crève! Qu'il crève comme une charogne abandonnée! Qu'il crève!

Et les Gryffondors qui applaudissaient toujours, qu'ils crèvent tous, eux aussi!

Ce terrain de Quidditch, ce parc, ce château, cette école en cendres! En cendres! En cendres!

Et soudain, dans un grondement de tonnerre, les gradins commencèrent à ployer sous les vibrations répétitives. Il y eut des hurlements de terreur quand les élèves de Poufsouffle sentirent le sol se dérober sous eux. Puis la poutre principale explosa sous la pression, et dans un craquement de bois malmené, la moitié des gradins s'effondra. Un nuage de poussière s'éleva, menaçant.

Mais ça n'était pas terminé. Déséquilibrée par la chute d'une de ses bases, la tour de Serdaigle se mit à pencher dangeureusement. Des joueurs de Quidditch, principalement des Gryffondors, volèrent à tire d'aile pour essayer de la retenir de leur poids. Mais la gravité eut raison de la tour, et elle tomba lourdement dans un gémissement de mastodonte. Elle s'abattit en partie sur les décombres du gradin de Poufsouffle – et sur les survivants.

Drago se posa, hébété. D'où venait cette attaque? Qui en voulait aux deux maisons les plus pacifiques de Poudlard? Parce que c'était forcément une attaque. Aucun doute possible. Les gradins étaient maintenus magiquement et seule la magie pouvait en avoir raison. Une magie puissante, de préférence. Mais pourquoi n'en avait-il pas été averti? Car il ne se faisait pas d'illusions: seul le Seigneur des Ténèbres pouvait vouloir tuer au sein de l'école. Et pourtant, il était censé être en Bulgarie avec la plupart de ses fidèles. Ou n'était-ce que le commencement d'une attaque de grande envergure?

Oh, et puis zut. Si le Maître ne l'avertissait pas, c'est qu'il n'avait pas besoin de lui.

Et Drago s'était promis que cela changerait. Qu'un jour, Lord Voldemort ne pourrait plus se passer de Drago Malefoy.

Un jour. Bientôt, de préférence.

Ignorant de l'agitation autour de lui, les Sorciers courant dans tous les sens pour dégager les survivants et prodiguer les premiers soins, Drago se dirigea vers les vestiaires de son équipe. Avant toute chose, il avait besoin d'une bonne douche.

La Grande Salle de Poudlard ressemblait plus à un ghetto qu'à ce qu'elle était dans le monde des vivants. Des morts s'entassaient de tous côtés. Ils se serraient sur les bancs, autour des grandes tables, trois fois plus nombreux que la place prévue, ils s'asseyaient les uns sur les autres, et, dans une certaine mesure, les uns dans les autres. Malgré cela, une majorité des fantômes étaient assis par terre, ou flottaient, désuvrés, à quelques centimètres du sol. Ils semblaient pourvus de bien moins de pouvoirs que les fantômes qui hantaient le monde réel. Pour commencer, ils avaient moins de consistance.

Il existait un mode de vision parallèle, requérant un peu de concentration, qui permettait de distinguer les flux magiques. Rogue n'avait pas encore tenté de l'utiliser dans ce monde dément, parce qu'il avait peur que la magie ne lui joue des tours; mais il avait besoin de comprendre.

Il s'assit en tailleur à même le sol et ferma les yeux. Tentant d'oublier où il était, dans quelle situation de détresse il se trouvait, il se représenta l'état d'esprit pour tenter de l'atteindre.

Ça y était presque. Il traça quelques signes magiques dans les airs, ouvrit les yeux. Sa vision parallèle fonctionnait.

Il se leva, fit quelques pas. L'inconvénient de la technique, c'est qu'elle lui donnait l'impression d'évoluer loin de tout, comme s'il était drogué. Il se força à se concentrer, marcha jusqu'au premier fantôme.

Contrairement à tous les êtres vivants dotés de pouvoirs, cet être n'avait aucune structure magique. La vision parallèle ne montrait rien. Pas même l'aura spéciale des Moldus, animée par une force très différente de la magie. Ici, rien. De l'air, et quelque chose qui ressemblait à de la fumée en guise de corps. Pas d'aura.

