Chapitre 18: Et dans cet embrasement
Et Harry courait.
Il courait de toutes ses forces.
Plus vite que l'éclair.
Un pied, l'autre. Un pied, l'autre. Il ne touchait pas le sol.
Il devait fuir.
Avant que le monstre n'arrive.
Le monde était gris et terne. Il pleuvait. C'était typiquement le genre de monde où on s'attend à voir tomber une pluie fine et obsédante. Le genre de monde où les lois naturelles refusaient d'intervenir.
Par exemple, un Harry éreinté, poursuivi par une créature de six mètres de haut, sortie tout droit des cauchemars les plus ancestraux, pouvait très bien continuer à courir à la vitesse d'un cheval au galop.
Il savait pourquoi, évidemment.
C'était un rêve. Un fichu rêve.
Il avait très envie de se réveiller.
Des montagnes grises se profilaient à l'horizon. Un défilé aux parois hautes et lisses. Peut-être que le monstre ne pourrait pas entrer? Harry s'y engagea.
Les règles du cartoon valaient aussi dans les cauchemars, apparemment, parce que évidemment le défilé se terminait par un gouffre profond. Un coup d'il à gauche, un coup d'il à droite: pas d'issue. Un coup d'il derrière: le monstre avançait lentement entre les parois resserées, sûr d'avoir sa proie.
Harry hurla dans le vide:
- Arrete ça!
L'écho lui renvoya son ordre:
"rrête ça!"
"te ça!"
"ça!"
- Merde, bougonna le Sorcier.
Il avait sa baguette, mais il avait aussi parfaitement conscience de l'inutilité de lancer un sort à cette bestiole de six mètres de haut. Avec un peu de chance, ça l'énerverait encore plus.
Comme pour l'en convaincre, la bête se mit à rugir. Elle avait sur la gueule une expression qui rappelait curieusement un sourire sadique. Elle frappa la terre de son poing géant. Les cailloux qui jonchaient le sol firent des sauts périlleux.
- Ok, j'ai compris, fit Harry de mauvaise grâce.
Il ferma les yeux. Immédiatement, la magie afflua dans tous ses membres. Il la sentait, il savait comment l'utiliser. Mais il n'en avait pas envie.
Le monstre s'approcha un peu plus. De la bave dégoulinait de ses crocs démesurés.
Harry déchaîna l'enfer.
Quelques minutes plus tard, il posa un pied sur le cuir du bras du monstre. En tombant, la bête avait fracassé les falaises qui bordaient le défilé, s'enfouissant elle-même sous des tonnes de gravats. Harry monta sur son dos pour atteindre les éboulis, faciles à escalader.
En général, c'était autour de ce moment que Morgane apparaissait. Maintenant ou un peu après. Au début, Harry l'avait cherchée à chaque fois, mais depuis plusieurs semaines il avait compris qu'elle ne se laissait pas voir facilement. Elle n'apparaissait qu'au moment choisi par elle. Et de préférence, elle soignait ses entrées.
Cette fois-là, elle était assise sur le bord de la falaise. Ses jambes nues pendaient dans le vide, dix mètre au-dessus de Harry. Le vent agitait ses cheveux châtains, et le Sorcier aurait parié que c'était fait exprès.
Sans lever la tête, il cria:
- Je sais pourquoi tu viens, et la réponse est non. Alors vas-t'en.
- Tu t'en es bien tiré de cette créature! lança Morgane. Tu progresses.
- C'est quoi, ton problème? Tu te prends pour une prof? Tu es en manque d'un élève à entraîner? J'ai tué ce machin parce que c'était lui ou moi. Je ne me bats pas pour le plaisir.
- Comme tu veux. Mais tu ne te poses pas les bonnes questions.
- J'en ai soupé de tes énigmes, Wakewage. Dégage.
Il tourna les talons. Elle se mit lestement debout et le suivit, marchant sur la ligne de crête, loin au-dessus de lui.
- J'attends toujours ta réponse! cria-t-elle.
- Tu l'as eue! NON!
- Mauvaise pioche! Tu n'as que trois choix! Refuser ne sert à rien.
- Je choisis de ne pas participer à ton jeu débile. Non, c'est non. Ni l'une, ni l'autre, ni la troisième.
- Pourtant tu as déjà fais ton choix dans la vie réelle, dit Morgane avec perversité.
- Là n'est pas la question! C'est ma petite amie. Ce n'est pas parce que je sors avec elle que je choisis d'abandonner les deux autres.
- Parle toujours! il le faudra bien.
- Pas si je refuses de choisir.
- Crois ce que tu veux. Tu finiras par le faire, que tu le veuilles ou non.
Le dialogue aurait pu continuer longtemps, chacun voulant avoir le dernier mot, comme deux mômes qui se chamaillent. Mais Harry décida de changer de jeu, et il piqua un sprint. Aussitôt, il entendit Morgane sauter au sol et se lancer à sa suite.
Il courait vite, et c'était grisant. Il se servait de la magie pour accélérer. Chaque coup de talon dans le sol le propulsait trois fois plus fort qu'un coureur normal.
Arrivé dans une grande plaine, il étendit ses bras à l'horizontale et s'envola.
Il vola en rase-motte au-dessus des plaines infinies, puis au-dessus d'une forêt dont les feuilles lui chatouillèrent le ventre, puis au-dessus d'une mer aussi grise que le ciel et la terre dans ce monde de cauchemar terne et froid.
Il rejoignit une nouvelle forêt et s'y posa. Les branches grises s'agitaient doucement.
Quelques secondes plus tard, Morgane se posa à son tour et fit trembler la terre sous l'impact. Elle fit face à Harry:
- Bravo. Regarde où tu nous a amenés.
Il obéit. Là, à droite. Et devant. Et à gauche aussi. Il avait regagné les clairières où l'attendaient Cho, Hermione et Ginny.
- Lâche-moi avec ça! grogna-t-il.
- Oh, mais je ne te demande rien pour l'instant. Vas les voir. Elles ont quelque chose à te dire.
- La première vers qui je vais aller sera mon choix, pas vrai?
