Smitty le Basilic.

Chapitre deux.

J'aime beaucoup Harry. Déjà parce qu'il parle le Fourchelangue, ce qui est bien agréable après une journée à me tordre la langue avec vos mots impossibles. Ensuite parce qu'il ne parle pas beaucoup, je pense. Qu'il préfère écouter. Qu'il ne juge personne. Parce qu'il a beaucoup souffert, aussi. Parce qu'il connaît la noirceur, que la noirceur est le propre du reptile, et qu'il faut la connaître et l'accepter.

Je savais où le trouver.

Je me glissai d'une fissure du mur, m'enroulai autour du pied de la table où il était assis, et me hissai à son niveau. Il me sourit en me voyant.

~ Bonsoir Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll. Ce n'est pas très prudent.

Je jetai un coup d'œil dans la Salle Commune des Gryffondors.

~ Il n'y a personne à cette heure-là. A part toi.

~ Et oui.

Il restait toujours là, jusqu'à une heure avancée de la nuit. Jusqu'à ce qu'il ne tienne plus debout et qu'il s'endorme, malgré ses cauchemars. Tuer Voldemort ne lui avait servi à rien concernant ce point là.

Je décidai donc, dans ma grande bonté, de lui faire la causette.

~ Et bien, nous avons bavardé, avec Hermione, cet après-midi.

Il me jeta un coup d'œil intrigué.

~ Et de quoi?

~ Des rapports humains entre filles et garçons.

Son visage afficha un sourire à la fois hilare et incrédule.

~ De sexe?

~ Non, d'amour. Qu'est-ce que c'est que ça – le sexe?

Il réfréna sa crise de fou-rire.

~ Et bien, ça va souvent de paire avec l'amour – même s'il y a quelques exceptions.

~ Oh. Ca.

Il hocha la tête d'un air sérieux, mais ses yeux – ses vrais, pas ses lunettes – pétillaient.

~ Oui. Ca. Et alors? Sur quoi a porté votre conversation concernant l'amour?

Je soupirai.

~ C'est assez tordu comme concept. Je veux dire, c'est encore une chose qu'ont inventé les humains pour se compliquer la vie, non?

~ Entièrement d'accord avec toi, murmura-t-il.

~ Alors à quoi bon?

Il ne répondit pas, un sourire triste aux lèvres.

~ Passons. Juste, explique-moi comment peuvent se débrouiller deux filles ou deux garçons pour ça. Honnêtement, je ne vois pas la façon dont ça pourrait fonctionner.

Il pleurait à nouveau de rire.

~ Sérieusement, Harry!

Il se pencha et me lâcha quelques phrases descriptives dans mon oreille reptilienne. Je le regardai avec circonspection.

~ D'accord pour les filles. Mais les garçons?

Nouveaux chuchotis.

~ Hum. Oui. Mais ça doit faire mal, non?

~ En général, on apprécie, plutôt.

~ Mais quand même

~ T'inquiète pas pour ça, me coupa-t-il en souriant.

Je m'aiguisai pensivement un crochet sur le rebord de l'encrier.

~ Ces couples de gars et de filles…

~ Oui?

~ Pourquoi ils se cachent?

Il s'appuya au dossier de son fauteuil.

~ C'est en général assez mal vu.

Je le regardai avec surprise.

~ Pourquoi?

~ C'est comme ça. Certaines personnes trouvent ça anormal.

~ Au fond, ça l'est. D'un point de vue naturel, je parle.

~ Oui. Mais ce n'est peut-être pas une raison pour détester et mépriser ces gens-là.

~ Bien sûr que non! protestai-je. Ca va jusqu'à ce point?

Il hocha tristement la tête.

~ Vous êtes bizarres –

~ … vous les humains. Je sais.

Il y eut un assez long silence, chacun perdu dans ses pensées.

~ Hermione est amoureuse, lâchai-je au bout d'un moment.

~ De qui?

~ De Ron.

Il me regarda avec étonnement.

~ C'est vrai? Pour de bon?

~ Bien sûr que c'est vrai! sifflai-je. Hé, dis-moi, sur quels critères se base-t-on quand on tombe amoureux?

Il resta pensif.

~ Aucun. Je pense que c'est comme ça.

