Chapitre 25: Ceux qui murmurent

Morgane arriva en courant devant le tableau de la Grosse Dame qui gardait la Salle Commune. Elle s'arrêta quand elle s'aperçut que le tableau était dans un état lamentable. La toile avait été déchiquetée, le mur de pierre qu'elle dissimulait éventré par une explosion. Le passage menant à la Salle Commune était béant.

- Merde! murmura-t-elle.

Elle enjamba les gravats et les pierres déchiquetées, et pénétra dans le lieu de vie des Gryffondors. Le silence était total. Il n'était peut-être pas trop tard. Elle s'engagea dans l'escalier de la tour des garçons, gravit quatre étages en sautant les marches deux à deux. Devant une porte, elle hésita et l'entrouvrit. Il y faisait noir, les habitants de la chambre dormaient à poings fermés. Morgane ferma les yeux et étendit les tentacules de sa conscience. Aucun des garçons endormis n'était Harry. Elle se retira et ferma la porte. Elle trouva la bonne chambre à l'étage suivant. Elle le sut tout de suite, d'après l'empreinte magique. Harry avait dormi là. D'autre part, des serviteurs de la Force Noire y étaient passés tout récemment. Morgane entrouvrit la porte et regarda.

Les deux premiers lits étaient occupés par des corps sans vie. Autour du troisième, un groupe de personnes puant la magie noire se disputaient.

Elle se fit inexistante et se coula dans la chambre en silence. Les Passemorts se chamaillaient comme des gamins:

- C'est ta faute, Malefoy! fit quelqu'un. Si tu avais réussi à frapper au cur, on en serait débarassés!

- Je te demande des comptes, Dureut? fit la voix menaçante de Malefoy. La prochaine fois tu frapperas toi-même, ok?

- On s'en fiche! dit une fille. L'important c'est de savoir comment il a pu transplaner et où!

- On ne peut pas transplaner dans ce fichu château! lança quelqu'un.

- On dirait bien que Potter, si dit la voix éthéreuse de Sylverstelle. Il va falloir le retrouver maintenant

Le couteau de Morgane apparut comme par magie juste devant sa gorge. La Gryffondor lui attrapa les bras et les lui coinça dans le dos.

- Quelle bonne idée murmura-t-elle de manière à ce que tous les Passemorts l'entendent. Mais avant ça, vous allez m'expliquer ce que vous lui avez fait, d'accord?

Tous les Passemorts s'étaient raidis, surpris par son apparition. L'un d'entre eux, sous la cape duquel on devinait Malefoy, prit la parole:

- Lâche Sylverstelle, Wakewage.

- Pas question, dit Morgane en assurant sa prise.

Sa lame s'appuya un peu plus fermement sur la gorge de Sylverstelle et elle la sentit qui retenait son souffle.

- On est neuf contre un, fit Malefoy. Tu n'as aucune chance.

- Je crois que si, dit tranquillement Morgane.

Mais au même moment, il y eût une énorme explosion à l'extérieur, qui ne fit strictement aucun bruit. Personne ne réagit, mais Morgane la sentit et tourna la tête vers la fenêtre.

- Merde! fit-elle.

Elle relâcha Sylverstelle et d'une bourrade la fit tomber sur le Passemort le plus proche, après quoi elle se courut vers la fenêtre pour regarder au-dehors. Il y avait de la neige de la neige! Et là-bas, la barrière clignotait, à bout de course.

- Non, non, non! cria-elle en voyant les premiers Mangemorts pénétrer dans le parc, accompagnés de créatures d'épouvante. À leur tête marchait le Seigneur des Ténèbres, ses yeux lançant des éclairs rougeoyants visibles même du haut de la tour où elle se tenait.

D'une pichenette de magie, elle assoma le Passemort qui se tenait juste derrière elle, prêt à lui jeter un sort. Les autres détalèrent sans demander leur reste.

- C'est ça, murmura-t-elle, allez retrouver votre copain Moi je dois trouver Harry vite!

Hésitante, elle cherchait par où commencer, quand elle avisa Weasley, Londubat et tous les autres, toujours gisants. Ils n'étaient pas morts, juste stupéfixés. D'un coup de baguette, elle libéra Weasley.

- Qu'est-ce qui s'est passé! cria celui-ci en sautant sur ses pieds. Wakewage! Qu'est-ce que tu fais là?

Puis il vit les draps ensanglantés de Harry, son lit vide.

- Toi! hurla-t-il en reculant. Tu l'as tué? Non, c'est impossible

- C'est les Passemorts! fit-elle. C'est les Passemorts, Weasley. Harry est vivant. J'ignore où, mais il est vivant. Il faut que tu m'aides à la retrouver.

- Pas question! Je ne te crois pas! fit-il en reculant encore, si bien qu'il buta dans son lit et s'étala par terre.

- Crétin, murmura Morgane.

Prise d'une inspiration subite, elle attrapa le sac de Harry qu'elle venait de voir par terre. Elle en sortit un vieux bout de parchemin, une cape d'invisibilité, un couteau à plusieurs lames, un Sortilographe de mauvaise qualité et

- Bingo! fit-elle en levant la pierre violette pour l'étudier à la lumière de la lune. Weasley, tu saurais utiliser ça pour appeler les Géants?

- Co comment tu sais ça?

- Je sais beaucoup de choses que tu ignores, fit-elle. Et beaucoup de choses que tu penses que je ne sais pas. Alors?

- Il Non, on devait l'apporter à Hagrid.

- Allons-y.

- Pourquoi?

- Parce que Voldemort est là, idiot! Dépêche-toi!

À moitié convaincu, Weasley enfila un pantalon et un pull par-dessus son pyjama et la suivit. Mais à peine avaient-ils quitté la chambre

un vide

Ses genoux vacillèrent. Le sang sembla se retirer de ses membres.

un vide immense

Elle ne sentait plus ses pieds ni ses mains Sa tête était légère comme un ballon de baudruche

Harry

Elle chercha l'appui du mur froid, s'y adossa lourdement

il

- Wakewage? Qu'est-ce qui?

Un voile noir tremblotait au coin de ses yeux. Ses oreilles bourdonnaient.

- Oh, tu ne vas pas t'évanouir quand même? Morgane!

est

Tout son corps était froid comme un cadavre. Privé de sensations. Le monde bourdonnait et se tordait de manière insensée.

Assise à côté de sa sur sur le talus, Alice commençait à être fatiguée de n'avoir rien à faire. Elle avait bien jeté un coup d'il sur le livre que lisait sa sur, mais il ne contenait ni images, ni dialogues, et "à quoi peut bien servir un livre sans images ni dialogues", pensait Alice.

Morgane glissa tout doucement à terre et le monde s'éteignit.

mort.

*********

comme un grand océan aux mille épis fanés

les vagues toutes d'or à ses pieds se brisant

*********

Il n'y avait là rien de très remarquable; Alice ne trouva pas non plus très extraordinaire d'entendre la Lapin marmonner: "Oh mon Dieu! Oh mon Dieu! Je vais être en retard!" (Quand elle y repensa par la suite, il lui vint à l'esprit qu'elle aurait dû s'en s'étonner, mais sur le mo

Mais la vie n'est pas un conte pour enfant. Et le réveil n'efface pas tout. Et le sol sous sa joue était aussi dur et froid quand elle se réveilla que le mur dans son dos quand elle était tombée.

Et Harry était mort.

Et Harry était mort.

Et Harry était mort.

Weasley l'aida à se relever. Elle avait les yeux plus secs que des pierres tombales. Tout son corps était glacé.

- Dis-moi ce qu'il y a, Morgane, ordonna Weasley d'un ton incertain.

Elle secoua la tête. Sa gorge refusait de laisser passer les mots. Et puis comment l'exprimer? Le monde venait de tomber du haut de son piédestal dans un gouffre sans fond où il chuterait à jamais. Sans Harry

Oui, sans Harry

Tout était perdu. Sans lui.