Mais Rogue était assez malin pour savoir qu'on pouvait dissimuler une aura. Fermant à demi les yeux, il effectua quelques manipulations magiques sur l'être devant lui. Et il la vit: ça n'était pas du tout une aura, et ça ne faisait pas partie du mort en question, et pourtant c'était ancré si profondément en lui que rien n'aurait pu l'arracher. Et ça avait l'apparence d'une chaîne en or.

S'efforçant de ne pas laisser filer la perception qu'il avait réussi à acquérir, Rogue leva les yeux jusqu'à obtenir une vue d'ensemble de la Grande Salle surpeuplée. Effectivement, tous les fantômes possédaient cette chaîne d'or. Et toutes les chaînes d'or convergeaient vers un même point. Ce point, c'était le cur de Poudlard. Auquel les morts étaient enchaînés.

Rogue poussa un soupir de soulagement. Tout cela commençait à devenir un peu plus clair.

La journée de Drago se passa de manière affreuse. Il avait vaguement conscience que tous autour de lui s'inquiétaient de "l'accident" qui avait ravagé le terrain de Quidditch. Chacun allait de sa version quant à savoir qui était à l'origine du désastre. La version qui revenait le plus souvent était bien sûr Voldemort, mais le Ministère, le professeur Funestor et Hagrid le demi-géant arrivaient en bonne place derrière.

Quant à Drago, une seule chose lui importait: ce soir était celui de son rendez-vous, et il priait le Ciel, la Magie et tous les dieux des Moldus de faire que Sylverstelle ait gardé son estime de lui après sa lamentable défaite.

C'est pourquoi son samedi après-midi se déroula dans une attente anxieuse qui le mettait au supplice. Lui, le grand Drago Malefoy, se torturer ainsi pour une fille! Mais la vérité, c'est qu'il était pieds et poings liés devant Sylverstelle.

La journée était plutôt claire, après l'averse matinale qui avait entamé le match. Le timide soleil d'octobre perçait les flots du lac, dans lequel donnaient les vitres magiquement renforcée de la Salle Commune de Serpentard. Depuis son profond fauteuil de velours, Drago voyait danser les algues phosphorescentes, gorgées de magie brute, et les bancs de petits poissons argentés qui tournoyaient dans l'eau verte.

Rien de tout ça ne pouvait le distraire de son obsession.

- Râh! cria-t-il en balayant la table basse d'un revers de main.

Deux verres et une carafe ciselée s'écrasèrent à terre dans un tintement malheureux. Drago saisit sa baguette, la braqua sur le foyer endormi dans l'âtre le plus proche. Un rideau de feu s'éleva en rugissant.

- Le grand Malefoy a des ennuis? se moqua Bundy, dont Drago n'avait pas remarqué la présence.

- Ta gueule, Bundy, cracha-t-il. Mêle-toi de tes oignons.

- Oh, je ne me mêle de rien. J'ai eu l'air de m'en mêler? Ce sont tes oignons, je le sais.

Il secoua la tête, moqueur:

- Jamais je n'oserai me mêler des oignons d'un Malefoy!

Mais c'était un sarcasme de trop. D'un mouvement rapide de la baguette, Drago lui ôta toute consistance.

- Hé! protesta le Serpentard tandis que son corps s'évanouissait. Qu'est que tu as f

Mais sa voix s'était éteinte comme un souffle de vent.

Drago se frotta les mains, satisfait.

- D'autres candidats? lança-t-il à la ronde.

Sans attendre de réponse, il rassembla ses affaires et se leva. Rester ici lui était devenu insupportable. Il devait bouger, même s'il courait le risque de croiser des Gryffondors qui ne se priveraient pas de se moquer de sa feinte lamentable. Avant de partir, il agita sa baguette négligemment et les éclats de cristal reformèrent la carafe et les verres originaux dans un grésillement ravi.

Mais à peine Drago s'était-il dirigé vers la sortie qu'il se heurta dans une jeune fille noire. Il recula, furieux, en frottant son épaule malmenée.

- Eh! s'écria-t-il. Mais tu es une Serdaigle, toi!

