Chapitre 15: Carnage
Après la tragédie de l'ouverture de la prison d'Azkaban, plus personne ne fit confiance au gouvernement, qui continuait à faire tout son possible pour dissimuler la réalité. Les Sorciers étaient désorientés, hésitants. Certains se rallièrent à Dumbledore, tandis que d'autres persistaient à le trouver encore plus fou que Cornelius Fudge. Ceux-là commencèrent à former des groupes de résistance, qui s'entraînaient au combat pour être en mesure de défendre leurs vies et leurs familles.
Le lendemain du drame, Dumbledore fit un discours dans la Grande Salle, afin de mettre les élèves au courant du plus de chose dont on était sûr. Nombreux furent les élèves furieux, terrifiés ou abattus, notamment parmi les Serdaigle et les Poufsouffle, encore en deuil. Le dîner fut plutôt sombre, et partout on entendait naître des conversations sur le thème "Azkaban", Fudge" ou "Tu-Sais-Qui".
Quant à Harry, il garda un silence sombre, qui fit conclure à Ron et à Hermione qu'il était encore tourmenté par ses visions nocturnes.
Le samedi arriva, et la première sortie à Pré-au-Lard. Avant de quitter l'enceinte de l'école, les élèves furent longuement sermonnés, les professeurs allant jusqu'à donner des conseils d'urgence en cas d'attaque ou de blessures. De fait, nombreuses furent les personnes qui choisirent de ne pas sortir de Poudlard, par peur ou par désintérêt.
Ron et Hermione crurent que Harry ne viendrait pas. Mais au moment où ils allaient franchir la porte du château, ils le virent arriver au pas de course.
- Harry! fit Ron, content malgré son inquiétude.
Hermione sembla songer que c'était prendre trop de risques, mais elle ne dit rien.
- Je suis allé chercher ma cape d'invisibilité, leur avoua le garçon quand ils se furent éloignés de la foule. Ça peut servir.
- Bonne idée! le félicita Ron.
Ils traversèrent le parc, dépassèrent les sangliers ailés, symboles de la limite de Poudlard. Au-delà, ils n'étaient plus protégés.
Pré-au-Lard n'avait jamais été aussi calme depuis que les trois jeunes Sorciers la connaissaient. D'ordinaire, les sorties des collégiens se remarquaient par le souk monstrueux qui régnait dans les rues marchandes. Des élèves couraient, entraient et sortaient des magasins, jouaient à se bagarrer ou discutaient joyeusement en dégustant une Bièraubeurre chaude.
Mais aujourd'hui, rien à voir. La menace de Voldemort et de ses nouvelles recrues fraîchement libérées pesait sur toutes les têtes.
Ils entrèrent chez Honeydukes, toujours aussi apprécié des collégiens quelles que soient les circonstances.
- Regardez! s'exclama Ron en se précipitant vers le rayonnage des nouveautés. Des Loukoums Liquéfiants!
- Vous pouvez goûter, si vous voulez, proposa aimablement le vendeur. Ils sont en promotion pour les premières semaines de mise en vente. C'est un des dernières création de la Patisserie Magique du Soleil Levant.
Les loukoums avaient l'air délicieux: roses, tendres, bien cubiques, en tendant l'oreille on les entendait frémir. Ron en attrapa un sur le présentoir, le porta à la bouche et Ce fut comme si il fondait par l'intérieur. Ça n'était pas désagréable, juste un peu déroutant
Avec un grand "schplof!" il s'écrasa par terre en un millier de petites gouttes.
- Ron! cria Hermione, paniquée.
- Quoi? fit celui-ci.
C'est alors qu'il comprit que ramper au ras du sol n'était pas sa condition naturelle. Il leva les yeux (ou ce qu'il en restait) vers ses amis.
- C'est rigolo, dit-il (sa voix donnait l'impression de sortir du jacuzzi).
Il se déplaça un peu ("floc floc"), constata les difficultés quotidiennes qui devaient hanter la vie d'une flaque d'eau, puis il se sentit aspiré vers le haut et, sans avoir pu rien faire, retrouva forme humaine.
Harry et Hermione furent soulagés. Ron, lui, avait presque envie de retenter l'expérience.
- C'était marrant, dit-il au vendeur (qui n'en pouvait plus de s'empêcher de rire à gorge déployée). Je vous en prends un sachet.
- À vos souhaits! s'exclama le vendeur.
Et il explosa de rire de plus belle.
- On va boire une Bièraubeurre? proposa Ron en sortant (les mains pleines) de la confiserie.
- Ça me va, acquiesça Hermione.
Ils entrèrent dans le bar surchauffé. La plupart des élèves de Poudlard étaient déjà là, à boire des consommations en discutant entre eux pour les plus jeunes, et en échangeant des informations avec les habitants de Pré-au-Lard pour les plus âgés.
Ron se chargea, à son habitude, de commander les boissons à la jolie Mme Rosmerta, qui le gratifia d'un sourire à faire tourner la tête. Puis il revint s'installer avec ses amis, et Harry leur raconta sa rencontre avec Dumbledore la veille au soir, dont ils n'avaient pas eu l'occasion de parler.
- Angua? demanda Hermione. C'était une femme?
- Ça dépend, fit Harry. Au sens féminin du terme, oui, c'était une femme. Au sens "humaine" du terme, je n'en ai aucune idée. Tout ce que j'ai vu d'elle, c'était son poignard dans mes côtes.
- Ainsi Dumbledore a pris plus de précautions pour protéger Poudlard qu'il ne nous en a avoué
- C'est bizarre, non? fit Ron. Je veux dire, pourquoi nous le cacher? S'il y a des gardiens dans le château, bah tant mieux! Personne ne va aller râler!