Voilà qui m'était très utile…

~ Je pense que tu ne remarque plus les défauts de la personne. Juste ses qualités. Et tu te rends compte que tu adore ces qualités. Parfois même ses défauts. Tu te demande comment tu ne t'en étais pas rendu compte auparavant. Parfois tu te demande comment tu as pu tomber amoureux, tellement tu – enfin –

Il se tut.

~ C'est qui? sifflai-je doucement.

Il me fit un sourire goguenard.

~ Alors là, tu peux rêver.

Je ronchonnai un moment, puis lui demandai distraitement.

~ Harry, ça veut dire quoi "vas te faire foutre"?

C'était aux alentours de Février – une autre des choses que j'admire chez les humains, c'est leur ingénieux découpage du temps – surtout cette histoire d'années bissextiles. Ils sont parfois futés.

Ce fut à peu près deux semaines plus tard qu'eut lieu l'incident qui allait bouleverser ma vie – quoique ces derniers temps elle eût été déjà assez bouleversée comme cela – et me permettre de continuer et d'approfondir ma passionnante étude.

Or donc, nous étions tous les quatre installés dans la petite pièce qui nous servait de quartier général, confortablement vautrés à terre, entrain de disputer une partie acharnée de mah-jong – oui, les serpents sont très joueurs; je suis particulièrement doué aux échecs, à la grande joie de Ron – quand la porte s'ouvrit – que dis-je, explosa – avec un "BANG!" sonore et qu'un énergumène vint nous interrompre sans délicatesse en hurlant:

- Potter! Weasley! Granger! Peut-on savoir ce que vous fabriquez enfermés dans une pièce où visiblement vous n'avez rien à faire –

Il s'interrompit net en me voyant, me laissant ainsi le temps de l'étudier à loisir. C'était, je pense, un adulte humain dans toute sa maturité, ce qui était plutôt rare dans cette 'Ecole'. D'après le ton qu'il avait employé et la tête de mes amis – plutôt verdâtres, surtout Harry qui semblait littéralement terrifié – j'en déduisit qu'il s'agissait d'un de leur professeur. Et d'après ce qu'ils m'avaient raconté, je devais me trouver en face de leur Maître de Potions, le Pr Severus Snape. Certes, il semblait aussi désagréable qu'ils me l'avaient décrit. Mais pour l'instant il semblait surtout stupéfié par ce qu'il voyait. Peut-être n'était-il pas habitué à tomber sur des Basilics portant des lunettes de soleil, en train de jouer au mah-jong avec ses élèves.

- Que – nom de Dieu – comment – merde.

Les trois autres eurent un hoquet surpris en l'entendant jurer. Je pris quant à moi ma voix la plus froide pour le remettre à sa place.

- Quand on fait ainsi irruption dans une pièce, Monsieur, on a au moins la politesse de s'excuser et de se présenter à ses occupants. A qui ai-je l'honneur?

Je pense que le coup l'acheva.

- Severus Snape, bégaya-t-il avec un regard vide.

- Et bien, M. Snape, laissez-moi vous dire que votre comportement laisse fort à désirer. Je dois ajouter – d'accord je me tais, conclus-je précipitamment en avisant la baguette pointée sur moi.

- Monsieur non!

Harry avait bondi sur ses pieds et lui avait empoigné le bras.

- Il est inoffensif, balbutia-t-il en plantant son regard dans le sien.

Je reniflai sans discrétion pour manifester mon désaccord, mais l'homme ne m'accorda pas même un regard, ses yeux furieux plantés dans ceux de mon ami et essayant de se dégager.

- Mais vous avez complètement perdu la tête, Potter?! Il s'agit d'un Basilic! Nom de Dieu j'aurais cru, pourtant, que vous connaissiez le danger qu'une telle bestiole représentait! Lâchez-moi!

- Monsieur! intervint Ron tandis que Harry retombait contre le mur, le visage désespéré. Il est vraiment inoffensif! Ca fait plusieurs mois maintenant que –

- Plusieurs mois?! Depuis plusieurs mois vous abritez un Basilic?! (Il semblait hors de lui.) Chez le Directeur. Immédiatement. Quant à cette… chose… (Il me jeta un coup d'œil dégoûté.)

- Hé! Soyez poli! protestai-je.