La fille le fixa avec une décontraction totale.

- Ouais. Et alors?

- Qu'est-ce que tu fiches ici? Et d'abord, comment tu es entrée?

Mais avant qu'il n'ait pu la flanquer dehors, une autre fille, une Serpentarde cette fois, sugit pour s'interposer.

- Elle a mon autorisation, déclara-t-elle.

Les deux filles étaient noires et se ressemblaient comme des jumelles. Drago connaissait la deuxième: elle était dans sa classe. Son cerveau accumula les informations obtenues et conclut enfin que les deux filles étaient surs. Du coup, il se remémora quelque chose à propos de quatre s ne donnaient-elles pas dans le vaudouisme? Oui, il en était à peu près sûr.

- Tu ramènes une Serdaigle ici? grogna-t-il à sa camarade de classe, dont le nom lui revenait: n'était-ce pas Wight, Sight voilà! Slight. Les surs Slight de Poudlard, qui versaient volontiers dans la magie trouble, au service de leurs camarades. Il était à peu près sûr qu'elles se faisaient payer leur magie, par ailleurs.

- Ça te dérange? grogna la deuxième sur (Léandre, Liandre, Li Lysandre, voilà! Lysandre Slight).

- En admettant que oui?

- Eh bien tu n'y peux rien, lâcha Lysandre Slight. Ma sur est ici pour me voir, et ça ne te regarde pas.

Voilà qui méritait châtiment. Il lança un sort, le même que celui reçu par Ken Bundy. Mais il n'avait même pas levé sa baguette que les deux jeunes filles s'étaient esquivées de manière parfaitement synchrone, et qu'elles avaient assemblé on-ne-sait-comment un sortilège assez complexe, consistant en une sorte de filet magique, et dans lequel Drago se retrouva empêtré sans avoir rien pu faire.

- Ok, ok, cessez le feu! s'exclama-t-il, conscient de son infériorité face à deux Sorcières parfaitement en osmose.

Elles relâchèrent le flux magique. Le filet s'évanouit.

- Il y a déjà eu suffisamment de souffrances aujourd'hui, déclara la première sur. Ma maison a été parmi les plus touchées. Je n'apprécie pas de me faire provoquer par un petit Serpentard de premier cycle.

Drago fulminait, mais il n'aurait pas la supériorité, il le savait. Et il y avait certaines personnes dans l'école qu'il valait mieux ne pas se mettre à dos. Il haussa donc les épaules, parfaitement maître de ses réactions, et dit:

- Fais simplement attention où tu mets les pieds. Tous les Serpentards n'apprécient pas de voir une étrangère dans leur domaine.

Et il se dépêcha de faire pivoter le tableau et de fuir la pièce, avant que les foudres de la Serdaigle ne se déclarent à nouveau.

Il marcha au hasard dans les couloirs sombres, plus furieux que jamais. Il savait qu'il s'éloignait en ligne droite des escaliers qui ramenaient vers la Grande Salle, et tant mieux. Il voulait se perdre dans les fin-fonds des cachots de Poudlard et ne plus jamais reparaître.

Plus il s'éloignait de la sortie, et plus les couloirs étaient sombres, les torches espacées les unes des autres et les murs froids et nus. L'atmosphère se fit oppressante. Il y avait comme une présence, quelque chose qui rampait derrière les murs et observait l'intru par des trous de souris.

Les tableaux chuchotaient sur son passage, faisant des propositions obsédantes pour tenter de l'attirer dans leur univers de ténèbres. Drago les ignora en frissonant. Plus loin, une porte s'ouvrit soudain sur son passage, l'invitant à entrer. À l'intérieur, tout était sombre et une odeur de mort planait. Le garçon referma la porte d'un coup de pied.

Mais il ne faisait pas bon s'attirer l'hostilité des lieux: quelques mètres plus loin, le sol s'ouvrit sous ses pas et il chuta dans le noir, hurlant de terreur.

Il plongea droit dans une mare d'eau stagnante et se mit à agiter frénétiquement les bras et les jambes pour regagner la surface, gêné par sa robe de Sorcier.

Il émergea, cracha une gorgée d'eau sale et aspira l'air à pleins poumons.