- Il a sans doute peur des protestations des parents. Comme quand Rita Skeeter a dévoilé que Hagrid était un demi-géant: les gens ont du mal à accepter ceux qui sont différents. Peut-être que les gardiens employés par Dumbledore sont d'un genre différent, eux aussi.
- Ou peut-être tout simplement qu'il se méfie des parents d'élèves trop informés, fit Hermione. Il n'y a pas que les Mangemorts qui sont susceptibles de dévoiler des choses à Vous-Savez-Qui. Il a d'excellents moyens de faire avouer les gens, malheureusement.
L'après-midi était à peine entamé quand les trois amis rentrèrent au château. Ils n'avaient plus rien à acheter, et la joie de traîner hors de l'enceinte de l'école s'était bien réduite depuis que planait la menace de Voldemort. Harry insista pour pousser leur promenade vers l'autre côté de Pré-au-Lard, à la recherche d'un certain gros chien noir, mais ils ne trouvèrent aucune trace de lui. L'absence de Sirius avait quelque chose d'inquiétant.
En repassant le portail de Poudlard, Ron eut une idée:
- Hé, si on passait voir Hagrid? Ça fait depuis la rentrée qu'on est pas allés le voir en dehors des cours.
La vérité, c'est que Hagrid était très occupé: toujours cette fameuse mission que lui avait confié Dumbledore, et dont les trois jeunes Sorciers connaissaient la teneur sans avoir le droit d'en parler.
Mais ce jour-là, quand ils frappèrent à la porte du garde-chasse, le grand homme les acceuillit joyeusement:
- Harry! Ron! Hermione! Je me demandais si vous m'aviez oublié.
Confus, ils entrèrent dans la cabane, où régnait une douce chaleur. Crockdur leur sauta au cou, léchant abondamment les mains, les joues et tout le reste.
- Asseyez-vous, asseyez-vous, disait Hagrid en s'agitant dans tous les sens. Alors, qu'est-ce que vous voulez boire? Du thé? Du sirop de courgette? Et des petits gâteaux secs, ça vous va?
En réalité, les "petits gâteaux secs" étaient plus durs qu'une pile de parpaings. Mais ils en mangèrent poliment, en essayant d'éviter de gémir sous l'effort de mastiquation.
- Alors, comment ça se passe? Les cours, tout ça. Bien? Vos nouveaux professeurs?
- Ils sont pas mal, dans l'ensemble, dit Ron. Funestor est bien, il fait un peu trop de cours magistraux mais ça va. Fire Miss Fireflies, pardon, elle est sympa, quand elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Et Mrs Géranium est complètement folle, mais elle fait de bonnes explications.
- C'est vrai, approuva Harry.
- Et Bill? fit Hagrid, l'air de rien.
Ron se renfrogna. Il évitait un maximum de parler des cours de Bill. Ça n'était pas tant d'avoir son frère comme prof enfin, si, ça le dérangeait un peu mais ce qu'il ne supportait pas, c'est de n'avoir pas été prévenu. Il avait découvert que Bill était le nouveau prof de Défense contre les Forces du Mal en même temps que tous les autres élèves, et ça lui avait fait un choc. Quelque part, il se sentait trahi. Voilà pourquoi il n'avait pas débuté l'année dans de bonnes conditions avec les cours de son frère, et voilà pourquoi il avait du mal à raccrocher aux wagons.
- Bill? répéta Hermione. C'est un bon prof. Il nous apprend plein de trucs.
- Je vois, fit Hagrid, qui avait noté l'expression de Ron. Peut-être cela vous intéressera-t-il de savoir qui a recruté Miss Fireflies?
Il avait parlé d'une voix joyeuse, pour changer de sujet.
- Allez-y, racontez, fit Hermione.
- Eh bien c'est moi! dit-il fièrement. Je savais que Dumbledore cherchait un professeur de Défense contre les Forces du Mal, et ma mission dans le nord incluait la recherche d'une personne compétente. J'ai rencontré la petite Luce dans un bar, en Estonie, par un jour de tempête terrible. Elle s'était réfugiée au chaud, tout comme Olympe et moi (Harry, Ron et Hermione haussèrent les sourcils en entendant parler de la directrice de Beauxbâtons, mais ils ne firent aucune remarque). Soudain, un monstre a surgi au milieu de l'ouragan, une bestiole incroyable! Toute de crocs et de fumée, je n'en avais jamais vu de telles! Elle a commencé à s'en prendre aux habitants du village. Aussitôt, Luce Fireflies avait bondi. En un murmure, elle a changé sa baguette en sceptre d'Invoqueuse, puis elle a fait venir une Chimère de belle taille, qui a renvoyé le monstre se cacher en quelques minutes. Ensuite, elle a réalisé un sortilège d'amnésie à l'échelle du village, toujours grâce à son sceptre et à une danse. Moi, je me suis précipité pour lui parler, et j'ai appris qu'elle était anglaise, et elle a accepté d'enseigner à Poudlard. Quand Dumbledore a vu ses talents d'Invoqueuse, il a décidé de remettre cette magie au programme, d'autant plus qu'il avait déjà engagé Bill.
- Et qu'est-ce que vous avez vu d'autre, en Estonie? demanda Harry.
C'était une question parfaitement innocente. En apparence.