- Qu'est-ce que tu crois? Je ne te force pas la main. Ton choix doit être conscient. Et tu dois l'exprimer oralement. Je sais bien vers qui tu vas aller.
- C'est ça, marmonna-t-il en marchant vers la clairière de Cho.
Morgane le regarda s'éloigner.
Il avait cessé de pleuvoir, et Cho ne fuyait plus, cette fois. Elle regardait Harry s'approcher. Elle portait le même short en jean et le même t-shirt ample que la dernière fois qu'il l'avait vue en rêves. Dès qu'il fut près d'elle, elle lui ouvrit grand ses bras et il vint s'y blottir.
- Tu m'aimes? demanda-t-elle après qu'il l'ait embrassée.
- Je ne sais pas. Comment savoir?
- Si tu es heureux de me voir, chaque heure de chaque jour, c'est que tu m'aimes.
- Chaque fois que je te vois, tu éclaires mes jours. Tu es ma lanterne dans l'obscurité, mon soleil, mon rayon de lumière. Tu es douce comme la plume et pétillante comme une source d'eau vive. Je ne me lasserai jamais de te tenir dans mes bras, jamais je n'enterrerai ton souvenir. Tu es gravée en moi, ma douce Cho.
- Merci, murmura-t-elle à son cou.
Serrée contre elle comme ça, il sentait son cur qui battait. Il savait que cette audace, cette facilité avec laquelle les mots lui venaient n'avaient d'existence que dans ses rêves. Mais il savait aussi que tout ce qu'il disait à Cho pendant ses nuits lui donnait la force de se rapprocher d'elle pendant ses jours. Chaque fois un peu plus, il triomphait de la timidité, de la maladresse, et son cur résonnait à l'unisson avec celui de Cho.
- Allez, dit-elle. Tu dois y aller.
Elle s'écarta de lui et le poussa gentiment vers la clairière d'à côté.
Sur un dernier regard à son amour, il marcha vers Hermione.
Il la trouva en pleine activité magique, entourée d'éclairs et de flammes de magie fulgurantes. Elle accomplissait une danse occulte, et elle riait en même temps. Les bras de magie montaient jusqu'au ciel.
Harry applaudit à la fin du feu d'artifice. Hermione vint vers lui, encore toute animée par les forces qu'elle venait de déchaîner. Ses cheveux voletaient, et une ou deux étincelles couraient sur sa peau.
- Tu te joins à moi? proposa-t-elle.
- Non, dit simplement Harry.
- Oh.
Elle s'assit dans l'herbe à côté de lui. Les brins en contact avec elle se mettaient à danser follement.
- Pourquoi tu le rejettes? interrogea-t-elle.
- Je n'aime pas qu'on me force la main.
- Même si c'est pour le bien de l'humanité?
- Tu ne crois quand même pas à toutes ces salades? s'étonna Harry.
- Pas assez, apparemment. Je sais ce qui te poursuis.
- Ma cicatrice? C'est autre chose que la marque d'un mauvais sort, pas vrai?
- Pas mal. Mais il faut chercher plus loin.
- Et elle? (Harry désigna du pouce l'orée des arbres derrière son épaule).
- Elle est là pour te guider. À toi de choisir si tu la crois ou pas. Mais je veux te donner un conseil
Hermione plongea ses yeux dans les siens, gravement.
- Ne choisis pas par défaut.
Harry hocha gravement la tête. Il se leva:
- Merci, Hermione. Je dois aller plus loin, je crois.
- Ce qui te pousse à avancer, ne le cherches pas dans ton passé, fit-elle en se relevant. C'est ton avenir que tu construit. C'est de lui qu'il s'est toujours s'agit.
- Ok, merci du conseil. Et, au fait, Hermione
Elle hocha la tête, attentive:
- Tu es sûre de ce que tu fais?
- La magie est faite pour être utilisée! Nous sommes des Sorciers.
- Oui, mais à ce niveau-là
Elle sourit:
- J'ai confiance. Elle me guide.
Et tandis qu'il s'éloignait, Harry se demandait de qui elle parlait: de la magie, ou de
Hermione redémarra son rituel. Sa main magique luisait comme un flambeau.
Ginny était assise dans l'herbe fleurie. Un oiseau était posé sur sa main. Elle sifflait, et il lui répondait.
Harry s'assit en silence, pour ne pas faire fuir l'oiseau. Là encore, il attendit la fin du spectacle.
- Tu siffles bien, dit-il lorsque l'oiseau se fut envolé.
- Merci, fit timidement Ginny.
Il y eut un silence gêné, puis ils prirent la parole en même temps:
- Est-ce que tu
- Je crois que
Ginny sourit, embarassée:
- Vas-y, dit-elle.
- Non, toi d'abord, fit Harry, conscient que c'était à elle de lui délivrer un message dans ce rêve de fous.
- Je voulais te demander est-ce que tu m'as cru quand j'ai dit que j'étais amoureuse de toi l'année de mon entrée à Poudlard
- L'année de la Chambre des Secrets? Oui, je t'ai crue.
- Non, sincèrement.
D'accord. La Ginny du rêve était beaucoup plus audacieuse. Il prit donc le temps de réfléchir.
- Je vais te répondre ce que je crois. Je crois que tu t'es fait plein de films à mon sujet. Que tu t'es montée des histoires. Je suis loin d'être le mec parfait, tu sais. Tu pourras trouver bien mieux que moi, quelqu'un qui te convienne pour de vrai.
Ginny se mit debout. Cette fois-ci, elle portait une robe d'été, si fleurie qu'on la confondait avec la prairie alentour. Elle se tenait renfermée, les épaules vers l'intérieur, les mains jointes timidement, mais même cette attitude introvertie ne pouvait effacer ce que la robe légère ne faisait que souligner: la beauté et la finesse de ses formes féminines, celles d'une jeune fille tout juste sortie de l'enfance. Ses cheveux d'un roux éblouissant voletaient dans la brise d'été.
- Tu n'as vraiment pas compris, constata-t-elle en secouant lentement la tête, pleine d'incrédulité.
- Quoi? Vas-y, dis-moi. Je suis ici pour ça.