- Nom d'un Magyar crasseux! râla-t-il en se démenant pour atteindre la terre ferme. Il fallait que ça m'arrive, à moi!

Mais l'obscurité était si dense qu'il était incapable d'apercevoir les limites de la mare. Il aurait aussi bien pu être en plein milieu de l'océan par une nuit sans lune. De plus, l'eau dégageait une odeur écurante, mélange de pourriture et de renfermé. 0r nager en se bouchant le nez ne donnait pas beaucoup de résultats. Drago voulut prendre sa baguette pour l'allumer.

Il ne l'avait plus.

- Merde, fit-il en fouillant ses poches et ses manches de son mieux.

Rien, rien, rien. Il avait dû la perdre en tombant, et elle avait coulé au fond de ce stupide lac qui n'avait rien à faire sous Poudlard.

- Merde, répéta-t-il. Merde, merde, MERDE!

Il frappa la surface de l'eau, se faisant mal à la main au passage, et il envoya valser des gerbes d'eau croupie dans le noir. Perdant toute contenance, il hurla à plein poumons, cracha de l'eau qu'il avait avalé, hurla encore. Sa voix résonnait dans les profondeurs de la caverne, lui revenait assourdie. Mais il hurlait encore, et sa rage fut si puissante qu'il se retrouva sans transition transporté sur la terre ferme.

- Je hais ce château, haleta-t-il.

Des gerbes d'eau dégoulinaient de ses vêtements.

Comme il ignorait tout des dimensions et de la forme de la salle, il se mit à avancer à tâtons, évitant soigneusement de retomber dans l'eau. Après quelques minutes de reptation à l'aveuglette, il découvrit un mur et se mit à le suivre. Puis il arriva à un rectangle en bois haut de presque deux mètres, doté d'une poignée. Il ouvrit la porte. Elle pivota en grinçant.

La salle dans laquelle il entra n'était pas très éclairée, mais suffisamment pour l'aveugler plusieurs secondes. Quand ce fut fini, il regarda tout autour de lui et fut sidéré. La pièce, aux dimensions modeste, tenait à la fois du champ et de la cave: le long des murs de pierre noire, poussaient des plantes d'une nature clairement magique, alignées comme des plants de tomates ou des tonneaux de vin. Drago n'avait jamais vu de telles plantes, mais s'il ne doutait pas de leurs propriétés magiques: le feuillage adoptait une forme plus ou moins sphérique, comme un petit buisson collé contre une paroi, mais s'ornait de grosses boules rouges à l'aspect caoutchouteux, et qui luisaient doucement. Mais surtout, d'autres sphères (Drago devina qu'il s'agissait de fruits), bleues celles-ci, planaient en l'air au-dessus des plantes, retenues par de longs filaments végétaux. De l'ensemble se dégageait une sérénité, un silence incomparables.

Drago passa rapidement à la lueur des fruits et quitta la pièce par une seconde porte en bois. Il était très préoccupé par la perte de sa baguette, mais il voulait trouver une source lumineuse avant d'entreprendre des recherches, et les fruits volants n'éclairaient pas assez.

Mais le château n'était pas à court de surprises: la salle suivante tranchait nettement avec les deux précédentes, à tel point qu'on se demandait ce que ces trois salles étranges faisaient à la suite.

Elle était si grande que distinguer son plafond était tout simplement impossible. La lumière grise qui l'éclairait ne venait de nulle part. Sur des centaines de mètres, le sol s'étendait de toutes parts, dallé de marbre gris. Enfin, des rangées de statues parfaitement alignées se dressaient sur leurs socles, seuls éléments de décor.

Drago commençait à en avoir assez des aberrations poudlaresques. Il voulait retrouver sa baguette au plus vite et être à l'heure à son rendez-vous. Il se lança dans la traversée de la salle, plus grande que trois terrains de Quidditch mis bout à bout.

Après cinq minutes de marche rapide, il s'arrêta net, car il venait de voir une silhouette assise sur son chemin. Quelqu'un en pleine concentration magique, et qui lui tournait le dos.