Mais il apparut que Hagrid avait bien des anecdotes à raconter sur son tour d'Europe, de la Roumanie à l'Estonie. Et pendant plusieurs heures, ils discutèrent de toutes les étonnantes créatures dont le garde-chasse avait croisé la route, des coutumes étranges des peuples de Soricers de divers pays, et de bien d'autres choses. Malheureusement, il resta hérmétiquement clôt sur le sujet des géants, en dehors du fait qu'ils les avaient trouvés. Il affirma que le moment viendrait où les trois jeunes Sorciers se trouveraient parfaitement renseignés à leur sujet.
- Au fait, demanda Hagrid à Harry au moment où ils allaient rentrer pour le dîner. Tu as essayé ton Grsobskcquoksgrossbak?
- Heu mon quoi?
- La poudre d'hominisme, traduisit-il obligeamment.
- Ah! fit Harry, confus. Non, pas encore. Je la garde pour une bonne occasion.
À vrai dire, Ron le soupçonnait de l'avoir tout simplement oubliée.
- C'est bien, dit le demi-géant en les poussant dehors de ses énormes paluches. Allez, rentrez vite, il va bientôt faire nuit. Il ne faudrait pas que vous manquiez le début du banquet!
Dans les plafonds de Poudlard, les deux clans rivaux d'araignées se menaient une guerre sans merci. Les conservatrices, menées par Sh"'s¨hs*, avaient formé des places-fortes, d'où elles guettaient de pied ferme les attaques des milices de Shhs"¨sh¨¨'¨h, la petite araignée jaune tachetée de brun.
Mais aujourd'hui, peut-être en raison du caractère particulier de Halloween, Shhs"¨sh¨¨'¨h demandait une trève.
- Ssshº"'"¨¨hs^^^^°! tic tic! criait-elle depuis ce qui tenait lieu de pont-levis aux toiles fortifiées.
- Tic tic tic tic tic tic tic tic tic tic tic tic tic! menacèrent les araignées retranchées.
- Shshss's´`''sss™h™°, sssh¨¨¨¨s~~~s`hs! Shs's's'"¨^*shshhh°! tictictic tic sh~tic shhhh^^^'`! S"¨¨¨^~ssssssssh°°¨¨sh tic tic shhh*s shsh " ¨^¨ hs! tictic tic!
- Shssssss Shssssss râlèrent les araignées de Sh"'s¨hs*.
Elles se concertaient, apparemment déstabilisées.
C'est alors que survint Sh"'s¨hs* elle même, majestueuse, du haut de ses longues pattes fines. Elle portait un petit anneau d'or sur la mandibule droite, symbole de souveraineté. Toutes les araignées s'aplatirent sur son passage.
- Sssss™*ss tic? lança-t-elle aux armées de son ennemie. Sssssh! (elle parlait avec les de l'accent royal).
- Shs ¨^¨^¨^¨shhtic tic tictic! hurla Shhs"¨sh¨¨'¨h, qui ne s'encombrait pas de pincettes, même pour s'adresser à une reine.
- Sh.
L'ordre avait claqué comme un fouet, péremptoire. Les araignées de Shhs"¨sh¨¨'¨h reculèrent, terrifiées, tandis que l'armée de Sh"'s¨hs*, ravigorée par la présence de leur reine, se mettait au travail. Certains fils furent tendus, d'autres sectionnés, la machine infernale était lancée. En quelques secondes, la voûte qui surplombait la citadelle Sh"'s¨hs*esque s'effondra, privée de ses cales. Les armées de Shhs"¨sh¨¨'¨h, stationnées juste en dessous, cliquetèrent de terreur en voyant tomber le ciel et battirent en retraite précipitamment. Mais elles ne pouvaient rien contre la gravité, et la plupart furent aplaties comme des crêpes (format maison de poupées) en essayant de fuir.
Au-dessus, retranchées dans leur forteresse de fils de soie durs comme l'acier, les araignées de Sh"'s¨hs* ricanaient dans un concert de cliquètements cruels.
- Hé! pesta Ron en recevant un morceau de plafond sur la tête.
Il s'arrêta pour épousseter sa robe, grise de poussière. Ses cheveux étaient pleins de gravats.
- Il tombe en loques, ce château! râla-t-il en courant pour rejoindre Harry et Hermione.
- Dépêche, on est en retard! fut la réponse de Harry.
Hum.
- Ça te va bien de dire ça! bougonna Ron. Si tu n'avais pas tenu à te laver les dents! Juste avant de passer à table
- Tu permets? répliqua son ami, vexé. J'avais une haleine de Bièraubeurre. Toi ça ne te dérange peut-être pas, mais moi si!
C'est ce moment que choisit Hermione pour s'interposer:
- Dites! Si vous avez l'intention d'être désagréable toute la soirée, je vais avec les Serdaigle de septième année!
- Ça leur ferait une belle jambe, marmonna Ron.
- Je te demande pardon?
Mais Ron s'arrêta là, parce qu'il savait que quand son amie arborait cette face de chouette courroucée, ça risquait fort de déraper.
Ils entrèrent dans la Grande Salle peu après le début du concert. Dumbledore et les autres professeurs s'étaient encore décarcassés pour instaurer une ambiance digne d'Halloween: des citrouilles ricanantes flottaient au-dessus des tables, des squelettes en chapeau haut-de-forme présentaient un numéro de claquettes, un groupe de rockeurs jouaient une musique endiablée sur des instruments étranges, allant d'un tas de cailloux sonores à des cordes qui se dandinaient dans les airs et formaient des nuds bizarres et musicaux.