- Viens, dit-elle d'une voix rauque.

Elle descendit l'escalier en colimaçon. Elle haïssait chaque dormeur, chaque présence paisible derrière les portes de bois. Leur monde allait s'écrouler et ils dormaient. Harry était mort et elle seule le savait.

Et elle seule le savait

- Il faut tous les réveiller, dit-elle. Utilise un Sonorus.

- Qu'est-ce que je leur dis? demanda Weasley, sur la défensive.

- Que Voldemort attaque et qu'ils doivent se préparer à combattre.

Il la gratifia d'un long regard soupçonneux. Est-ce qu'il la croyait? Toujours est-il qu'il amplifia sa voix d'un Sonorus et qu'il se mit à crier:

- Appel à tous les Gryffondors! Réveillez-vous immédiatement! Appel à tous les Gryffondors! L'école est attaquée! Prenez vos baguettes et tout ce qui peut vous servir à combattre, et surtout restez groupés!

Morgane n'attendit pas la fin du message pour continuer à descendre l'escalier. Elle avait une énorme boule râpeuse dans la gorge La bataille était sans espoir si Harry n'était plus. Et tous ses stratagèmes réduits à néant. Sans Harry

Les yeux interrogateurs de Weasley pesaient sur son dos C'était le meilleur ami de Harry Il avait le droit de savoir Mais surtout, elle n'allait pas pouvoir garder ça pour elle Si elle devait lui dire, c'était maintenant.

- Weas

Sa voix s'éteignit. L'avouer, c'était admettre que cela était vrai. L'avouer, c'était enterrer définitivement Harry.

- Ouais? fit le garçon.

L'horreur qui lui avait fait comprendre sa mort monta à nouveau en elle. Ses membres devinrent raides et ses jambes se mirent à trembler. D'une voix sourde, elle chuchota:

- Rien rien du tout.

Deux étages plus bas, ses larmes acceptèrent enfin de couler.

Ils régnait un chaos sans comparaison dans la Salle Commune de Gryffondor. L'arrivée de Mc Gonagall, si elle commença par calmer les choses, ne fit que les empirer quand le professeur se mit à démentir la présence de Voldemort.

- Écoutez! cria-t-elle. Je ne sais pas qui vous a mis cette idée dans la tête, mais il va passer un mauvais quart d'heure! Maintenant, retournez vous coucher!

- Mais Harry a été attaqué, professeur! cria Weasley à son tour.

- Oui, eh bien nous allons tirer ça au clair! En attendant, retournez vous coucher!

- Quelle folle murmura Morgane pour elle-même.

Tant pis pour eux tous. De toute manière, tout était déjà perdu. Profitant de ce que tout le monde parlait en même temps et que personne ne s'occupait d'elle, elle se glissa hors de la pièce.

À peine avait-elle fait trois pas dans le couloir que Weasley surgit à sa suite:

- Attends-moi! Tu ne vas pas encore t'échapper, Wakewage.

Elle fronça les sourcils mais ne dit rien.

- Tu vas encore à ta pièce secrète, c'est ça? fit le garçon. T'entraîner à nous ensorceler tous.

- Par pitié, ferme-la, cracha Morgane.

- Je ne te lâcherai pas tant que tu ne m'auras pas dit où est Harry.

Elle ferma les yeux, sans cesser de marcher. Entendre ce nom lui était pénible.

- Alors? Tu ne réponds pas? C'est que tu as la conscience coupab

Il se tut, parce qu'elle l'avait saisi à la gorge:

- Écoute-moi bien, sale Sorcier prétentieux! fit-elle d'une voix brisée. Ton ami est mort, et avec lui sont morts tous nos espoirs. Tu veux savoir où je vais, là? Je vais défier Voldemort, parce qu'il n'y a plus que moi qui puisse le faire à présent. Mais parce que c'est Harry qui aurait dû le faire et pas moi, je vais mourir. Peut-être pas aussi vite que toi ou quelqu'un d'autre, mais Il va quand même triompher. Pourquoi? Parce qu'une stupide prophétie en a décidé il y a bien longtemps, et que puissante ou pas je ne suis pas plus maître de mon destin que Lui ou que Harry. Voilà pour ce qui va se passer. Tu veux toujours m'accompagner? Ou tu préfères retourner auprès de tes couards de camarades et tenter de résister en groupe jusqu'à ce qu'ils vous balayent comme un tas de feuilles mortes?

Weasley était plaqué contre le mur. La main de Morgane était sur sa gorge. Mais elle se relâcha doucement et retomba, comme privée de vie. Alors, très lentement, Ron se redressa, et il dit:

- Je viens avec toi.

Les attaquants étaient occupés à forcer la grande porte d'entrée quand Morgane et Weasley pénétrèrent dans le Grand Hall. Tous les murs tremblaient sous les coups puissants, et la magie qui peuplait les lieux frissonait et se pelotonnait dans les coins. Une puissante vague de magie noire se déchaînait contre le château, et il n'y avait rien pour la stopper.

Presque rien.

Morgane sentait encore les angles de la pierre dans sa poche. C'était un espoir minime, mais c'en était un. Peut-être qu'elle devait quand même apporter cette pierre à Hagrid, avant d'affronter Voldemort. Avec un peu de chance, elle réussirait à suffisamment l'affaiblir pour qu'une contre-attaque ne soit pas vaine

- Weasley, murmura-t-elle, il faut que tu apportes la pierre à Hagrid.

Elle lui tendit l'objet magique, mais il ne le prit pas. À la place, il dit:

- Je croyais qu'il n'y avait plus rien à faire?

Elle fronça les sourcils:

- Tu veux retourner avec tes copains et attendre gentiment qu'ils vous massacrent jusqu'au dernier? s'énerva-t-elle. Si les Géants arrivent à temps, vous pourrez au moins vendre chèrement votre peau.

Il hocha gravement la tête et prit la pierre.

Au même moment, les Mangemorts firent trembler un peu plus lourdement la Grande Porte. Une lueur s'alluma dans le hall, et les deux Gryffondors, dissimulés derrière une statue, virent surgir Rusard, une lampe à la main, l'air furieux et avide de coincer les petits agitateurs nocturnes.

- Qui s'amuse à faire tout ce vacarme? cria-t-il de son horrible voix cruelle.

Mais ses yeux s'agrandirent d'horreur. La porte venait de céder. Weasley se pelotonna un peu plus derrière la statue. Rusard vit une bête aux crocs immenses, aux ailes parcheminées, pénétrer à pas pesants, en balançant sa tête au bout de son cou allongé. Il fit trois pas en arrière, saisi de terreur.

Lord Voldemort s'avança aux côtés de la bête.

- Ce Ce Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom! bafouilla Rusard.

- Investissez tout le château! ordonna Voldemort en ignorant la présence de Rusard.

- Professeur McGonagall! Professeur McGonagall! Professeur!!! hurla Rusard comme un dément en essayant de s'enfuir.

Des liens apparurent autour de ses jambes et il s'effondra au sol, tremblant.

Les Mangemorts commençaient déjà à se disperser dans le château.

Morgane murmura:

- Il faut que tu te dépêches de sortir. Je vais te donner un sort d'invisibilité. Il ne durera pas très longtemps, parce que j'ai besoin de ma puissance magique pour le reste. Profites-en pour filer.

- Ok, chuchota-t-il. Mais avant ça, dis-moi une chose: qui es-tu réellement?

Elle le jaugea du regard. Et puis elle prit sa décision, se pencha vers lui, et elle lui murmura la réponse à l'oreille.

Il ouvrit la bouche toute ronde, stupéfait et perturbé. Morgane eut un petit sourire: au moins, elle aurait eu son petit effet une dernière fois avant que tout ça ne finisse.