Il s'en approcha à pas de loup. Le Sorcier était au centre d'un schéma cabalistique de plusieurs mètres de circonférence, comprenant entre autres un pentacle géant et pas mal de signes dont Drago ne connaissait que vaguement la signification. Des bougies, des essences magiques, des bâtons d'encens et autres ustensiles divers agrémentaient le dessin.

Approchant encore, il découvrit qu'il était en présence d'une Sorcière, une fille. Il ne voyait que ses cheveux châtains coupés au carré et le dos de son uniforme d'écolière, mais il savait à qui il avait à faire.

- Qu'est-ce que tu fais ici? lança-t-il à Morgane Wakewage, la Gryffondor.

Elle eut un sursaut remarquable et se retourna d'un bloc:

- Tu m'as fait perdre le fil! s'énerva-t-elle.

- Désolé, fit un Drago pas désolé pour un sou. Mais tu n'as pas répondu à ma question.

- Je t'en pose, moi, des questions? Je fais ce que je veux dans le sein de l'école!

- Ah ouais? Tu es au niveau des cachots. Soit à proximité de la Salle Commune de Serpentard.

- Tu m'en vois désolée. Maintenant, si tu voulais bien me foutre la paix...

Ce n'était pas la chose à dire. Drago se fendit d'un sourire sadique et susurra:

- J'ai une meilleure idée, Wakewage. Tu vas m'expliquer gentiment ce que tu étais en train de faire, et il se pourrait bien que je ne te dénonce pas

- Crève! cracha la Gryffondor.

Mais il l'avait vu frémir. Soudain, il avisa un livre épais posé hors du pentacle. Il l'attrapa avant qu'elle n'ait pu l'en empêcher. Le livre se mit à ruer et tenta de le mordre, mais Drago souffla doucement sur la tranche et le livre s'ouvrit d'un coup.

La page détaillait la réalisation du schéma magique et les précautions à prendre. Très intéressé, Drago en parcourut le texte en diagonale.

- Ferme ça! ordonna Wakewage (il y avait comme un soupçon de panique dans sa voix).

- Non non, c'est très intéressant. Je lis ici que tu ne peux sortir de ce pentacle tant que hum tant que l'enchantement n'a pas touché à sa fin. Malheureusement, je t'ai interrompue dans ta concentration et maintenant tu es bloquée au centre, pas vrai?

- Ferme ce livre! répéta la fille.

- Mais je ne vois pas d'indication sur ce que tu es en train d'enchanter. Alors tu vas me renseigner gentiment, pas vrai?

Elle le toisa méprisamment, mais elle n'était pas en position de force. Néanmoins, elle ne répondit rien.

- Alors?

Toujours pas de réponse. Wakewage avait croisé les bras, butée. Drago fit trois pas jusqu'au dessin cabalistique et, du bout du pied, effaça quelques lignes de craie.

La Sorcière hurla. C'était un cri de douleur.

- C'est amusant, ricana Drago, grisé. Je vois écrit ici que la ligne magique ne doit être brisée sous aucun prétexte

La fille haletait, pliée en deux. Il avait tous pouvoirs sur elle, et ça le faisait se sentir bien. Ça lui tournait la tête. Il se sentait puissant, si puissant

- Je vais te dire ce que je pense, Morgane Wakewage. Je crois que tu es une petite Sorcière minable, pleine de prétentions. Que tu as violé la Réserve, ou toute autre bibliothèque interdite, et que tu y as dérobé ce livre de magie noire. Et que à partir de ça, tu te crois le pouvoir d'envoûter Tu-Sais-Qui lui-même. Car j'ai deviné, n'est-ce pas? Ce sortilège que tu fabriques, c'est pour envoûter quelqu'un!

Elle hocha la tête. Drago tournait autour de la cage magique comme un lion autour de sa proie. Il sentait l'exaltation provoquée par le pouvoir monter en lui.

- Alors? J'ai raison? Tu as cru pouvoir t'attaquer à Tu-Sais-Qui, pas vrai?

À la vérité, ses suppositions n'étaient pas totalement innocentes. Il les faisait sur la base de ce que lui avait appris Lucius Malefoy, présent à Durmstrang le jour où Potter avait surgi avec Weasley et Wakewage et avait failli abattre le Maître.