Il s'aperçut qu'il avait parlé avec amertume. Ginny faisait une moue dégoutée.
- Mais tu
Elle se débattait avec ses sentiments. Les mots refusaient de s'organiser pour sortir, alors ça se carambolait dans sa bouche. Harry aurait bien voulu l'aider, mais quand il tendit la main vers elle, elle recula, comme brûlée.
- Mais tu tu ne comprends rien! Tu n'es pas
Un pas en arrière. Un autre. Sa robe dansait au rythme de ses hanches, soulignant la beauté de son corps.
- Tu n'as vraiment rien compris!
- Je sais, tu l'as déjà dit.
- Tu ne comprends rien! Rien! criait-elle, hystérique à présent.
Harry lui prit le poignet pour l'obliger à se calmer, mais ça ne fit que l'affoler encore plus. Elle se contracta de douleur, et cela rappela un curieux souvenir au jeune Sorcier: celui d'une autre fille qu'il avait attrapée par le poignet, un certain jour de fin d'août, sur le Chemin de Traverse, et qui s'était enfuie en courant. Il retira sa main, mais la surprise et l'horreur le prirent, quand il vit qu'elle était pleine de sang! Le poignet de Ginny était tout lacéré, comme celui de Morgane en ce lointain jour d'août où les Mangemorts avaient attaqué le Chemin de Traverse.
- Ginny mais qu'est-ce qui t'a fait ça?
La petite Sorcière rousse contemplait ses plaies avec horreur. Quand elle leva les yeux vers Harry, ils étaient pleins de folie. Et en même temps, c'était le regard le plus sensé qu'on lui ait jamais adressé. Il était plein d'une détresse aussi vieille que l'univers.
- Ça va? s'inquiéta-t-il. Ça fait mal?
- Quoi? mon poignet? Ce n'est qu'une égratignure. Tu veux voir ce que tu m'infliges chaque jour?
Et, sans lui laisser le temps de répondre, la Ginny du cauchemar plongea ses doigts dans sa poitrine et en retira son cur lacéré, d'où coulait à flots un sang rouge comme sa chevelure
- Ginny!
Harry se dressa dans son lit comme un pantin. Ses yeux mirent du temps à s'accomoder au noir de la chambre, à peu près autant de temps que mit sa respiration pour redevenir à peu près normale. Il sentait un terreur profonde lui étreindre la poitrine.
- Quelqu'un t'a attaqué, Harry? fit Seamus d'une voix endormie (ce qui prouve qu'il ne renouvelait pas très souvent son répertoire de phrases choc).
- Oui oui, dit distraitement l'intéressé, encore obsédé par le souvenir de son rêve.
Ron ne s'était même pas réveillé, et Seamus se dépêcha de retomber dans le sommeil, au cas où un évènement autrement plus inquiétant viendrait écourter sa nuit.
Harry, lui, chercha à se rendormir, mais la vue du cur déchiré de Ginny lui résonnait sans interruption dans le crâne.
Il se leva, dans l'intention d'aller s'enfouir sous une douche brûlante. En descendant silencieusement l'escalier de pierre froide, il aperçut deux yeux luisants dans l'obscurité.
- Salut, Pattenrond, dit-il. Tu guettes les souris?
Puis il réfléchit à la pertinence de cet humour, et se souvint d'un détail.
- Surtout, si tu vois un rat à onze doigts, tu le captures, hein? recommanda-t-il au chat.
Puis, après réflexion:
- Enfin, je suppose qu'il aurait plutôt ses douze doigts, et une patte au poil argenté. Ça serait plus logique.
Pattenrond hocha gravement la tête.
- Tu vas me faire croire que tu as tout compris, pas vrai? Pas étonnant qu'Hermione soit totalement gâteuse à ton sujet.
Le chat ouvrit la gueule, comme s'il souriait, puis tourna les talons et descendit l'escalier. Harry le suivit.
Soudain, il entendit un bruit dans la Salle Commune. D'après son réveil, qu'il avait consulté avant de quitter la chambre, il était minuit moins cinq. Qu'est-ce que quelqu'un faisait dehors à cette heure-là? Car c'était bien le bruit du tableau d'entrée qui pivotait qu'il avait entendu.
Pensant malgré lui à Wakewage, il descendit le plus rapidement et le plus silencieusement possible. Il entendit des pas légers et le suintement d'une tenture qu'on écarte. Il se précipita. Mais quand il atteignit le sol, la Salle Commune était déserte.
Il marcha jusqu'à la sortie, poussa le tableau. La grosse dame était là, mal réveillée. Elle portait un bonnet de nuit rose surchargé de dentelles.
- Bonsoir, dit Harry poliment.
- Bienvenue à la Salle Commune de Gryffondor, dit confusément la vieille peinture. Ceci est un lieu privé. vous devez délivrer le mot de passe pour ent quoi?
- Je disais: bonsoir. Vous venez de laisser entrer quelqu'un, n'est-ce pas?
- À l'évidence, non, puisque vous êtes encore dehors.
- Non, je veux dire juste avant? Qui est-ce qui vous a réveillé?
Elle baîlla un grand coup:
- Aaaaaaah echcugez-moi.
- Vous vous rappelez que quelqu'un est entré, non?
- Oui oui. Il avait le mot de passe, bien sûr.
- Il? C'était un homme?
- Hum maintenant que vous le demandez, je crois bien que non.
- Une femme, alors? une élève?
- C'est possible, dit la grosse dame, toujours mal réveillée.
- Comment était-elle, s'il-vous-plaît?
- Hum fit le tableau en posant un doigt boudiné sur ses lèvres songeuses. Pas très grande ni très petite, normale, quoi. Elle portait une robe noire (Harry leva les yeux au ciel). Mais alors, savoir si elle était blonde ou brune (elle réfléchit) En tout cas, elle n'était pas rousse. (une hésitation) Quoique
- Merci beaucoup, grogna Harry en tirant sur le bord du tableau pour le franchir.
- Hep, attendez voir! fit la dame, bien réveillée à présent. Mot de passe?