- Mais bafouilla le garçon. Comment c'est possible? Comment est-ce que tu peux être

- Chut! fit-elle en lui mettant la main sur la bouche. Ça n'a plus vraiment d'importance, d'accord? À part le sang, je n'ai rien en commun avec lui. Je suis Morgane Wakewage, fille de Boris et Anja Shrakow, et c'est tout. Tu garderas ça pour toi?

Weasley acquiesça, mais son regard en disait long sur sa pensée.

- Vas-y, fais ton sort, ordonna-t-il.

Morgane traça quelques traits dans les airs, et le garçon devint invisible. Elle percevait encore son empreinte magique, tout à côté d'elle.

- J'y vais, chuchota-t-il avec courage. Et, Morgane

Il se leva et marcha à l'écart de l'abri.

- Je ne te fais toujours pas confiance, dit-il, avant de s'enfuir à grands pas silencieux.

Elle regarda sa silhouette magique slalomer entre les créatures infernales amenées par les Mangemorts, et qui attendaient les ordres de leur maître. Personne ne le remarqua.

Dès qu'il fut hors de vue, Morgane se leva à son tour et fit s'évanouir le filet magique qui la protégeait.

- Voldemort! cria-t-elle d'un ton impérieux.

L'homme-monstre tourna la tête vers elle. Ses pupille s'agrandirent d'excitation. Elle se plaça face à lui, à dix pas.

- C'est cela que tu veux? fit-elle en sortant de sa poche la Pierre d'Orian.

Les affreuses narines de serpent s'arrondirent. Un rictus de plaisir tordit la bouche de Voldemort. Il susurra:

- Morgane Shrakow

- Si tu rappelles tes sbires, je te la donne, déclara Morgane, consciente qu'elle devait faire vite.

- Je vois que tu n'as pas perdu ton temps, Shrakow, fit Voldemort comme s'il n'avait pas entendu. Tu as fait ton chemin Tu as étendu ton pouvoir, tu t'es fait respecter. Quel dommage que tu refuses de travailler pour moi Ton aide me serait d'un grand service.

- Vou vous attendiez à quelle réponse? lança Morgane avec autant de mépris qu'elle parvenait à en exprimer. J'ai juré votre mort depuis bien des années.

- Je pensais que tu étais une personne sensée. Plus sensée que Potter, en tout cas. Après tout, je t'ai soustrait à la mauvaise influence de tes parents, chose que je n'ai pas réussi à faire pour lui.

- Et pas de chance, vous m'avez en même temps légué la haine qui me pousse à vivre pour me venger. Maintenant, rappelez vos Mangemorts ou la Pierre est à jamais perdue pour vous.

- Tu me ferais presque rire, fit Voldemort de son ton moqueur et cruel. Tu crois sincèrement que je vais me laisser avoir une deuxième fois à ton petit piège minable?

- Il n'y a pas de piège, dit-elle. Si je pose la Pierre au sol, elle cessera de m'appartenir. Vous pourrez la prendre pour votre compte.

- Qu'espère-tu, alors? Une fois qu'elle sera mienne, ton combat sera sans espoir.

- J'attends de vous la grâce d'un répit en échange de cette Pierre.

- C'est amusant, dit Voldemort en avançant d'un pas. Je me suis laissé dire que Harry Potter était perdu. Blessé à mort par mes fidèles serviteurs. Me dira-tu le contraire?

Morgane vacilla. Ses yeux se firent plus sombres encore, son expression plus féroce. Et puis elle sentit la chaleur réconfortante de la Pierre d'Orian, qu'elle tendait à bout de bras, et elle plongea le regard dans sa transparence, en quête d'un peu de force.

La Pierre lui confia tout ce qu'elle pouvait.

Ce que Morgane n'avait pas dit, ce que Voldemort peut-être savait, c'est que la Pierre s'épuisait. Bientôt, cette source de puissance illimitée lui serait retirée. Alors, Morgane n'aurait plus d'autre ressource que ses propres pouvoirs d'opérette. Son Don.

Et elle n'avait même plus Harry, pour manipuler les pouvoirs immenses du garçon.

Décidémment, elle aurait mieux fait de se ranger du côté des gagnants.

Cette pensée la mit en rage. Étendant ses tentacules par-delà les murs et les vitres, elle enserra le château dans sa magie. Elle pouvait sentir chaque Mangemort, chaque personne innocente qui dormait Les crimes étaient pour bientôt, la boucherie allait se déclarer

Elle crispa ses appendices. Les quarante Mangemorts furent attrapés par le cou et tirés en arrière.

La Pierre d'Orian s'affolait dans sa main. Elle rendait l'âme. Morgane savait aussi que Voldemort étendait ses pouvoirs pour contrer son entreprise.

Encore une traction. Les premiers Mangemorts arrivaient et s'effondraient sur le sol du Grand Hall. Les dragons et les créatures d'Enfer de Voldemort grondaient et piaffaient, sentant la rage de leur maître et avides de le secourir.

Si quiconque l'attaquait en cet instant, Morgane était fichue.

Tous les Mangemorts furent enfin là. Elle relâcha toute sa tension. Le contre-choc la fit tomber à genoux. La Pierre roula au loin, vidée de toute magie et inutilisable.

Voldemort la ramassa.

- Voilà pourquoi tu voulais me la donner, dit-il en la faisant tourner devant ses yeux. C'était une belle tentative, Shrakow. Ta dernière.

Il fit un nouveau pas vers elle. Les Mangemorts ne bougeaient pas.

- Quel dommage que tu te sois tournée du côté des Peulards Tu avais un tel potentiel Tu aurais été ma toute première Mangemorte, honorée par-delà tous les autres.

- Même pas en rêve gronda Morgane, affaissée vers l'avant.

- Oh, les rêves ne sont pas si différents que ça de la réalité Tu en sais quelque chose, n'est-ce pas? Morgane Wakewage Celle Qui Éveille Et Qui Mène À La Guerre

Il fit un nouveau pas. Il n'était plus qu'à un mètre d'elle, à présent.

Morgane ferma les yeux. Si elle se concentrait bien, elle pouvait peut-être encore se mettre sur ses pieds. Là, peut-être qu'elle aurait la force de s'enfuir. Si elle se concentrait

Pourquoi son esprit s'évadait-il? Son ennemi intime était à moins d'un mètre d'elle Elle pouvait le tuer Elle devait le tuer

Son corps refusait de répondre. Ses yeux ne voulaient plus se rouvrir. Il lui jetait un enchantement! Mais elle était plus puissante que lui, elle DEVAIT lui résister!

Oh, non, elle n'était pas plus puissante que lui Il était bien plus fort que tout ce qui peuplait ce monde. Plus fort que la marée, plus fort que les vents, plus fort que la tempête Pourquoi l'homme s'était-il créé des pouvoirs s'il ne savait pas faire le bien avec? Pourquoi la Magie acceptait-elle de se prêter à ce jeux où chacun avait tout à perdre? Et si les Moldus avaient fait le bon choix en rejettant tous pouvoirs? La Magie portait-elle forcément la perversion en elle?

"Voldemort te contrôle, pensa-t-elle. Ressaisis-toi! Tu es à sa merci! Il faut que tu te battes, il faut que tu honores Harry mort pour la cause!"

Oh, oui, Harry était mort. Il n'était même pas mort au combat. Il était mort trahi, lâchement attaqué Pendant qu'ELLE l'occupait Elle n'avait pas su voir venir le coup Elle lui avait montré les pouvoirs dont il devrait se servir pour abattre Voldemort, mais elle avait omis de lui apprendre à sentir le danger Ou peut-être elle-même n'avait-elle jamais su le faire Peut-être la mort de Harry était-elle le fait de sa propre incapacité, tout comme sa mort imminente le serait.

Dans l'autre monde Elle reverrait Harry.

Lord Voldemort créa une épée de lumière qu'il brandit vers le plafond enchanté. Puis il la lui enfonça dans le cur.