Ron, Harry et Hermione s'installèrent à table, en se frottant les mains d'appétit. Les mets étaient pour la plupart étranges, avec des goûts aussi inattendus que des légumes inconnus qui sentaient le homard, ou des quartiers de potiron parfumés à la vanille. Le bruit courait parmi les élèves que les Elfes de maison avaient caché un plat spécial, préparé à la demande de Dumbledore, et qui avait goût de crotte de nez*.
Les entrées furent remplacées par les plats principaux, toujours aussi variés. Et, comme il n'y a pas de Halloween sans déguisements, certains plats étaient ensorcelés. Ainsi, au long de la soirée, de plus en plus d'élèves, et même des professeurs, se retrouvèrent affublés de nez crochus de vingt centimètres garnis de verrues, ou de crocs et de faces poilues, ou encore d'ailes de chauve-souris, de sabots, de griffes acérées et de bien d'autres choses encore. Incompréhensiblement, on dénota même un lapin géant parmi les Poufsouffles. Le lapin en question eut l'air de plutôt bien accepter sa conditions nouvelle; toujours est-il qu'il se mit à brouter les plats de carottes au gingembre sans rechigner.
Ron explosa de rire lorsqu'une paire d'oreilles de troll se mirent à grandir sur Harry, bientôt suivies du nez en patate et de la peau rugueuse, vaguement minérale. Mais il le regretta, parce que l'instant d'après lui-même s'était changé en demi-dragon aux naseaux fumants, et qu'il ne lui restait plus comme solution pour tenir sa fourchette que de la serrer entre deux pattes griffues. Quant à Hermione, un pelage doré envahit son visage, sa main se contracta en une patte souple à griffes rétractibles, ses yeux prirent une teinte brun-doré inquiétante et son souffle se fit profond. Tous les Gryffondors reculèrent en reconnaissant un Nundu, certainement la créature magique la plus redoutable du monde Sorcier, dont le souffle était porteur de maladies dévastatrices, qui ravageaient des villages entiers en Afrique.
- Ça va, grogna Hermione. Je ne suis pas contagieuse.
- Retiens ton souffle! supplia Seamus.
- Eh, c'est bon! fit Harry. Ils n'auraient pas inclus les pouvoirs meurtriers dans les enchantements! Vous imaginez le carnage, sinon?
Rassurés (plus ou moins), les Gryffondors se rassirent.
- Harry! murmura Ron en poussant son ami du coude.
- Ouais?
- Regarde Malefoy!
Le Serpentard, qui trônait au milieu de la table à son habitude, venait de se transformer en fouine géante! Il avait rarement eu l'air aussi ridicule, avec son chapeau pointu sur sa tête de muscélidé rageur et ses poils blonds décolorés sur le haut du crâne. Harry et Ron se tordirent de rire.
Mais soudain, l'expression de Harry changea du tout au tout. Ses yeux se voilèrent, ses dents se serrèrent, il porta la main à la bouche et se leva à toute allure.
- Harry! fit Hermione.
Ron et elle échangèrent un regard inquiet, puis ils se jetèrent à sa poursuite.
Ils le rattrapèrent dans l'entrée du château, plaqué au mur, livide sous sa peau de troll.
- Harry, qu'est-ce qu'il y a?
Mais il ne put répondre, car la douleur venait de le plier en deux. Il hurla, tomba à genoux. Il donna un coup dans le sol qui fit trembler les murs, mais ça ne calma pas sa souffrance, au contraire.
Ses hurlements portaient jusqu'à la Grande Salle, et bientôt des gens allaient rapliquer pour voir ce qui se passait. Ron et Hermione se consultèrent du regard, chacun lisant la même impuissance dans les yeux de l'autre.
- Un sort! dit Ron. Il n'y a pas un sort pour le calmer?
- Tu sais bien que je suis incapable de lancer le moindre sort, murmura-t-elle.
- On l'emmène à l'infirmerie?
- Comment tu veux le porter? Il gesticule trop.
Pour toute réponse, Ron s'arma de sa baguette et fit léviter Harry. Puis il s'enfonça dans un couloir au pas de course, suivi par Hermione.
Un bruit grave, comme un roulement de tonnerre, le fit tourner la tête. Les lourdes portes de la Grande Salle venaient de s'ouvrir d'un coup, et Dumbledore était sorti à grands pas. Il traversa l'entrée et quitta le château, terrifiant de puissance. Une aura de magie furieuse l'encerclait.
- Pourquoi il s'en va? s'étonna Ron.
- Il a dû se passer quelque chose, fit Hermione. Ce n'est pas un hasard si Harry a une crise (elle le montra du doigt, tordu de douleur et hurlant, sa cicatrice rougeoyante). Tu sais quel jour on est?
- Halloween. Bien sûr. L'anniversaire de la chute de Tu-Sais-Qui.
Elle hocha la tête.
- Il faut mettre Harry à l'abri.
Rogue se plaça au centre de la Grande Salle de Poudlard:
- Écoutez-moi!
Les fantômes tournèrent un regard vide vers lui. Certains ne levèrent même pas les yeux.
- Écoutez-moi tous! Vous n'êtes pas ici par hasard! Amis, je suis envoyé par Albus Dumbledore, le plus grand Sorcier de mon époque, un descendant de Myrrdhin lui-même. Il souhaite demander votre aide. Morts, m'entendez-vous?
Un frémissement, comme le vent dans les feuilles mortes, parcourut la salle. Rogue décida que c'était bon signe.
- Morts, vous n'avez pas de but. Vous errez sans espoir, sans fin. Voulez-vous saisir cette chance de retrouver un combat? De vous battre pour une cause?
- Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse? lança un petit garçon. Tu as vu ça? (Il secoua sa chaîne d'or pour mieux l'exhiber) Comment tu veux qu'on sorte d'ici?