- Fanfreluche. Non, organdi. Enfin, fioriture. Oui, c'est ça, fioriture!
- Je vous demande pardon, dit-elle d'un air guindé, mais c'était le mot de passe du mois dernier. Nous venons d'en changer, voici (elle consulta sa montre à gousset) sept minutes.
- Très bien fit Harry. Alors, quel est le nouveau?
- Vous ne pensez tout de même pas que je vais vous le dire, jeune homme! s'offusqua-t-elle. Je suis un tableau sérieux, moi! Je tiens à ma réputation! Jamais je n'ai laissé entrer quelqu'un qui ne connaisse le mot de passe, alors je ne vais pas commencer ce soir!
- Quoi? Mais comment voulez-vous que je connaisse le mot de passe? Vous venez de l'inventer, il y a sept minutes!
- Huit, à présent.
- Mais c'est ridicule! Je viens d'en sortir, de ces dortoirs! Vous m'avez bien vu vous pousser, quand même? Oui ou non?
- Je ne laisse entrer que les gens en détention du mot de passe, se braqua la grosse dame.
Harry tapa du pied.
- Ah oui? Et la rousse, là, vous l'avez laissée passer, non? Qu'est-ce qu'il y a? Vous ne me connaissez pas, peut-être? Ça fait quatre ans et demi que je vous donne votre foutu mot de passe cinq fois par jour! Vous n'allez pas faire comme si j'étais un intru!
- Désolée, jeune homme, mais comme on dit: sécurité oblige.
- Je m'en fiche, de votre sécurité! hurla Harry. J'ai l'air d'un dangereux psychopathe?
- À vrai dire, oui.
Et la grosse dame quitta le tableau dans un froufoutement de dentelles. Harry resta là, sidéré.
Il passa sa rage dans un mur. Celui-ci lui rendit son coup comme un mur sait rendre un coup: une sacrée douleur dans le poing et les articulations écorchées. Cela lui remit les idées en place (à Harry, pas au mur. Les murs ont en général les idées bien accrochées, et même, pour tout dire, largement fossilisées).
Et, comme il n'y avait plus rien à faire, sinon attendre qu'un Gryffondor quitte la Salle Commune, ce qui avait peu de chances de se produire, il partit errer dans les couloirs.
Son envie de douche brûlante remonta à la surface, et il bifurqua vers la seule salle de bain qu'il connaisse en dehors de celles qui donnaient sur le dortoir: la salle de bain des préfets.
Arrivé devant la statue qui en gardait l'entrée, il se remémora le mot de passe que lui avait révélé Hermione, la préfète de Gryffondor.
- Senteurs alpines.
La gargouille pivota en grinçant. Il aurait juré qu'elle lui avait souri, tous crocs dehors.
Quand il entra dans la salle de bain, les bougies du lustre s'allumèrent. Le tableau de la sirène était toujours là, assoupi, ainsi que la baignoire de la taille d'une piscine, encerclé de robinets. Il se déshabilla, ouvrit tous les robinets et se plongea dans l'eau avec délice. Il nagea un peu, mais il avait réglé la température très chaude, et les vapeurs parfumées eurent vite fait de lui tourner la tête. Aussi, il s'accouda au rebord et ferma les yeux, pour mieux profiter de la douce quiétude qui l'emplissait.
Il ouvrit les yeux d'un coup et se demanda ce qu'il fichait là. L'eau avait bien refroidi, et c'était un miracle qu'il n'ait pas glissé au fond de la piscine dans son sommeil.
Il en sortit d'un coup, et sa peau protesta contre le bain prolongé qu'elle avait subi. Il avait des plis partout et ses pieds sentaient à peine le contact du sol tant ils étaient ridés.
Il se sécha dans une des serviettes moelleuses, s'habilla et quitta la salle de bain, en vérifiant que les couloirs étaient déserts. Ce n'est qu'en passant sous une fenêtre qu'il réalisa l'heure: le soleil était déjà levé.
Affolé, il se mit à courir en direction de la Salle Commune. Deux fois, il dut se cacher derrière une statue, car il croisait des élèves qui descendaient manger, et il était en pyjama. Finalement, il tomba sur Hermione, à son grand soulagement. Celle-ci s'étonna de le trouver là, mais elle lui donna le mot de passe. Il courut s'habiller, rencontra un Ron à l'état hibernatoire et le poussa jusqu'à la Grande Salle, où ils retrouvèrent Hermione, en pleine discussion avec Ginny. Harry s'efforça de ne pas regarder cette dernière, encore tout retourné par son rêve.
Les cours de la matinée se passèrent de façon tout à fait banale: en Sortilèges, Flitwick leur apprit à créer des sons de leur choix (ce qui pouvait aller du claquement de porte au barrissement de l'éléphant). En Duel, Funestor leur enseigna un nouveau charme défensif, que presque personne ne réussit (c'est à dire, personne sauf Hermione, qui avait retrouvé sa place de meilleure élève et s'en donnait à cur joie).
L'après-midi, Harry et Ron dirent au revoir à Hermione et se dirigèrent vers la classe (le grenier) de Divination, en compagnie d'Ana.
- Mes chers enfants, disait Trelawney quand ils entrèrent, lorsque certains retardataires auront trouvé leurs places, je pourrai vous annoncer en quoi va consister notre programme du jour et des semaines à venir.
Les trois élèves s'installèrent sans se presser. Trelawney leur infligea son regard de chouette courroucée par-dessus ses lunettes, après quoi elle reprit:
- À partir d'aujourd'hui, et ce pour deux mois, nous étudierons en parallèle les osselets et les couchers de soleil. Vous voudrez bien réaliser l'observation du coucher de soleil tous les soirs, et noter précisemment ce que vous avez vu. Quant aux osselets, nous les étudierons en classe.
- Tous les soirs, mais bien sûr! bougonna Ron. Elle est tombée sur son crâne de piaf ou quoi?
- Je vous demanderai donc de vous saisir des jeux d'osselets présents sur vos tables poursuivait le professeur de sa voix mystérieuse qui ne faisait plus marcher personne – en dehors de Lavande et Parvati.