Tandis qu'elle tombait vers le sol, Morgane entendit dans un brouillard:

- Cette chienne m'a stupéfixé tous mes Mangemorts! Il va falloir réveiller tout ça! Et qui c'est qui s'y colle? Allez, au boulot

Puis sa tête roula de côté, et ses yeux ne virent plus.

Harry souffrait.

Il y avait la morsure dans son bras. Le sang s'en échappait à flots.

Il y avait les contusions sur tout son corps. Il avait atteri sur un lit de rocaille. Tout son dos et son côté droit n'étaient qui coupures et élancements.

Il y avait l'abîme dans son ventre. Il lui semblait que des marées de sang s'en échappaient à chaque battement de son cur.

Un visage flou se pencha au-dessus de lui. Des mains écartèrent de force le bras que Harry serrait violemment contre sa blessure.

La silhouette eut un mouvement de recul devant la profondeur des plaies béantes. Puis elle disparut, cédant la place à un insupportable ciel terne et vide.

- Revenez murmura Harry, mais seul un râle franchit ses lèvres.

Une main se posa sur son front. Le contact était tiède et réconfortant. Une voix dit:

- Tout va bien, Harry. Ne t'inquiètes pas. Tu vas t'en sortir.

- Sirius fit Harry.

- Ça va aller. J'ai de quoi te faire un pansement.

Un pansement? De quoi parlait-il? Pourquoi ne pas le guérir par magie?

Où étaient-ils? Tout n'était que grisaille et platitude. Rien pour distinguer la terre du ciel, le ciel de la terre.

C'est alors seulement que Harry remarqua l'autre silhouette à ses côtés.

- Bienvenue dans le monde réel, Potter, dit Severus Rogue.

- Professeur marmonna Harry. Vous aviez disparu.

- Je ne suis parti que quelques semaines Je n'ai pas dû vous manquer tant que cela, fit-il d'un ton railleur.

- Ça fait huit mois que tu es absent, dit Sirius tout en s'activant autour de la blessure de Harry.

Si Harry avait été plus en forme, il aurait sans doute été surpris, voire amusé, de l'expression de Rogue à cet instant. Mais au même moment les soins de Sirius lui arrachèrent un cri, et il eut l'impression que tout son corps se déchirait en deux.

- Désolé, marmonna son parrain en adoucissant ses gestes.

- Ça brûle gémit Harry.

- Je ne peux que te mettre cet onguent. Il va falloir que tu épargnes ton ventre quelques temps.

- Pourquoi tu me soignes pas? haleta-t-il.

Sirius se releva et s'assit à un mètre de distance:

- La magie connaît quelques difficultés d'utilisation ici.

- Tu es nul, fit Rogue. J'ai réussi à en faire.

- Ah ouais? réagit Sirius. Alors pourquoi tu ne soignes pas Harry, toi?

- Parce que tu ne me laisses pas l'approcher.

- Je refuses qu'il soit touché par ne serait-ce qu'il millithaum de magie noire. Et tu en suintes même par les oreilles.

Rogue prit l'air encore plus renfrogné, si c'était possible, mais ne dit rien pour démentir cette affirmation. Harry laissa retomber sa tête sur le sol inconsistant et se laissa aller. Si il ne concentrait pas toutes se forces pour écouter, son esprit divaguait. Il le laissa faire, oubliant un instant la douleur et l'angoisse.

Mais soudain, il se redressa et cria:

- Voldemort!

- Quoi? firent à l'unisson Rogue et Sirius, en alerte.

- Il était dans Poudlard! Il a attaqué Poudlard! Il est entré

Les deux hommes échangèrent un regard, puis:

- Calme-toi, dit Sirius en posant sa main sur le torse de Harry. Tu ne peux rien faire pour l'instant.

- Si, je Il faut que je me batte contre lui Moi seul peux le faire

Il y eut un sursaut chez les deux hommes, si perceptible que même Harry, malgré son état, le remarqua.

- Qu'est-ce que tu as dit? fit Sirius d'un ton brusque.

- Tu as bien entendu ce qu'il a dit, Black, grogna Rogue. Ce qui m'intéresse, moi, c'est de savoir comment il s'est enfin décidé.

- Que voulez-vous dire? demanda Harry d'une voix voilée par la douleur de son ventre.

- Ça me paraît évident

- Pas pour lui, coupa Sirius. Harry, ça n'a aucune importance, d'accord? Ce qui compte, c'est que tu sois enfin décidé à combattre Voldemort. Dumbledore serait fier de toi.

- Dumbledore murmura Harry.

Même dans l'état de semi-inconscience où il errait, il se souvenait parfaitement de sa dernière découverte sur le directeur de Poudlard. Et il n'était pas encore sûr de savoir quels sentiments il ressentait à son égard, à présent.

Il fit balloter sa tête de droite et de gauche, essayant de reprendre pied dans la réalité. Mais c'était comme si son cerveau s'était déconnecté. Tout était flou, en dehors des visages des deux hommes à ses côtés. Et le monde était trop gris, trop terne. Ça n'était pas le monde réel.

- Où sommes-nous? fit-il dans un effort pour parler distinctement.

- Dans le monde des Morts, dit Rogue.

Harry se redressa d'un coup:

- Quoi? aïe!

- Reste allongé! gronda Sirius en le retenant. Oui, nous sommes dans le monde des Morts, et on se demande bien comment on va en sortir.

- Mais vous n'avez pas aïe! cria Harry en plaquant les mains contre son ventre.

Quand la douleur se fut atténuée, il demanda:

- C'est ici que vous averz disparu depuis huit mois, professeur?

- Écoutez, Potter, s'enflamma Rogue. Je ne sais pas quelle est cette histoire de huit mois! Si c'est une moquerie, j'espère que vous allez rapidement revenir au sérieux, parce que notre situation

- Ne me dis pas que Dumbledore ne t'a pas parlé des distorsions temporelles avant de t'envoyer ici? fit Sirius d'un ton incrédule.

- Tout le monde sait à propos des distorsions temporelles! cria Rogue (et Harry l'avait rarement vu paniquer au point de perdre son ton calme et glacial). Mais pas de cette ampleur! Arrête de te payer ma tête, Black!

- Ok, crois ce que tu veux! De touten façon, ce sont tes oignons.

Les deux hommes furent interrompus par une violente quinte de toux de Harry. Étranglé à la foi par la nessecité de tousser et par la douleur immense qui déferlait dans son ventre, tout son corps était contracté comme un ressort tendu au maximum. Puis cela se calma, et il retira ses mains de sa bouche. Elles étaient pleines de sang.

- Oh, pourriture de mandragore crevée! s'écria Sirius en s'agenouillant à ses côtés. Harry, ça va? Tu m'entends?

- Ouais, dit celui-ci d'une voix éteinte.

- Où est-ce que tu as mal? Dis-moi, à quel endroit?

- Un peu partout, fit Harry dans une tentative désespérée de faire de l'humour.

- Tu ne peux plus reculer, Black, dit Rogue de son ton froid. Il lui faut des soins.

Sirius paniquait. Les mains de son filleul serrées dans les siennes, il hésitait, cherchant quelque chose en quoi trouver un soutien, dans ce monde d'inconsistance et d'éther. Puis il prit une grande inspiration:

- D'accord, dit-il. Dis-moi comment on fait.

- Tu n'as pas besoin de savoir, dit Rogue. Laisse-moi simplement approcher Potter.

- Je te dis de me dire comment on fait! cria Sirius d'un ton impérieux. Tu n'approcheras pas Harry plus que ça! C'est moi qui vais le soigner.

Du fond de son délire douloureux, Harry les entendit s'entretenir longuement. Il ne comprenait plus ce qui se disait. Le monde était froid et sans vie, et il voyait des ombres danser devant ses yeux. Et elles avaient l'apparence de ses parents, tels qu'il les avait vus dans la Pensine de Dumbledore.