- En levant la malédiction qui vous retient sur ces terres. Alors vous pourrez vous battre à nos côtés, puis rentrer chez vous.
- Tu es stupide, l'homme! dit froidement une adolescente. Tu crois quoi? Qu'on va vous faire gagner un combat? Regarde ça.
Elle tendit la main. Celle-ci traversa le corps de Rogue sans aucune résistance.
- Nous ne sommes plus rien. Laisse-nous dans notre silence et retourne chez toi.
- Chez lui! Chez lui! piaillèrent les fantômes. Trop tard! Trop tard!
- Pourquoi trop tard? cria Rogue par-dessus le chahut.
- Réfléchis! fit un des morts. Tu es entré dans la Mort. Comment ose-tu espérer en sortir?
- Je ne fais que passer! clama l'homme, pour lutter contre la panique qui montait en lui. Je peux quitter ce monde quand je le veux! Mais je ne le quitterai qu'avec une armée de morts à mes côtés! Qui veut en être?
- Trop tard! Trop tard!
- Tu es entré, dit une fillette aux grands yeux tristes. Maintenant tu deviens comme nous.
- Non!
- Trop tard! Trop tard! clamaient les morts, comme autant de sinistres augures s'élevant vers le plafond enchanté.
- Le château se conduit bizarrement.
Les grands yeux inquiets d'Hermione étaient soulignés par son faux pelage de Nundu.
- Quoi? fit Ron, concentré sur Harry qui se débattait.
- Regarde.
Ils couraient dans un couloir vaste, décoré d'armures emplumées et de tableaux anciens.
Les tableaux étaient vides.
- Où sont-ils tous partis? s'étonna Ron.
Il dût s'aggriper à sa baguette, parce que Harry donnait une secousse si forte qu'il risqua le décrochage. Hermione était très grave sous ses poils dorés.
- Je l'ignore, mais ça m'effraie. Tu as vu les lanternes? On dirait qu'elles sont voilées.
Et maintenant qu'elle le disait, Ron remarquait à son tour le phénomène: les lumières du château semblaient n'éclairer qu'elles-même. Elles brillaient, mais elles n'éclairaient rien autour d'elles.
- Oh!
Ils venaient de passer devant une fenêtre. Dehors, le ciel était d'un rouge sanguinolent.
- Oh la la gémit Hermione.
- C'est grave?
- Plus que ça c'est carrément dément.
- Quoi? Qu'est-ce qui se passe?
- Je n'en ai pas la moindre idée, dit-elle. Justement.
Ils parvinrent finalement à l'infirmerie. Là, Mme Pomfresh les accueillit avec inquiétude et refusa de les laisser partir.
- Quelque chose se prépare, affirma-t-elle. Vous serez plus en sécurité ici.
- S'il vous plaît, Madame! supplia Ron. On peut aller avertir les gens! Ici, on ne sert à rien.
- Peut-être, mais tant que vous êtes ici, je suis sûre de ne pas vous retrouver dans un de mes lits d'ici une heure!
Et elle partit s'occuper de Harry, qui continuait à hurler à pleins poumons. Cela devenait terrifiant. Ça ne s'arrêterait donc jamais?
Un regard à Hermione suffit pour que le jeune Sorcier soit sûr d'une chose: ils ne pouvaient pas rester à l'infirmerie si quelque chose de grave survenait au-dehors. Ils devaient être là pour se battre.
Aussi, dès que Mme Pomfresh fut rentrée dans son bureau, ils prirent la poudre d'escampette.
Ils coururent plusieurs minutes avant d'être sûrs de ne pas être poursuivis.
- Bon, où est-ce qu'on va? haleta Ron.
- On retourne à la Grande Salle. S'il se passe quelque chose, ce sera là-bas.
Mais en passant devant une fenêtre, Ron s'immobilisa. De là où ils étaient, ils dominaient le tronc central du château, les ailes Est et Sud et les tours qui les couronnaient. Par les vitraux géants de la Grande Salle, ils voyaient que tout allait bien: les élèves étaient assis à leurs tables, le dîner se déroulait correctement, malgré le départ de Dumbledore.
En revanche, sur le ciel rouge sang, se détachait avec netteté la Tour Est.
Et, à son sommet, un Sorcier faisait fulgurer d'immenses éclairs de feu magique, allumant le ciel des flammes de l'enfer.
- Tour Est, dit Hermione.
Elle partit en courant.
- Attend! cria Ron. Dans quoi on se jette?
Il la suivit de son mieux. Au carrefour suivant, il l'avait déjà perdue de vue.
- Hermione! cria-t-il.
L'écho des murs froids lui répondit. Les tableaux et les tentures qui décoraient le couloir s'étaient vidés de leurs occupants. Les socles des armures avaient été désertés.
- Comment est-ce qu'elles ont pu se tirer, celles-là? s'interrogea Ron à voix basse.
Mais il fit un bond de deux mètres quand il entendit répondre:
- Oh, très simplement, en marchant.
Il regarda tout autour de lui.
- Qui qui a parlé?
- Moi, dit un tableau.
Avec soulagement, il reconnut un personnage de peinture, un petit garçon aventureux vêtu d'habits de toile rapiécés et d'un béret.
- Où sont-ils partis? interrogea Ron.
- Ils se cachent, affirma le garçon. Ils ont peur.
- Et pas toi?
- Moi je n'ai peur de rien! claironna-t-il en brandissant sa baguette, montée à grands renforts de ficelle sur un bâton en forme de fusil.