Dans une lettre envoyée peu après la rentrée, Lucius demandait à son fils de surveiller les agissements de Potter et ceux de Wakewage, pour le compte du Seigneur des Ténèbres. Il avait aussi pour mission de glaner toute petite observation susceptible de renseigner Lucius (et par voix de faits, Voldemort) des mesures prises par le Gentil Magicien, l'Ami des Moldus, Dumbledore lui-même.

Comme Wakewage ne répondait pas, il flanqua un autre coup de pied dans son dessin. Elle gémit en s'étreignant les côtes, tête rentrée.

- J'ai raison? cria Drago.

- Non!

La réponse le laissa hésitant. Non? Elle ne s'attaquait pas à Voldemort? À qui, alors?

- Ce n'est pas lui ta cible? Qui est-ce?

- Je n'ai qu'une cible, haleta Wakewage, dents serrées. La même que toi. Qu'un seul ennemi ton ennemi.

Un instant, il se demanda de qui elle parlait, mais un instant seulement.

- Potter!

Ce n'était même pas une question, c'était une exclamation incrédule.

- Mais pourquoi Potter? Il est dans la même maison que toi!

- le hais depuis toujours pas à Gryffondor trompé

Drago haussa les épaules. Le discours de la fille était trop haché pour comprendre ce qu'elle voulait réellement dire. Il en avait marre de perdre son temps, et puis il devait absolument retrouver sa baguette. Il laissa tomber le livre de magie noire, qui fit une gerbe d'étincelles, et commença à s'éloigner.

- Le dessin! cria Wakewage. Refais le dessin.

Il hésita un instant. Ça n'étaient pas ses affaires. Mais si elle ne pouvait vraiment pas sortir toute seule, quelqu'un finirait par s'apercevoir de sa disparition et ça pourrait déboucher sur une situation embarassante. Il attrapa la craie qu'elle avait laissée par terre et refit sommairement les traits qu'il avait effacé. Immédiatement, elle se redressa comme une marionnette dont on a tiré les fils. Mais elle ne dit rien, se contentant de fusiller du regard Drago qui s'éloignait.

Cinq minutes plus tard, quand il atteignit enfin la porte de la salle, des éclairs loin dans son dos témoignaient qu'elle s'était remise à l'activité.

Grâce à l'aide de Crabbe et Goyle (qui étaient quand même capables de faire un peu de magie du moment qu'on leur montre comment tenir la baguette) il réussit à retrouver la salle au lac et à repêcher sa baguette. Il passa le reste de la soirée à l'astiquer, parce qu'elle était verte, gluante et dégageait une puanteur de marécage.

Finalement, à minuit moins le quart, il se mit en route le plus silencieusement possible. Il sortit des dortoirs, parcourut les couloirs labyrinthiques qui ramenaient à la Salle Commune et se dirigea vers le portrait qui en masquait la sortie.

Sans que rien n'ait pu l'avertir, il fut percuté par un poing violent surgi de nulle part. Il tomba sur le dos et se releva rapidemment, prêt à vendre chèrement sa peau. Mais il n'y avait rien, strictement rien.

Il venait de se remettre en marche, quand un vent méchant lui souffla dans le cou. Il fit volte-face pour se retrouver non pas face à, mais dans un genre de fantôme pâlichon, qui lui traversa le corps. Ça lui fit l'effet horrible de se transformer en bac à glaçon. Mais il avait reconnu son agresseur. Il éclata de rire.

- Bundy!

Ken Bundy souffla méchament. Le sortilège de Drago n'était pas encore suffisamment dissipé pour que sa voix soit distinctible. Par contre, sa haine était palpable, et Drago se dépêcha de partir, avant que l'élève ne retrouve assez de consistance pour tenir sa baguette. Il avait dû se concentrer tout l'après-midi pour recueillir l'énergie suffisante à envoyer cet unique coup de poing.

- Courage, Bundy, ricana Drago en quittant la salle. Demain ça ira mieux! Avec un peu de chance, on ne verra plus à travers toi!

Le poing rageur qui s'abattit à travers le tableau refermé ne lui fit aucun effet.