Soudain, une grande vague de bien-être le submergea. Des picotements, des tiraillements se répandirent dans toutes ses extrémités. La vague se rassembla au niveau de son ventre, puis déferla sur tout son abdomen, jusqu'au cur qui

- ARRETE! hurla-t-il.

Sirius s'arrêta aussitôt. Harry sauta sur ses pieds. Sa blessure protesta, mais elle était globalement guérie. En revanche, son cur battait la chamade, et il sentait tout son être se révolter contre cette magie impure qui avait failli le submerger.

- Ne me touche plus jamais avec de la magie noire, dit-il à son parrain. Plutôt mourir que de sentir cette magie-là en moi.

Sirius le regardait comme s'il avait affaire à un dément, mais Rogue avait une expression amusée.

- Bon, dit-il en rassemblant ses quelques affaires. Si nous nous mettions en route?

- Avant toute chose, dit Harry, je voudrais comprendre ce que nous faisons là.

Ils étaient toujours dans la grande plaine désertique du monde des Morts. Tout était aussi nu et mort que Harry en avait eu l'impression dans son délire. De plus, la texture du sol était complètement déconcertante, de même que la nature du ciel et du paysage en général.

- C'est une question pour toi, Rogue, dit Sirius du ton méchant qu'il prenait toujours pour parler à son vieil ennemi.

- Merci, Black, répondit tout aussi méchamment le professeur de potions. Eh bien, Potter, je me trouve ici en mission

- Pour le compte de Dumbledore? coupa Harry.

- En effet, comme j'allais vous le dire, répondit-il d'une voix encore plus froide. Je suis en mission pour le compte de Dumbledore, et il n'y avait à priori pas de moyen d'établir un contact avec le monde réel. Cependant, j'étais en train de réaliser un sortilège lorsque la magie m'a échappé, pour ouvrir un genre de fenêtre par laquelle Black, qui passait mystérieusement par là, vous a amené.

- Attends, fit Sirius. Ça veut dire que tu ne savais pas que j'allais arriver? Tu ignores comment cette fenêtre s'est créée?

- C'est ce que je viens de dire, Black, dit froidement Rogue.

- Et toi, Sirius, comment tu m'as trouvé? demanda Harry.

- Je surveillais le parc, répondit-il. Je m'attendais à une attaque, dans les jours à venir. Il fallait absolument que je patrouille dans les environs de la barrière. Mais je n'ai pas compris comment Voldemort a pu l'ouvrir. Il lui a forcément fallu une aide intérieure, et je n'ai vu personne approcher de la barrière.

- Tu ne surveillais pas tout le périmètre de Poudlard, dit Rogue d'un ton sarcastique.

- Mais je n'étais pas tout seul à surveiller, répliqua-t-il. Je sais que tu es hors-jeu depuis pas mal de temps, Roguichounet, mais figures-toi que Dumbledore n'a pas laissé l'école sans aucune surveillance.

- Si tu parles des Amazones, je vois mal Dumbledore laisser reposer tous nos espoirs sur elles. Elles font profiter de leurs services au plus offrant. Quel qu'il soit.

- Des Amazones? répéta Harry. De quoi vous parlez?

- Tu ne les a jamais vu, expliqua son parrain. Elles avaient pour mission de défendre le château dans le secret le plus complet. Ce que je ne comprends, pas, Harry, c'est comment tu t'es retrouvé dans le parc, le ventre déchiqueté. On aurait vraiment dit que tu venais de transplaner.

- C'est le cas plus ou moins.

Et il expliqua l'histoire des dix silhouettes autour de son lit, et comment il avait échappé sans savoir comment au troisième coup de poignard.

- C'étaient sûrement les Passemorts Ils sont dix au total. Oh! C'est peut-être la réponse à l'énigme de la barrière! À présent, je suis certain que ce Mangemort, Lestrange, était réellement dans Poudlard. Je ne comprends toujours pas comment sa présence peut échapper à tous nos sens, mais il a très bien pu aller aider Voldemort à ouvrir la barrière de l'intérieur.

- Lestrange tu dis? fit Sirius avec une étrange férocité.

Harry ne posa pas de questions. En partie à cause de la présence de Rogue, qui avait été un des petits camarades de jeu de tous ces Mangemorts pendant longtemps. Comment, pourquoi il avait reviré, cela restait un mystère. Mais il préférait ne pas évoquer le sujet plus longuement.

- Eh bien, dit Rogue en se levant, si notre cher Potter se sent mieux, nous pourrions peut-être retourner à l'intérieur.

C'est à peu près à ce moment-là que Harry s'aperçut qu'ils étaient aux pieds des murs de Poudlard.

Ils passèrent les grandes portes, si semblables et en même temps si différentes de celles du monde réel. De l'autre côté, Harry vit ses premiers morts.

Leur aspect était effrayant et pitoyable à la fois, nullement comparable aux fantômes de Poudlard qui avaient gardé une forme de vie au contact des vivants. Ces morts-là avaient apparence humaine, mise à part leur texture semblable à de la fumée. Mais à l'intérieur, plus rien n'y était. C'étaient des enveloppes vides.

Une indicible tristesse se lisait sur leurs visages, quand ils les tournèrent tous en même temps vers les nouveaux arrivants. Harry fut choqué et effrayé par la quantité de morts qu'il y avait là: ils semblaient être des milliers. Entassés les uns sur les autres, ils peuplaient chaque coins de la salle, chaque petite parcelle de sol, chaque ombre. Et tous, tous, tous ils étaient des enfants.

Et tous, ils tournèrent la tête vers lui quand il entra à la suite des deux hommes. Et leurs regards s'illuminèrent.

Un murmure s'éleva parmi les formes spectrales. Les morts échangeaient des propos excités, s'agitaient, donnant presque l'illusion de la vie. Et régulièrement, leurs regards revenaient sur Harry, et une expression révérencieuse, extatique, naissait sur leurs visages figés.

Harry secoua la manche de Sirius.

- Qu'est-ce que ça veut dire? demanda-t-il tout bas.

Si Sirius avait eu l'intention de répondre, il n'eut pas le temps de le faire: un garçon s'était approché de Harry:

- Excuse-moi, Monsieur, dit-il avec timidité. Est-ce que t'es vivant?

- Oui, fit Harry.

Un doute soudain le fit tourner les yeux vers Sirius et vers Rogue. Aucun des deux ne fit de commentaire. Alors il vérifia ses mains: elles avaient toujours une apparence normale. Bien qu'il ignorât comment Rogue les avait fait venir dans ce monde, il se convainquit que cela n'avait pas consisté à le tuer. Ou il s'en serait rendu compte.

- Oui, tu es vivant, répéta le garçon comme si c'était une évidence, bien qu'il ait lui-même posé la question juste avant. Si tu étais mort, tu ne brillerais pas comme ça.

- Je brille? s'étonna Harry.

D'autre enfants s'étaient approchés, d'innombrables enfants qui les entouraient comme une grande marée de spectres. Et tous, ils hochèrent la tête:

- Oh, oui, tu brilles, dirent certains.

- Tu brilles de mille feux, confirma le premier garçon.

- Comme le soleil, tu éblouis, reprirent les enfants.

Quelque part, ailleurs, bien loin de là, les plafonds d'un certain château étaient allumés d'une guerre sanglante.

À l'intérieur du château-fort en cours de construction des araignées, les rebelles avaient quitté à la faveur de la nuit leur Araignée de Troie et étaient montées, les armes à la patte, à l'assaut du donjon. En quelques heures, et ce malgré l'abscence de leur chef, la petite araignée dorée, elles avaient passé tous les gardes au fil de la mandibule et jeté leurs cadavres au-delà des remparts. Les corps avaient chuté dans l'abîme sans fond qui s'ouvrait sur le monde étrange et inconnu peuplé d'humains bizarres.