C'est à ce moment que surgit une femme dans le tableau, habillée pauvrement et terriblement inquiète.
- Gavroche! viens ici! Ça va arriver!
- C'est bon, Maman, râla le garçonnet. Ils vont pas nous mettre le feu!
Mais sa mère l'entraîna dans le cadre. Gavroche eut juste le temps d'adresser un salut du béret à Ron:
- Bon combat, citoyen!
Puis ils disparurent hors du tableau; ils ne réapparurent pas dans le suivant.
- Qui va arriver? s'interrogea Ron, seul dans le couloir déserté.
Il fallait absolument qu'il retrouve Hermione.
Mais ça n'allait pas mieux dans le reste du château, au contraire. Il traversa de nombreuses salles au pas de course, enfila des couloirs sans fin. Partout, tout dérapait.
Dans la ménagerie qui jouxtait la salle de Métamorphoses, les aras, les koalas, les lémuriens et autres habitants des grandes cages en fer forgé étaient pris de panique: ils se jetaient contre les barreaux, couinaient, croassaient ou gémissaient. Certains étaient pris d'une frénésie magique et se changeaient en tabourets, en vases ou en verres à pieds sans raison apparente. Plus loin, Ron dut sautiller au travers d'une flaque d'eau qui barrait le couloir, mais celle-ci ne se comportait pas comme les flaques habituelles: elle faisait trente centimètres de hauteur, et s'arrêtait net sur les bords, comme contenue par un grand aquarium. Les gouttelettes que le garçon fit décoller en courant dans l'eau restèrent suspendues en apesanteur.
Encore plus loin, il découvrit un cimetière, qui n'avait rien à faire à cet endroit-là. Il lut quelques pierres tombales au passage: c'étaient tous des élèves de Poudlard, ceux qu'il avait vu en vie le soir-même. Le château délirait.
Enfin, il parvint à l'escalier de la Tour Est et s'y engouffra. Des volutes de magie envahissaient l'air; et ce n'était pas de la magie blanche.
Au moment où il arrivait à l'air libre, il se cogna dans quelque chose. Quelque chose de tiède. À la lueur du ciel sanglant, il reconnut Hermione. Paniqué, il chercha son pouls. Elle n'était pas morte. Sans doute évanouie, mais peut-être plus grave.
Le moment était venu de savoir. Le Sorcier responsable de tout ce chamboulement était là-haut, en train d'accomplir quelque rituel désastreux. Ron ne doutait pas un instant que ce soit Voldemort. Ce dont il doutait, c'était de ses capacités à lui faire face. Il ne s'appelait pas Harry Potter, lui.
Il sortit la tête de son recoin, tout doucement. Il ne voyait que le ciel rouge, et les éclairs de magie qui fulguraient.
Enfin, il l'aperçut.
Comme toujours dans ces cas-là, ça n'était pas du tout Voldemort.
C'était Morgane Wakewage.
"Et merde" songea Ron. Qu'est-ce qu'elle fabriquait? Y avait-il un rapport avec les actes de Voldemort? Parce qu'il ne se faisait pas d'illusions: si Harry avait une attaque, c'est que quelque part, pas loin sans doute, Voldemort faisait des ravages.
C'est alors qu'il remarqua ce que tenait Wakewage.
Elle était assise dans un octogramme, irradiant de lumière rouge, et dans ses mains en coupe reposait la Pierre d'Orian.
"Tiens, on l'avait presque oubliée, celle-là" grogna Ron dans sa tête. Était-ce Wakewage qui avait assomé Hermione?
Et, comme pour répondre à sa question, une torpeur l'assaillit. Sa tête se mit à tourner, et il s'aggripa à la pierre du mur pour ne pas tomber.
Bien sûr, si elle faisait un rituel interdit et qu'elle ne devait pas être découverte, elle avait protégé son périmètre. Perosnne ne pouvait approcher sans s'évanouir.
Il fallait intervenir.
Stupidement, Ron se jeta hors de sa cachette. Il jaillit devant Wakewage, à moitié endormi, la tête douloureuse. La Sorcière sursauta à sa vue.
- Lâche cette pierre! ordonna Ron d'une voix pâteuse.
Incompréhensiblement, elle avait l'air terrifiée par lui. Il ne savait pas pourquoi, mais il comptait bien l'exploiter. Il avança d'un pas.
- Lâche!
- Arrière! hurla Wakewage.
Les flammes retombèrent, la nuit rouge les engloutit et la jeune fille se releva, sortant de l'octogamme. La Pierre était dans sa poche.
Et soudain, Ron comprit. Si Wakewage était là depuis le début de la soirée, alors elle n'avait pas participé au banquet d'Halloween. Elle n'avait pas vu les élèves se métamorphoser les uns après les autres. Elle n'était pas préparée à voir surgir un demi-dragon fumant habillé d'un uniforme de Poudlard, et brandissant une baguette entre ses griffes.
Il grogna en montrant ses crocs. Des flammèches dansèrent au bout de son museau. La Sorcière recula, mal à l'aise.
Ron lui bondit dessus; ils tombèrent à terre et il se mit à fouiller ses poches à la recherche de la Pierre. Il ignorait pourquoi, mais ça devait être important de la lui ôter.
Mais Wakewage ne se laissa pas faire: malgré sa terreur, elle lutta à coups de pieds et de poings. Si la nouvelle apparence de Ron lui conférait une masse supérieure et une peau écailleuse, il restait sensible à ses attaques. Énervé, il envoya un coup de patte qui fit une balafre sanglante sur la joue de la fille.