Alors que Harry s'attendait à des osselets du même type que le jeu moldu, la boîte qu'il ouvrit contenait une pile de minuscules os polis, probablement des os de rongeur. Il remarqua que certaines personnes dans la classe n'avaient pas les mêmes "osselets": Ana se retrouva avec une boîte de petits coquillages nacrés, Neville avec des cailloux noirs, de forme oblongue, de la taille approximative d'un ongle.
Trelawney passa dans les rangs, leur montrant comment lancer d'une main sûre une poignée d'osselets. Les élèves se reportèrent à leurs manuels pour décrypter les messages du destin. Sur les images du livre, les osselets étaient de magnifiques bâtonnets d'ivoire gravés de symboles mystérieux.
- Je rêve! s'exclama Ron. Non mais regarde-moi ça: cette espèce de tâche, avec un os excentré vers la gauche, ça signifierait "ton âme est dans le doute, suis la voie la meilleure, mais n'oublie pas: le cur est toujours le plus mlleux." Les types qui ont écrit ça avaient soit envie de s'éclater, soit ils venaient de prendre un whisky de trop!
- Ça parle de gâteaux, non? fit Ana. "Le cur est toujours le plus mlleux."
- Qu'est-ce que je disais! fit Ron avec de grands gestes comiques. Au terme d'un dîner bien arrosé, ils ont eu envie de s'amuser et ça a donné ce livre.
Ce disant, il tenait le livre par la tranche, du bout des doigts. Il le laissa tomber, et le livre envoya valser tout le dessin des osselets de Harry. Sur ces entrefaits, Trelawney surgit derrière l'épaule du garçon et se pencha sur les os, soufflés dans toutes les directions.
- Oôôôôh, fit-elle en adoptant cet accent particulier quand elle lisait les jeux du destin. Je vois là de grândes choses, Mr Potter! De terrrrrribles choses! Je vois un sommeil agité!
- Ah tiens? fit Harry ingénuement. Vous êtes bien renseignée
- Et lâ! ne serait-ce pas un âmi à vous ôh! Mais il complote de noiiiiiirs desseins!
- Ron, bailla Harry, tu me préviendras avant de passer dans le camp de Tu-Sais-Qui? Que je sois au côurant de tes nôîrs desseins!
- Okê, Hârry! renchérit Ron. Je me sîgnaleraî âvant de tôûs vôûs trâhir, c'est prômis!
- Oui! Une trahison! s'exclama Trelawney. Lâ! en plein milieu! Je la vôis, mon enfant! Pôvre chéri, vôus allez bien sôuffrir! Elle s'étend dans toutes les directions, elle envahit tout!
- Oui, je sais, gémit Harry d'un air courageux. Je sens la Mort venir, elle approche un peu plus chaque jour Bientôt, vous retrouverez mon pauvre petit cadavre, pendu à un clou
Cette fois, le professeur recula, choquée. Bien que ce genre d'idées ne soit pas des habituées de son cerveau, elle commença à songer que peut-être, peut-être, ces deux énergumènes se moquaient d'elle.
Elle s'éloigna d'un air digne pour aller s'occuper de Lavande et Parvati, qui trépignaient d'excitation rien qu'en la voyant s'approcher d'elles. Harry rassembla ses osselets d'un air songeur et les relança. Ils dessinèrent exactement le même dessin, mais il le remarqua à peine. Celui-là ou un autre de toute façon, Trelawney continuerait à le voir mort et lui continuerait à rester vivant.
Un bruit d'averse subite lui fit tourner la tête: Neville venait de renverser tous ses cailloux à terre, dans un joli bruit, qui n'était pas sans évoquer les bâtons de pluie. À quatre pattes, le garçon s'efforça de les ramasser, sous les sarcasmes du reste de la classe. Harry secoua la tête, découragé. Ça faisait mal à voir, mais là n'était pas le problème pour lui. Un changement plus profond s'opérait, et il aurait donné cher pour savoir d'où lui venait ce malaise soudain.
Et puis zut. Il se mit à quatre pattes, et il aida Neville de son mieux.
Les cours du lundi finissaient à seize heures, aussi Harry en profita-t-il pour faire ses devoirs à grande vitesse (il bacla une dissertation d'histoire sur l'âge d'or de la sorcellerie à l'Antiquité et "révisa" une leçon de cinq pages de Défense contre les Forces du Mal en neuf minutes chrono). Après quoi il attrapa sa cape d'hiver au col de fourrure et bondit hors de la Salle Commune. Il avait rendez-vous à la sortie des cours.
Cho arriva rapidement, dans le petit couloir transversal où ils avaient fixé leur rendez-vous, et elle l'enlaça tendrement. Harry retrouva tout de suite cette assurance qu'il voulait se donner en présence de Cho, et il se donna le courage de l'embrasser, de la câliner. Il manquait d'expérience, mais elle se montrait patiente et n'avait jamais fait une seule remarque.
- Tu viens? proposa-t-elle. J'ai envie d'une balade à l'extérieur.
- J'avais pris ma cape, au cas où, avoua Harry.
Ils rejoignirent le hall, la main dans la main, et descendirent les larges marches en pierre de l'entrée. La neige avait fondu durant quelques jours de beau temps, et les herbes du parc étaient simplement gelées. Elles craquaient sous les pas comme du cristal.
- C'est super, dit Cho joyeusement. On a l'impression d'être dans une fabrique de porcelaine, et de pouvoir faire toutes les bêtises qu'on veut.
- Oui, pourquoi pas fit maladroitement Harry.
- On descend jusqu'au lac? J'ai envie de voir si on peut marcher dessus.
Ce qu'ils firent. La couche de glace était effectivement épaisse, et ils firent quelques pas prudents, avant de se lancer dans des glissades audacieuses. Harry prit la main gantée de Cho et lui fit faire un tour sous son bras, et en quelques minutes ils avaient composé une danse, mélange de rock'n roll et de dégringolades. Soudain, Harry glissa, se retrouva sur les fesses, et la couche de glace craqua sinistrement, formant une fissure là où il s'était reçu. Les deux Sorciers se dépêchèrent de fuir avant que la glace ne cède.