Puis les rebelles avaient abaissé le pont-levis, et toute l'armée avait pris patte dans la place-forte ennemie. À leur tête marchait Shhs"¨sh¨¨'¨h, le fil d'argent teinté de rouge de la rébellion de nouveau fièrement accroché à sa mandibule, une flamme farouche allumant son regard. D'un geste puissant, elle leva la patte qui brandissait son épée vers le ciel, et la lame flamboya. Alors toutes ses guerrières levèrent leur épée à leur tour, et elles martelèrent le sol de leurs innombrables pattes, et leurs ennemies furent réveillées en sursaut et elles connurent la peur. Puis l'armée monta à l'assaut du donjon, au sommet duquel résidait leur ennemie, la Reine des oppresseuses, Sh"'s¨hs* la faucheuse aux longues pattes.

Le combat dura longtemps. Il n'est pas de terme approprié à la mesure du temps en language des araignées, et de toute façon elles ne l'utiliseraient pas car il leur est étranger. En revanche, elles connaissent la férocité, et si jamais il y eut bataille féroce ce fut celle-là. Les forces étaient plus grandes dans le camp des attaquées, car elles étaient nombreuses et dans leur propre terrain. En revanche, les rebelles étaient décidées, et pour la plupart plus courageuses. Car c'était en premier lieu la peur du changement qui avait conduit la majorité des araignées à se ranger dans le camp de Sh"'s¨hs*, alors que celles qui suivaient Shhs"¨sh¨¨'¨h ne connaissaient pas la couardise et croyaient en un avenir meilleur. Voilà pourquoi, au fil des morts et des offensives, des replis et des ralliements, la victoire des rebelles se dessina peu à peu.

- Qu'est-ce que ça veut dire? demanda Harry à Rogue. Pourquoi y a-t-il tous ces enfants ici? Et pourquoi voient-ils une lumière en moi?

- Je suis d'accord que vous n'en êtes pas une, Potter, grogna le professeur de potion. Mais vous pourriez parfois vous servir de votre cerveau. Pourquoi croyez-vous que vous brillez pour eux? Vous êtes vivant, pas eux. Vous leur apportez de la chaleur, de la lumière. Il n'y a rien de plus.

Harry sentit sa colère monter à l'insulte de son professeur. Interpellant un des fantômes, il lui demanda:

- Eh, toi! Est-ce que les deux autre vivants, là, brillent comme moi?

L'enfant ne réfléchit même pas avant de répondre:

- Bien sûr que non! C'est toi le seul, l'Unique! Nous te suivrons quoi que tu demandes! Nos destins sont liés, maintenant que tu es venu à nous.

- Ça ressemble à une mauvaise série B, murmura Harry en surveillant du coin de l'il l'expression de son parrain.

Dans sa tête se bousculaient les souvenirs de ce qu'il avait lu dans le livre rouge, ainsi que ce qu'il avait appris dans les pensées de Dumbledore. Il décida que sa condition d'Élu avait sans doute un rapport avec le reste.

- Qu'êtes-vous capables de faire? demanda-t-il aux morts.

- Nous pouvons te suivre où que tu ailles, dirent-ils.

- Pouvez-vous vous battre?

- Nous ne pouvons sortir de ce monde-ci, répondirent-ils.

Harry réfléchit un moment, puis dit:

- Alors vous ne m'êtes d'aucune utilité. À moins que attendez!

Les fantômes désappointés se redressèrent avec espoir:

- Est-ce que vous connaissez Est-ce que vous pouvez me dire

Un coup d'il à Sirius, il regardait le plafond. Un coup d'il à Rogue, il louchait sur son énorme nez. Harry décidé que cela voulait dire qu'on lui laissait quartiers libres. Et puis, qui était de taille à l'arrêter?

- où sont mon père et ma mère? finit-il dans un souffle.

Ils marchèrent de longues heures. Aux côtés de Harry, pour le guider, allaient deux spectres, un garçon et une fille, qui tous deux avaient l'aspect de jeunes d'une quinzaine d'années.

Derrière marchaient Sirius et Rogue, écartés l'un de l'autre comme si chacun craignait que l'autre ne lui donne la peste. Encore derrière venait le cortège innombrable des morts.

Harry n'avait pas parlé aux deux hommes depuis qu'ils avaient quitté Poudlard. C'était comme si un mur s'était peu à peu placé entre eux. Quand il avait parlé, c'était avec les deux fantômes. Ils lui racontaient comment c'était quand on était mort. La plupart du temps, il avait économisé son souffle.

Sa blessure lui faisait mal à nouveau, la marche forcée avait trop joué sur les cicatrices encore fraîches. Son cerveau aussi souffrait, souffrait de traverser ce monde d'ombres et de placidité immobile, ce monde qui lui faisait horreur alors même que son destin ne l'avait pas encore comdamné à y rester à jamais. Si c'était cela la mort, toute sa vision de la vie était à revoir.

Ils traversèrent des villes aux allées de brume. Ils virent des rivières qui coulaient sans bruit et sans vie, traversèrent des bâtiments aux formes mouvantes, des fantômes de forêts. Ils marchèrent ainsi longtemps, et puis ils arrivèrent.

La maison était telle qu'il l'avait visitée en rêve. Les roses poussaient encore dans le jardin, mais elles n'étaient plus que des fantômes sans parfum.

Derrière la porte, il y avait son père et sa mère. Enfin.

Il posa la main sur la poignée et, tout doucement, poussa.

Ses mains étaient comme la fumée, et plus aucune couleur n'habitait ses yeux de tigresse. Elle avait gardé les traits de la jeune mère au moment de sa mort. Mais on voyait le jour à travers sa crinière sans couleur.

C'était Lily.

Elle se tenait seule, au milieu de la pièce où Voldemort avait pénétré, il y avait bien longtemps de cela. Quand Harry entra, elle releva la tête, surprise.

Elle le regarda, et ses yeux s'arrondirent.

- Oh! Tu brilles

Ses premiers mots. Est-ce qu'elle l'avait reconnu? Est-ce qu'elle le voyait, à l'image des autres morts, comme un Élu quelconque? Ou est-ce qu'un nom lui venait à l'esprit? Est-ce qu'il pouvait se jeter dans ses bras? Est-ce que tout allait s'arranger à présent? Est-ce que

- Tu brilles, répéta Lily. Tu brilles mon fils.

Est-ce que c'était sa mère?

- Mon fils dit-elle en s'approchant. Oui, tu es mon fils Tu es Harry

Elle était encore enceinte, comme au moment de sa mort Enceinte depuis quatorze ans À jamais Et ces fichues larmes qui se mettaient à couler!

- Maman, dit Harry. Où est Papa?

Elle sourit:

- Il arrive.

Et sans s'étonner sur la récurrence de cette phrase, il tourna les yeux vers la porte du fond, qui venait de s'ouvrir.

James Potter entra.

Il s'immobilisa.

- Qui es-tu? demanda-t-il d'un ton étonné. Tu brilles de l'intérieur Jamais je n'ai vu d'étoile aussi brillante.

- Le soleil lui-même n'a pas cet éclat, dit Lily. C'est notre fils, James.

- Oui fit James en s'approchant. Oui, je le reconnais maintenant. Tu as bien grandi Harry.

Harry hocqueta entre deux cascades de larmes qui lui occultaient la vue:

- Toi tu n'as pas changé! Tu es pareil qu'au jour de ta mort.

- C'est vrai, fit James sans émotion. Tu vas nous rattraper un de ces jours.

- Si tu sors d'ici d'abord, fit Lily. Le monde des morts n'est pas fait pour les vivants, mon fils.

Il y avait une boule dans sa gorge Il ne pouvait pas parler Il hocha simplement la tête

- Tu sais comment repartir? insista-t-elle.

- Non, dit Harry.

- Il faut que tu te serves de ton pouvoir, dit-elle simplement.

- Mais avant ça, dit James, il faut que tu emmènes tous les fantômes avec toi. Ton armée.