Elle s'immobilisa, les yeux agrandis de terreur, paralysée. Ron découvrit finalement la Pierre, la saisit et se releva.
- Aïe!
Elle l'avait brûlé. Il la laissa tomber, et Wakewage s'en saisit, plus vive que l'éclair. La main, ou la patte de Ron était pleine de cloques.
Mais il y avait plus grave. Wakewage commençait à comprendre à qui elle avait à faire: elle fixait les yeux du Sorcier, qui n'avaient pas changé, malgré leurs pupilles jaunes et verticales. Ayant lui-même vu Harry et Hermione, les garçon savait bien qu'on reconnaissait les gens à leur yeux, malgré le camouflage magique.
- Weasley? hasarda la fille. Ron?
- Ouais, grogna-t-il. Rends la Pierre. Dis-lui d'arrêter de brûler et rends-la.
- Elle n'obéit qu'à moi.
- Justement, tu as déjà fait assez de dégâts avec. Rends-la.
Elle haussa les épaules. Dans ses yeux d'un vert sombre se reflétait le ciel, plus rouge que les coquelicots en été.
- Tu ne sauvera plus rien. Il a déjà commencé.
- Commencé quoi? demanda Ron, glacial.
- À obscurcir le ciel, qui sait? fit-elle d'un ton léger.
Elle reculait doucement vers le bord de la tour.
- Qu'est-ce que tu étais en train de faire? questionna Ron.
- Je soufflais mes bougies. La petite Miss Muffet compte à rebours depuis 5110.
- C'est ça. Fous-toi de ma gueule.
Elle haussa les épaules, avec un petit sourire exaspérant, souligné par la ligne de sang qui lui coulait sur la joue. Puis elle fit volte-face et courut comme une folle vers le bord.
- Non! cria Ron.
Elle escalada le rebord et sauta.
Il courut pour la voir tomber. Elle avait ouvert les bras en croix. Elle disparut dans les ombres du pied du château. Il n'entendit aucun bruit d'écrasement.
À l'Est, le ciel s'enflamma d'un coup. Des éclairs montèrent jusqu'aux nuages, eux-mêmes teintés de doré. Une aurore boréale dansa follement, avant de s'évanouir comme elle était venue. Une tornade passagère s'illumina d'étincelles de magie brute, mais fut soufflée à la base à peine crée.
Ron courut vers Hermione: elle était réveillée, et elle se massait le crâne.
- Ça va? fit-il.
- C'était qui? s'enquit-elle aussitôt.
- Wakewage.
Elle ne fit aucune remarque, mais son expression en disait long. Ron l'aida à se relever, et elle marcha jusqu'aux créneaux pour regarder à l'Est.
- Il se passe quoi, d'après toi? fit-elle.
- Tu-Sais-Qui.
- Près ou loin?
- Très près. C'est à Pré-au-Lard que ça pète.
- Et elle?
- Wakewage? Elle tente de le stopper, ou alors elle l'aide, je ne sais pas. Elle a l'air de quelqu'un qui se fait pas mal d'illusions.
- Elle a la Pierre d'Orian.
- Elle a aussi la grosse tête, à mon avis.
- Tu crois que Harry va mieux?
- Je ne sais pas, dit Ron. On va voir?
Bien sûr, il y eut un lendemain. Bien sûr, il y eut des réveils difficiles, des maux de tête et des inquiétudes. Bien sûr, il y eût un eptit déjeuner et l'arrivée du courrier. Et bien sûr, de nombreux hiboux apportèrent la Gazette du Sorcier.
À partir de là, ils eurent l'impression d'entrer dans un rêve. Ils évoluaient, terrifiés, privés de repères. De nombreux, de très nombreux orphelins quittèrent la Grande Salle, incrédules et effondrés.
Cent-trente morts. Treize bâtiments rasés. Des dizaines de Moldus touchés. Treize ttaques, menées en treize endroits différents, par des équipes de treize Mangemorts. Treize, treize, treize. En treize endroits la Marque des Ténèbres avait flotté cette nuit.
La Gazette du Sorcier s'abstenait vaillament d'évoquer l'attitude des politiques. Cornélius Fudge allait sauter. C'était une question de jours, mais plus de semaines ni de mois. Son gouvernement finirait tôt ou tard par le désavouer.
Mais en attendant, rien n'était fait pour stopper Voldemort. Et Ron, qui contemplait son porridge sans réussir à l'avaler, brûlait d'une furieuse envie de s'en mêler.
Finalement, il n'y tint plus. Il tapa du poing sur la table:
- Bon. Qu'est-ce qu'on fait?
Harry leva vers lui des yeux las, aux cernes immenses, des yeux de fou furieux. Quant à Hermione, elle resta obstinément braquée sur son uf frit, naufragé dans son huile et toujours intact depuis dix minutes.
- Qu'est-ce qu'on fait? répéta Ron, plus fort. On laisse Vous-Savez-Qui continuer comme ça? On reste bien à l'abri, sans agir, pendant qu'il tue tous les Moldus et les enfants de Moldus et les Sang-mêlés? Pendant qu'il détruit tout ce qu'on a construit depuis treize ans, nous on se croise les doigts?
- Qu'est-ce que tu proposes? fit Harry d'une voix âcre.
- J'en sais rien. J'en sais rien du tout. Mais ça peut pas continuer, il faut Ron était à court de mots, à cours de forces. Il sentait toute son impuissance monter comme la marée et menacer de déborder.
- il faut que ça s'arrête. Il faut qu'on fasse que ça s'arrête.
- Il y a une chose qu'on peut faire, émit Hermione depuis son uf froid.