Bon, il s'agissait de ne pas traîner. Il avait déjà perdu plus de temps qu'il ne pouvait se le permettre. Il partit à grands pas en direction des escaliers, grimpa les marches quatre à quatre. Une fois arrivé dans l'entrée du château, il s'orienta vers les escliers de l'aile Sud. Là, il dut se jeter dans une zone d'ombre pour échapper à Rusard qui faisait sa ronde. Puis il repartit plus vite que jamais, atteignit l'escalier en colimaçon de la Tour Sud, le grimpa à toute allure.

À quelques marches de la sortie, il s'arrêta et s'adossa au mur. Il fallait calmer les battements de son cur. Malheureusement, les coups violents provoqués par la course étaient peu à peu remplacés par une autre frénésie, totalement indépendante de sa volonté. Il allait voir Sylverstelle

Sa montre indiquait minuit deux. Renonçant à calmer son cur emballé, il rajusta sa robe de Sorcier, lissa ses cheveux en arrière et sortit à l'air libre.

La vue de Sylverstelle lui tourna la tête. Elle était assise sur un créneau, dans une pose savament étudiée. Décontractée, une jambe repliée contre son torse, l'autre pendante à l'extérieure de la tour

Si belle, dans son habit de lumière blanche

La lune éclairait ses cheveux longs et blancs à contre-jour. Elle avait revêtu une robe sombre dont les longues dentelles tombaient jusqu'à terre. Et elle regardait au loin

Elle se tourna vers Drago quand il sortit, et un fin sourire éclaira son visage:

- Vous êtes en retard, fit-elle remarquer, avec cet accent léger que Drago avait appris à interpréter comme de l'humour.

- Le chevalier a affronté mille épreuves pour venir s'agenouiller aux pieds de sa Dame, dit-il en joignant le geste à la parole.

Elle lui tapota l'épaule. Sa main était gantée de noir.

- Relevez-vous, doux chevalier. Votre Dame n'est point fâchée. Avez-vous connu de belles aventures?

- Certaines belles, d'autres terribles. Toutes m'ont laissé un souvenir impérissable. Mais nul ne l'est autant que celui du doux visage de ma Dame.

Le sourire qui illumina la face lunaire de Sylverstelle aurait suffi à guérir toutes les blessures de Drago pour une vie entière. Elle se pencha doucement en avant, il ferma à demi les yeux et leurs lèvres se rencontrèrent comme deux papillons, en un baiser fugitif. Mais la fraîcheur des lèvres de Sylverstelle resta longtemps sur les siennes, doux morceau d'éternité.

Il savait ce qu'il avait à faire. Mettant un genoux en terre, il respira profondément, s'efforçant de rappeler à l'ordre sa conscience ivre de joie. Il prit la main de Sylverstelle entre les siennes et déclama:

- Ma Dame, nulle perle précieuse, nulle blanche fleur n'a la douceur de ta peau. Tes mains sont d'or et de lumière, tes lèvres ont le pâle flamboyement des soleils couchants, tes cheveux la légereté du plumage ailé de la lune. Tes yeux sont deux puits profonds où je voudrais me fondre, froide Sylverstelle, deux gouffres ténébreux au gris-vert d'abysses. Un seul geste, un seul mot de toi peut me donner la joie majestueuse, ou les ténèbres éternelles.

- Il est bien risqué de parler ainsi de ténèbres, beau chevalier. Mais puisque vous avez traversé tant d'épreuves

- Nulle épreuve n'est trop dure si elle peut me permettre de poser mes yeux, rien qu'une fois, sur le beau visage de ma Dame.

- Qu'il en soit ainsi, dit Sylverstelle.

Quand elle se tut, Drago eut l'impression que le silence explosait dans sa tête. il était si tendu, entre félicité et crainte, qu'il n'osait plus ouvrir les yeux. Le temps était suspendu à un fil d'araignée

Sylverstelle écarta les bras du garçon pour s'y nicher. Ils s'embrassèrent, et un flux nouveau coula dans le cur, dans les veines de Drago là où autrefois avait coulé du sang. Ils s'embrassèrent encore, leurs respirations formant un nuage intime qui les isolait de l'air froid de la nuit. Les cheveux longs et fins, blancs comme la neige, de Sylverstelle, volaient autour d'eux et faisaient un manteau délicat à Drago. Sa peau était douce, plus douces encore étaient ses lèvres, et ses deux yeux couleur d'abysses reflétaient une profondeur bien au-delà des limites terrestres. La lune leur formait une auréole, la magie les soudait et les soutenait tandis qu'ils s'embrassaient toujous plus au sommet de cette tour, par cette nuit d'automne au sourire béant de pleine lune.