- Pourquoi? s'enquit Harry.

- Elle t'aideras à t'assurer la victoire, dit sa mère. Et maintenant, tu dois vite partir.

- Non! attends. Je on ne s'est rien dit!

- Il y a des millions de choses que j'aimerais t'entendre raconter, dit James. Comment ç'a été, la vie après qu'on se soit éclipsés. Est-ce que tu voles?

- Mieux que personne, fit Harry. Je suis Attrapeur.

- C'est bien! s'enthousiasma son père. Et les cours? Pas trop dur?

Le garçon secoua la tête. Il y avait tant de choses à dire

- Tu n'as pas eu besoin de nous finalement, fit Lily. Je suis désolée que ça ait dû se passer comme ça Mais tu t'en tires magnifiquement bien.

- Non Maman! paniqua-t-il. J'ai j'ai besoin de toi. Je ne suis pas quelqu'un de si bien, tu sais Je suis instable et perturbé et méchant avec ceux que j'aime Et j'ai si longtemps reculé devant le combat!

- Mais tu l'as finalement accepté, dit James. Si j'avais pu faire autrement, je t'assure que j'aurais été à tes côtés toutes ces années. Je Je sais que tu ne pourras jamais nous pardonner, mais

Harry eut très envie d'acquiescer, et puis il sourit et il secoua la tête:

- Je ne vous en ai jamais voulu Mais il y a tellement de choses que je voudrais vous demander

- Et il y a si peu de temps, je sais, dit Lily. Il faudra faire sans. Pour l'instant, ce qui compte, c'est que tu vas retourner là-bas et te battre. Et tu vas gagner.

- Comment? demanda-t-il. Je n'ai jamais été capable de faire de la Vieille Magie dans la réalité. Tout mon prétendu pouvoir d'Élu n'est que rêve et illusion.

James et Lily sourirent.

- Si tu ne peux amener le rêve dans la réalité, dit Lily, fait venir la réalité dans tes rêves.

- Tu peux y arriver, Harry. C'est écrit depuis bien longtemps.

Le garçon hocha la tête. Cela réveilla la douleur de son ventre, mais il n'y fit pas attention.

- Pars, maintenant, dit sa mère. Pars vite, et mène-les à la guerre.

- Quoi? Qui ça? fit Harry, un peu égaré.

- Ton armée de morts, redit son père avec un sourire. Emmène-les combattre pour toi.

- Comment leur faire quitter ce monde-ci?

- Demande à ton ami Severus. Il le sait parfaitement.

Intrigué, le garçon hocha la tête. Puis, avec un immense effort, il s'arracha à la douce proximité de ses parents et marcha jusqu'à la porte. Sans quitter James et Lily des yeux, il passa à l'extérieur.

Mais en reculant vers le portail, il garda ses yeux fixés sur la porte de bois clair qui se refermait doucement Et il sentit un grand vide en lui, et la douleur de son ventre se fit encore plus présente

Soudain, un grand froid l'envahit. Un nouveau pas en arrière, hésitant, lui fit perdre l'équilibre.

Il tomba à travers la silhouette glacée d'un spectre qui se tenait là, debout sur le sentier, tétanisé.

Harry se releva lentement; il y avait une chose qu'il voulait vérifier, une impression qu'il avait eue

Lorsque leurs yeux se croisèrent, il n'y eût plus de doute possible. C'était elle.

Morte!

- Harry! lança Sirius depuis l'extérieur du jardin. Je m'excuse, j'ai essayé de convaincre cette fille de rester parmi les autres, mais elle voulait à tout prix avancer. Tu ne t'es pas fait mal?

- Cette fille! s'énerva Harry. Mais c'est Morgane, Sirius! Morgane!

Il fixa les yeux sur le visage grisâtre, translucide, qui avait gardé les traits de la fille qu'il connaissait si bien, et cette vue le bouleversa. Il se rapprocha d'elle le plus possible, essayant sans y parvenir de croiser son regard à nouveau.

- Morgane, dit-il en essayant de serrer ses bras dans ses mains, sans parvenir à la toucher. Pourquoi es-tu morte? Pourquoi es-tu là? Parle-moi, dis-moi pourquoi je te retrouve ici.

Lentement, plus lentement que toute chose, elle leva les yeux vers lui. Lorsque ses lèvres remuèrent, on aurait cru voir parler une statue.

Elle dit:

- Tu es vivant.

- Oui, oui, oui! dit Harry. Oui, je suis vivant, mais toi tu es morte! Pourquoi? Qu'est-ce que tu as fait?

- Je L'ai combattu dit-elle tout doucement. Il a gagné.

- Oh, Morgane bafouilla-t-il, et des larmes emplirent ses yeux. Pourquoi tu as fait ça? Tu aurais dû savoir Comment on va faire, nous, sans toi?

- Je suis morte parce que tu l'étais avant moi! dit-elle avec reproche. J'ai senti que tu étais parti à jamais Et je te retrouve en vie! C'est toi qui m'a trahie, Harry, et en plus de ma mort l'Ennemi a gagné le combat. Pourquoi est-ce que toi, tu as fait croire que tu étais mort?

- Je ne l'ai pas fait exprès! C'est Rogue et Sirius et la magie qui m'ont amené ici. Crois-moi, Morgane, je ne l'ai pas voulu! Je suis tellement désolé

Comme cette nouvelle douleur lui faisait mal! Il avait l'impression qu'il allait exploser. Morgane avait mis les mains devant ses yeux, elle pleurait de rage et lui ne pouvait même pas la réconforter

- Tu me détestes à nouveau? demanda-t-il d'une voix cassée.

- Bien sûr, fit-elle méchamment. Je n'ai jamais cessé de te détester! Tu avais tout ce que je n'avais pas, Harry Potter. Le nom, la célébrité, le Don et l'empreinte de Voldemort dans ta peau. Comment aurais-je pu ne pas te jalouser? Moi qui même après dix ans de travail ai été incapable de battre Voldemort, alors que toi tu y arriveras sans difficulté? La vie est injuste, Potter, elle est injuste. Tout ça parce qu'un horrible Sorcier m'a arraché à une mort assurée pour me précipiter dans une vie sans pitié.

La compréhension chatouilla un instant son esprit, et toutes les pièces se mirent en place en un éclair et s'accordèrent. Mais l'instant d'après il avait tout oublié, car la vérité était trop invraisemblable et son esprit s'en était déchargé. Alors Harry fronça les sourcils, car tout ce que venait de dire Morgane lui était étrange à nouveau, et il fit un pas en arrière.

Mais elle s'avança vers lui:

- Je voudrais dit-elle. Je voudrais pouvoir retourner là-haut et me battre avec toi. Je voudrais que mes mains puissent encore serrer une baguette, et m'en servir. Je voudrais que tout redevienne comme avant.

Un sourire fugace éclaira le visage de Harry au souvenir de tout ce qu'ils avaient vécu, tous les deux. Obéissant à une impulsion venue du fond de son être, il leva les bras vers Morgane et l'en entoura. Et elle fit semblant de s'y abandonner, même si elle ne les sentait pas et s'il ne la sentait pas.

Une grande vague de fatigue le submergea, mais il la refoula et s'écarta doucement de Morgane. Il voulut jeter un dernier regard à la porte derrière laquelle se tenaient ses parents, et c'est alors qu'il remarqua que Sirius était là, et qu'il s'entretenait gravement avec James. Finalement, ils échangèrent une accolade sans substance, Lily déposa un baiser fantômatique sur sa main et le souffla vers Sirius, et l'homme qui était le parrain de Harry s'éloigna doucement des deux amis dont la mort lui pesait encore sur la conscience.

- Tu es prêt? demanda-t-il à Harry en repassant à ses côtés.

Le garçon tenait Morgane tout près de lui, malgré l'impossibilité de la toucher. Il hocha la tête:

- Prêt. Mais j'ignore comment rentrer.