- Quoi? s'enquit Harry, plus ténébreux que jamais.
- Elle.
- Ouais?
- Elle sait des choses.
- Venez, dit Harry en se levant. On va en parler ailleurs.
Ils se réunirent dans une salle vide, une salle où flottait encore un parfum de magie noire, comme partout ailleurs dans le château. Le ciel nuageux gardait un reflet rougeâtre, inquiétant.
- Résumons, commença Harry. Que savons-nous sur Wakewage?
- Elle est fille de Mangemort, dit Ron. Elle est bulgare et a fait sa scolarité à Durmstrang. Elle a demandé à être transférée à Poudlard pour des raisons plus que vagues
- C'est faux, dit Hermione. Enfin, pas Durmstrang, mais les Mangemorts. Et sa nationalié.
Les deux autres l'interrogèrent, surpris. Elle s'expliqua:
- C'était dans une lettre que j'ai reçu de Viktor. Je lui ai demandé ce qu'il savait des Shrakow. Ils ont adopté Morgane quand elle était bébé, voilà pourquoi elle ne porte pas leur nom de famille. Elle est de nationalité anglaise, d'après Viktor. Et elle n'a jamais vécu avec son père adoptif, pour la simple raison qu'il était en prison jusqu'à cet été. Comment Vous-Savez-Qui l'a libéré, ça c'est un mystère. Pourquoi aurait-il fait son attaque d'Azkaban ces derniers jours s'il pouvait déjà faire sortir certains des Mangemorts dès son retour?
- On verra après, dit Harry. Continue.
- Toujours d'après Viktor, Morgane et Anja Shrakow ont vécu dix ans en Angleterre, avant de rentrer en Bulgarie pour débuter sa scolarité à Durmstrang.
- Voilà pourquoi elle parle parfaitement l'anglais, dit Ron.
- Et voilà pourquoi elle est venue ici plutôt que dans n'importe quelle école plus proche de chez elle. Elle se sent bien en Angleterre.
- Continuons, dit Harry. Qu'est-ce qu'on sait d'autre?
- Elle sait transplaner, fit Ron. Même à plusieurs.
- Justement, murmura nerveusement Hermione. Il y a quelque chose Vous êtes sûrs d'avoir tranplané avec elle? Je veux dire, elle n'aurait pas enchanté un Portoloin à votre insu, ou quelque chose?
- Non, dit Harry. Ce n'était pas la même sensation qu'un Portoloin. Je crois qu'elle nous a fait transplaner. Pourquoi?
Hermione secoua la tête, nerveuse.
- Non, rien. Il faut que je vérifie.
- À part ça, reprit Ron, on sait que Wakewage nous a menti à propos d'Hermione. Elle a raconté qu'elle la connaissait bien, qu'elle était présente quand les Mangemorts sont venus l'enlever
- C'est totalement faux, affirma Hemrione.
- Qu'elle voulait la sauver parce que c'était son amie, que pour ça elle avait fait trois jours de balais non-stop pour venir te chercher, Harry.
- On peut donc légitimement se demander: si ce n'est pas par immense compassion pour Hermione, pourquoi est-ce qu'elle s'est offert trois jours de balais simplement pour venir me chercher? Ça n'a pas dû être de tout repos.
- Tout à fait, approuva Ron. Et je n'ai pas de réponse.
- Moi j'ai des soupçons, dit Hermione. D'après tout son bazard avec la Pierre d'Orian et Voldemort, son but était sûrement de battre celui-ci. Comme tu dis, Ron, elle a la tête plus grosse qu'une mongolfière.
- Mais pourquoi Harry?
- Parce que, comme tant d'autres en ce bas monde, elle est persuadée que je suis le seul à pouvoir venir à bout de Voldemort à nouveau, dit sombrement l'intéressé.
- C'est pas logique, fit Ron en secouant la tête. Comment aurait-elle pu savoir qu'elle allait trouver la Pierre d'Orian? Parce qu'elle ne savait pas où la trouver, elle l'a appris quand des Mangemorts en ont parlé juste à côté de nous, tu te souviens? Et même après, elle ne connaissait pas le mot de passe, elle l'a deviné.
- Une prophétie? proposa Hermione. Ou un bouquin sur l'Histoire de Durmstrang?
- De toute façon, là n'est pas la question, dit Harry. Si elle n'avait pas trouvé la Pierre, elle m'aurait simplement traîné devant Voldemort en espérant que ma bonne fée fasse un miracle.
- Là, je ne suis pas d'accord avec toi, trancha Ron. Il y avait trop de préméditation pour que son plan se réduise à ça. À mon avis, ce qu'elle voulait, ce n'était pas tuer Vol Vol Tu-Sais-Qui. Ce qu'elle voulait, c'est voler la Pierre d'Orian. Et si elle t'a mêlé à ça, Harry, c'est parce que tu étais son bouclier contre Tu-Sais-Qui, au cas où il lui aurait barré la route.
- Ça voudrait dire que quelque chose se prépare autour de cette Pierre, murmura Hermione. Quelque chose d'énorme.
- Je le crois, fit Ron.
Les flammes de la cheminée traçaient des ombres dansantes sur le mur, et sur leurs visages inquiets.
– fin du chapitre 15 –
* Comme toutes les rumeurs, elle avait un fond de vérité. En fait, ça n'avait pas été fait à la demande de Dumbledore, mais à son insu.
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Juste une petite note de l'auteur: Aujourd'hui, mardi 3 juin 2003, je suis toute heureuse et cousine d'un petit Merlin!
À bientôt pour un seixième chapitre l'aventure est loin de se clore!
Ona