Riants et titubants, ils se mirent en route vers le château. Mais ils n'avaient pas envie de rentrer, aussi se dirigèrent-ils plus loin, vers le terrain de Quidditch, qui se profilait sur l'horizon de ciel gris.
Mais ils n'allèrent pas jusque là, parce que Harry venait de voir quelque chose dans l'herbe gelée: celle-ci gardait les traces de pas, pas aussi nettement que la neige, mais suffisament pour qu'il voit qu'un animal était passé par là. Un chien. Gros, d'après la taille des empreintes et leur profondeur. Noir, d'après les fantasmes personnels de Harry.
- On va par là? proposa-t-il.
Cho acquiesça, peu exigeante quant à la direction pourvu qu'ils restent l'un près de l'autre. Ils suivirent donc les traces, jouant à celui qui en trouverait le premier. L'animal avait zigzagué, comme s'il n'était pas très sûr de son but.
- Là, regarde! fit la jeune Serdaigle en désignant trois empreintes bien marquées.
- Exact. Et là aussi mais je n'en vois plus, maintenant.
- Ici! Il a tourné sans prévenir.
- Bravo! La piste continue.
Ils marchèrent encore trente ou cinquante mètres, les yeux baissés au sol. Harry repéra les empreintes suivantes:
- Par ici! Les traces s'éloignent du château
Ils levèrent les yeux à l'unisson, obéissant à un mauvais pressentiment. Juste sous leur nez, s'étendaient les premières racines et branches.
- et vont vers la Forêt Interdite termina Harry.
Cho hocha la tête:
- C'est bon, on a tout vu. Pas la peine de continuer.
- Mais on pourrait se trouver un coin sympa là-dedans, proposa-t-il innocemment.
- Pas question! C'est dangereux, et bourré de sales bestioles!
- Allez, dit-il gentiment en lui prenant la tête dans ses mains. Où est passée la Cho aventurière que je connaissais? Tu ne vas pas me dire que tu recules devant quelques arbres et trois fougères? Les vilaines bêtes ne sortent pas avant la nuit.
- Ce n'est pas des arbres que j'ai peur répliqua-t-elle. Ils mènent leur vie. C'est de la Forêt elle-même
- Pourtant tu es pleine de courage pour une Serdaigle, dit-il tendrement.
Cho fondit sous le regard de braise de son petit ami, si vert elle murmura encore:
- Courageuse, mais pas téméraire
Mais il l'avait déjà entraînée dans la Forêt.
Les arbres murmuraient sur leur passage. Du moins c'est l'impression qu'ils donnaient. Avec l'hiver et la chute des feuilles, la forêt était un peu plus lumineuse que les rares fois où Harry l'avait visitée, de sinistre mémoire.
Les deux Sorciers suivirent un chemin qu'ils espéraient droit, pour savoir revenir sur leurs pas, mais quand l'orée du bois ne fut plus visible ils décidèrent de revenir en arrière.
- Stop! s'exclama Cho après un quart d'heure de déambulations. Plus on avance et plus on s'égare. Il faut marquer notre chemin.
- Oui, mais comment? J'ai oublié de prendre des petits cailloux à la rivière, plaisanta Harry.
- Sans rire, insista-t-elle. Tu n'as pas quelque chose? Des petits papiers à accrocher dans l'écorce, tout ça?
- Ils pourraient s'envoler. On va plutôt faire des marques.
Ce disant, il prenait sa baguette et dessinait un trait dans le tronc le plus proche. Il y eût un grondement très bas, et l'écorce brûlée se mit à se refermer. Un instant après, la marque était comme inexistante. Les eux Sorciers s'écartèrent, vaguement inquiets.
- Oh! j'ai une idée, fit Cho.
Elle ouvrit son sac et en sortit une boîte en métal forgé et décoré. Cela rappelait étrangement à Harry
- Des osselets?
Elle leva un il, surprise et amusée.
- Non, pas exactement. Tu as étudié ça en Divination?
- On vient juste de commencer, oui.
- Ça, c'est la gamme au-dessus. C'est inspiré du I-Ching chinois
- Le quoi?
- Le I-Ching. C'est de la Divination de là-bas. Un genre de cartomancie. Donc, nous, on se sert de ces baguettes en pierre polie.
Tout en parlant, elle avait déballé les baguettes en question: elles ressemblaient vaguement à des dominos, sauf qu'elles étaient plus fines et plus allongées. Cela se rapprochait beaucoup des images que Harry et Ron avaient vues dans leur livre de Divination.
- Et voilà, dit Cho en posant une baguette au milieu du chemin.
L'objet en pierre noire gravée de motifs bruns ressortait bien sur le fond de neige lumineuse.
- Mais ça a de la valeur, non?
- Bof, dit-elle. J'en rachèterai. L'important, c'est de sortir d'ici.
Ils se mirent donc en route, marquant leur chemin le plus souvent possible. Soudain, il retrouvèrent les traces du chien et ils se mirent à les suivre, ravis.
Mais ils n'avaient pas dû les prendre dans le bon sens: en effet, plus ils marchaient et plus la forêt s'obscurcissait.
- On s'est trompés de sens, affirma Cho. On fait demi-tour, tu viens?
- Ouais. Oh! attends!
Harry marcha rapidement vers les formes étranges. Ce qu'il trouva n'était pas du tout ce qu'il avait espéré. En fait, il n'y avait rien qu'un carré de terre retournée et éparpillée plus loin. Le sol alentour était piétiné.
- Voilà ce qu'est venu faire le chien, dit Cho. Il a fait un trou, comme font tous les chiens, et il est reparti. On devrait en faire autant.
- Quoi, faire un trou?
- Idiot, fit-elle en lui donnant un coup dans les côtes. Aussitôt, il lui sauta dessus et l'immobilisa, riant aux éclats comme un gosse. Puis il l'embrassa vivement. Elle avait les lèvres gercées par le froid.