- Nez-pointu le sait, dit Sirius en désignant Rogue.

Tous deux, suivis de la jeune fille, rejoignirent le pofesseur de potion et l'armée d'enfants-fantômes. Évidemment, il refusa tout net d'ouvrir une porte pour faire sortir tous les morts. Tandis que les deux hommes se disputaient, Harry s'assit sur un muret, à côté de Morgane.

- Qui sait, dit-il, peut-être que quand vous allez franchir cette porte vous redeviendrez tous vivants?

- Arrête tes idioties, Potter, fit-elle. Est-ce que vous êtes devenus des morts quand vous êtes entrés ici, toi et les deux autres?

Il médita un moment.

- Non, admit-il, mais ce sera peut-être différent là? Si toi et moi on y met tous nos pouvoirs?

- Je n'en ai plus, dit-elle. J'ai tout perdu.

Autre moment de réflexion.

- Tu sais, dit-il enfin, c'est aussi l'impression que j'ai quand je ressors de mes rêves avec toi, et que je suis quelqu'un de normal à nouveau. Je me dis que les déluges de magie et tout ça, ça ne marche qu'en rêve et que la réalité n'a pas de place pour ça. Et pourtant, tout le monde m'assure que je devrai battre Voldemort grâce à ces pouvoirs. Est-ce que ça veut dire que ce n'est qu'une impression, que si je le voulais je pourrais me servir de mes pouvoirs dans la réalité? Je l'ignore. Mais ce que je sais, c'est qu'il va me falloir faire un sacré effort pour y parvenir. Alors peut-être que cet effort-là, on peut le faire ensemble? Moi j'essaye de toutes mes forces de retrouver les pouvoirs que j'ai en rêve, et toi tu te convainc que tu n'es pas morte et tu les retrouves en toi. Ils sont toujours là. Il faut seulement que tu les trouves. C'est d'accord?

Elle tourna vers lui ses yeux à l'éclat cendré de la mort.

- Même si tu avais raison, dit-elle. Si toi et moi on arrivait à retrouver nos pouvoirs. Qu'est-ce que ça changerait pour moi?

Harry sourit:

- Un Élu doit bien être capable de faire quelques miracles, non?

Ils se donnèrent les mains. Morgane avait posé les siennes dans celles de Harry, mais comme elles n'avaient pas de substance elles passaient au travers, et c'était comme si leurs quatre mains n'en faisaient que deux. Ils fermèrent les yeux, et ils cherchèrent tout au fond d'eux.

Tout commença au fond d'un puit noir, noir, noir et vide. Leurs deux esprits s'envolèrent et descendirent dans le puit.

Le puit était l'univers.

Au fond, très loin avant les galaxies et tout le bazard superflu, ils trouvèrent une tête d'épingle.

Dans la tête d'épingle était contenue toute la matière du monde. Des milliards de milliards de tonnes de matière, concentrée en un point unique.

Et ayant descendu le temps plus loin qu'il ne commençait, ils stoppèrent leur avancée et contemplèrent.

Et ils assistèrent au big bang. Il baignèrent dans la grande explosion originelle.

Ils sentirent, avec leurs cinq sens plus le sixième, qui était celui de la magie, ils sentirent les tonnes de matière déferler sur le monde en constante expansion et commencer à se scinder, à s'unir, à se mélanger en une grande soupe cosmique.

À ce moment-là, déjà, la magie était présente.

Le temps s'accéléra. Portés par leur faible poids, ils commencèrent à remonter le puit malgré eux. Ils virent les galaxies s'épanouir et se diversifier, les distances s'étendre et l'espace se peupler de vide. La magie, tellement concentrée à l'origine, continua à baigner certains espaces et s'absenta des autres.

Autour, sur et dans leurs deux esprits, elle restait présente, cent fois, mille fois plus concentrée que partout ailleurs, telle la grande explosion de l'instant du big bang.

Un rond de lumière grise apparut au-dessus de leurs têtes, et ils s'y précipitèrent comme deux bouchons remontant à la surface. Ils émergèrent à l'unisson, mais Morgane s'attarda un moment pour puiser de dernières réserves, avide de sentir en elle cette magie qu'elle avait cru perdue à jamais.

Harry et Morgane ouvrirent les yeux.

Elle était toujours un fantôme. De son côté, il avait toujours mal à sa blessure.

Mais elle avait des étincelles au bout des doigts. Un sourire illumina son visage, et elle leva la main.

Un grand arc de cercle de lumière vibrante se dessina dans les airs.

Morgane sourit à Harry:

- À toi, dit-elle.

Il fit de même. Au lieu d'un simple arc de cercle, ce fut tout l'espace qui s'illumina le temps d'un souffle. Le ciel clignota en bleu et l'herbe fantôme parut presque verte.

- Whaoh fit Harry.

Tous les morts avaient tourné leurs têtes vers lui. Des expressions d'extase, proches de l'adulation, baignaient leurs visages.

Au même moment, Rogue acheva un rituel pour lequel il avait tracé des cercles magiques au sol. Il se releva et lança:

- La porte va s'ouvrir, Potter! Je vous conseille de vous dépêcher si vous voulez faire passer tout ce monde-là! Et maintenant

Un grand ovale de lumière, comme Harry en avait vu un un jour dans le jardin des Weasley, surgit de terre. À travers lui, on apercevait le monde réel. Ses couleurs faisaient mal aux yeux, tant tout n'était que grisaille dans le monde des morts.

Rogue franchit la porte d'un pas décidé:

- bonne chance à tous! Vous en aurez besoin, dit-il d'un ton ironique en disparaissant dans l'autre monde.

Harry monta sur le muret pour s'adresser à l'innombrable foule des fantômes:

- Écoutez-moi tous! Le moment est venu de combattre!

Tous les morts aux visages d'enfant hochèrent la tête, nullement effrayés.

- J'ignore quels pouvoirs vous aurez sur nos ennemis, là-bas, poursuivit Harry. J'ignore aussi quels dommages eux pourront vous faire. Je n'oblige aucun de vous à me suivre. Simplement, je vous dis ceci: si vous nous aidez, si grâce à vous nous parvenons à repousser cette attaque terrible, alors il n'y aura pas assez de mots pour exprimer notre gratitude. Le monde des vivants tout entier vous comblera d'éloges, maintenant et pour les siècles à venir!

Une grande clameur s'éleva pour approuver ses paroles, et Harry acquit une certitude: ils viendraient tous. Ça n'étai pas simplement ses paroles qui les avaient convaincu: bien qu'il ignore comment ça se faisait, ces morts-là attendaient cette bataille depuis bien plus longtemps qu'eux-même ne le savaient. Par le fait de qui, ou de quoi?

Harry sauta à bas du muret et franchit la porte de lumière. À ses côtés venait Morgane, illuminée par la magie déployée librement. Derrière marchait Sirius, l'air grave mais hâtif de se battre.

Derrière lui vint la foule immense, murmurante, des fantômes.

– fin du chapitre 25 –

Eh ben, j'ai fini un chapitre. Je n'en reviens pas moi-même.

Je ne vais pas m'étendre, sinon le chapitre suivant sera pour l'année prochaine. Alors autant que je m'y attelle tout de suite.

Je vais avoir besoin d'encouragements, parce qu'en ce moment c'est pas trop la fête. N'hésitez pas à reveiwer! Ça me donnera peut-être la force de bosser mes contrôles divers et variés jusqu'au suivant! Ah, foutu lycée

Bonne continuation à vous tous,

à bientôt (dans un mois ou deux) pour le chapitre suivant,

Ona

ps: le titre du chapitre® appartient à Philip Pullman, dans "La lunette d'Ambre". Tous droits réservés, reproduction interdite, le photocopillage tue le livre etc. C'est pas ma faute s'il écrit des livres géniaux qui m'inspirent en long et en large!