Ses yeux se fixèrent sur moi.

- Il parle, murmura-t-il.

- Je parle, je chante, je vous danse même la lambada si vous le désirez, répliquai-je gracieusement.

- Et il peut même vous passer du venin pour vos expériences, intervint rapidement Hermione. Et des écailles. Et du sang.

- Ah non j'aime pas les prises de – humph!

- Tais-toi un peu, grogna Ron en ôtant sa main.

L'homme restait silencieux.

- Bien, dit-il enfin. Chez Dumbledore. Et emmenez ce…

- Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll, pour vous servir. Mais vous pouvez m'appeler Smith.

Ca n'eut pas l'air de l'amuser.

Le vieux bonhomme avait une barbe épatante. Jamais vu ça. Il me regarda avec curiosité tandis que Snape lui déballait la rencontre, puis me sourit.

- Enchanté, monsieur…?

- Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll. Mais sans "monsieur". Les Basilics n'ont pas de sexe.

Il eut l'air sincèrement intéressé, ouvrit la bouche comme pour poser une question, puis se reprit sous le regard noir de son employé.

- Et bien, cher… Smissssirrrrrrrssssaaaaâlll –

- Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll. Avec neuf "r" et deux "". Appelez-moi plutôt Smith.

- Cher Smith – heu – pourriez-vous nous raconter comment vous en êtes venu à rencontrer Harry?

Je lui déballai toute la petite histoire assez rapidement. A la fin, il souriait franchement. Les yeux de Snape au contraire brillaient froidement tandis qu'il les fixait sur Harry qui se faisait tout petit dans son fauteuil. Ron et Hermione, assis juste à côté de lui, ne pipaient mot.

- Et bien, et bien! Que d'aventures! Je suis vraiment enchanté de faire votre connaissance, M. Smith.

- Pas autant que moi, répliquai-je poliment.

- Bien! Il va falloir discuter de votre situation au château, à présent.

- Vous n'allez pas l'envoyer dans un zoo ou un truc comme ça? intervint Hermione d'une voix tremblante.

- Mais non, la rassura le vieux – Dumbquelquechose, ce qui lui allait très bien. Simplement il faut une raison officielle pour le garder ici. Severus?

L'homme se détourna vers lui.

- Vous serait-il d'une quelconque aide pour vos potions?

Le regard noir me découpa littéralement en morceaux.

- Il me serait très utile s'il coopérait.

Je ne m'en sentais pour ainsi dire pas la moindre envie.

- Parfait! Voilà notre excuse officielle. Cependant, ajouta-t-il en se tournant vers moi, essayez de ne pas trop vous faire apercevoir par les élèves…

- Bien entendu.

- Ce sera tout! conclut-il en se levant. Je vous souhaite une bonne –

- Et ces trois-là? le coupa la voix froide de Snape.

Le vieil homme lui adressa un sourire ingénu.

- Je vous demande pardon?

- Albus. Ils ont introduit un Basilic dans l'Ecole.

- Ce n'est pas vrai! protesta Harry.

- Taisez-vous, Potter. (Harry se rassit en tremblant.) Albus. Ils doivent être punis.

Le directeur soupira.

- Bien, donnez-leur une retenue dans ce cas… Bonne journée, donc.

Une fois dans le couloir, enroulé autour du cou de Ron, je me tournai vers Harry.

~ Il ne t'aime pas fort, remarquai-je en Fourchelangue.

~ Tu parles. Les cours sont un cauchemar, maugréa-t-il.

~ Quelle en est la raison?

Il ouvrait la bouche pour répondre, mais Hermione nous interrompit.

- J'ai horreur quand vous faites ça, râla-t-elle. Qu'est-ce que vous racontiez?

- Je demandais à Harry si Snape accepterait de faire le cinquième au tarot avec nous, répondis-je. J'aime beaucoup le tarot.

- Tu aurais plus de chances en demandant à Dumbledore.

Mon existence fut donc rendue publique.