Ils se séparèrent et reprirent la piste en sens inverse. Vingt minutes furent nécessaires, passées essentiellement à fureter à droite et à gauche pour retrouver les empreintes. Finalement, ils aperçurent la prairie et les tours du château. Ils ressortirent de la Forêt Interdite sans avoir eu le moindre ennui, ce qui, quelque part, alerta une partie encore sensée de Harry.
Mais une partie très, très profondément enfouie sous la couche de bonheur naïf et inconscient que Cho lui procurait.
Les jours s'écoulèrent, gris et terne, sous l'épaisse couche de nuages qui déversaient des tonnes de neiges sur les toits et sur le parc. Les cours défilaient et se ressemblaient. Mais les soirs étaient beaux, parce que Harry les passait avec Cho.
Au fil des rendez-vous et des baisers, un véritable attachement s'était créé entre eux, remplaçant l'attirance physique du début de leur relation. Ils avaient appris à se connaître et à s'apprécier, et les hésitations avaient fait place à la confiance. Harry ne vivait plus que dans l'attente d'une seule chose, à savoir le prochain rendez-vous avec Cho. Et, à voir son sourire heureux quand elle le rejoignait, elle ressentait la même passion.
Ils profitaient de leurs rencontres amoureuses pour déambuler dans le château, privilégiant les couloirs sombres et peu fréquentés où ils n'étaient pas dérangés. Plus d'une fois, ils firent une découverte intéressante: une salle de classe meublée de coussins mlleux, dans lesquels ils s'enfouirent joyeusement; une autre, avec de grands vitraux colorés qui filtraient la lumière et des rosiers plantés à la place des tables et des chaises usuelles; ou encore un jardin d'eau, plein de bassins et de fontaines enchanteresses.
Ce jour-là, ils avaient grimpé très haut, sous les combles (pour autant que la topographie de Poudlard se soucie de détails aussi banals que d'arriver sous les combles quand on grimpait très haut). Toujours est-il que, par les fenêtres, ils voyaient le sol plutôt bas en-dessous. Donc ils devaient être en hauteur.
- On essaye cette porte? proposa une Cho d'humeur espiègle.
Ils poussèrent la porte en question. Elle s'ouvrait sur une salle de classe plutôt banale. Ils la refermèrent et poursuivirent l'exploration du couloir. La porte suivante donnait sur une ancienne salle de bain délabrée et pleine de poussière, avec des pans de murs effondrés et des gravats dans tous les coins.
En revanche, la troisième porte les fit pénétrer dans un univers enchanteur: c'était une petite grotte aux parois accueillantes, baignée dans une semi-obscurité protectrice. Il y faisait chaud, et Harry referma tout de suite la porte pour chasser les courants d'air. Mais surtout, un étrange phénomène plongeait la pièce dans une ambiance mystique: des pétales de roses tombaient tout doucement du plafond, et ils luisaient dans la pénombre comme de petites bougies au flammes irisées. Le sol était couvert d'une épaisse couche de pétales, doux et mlleux.
- C'est magnifique murmura Cho, émerveillée.
Harry l'attira contre lui et l'embrassa. Il était toujours surpris et heureux de sentir comme elle répondait à ses désirs, comme leurs envies s'accordaient. Il respirait le parfum de ses cheveux, il sentait le contact de sa peau, et cela lui suffisait à s'envoler loin de toute préoccupation.
Cho guidait ses gestes: elle lui apprenait en douceur les caresses, les baisers qui lui procuraient du plaisir. Elle était patiente et attentionnée, et en même temps si ardente que Harry sentait s'envoler toutes ses appréhensions.
Elle s'assit doucement à terre, entraînant Harry dans son mouvement, sans cesser de l'embrasser. Quand elle commença à déboutonner son chemisier, il comprit où elle voulait en venir, mais il n'avait plus la force de stopper les évènements. Elle fit tomber ses vêtements et ôta ceux du garçon d'une main experte.
Ils étaient là, en sous-vêtements, dans la semi-obscurité éclairée seulement par la pluie de pétales luminescents. Cho souriait largement, l'air d'attendre quelque chose, mais Harry n'était plus sûr de ce qu'il désirait. Oh, bien sûr, il y avait pensé, comme tous les adolescents qui vivent leur première aventure amoureuse, mais jamais il n'aurait cru que ça viendrait aussi vite. Il était rempli de doutes et d'appréhensions.
Mais Cho pencha la tête de côté et embrassa sa nuque, faisant frémir tous ses sens. De la voir, sous ses yeux, presque nue de sentir son corps de femme sous ses doigts cela dépassait de loin les rêves, pourtant si réels où ils avaient dansé ensemble sous la pluie. Il caressa doucement ses épaules si fines, si tendres, fit courir sa main le long de son corps, de ses hanches C'est alors qu'il remarqua les tatouages. Même dans la pénombre, ils étaient visibles. Elle en avait sur tout le corps, de superbes tatouages qui se croisaient et s'enroulaient, dessinaient de longues volutes qui ondulaient, serpentaient, se recourbaient en spirales et en hélices. Le dessin d'ensemble évoquait à la fois la fumée d'une bougie et les fulgurations de la magie. Les tatouages étaient de couleur brune-orangée, se fondant délicatement dans le mate de sa peau.
Harry s'amusa à suivre un tracé du doigt: le brin démarrait sur l'épaule droite, descendait en ondulant le long de la poitrine, s'enroulait sous le sein, se croisait avec un autre brin, passait dans le dos où il zigzaguait le long de la colonne, puis revenait sur la hanche où il se refermait en une spirale. Cho frémissait sous les caresses, tout son corps tendu vers lui. Quand il eut fini, elle s'allongea en arrière, attirant Harry sur elle, et elle ôta son soutien-gorge. Ses petits seins pommelés s'ornaient de deux spirales. Elle posa la main du garçon dessus et, tout doucement, il se fit à ce contact nouveau, il calma les battements de son cur.
Il savait ce qu'il avait à faire, et il savait que son corps était prêt à ça. Mais il hésitait encore. Il se sentait poussé malgré lui, trop vite pour s'arrêter. Et pourtant, le regard de Cho était si expressif, si plein de désir, qu'il ne pouvait reculer. Elle le mettait à l'épreuve. Et c'était l'occasion où jamais de réussir. Il finit de se déshabiller et amena ses caresses plus bas, vers la partie la plus intime de la jeune fille.