– fin du chapitre 13 –

Lexique:

(Pour plus de renseignements, consulter "Les animaux fantastiques" de Newt Scamander)

* Ciseburine (anglais: Chizpurfle): parasites s'attaquant aux objets magiques, baguettes ou fonds de chaudrons.

** Povrebine (anglais: Pogrebin): démon russe ressemblant à un petit caillou, qui aime suivre les hommes pendant plusieurs heures, juesqu'à les remplir d'un sentiment de futilité et de désespoir.

Quant à savoir quelle ressemblance Drago peut bien trouver entre Harry et ces bêtes-là

Papotage de l'auteur:

Ah, Sylverstelle, Sylverstelle Je suppose que d'aucuns se demanderont pourquoi je gâte autant notre cher Drago Malefoy et la réponse que je leur fournirai est parce que! Parce que j'avais envie, et parce qu'il y a bien droit lui aussi, et parce qu'il faut bien quelques femmes pour adoucir cet univers de brutes! mdr!!! C'est pas avec Sylverstelle qu'on va adoucir ce monde, bien au contraire! Attendez un peu ce qui va suivre

La question suivante (parce que je ne doute de rien, moi, devant mon ordinateur, je suis SURE ET CERTAINE que vous vous la posez tous) c'est d'où sort Sylverstelle?

Eh bien, cette fois, la réponse est beaucoup plus satisfaisante, du moins pour ceux qui ont les même références que moi. Sylverstelle sort tout droit d'un manga: il s'agit de la baronne schizophrène dont le nom m'échappe***, au tome 9 ou 10 de Angel Sanctuary pour l'apparence, du moins. Avec ses longs cheveux fins (qui paraissaient blancs sur les pages en noir et blanc, je suppose que l'auteur les voit plutôt blonds, désolée Kaori Yuki!), son visage tout en pointes et son ventre tout rond (elle est enceinte) elle s'est gravée dans mon esprit aussi sûrement qu'au fer rouge. Questions chiffons, Mademoiselle Sylverwood est habillée par Natsuki Takaya; plus exactement je la vois dans la même robe que Hana-Chan, l'amie de Tohru (le h est de trop, mais mon clavier ne connaît pas les accents japonais, à savoir un trait horizontal – disons Tooru, ça sera plus juste). Et enfin, le caractère tadadadam! De qui est inspirée Sylverstelle Sylverwood??? gagné! de Drusilla (Buffy contre les vampires) évidemment!

Ah? Il y a des gens à qui l'une ou l'autre de ces références ne dit rien? Désolée. Bah, vous pouvez toujours prendre simplement ma petite Sylverstelle comme elle est. Parce qu'elle est à la fois ces personnages-là, et beaucoup plus

Ona

***Ça yest, je me rappelle: Astarote. (passionant, isn't it?)

Bon, et puis rien que pour vous faire plaisir, voici le poème original que devait dire Drago (j'ai trouvé que c'était vraiment trop, alors j'ai prosaïsé); c pas tous les jours que Ona écrit un poème oùs'quya des rimes ET le bon nombre de pieds à chaque vers, alors, profitez-en, et ayez pitié de mon piètre talent de poète:

Perles de vapeurs

Nuages de fleurs

Rien qu'une lueur

Celle de ta peau.

Chanson de la terre

D'or et de lumière

Est la valse claire

De tes blanches mains.

Pâle flamboyement

Des soleils couchants

Éblouissement

Le rouge de tes lèvres.

Pureté de lune

Mouvance de dune

Légèreté de plume

Volent tes cheveux.

Orages et clarté

Abysses insondés

Vertiges grisés

Le froid de tes yeux.