Ce fut assez comique, je dois dire, d'observer les têtes de ces charmants humains quand ils me virent pour la première fois. J'eut droit à un premier show en salle des professeurs, où ils y eurent quelques cris étranglés, peut-être un évanouissement ou deux, et un reniflement de la part de Snape – charmant homme – quand Harry, sur l'ordre de Dumbledore, me sortit de son sac. Quant au premier cours de Potions auquel j'assistai vraiment, ce fut de la folie. Les élèves élaboraient leurs potions en tremblant – mais Harry m'assura que ça ne changeait rien de l'ordinaire – et en jetant des coups d'œil nerveux vers le bureau où je trônais. Je crois qu'ils n'aimaient pas mes lunettes. Quand le cinquième chaudron explosa et que Snape poussa un soupir exaspéré, je sifflai une suggestion à Harry.

~ Si tu veux, répondit-il en haussant les épaules.

Et il se tourna vers l'homme qui ouvrait la bouche dans sa direction – certainement pour lui jeter quelque chose de peu agréable, si j'avais bien compris le système.

- Monsieur, le coupa-t-il dans son élan, Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll propose que les élèves le touchent, histoire d'en avoir un peu moins peur.

Dans le grand silence qui se fit dans la classe, Snape resta quelques secondes impassible, puis hocha sèchement la tête et revint vers le bureau où il me saisit délicatement – il possédait des gestes étonnamment précis et sûrs.

- Vous avez tous entendu, s'adressa-t-il à la classe. Je vais passer parmi vous, et une fois que vous aurez vérifié par vous-même que ce Basilic n'est pas dangereux – il jeta un coup d'œil à Harry – vous vous remettrez au travail, d'une façon un peu plus satisfaisante, je l'espère.

Je ne sais si vous réalisez ce que je venais de proposer. Les Basilics répugnent en général au contact – sauf pour tuer, mais ceci est une autre histoire. Tout du moins, ils supportent le contact avec d'autres reptiles, mais là, imaginez, j'allai être touché par des mammifères pleins de sueur… Fallait-il que je fusse dévoué!

La première fut une fille à la cravate rouge et or – une Gryffondor – qui m'effleura craintivement. Je dardai une langue innocente dans sa direction et elle poussa un petit cri. Ah, combien était-on loin de Hermione et de son sérieux imperturbable! Elle sentait la viande de porc et le savon à la violette. Charmant.

La deuxième – encore une fille – était à Serpentard. 1 mètre 90, facile. Des yeux globuleux – je pensai un instant qu'elle portait des lunettes, mais non. Mais je dois dire à son avantage qu'elle ne semblait pas sottement terrifiée – enfin, peut-être était-elle trop bête pour se rendre compte de ce que je représentais vraiment. Citronnelle et croquettes pour chat.

J'allai ainsi d'élève en élève, caressé plus ou moins craintivement, adressant un clin d'œil complice à mes amis au passage. Les garçons sentaient en général plus la sueur que les filles, d'une odeur plus délicate, mais tout cela demeurait très dur pour mon pauvre nez. Enfin, ils étaient moins gluants que ce à quoi je m'attendais.

Le dernier fut un garçon de Serpentard, qui me dévisagea avec une forte curiosité avant de me gratouiller les écailles d'une manière fort délicieuse. J'allais ronronner de satisfaction quand, avec un petit rire de dédain, il lâcha quelques mots insultants.

- Ca ressemble plus à un vers de terre géant qu'à un terrifiant Basilic, se gaussa-t-il.

Je me redressai de toute ma splendeur, et prenant ma voix la plus hautaine, lui répliquai:

- Tiens donc? Tu veux que j'ôte mes lunettes, pour te prouver que je suis bien un Roi des Serpents?

Il y eut un grand silence. Puis, avec un hurlement de panique, la salle se vida et n'y resta que moi, mes trois amis, et leur professeur qui me tenait toujours et ne semblait pas très satisfait. Harry, Hermione et Ron avalaient difficilement leur salive. Je mourais de rire pour la première fois de ma vie.

- Smitty! protestait Ron le soir venu. A cause de toi, on a écopé d'un devoir de plus, et tous les septièmes années nous regardent bizarrement!

J'agitai distraitement la queue en sifflant mon lait – équivalant d'un haussement d"épaules humain.

- En plus il a fallu que tu sortes ça à Malefoy! continua le rouquin.

Je relevai la tête, un peu plus intéressé.

- Malefoy?

- Le blond que tu as menacé! C'est le chouchou de Snape, et l'emmerdeur en chef des Serpentards!