Sur le moment, l'acte de l'amour avait été si confus que Harry ne se rappelait plus de rien, comme s'il s'était perdu dans l'espace incertain entre le doute et les délices. Mais quand ce fut fini, quand la tension retomba et qu'il se laissa glisser aux côtés de Cho, faisant voler le tapis de pétales, il repensa à ses appréhensions et les trouva bien désuètes tout à coup.
La belle Cho avait un regard de félin quand elle se redressa au-dessus de lui dans la pénombre:
- Tu as été merveilleux, murmura-t-elle.
Il n'avait rien à répondre, alors il l'embrassa à nouveau.
Ils se separèrent à proximité de la Salle Commune de Serdaigle, et Harry fit seul le trajet de retour. Il avait l'impression de marcher sur de l'eau, ça s'enfonçait et ça balottait, et lui il tanguait comme un navire bienheureux dans la brise marine. Il ne voyait plus le monde comme avant, mais à travers un masque de brouillard. Il restait enfermé dans sa petite bulle. Cela dura environ deux cent mètres, distance qu'il parcourut avant de tomber sur Hermione:
- Harry! s'écria-t-elle. Je te cherchais partout!
- Ah?
- Harry, c'est terrible! Il faut que tu viennes aux cuisines, vite!
- Mais attends! fit-il tandis qu'elle l'entraînait. Pourquoi?
- Ne parle pas, cours!
Il y avait de la panique dans la voix de son amie. Il redescendit un peu sur terre.
Ils arrivèrent aux cuisines, où ils retrouvèrent Ron. Les Elfes de Maison étaient tous affolés. Ils couraient dans tous les sens, criaient de leurs voix aiguës. Harry remarqua aussitôt les traces d'un combat: deux des cinq tables avaient été soufflées par une explosion, de la nourriture était répandue sur tout le sol et même sur les murs, il y avait de la vaisselle en miettes dans tous les coins. Plusieurs Elfes pleuraient.
Dobby aperçut Harry et se jeta contre ses jambes:
- Oh, Monsieur Harry Potter! C'est terrible, Monsieur! Aidez-nous, aidez-nous!
- Qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce qui s'est passé ici? fit Harry, à présent bien redescendu de son nuage.
- C'est Winky, Monsieur! Winky a été enlevée! Elle était là, Monsieur, elle travaillait bien, elle s'était un peu remise de son licenciement Et on l'a enlevée, Monsieur Harry Potter!
- Qui? Quand?
- Il y a une demi-heure, à peine, Monsieur, couina Dobby. Un homme est entré, un homme qui connaissait le passage secret, qui savait comment faire s'ouvrir le tableau il est entré et a fait une explosion, en guise d'avertissement. Puis il a attrapé Winky, l'a stupéfixée et l'a emmenée.
- Mais Vous n'avez rien fait? Je croyais que vous aviez de grands pouvoirs!
- Oh, mais nous n'avons pas le droit de nous en servir contre les humains, Harry Potter! Un Elfe ne doit pas blesser un humain! Pas même le stupéfixer, non non non!
- Ah oui? Et ce que tu as fait à Mr Malefoy, alors?
Dobby recula en secouant la tête, effrayé.
- Ça n'était pas pareil, Harry Potter! Dobby a fait cela pour vous protéger, Harry Potter, Monsieur.
- Et vous n'avez pas le droit de protéger Winky?
Tous les Elfes de Maison qui écoutaient secouèrent la tête d'un air désapprobateur.
- Elle n'est qu'une Elfe, Monsieur, dit une créature aus grands yeux bleu clair. On ne doit pas faire de mal à un humain, même si c'est pour sauver une Elfe. Les Elfes ne comptent pas, Monsieur.
- Mais pourquoi est-ce que ce type a enlevé Winky? Vous avez une idée? interrogea Hermione.
Tous les Elfes firent "non" de la tête.
- Vous avez vu son ravisseur? À quoi ressemblait-il? fit Harry.
Hermione et Ron tournèrent vers lui un regard désolé. Inquiet, il attendit la réponse de Dobby. Qui fut:
- Un grand homme, Monsieur. Maigre. Avec une cape déchirée et des cheveux longs et noirs, Monsieur. Un nez en lame de couteau.
"Non!" songea Harry au désespoir.
- Rogue? proposa-t-il en sachant parfaitement la réponse.
- Non, Monsieur, dit Dobby. Je sais très bien qui c'était. J'ai vu sa photo dans le journal. C'était Sirius Black, Monsieur.
– fin du chapitre 18 –
Aaaaaaah bah ça faisait un bon bout de temps que j'attendais de les écrire, ces scènes-là! J'ai honte trois cent personnes vont m'écharper, Epayss en tête le net est bourré de fans de Sirius Black, et d'ennemis de Cho Chang aussi, d'ailleurs. Eh bien, aujourd'hui, je me place à contre-sens! Nan, je rigole. Attendez la suite.
Pour parler de Cho, j'ai pas mal hésité au moment de the scène. C'est-à-dire que j'ai voulu renoncer à écrire une relation amoureuse qui aille aussi loin entre nos deux tourteraux, mais que certaines personnes, dont je ne citerai pas les noms (n'est-ce pas les filles? hmm?) m'ont insulté quand j'ai dit que je changeais d'avis, me faisant remarquer que j'avais promis, que c'était trop tard hmm, petites perverses! ^_^
Et voilà. Bon, excusez-moi si j'abrège, mais le chapitre 19 m'appelle et il s'intitulera devinez quoi?
"Trahison".
Ona
ps: et Drago? Qu'est-ce qu'il a glandé depuis cinq chapitre? oh, et zut pour les questions comme ça! lol. Il reviendra, c'est promis. Peut-être au chapitre 20?
pps: Le titre de ce chapitre-ci vient de la dernière phrase du superbe livre "La chute d'Hypérion", elle-même tirée d'un poème de John Kates. Voilà!