- Je ne l'ai pas menacé, m'indignai-je, je lui ai juste proposé d'ôter –

- C'est bon, c'est bon, soupira Hermione. Ce qui est fait est fait – et puis comme ça, on pourra difficilement faire pire.

Ron la boucla et je lui tirai discrètement la langue. En se chamaillant, ces deux-là se mirent à leur devoir. Je me glissai de la table et m'approchai du fauteuil où Harry regardait distraitement le feu.

~ Hello.

- Mmh? ~ Oh, salut. (Il me fit un sourire.) Tu avais l'air de bien t'amuser, tout à l'heure.

~ Oui, j'ai appris à rire aujourd'hui, répondis-je d'un ton satisfait. C'est assez bizarre, mais pas désagréable.

Je me lovai sur ses genoux et nous restâmes ainsi un moment, silencieux.

~ Harry, fis-je au bout de quelques minutes d'une voix endormie, comment rendre Ron amoureux de Hermione?

~ Ron est déjà amoureux de Hermione, répliqua-t-il.

~ Hein? Pourquoi ne le lui dit-il pas, alors?

~ Parce qu'il a peur que elle, ne l'aime pas.

Je poussais un sifflement digne d'une locomotive.

~ Mais c'est pas vrai alors, vous les humains…! Ce peut durer longtemps, ça!

~ Ben oui.

~ Pourquoi tu ne dis pas à Ron que Hermione est amoureuse de lui, et à Hermione que Ron est amoureux de lui?

~ Ca ne me regarde pas. Et puis l'un ou l'autre me tuerait s'il apprenait que je l'ai dit.

~ Et moi, je peux?

~ Non.

Nouveau silence paresseux.

~ Et si on les enfermait dans une pièce jusqu'à ce qu'ils s'accouplent?

~ Je crois que le baiser suffirait, déjà, sourit-il.

~ Si tu le dis. Alors?

~ On peut peut-être trouver un truc comme ça…

Je m'endormis tranquillement sur ses genoux chauds.

La deuxième partie de ma petite vie – chez les humains, s'entend – s'organisa donc.

Je passais une partie de mon temps dans le sac d'un de mes amis, une autre dans un des tiroirs de Snape où je m'étais arrangé un confortable nid au milieu de tous ses papiers – ce qu'il avait peu apprécié la première fois où il s'en était rendu compte. Mais comme c'était moi qui le fournissais en écailles, en venin et en sang de Basilic – des produits fort chers, à ce que j'avais compris, et je le suspectais d'en revendre une partie – il m'abandonna la place sans trop protester.

C'était un humain assez intéressant, peut-être parce que sa froideur, son calme, son absence apparente d'émotions rappelaient réellement l'emblème de la Maison qu'il dirigeait. Peut-être à cause de son regard qui ne cillait pas. Peut-être à cause de l'infime odeur de sang qu'il dégageait, odeur qu'un nez humain ou canin n'eut même pas suspectée, mais dont je sentais le goût sur ma langue aussi précisément que si l'homme eût accompli ses meurtres devant moi.

Mais il redevenait bien humain une fois seul – quand il avait oublié ma présence – quand il se penchait sur ses potions d'un air concentré ou se laissait tomber dans un fauteuil avec un soupir fatigué. Je l'admirais de ne rien en laisser paraître en public. Je l'aimais bien, je crois. Le fait était assez rare pour que j'en vienne à le respecter.

Ah, si! J'aimais bien Malefoy, aussi. Non, pour être juste, j'aimais bien l'embêter. En général, je commençais à le regarder fixement depuis le bureau, sans bouger, jusqu'à ce que son regard accroche le mien. Quand il commençait à prendre un air ennuyé, je me mettais à siffler doucement en me redressant et en ondulant doucement de manière menaçante, hypnotisante, ce que vous voulez. Invariablement, il finissait par s'énerver et par mettre n'importe quoi dans son chaudron. C'était tordant. Et tout à la fin, quelques minutes avant la sonnerie, je me jetais sur lui – il était au premier rang – la gueule ouverte, tous crocs devant. Les premières fois, il hurlait de terreur. Il en vint ensuite à débiter des chapelets de jurons assez impressionnants. Le jeu était de voir jusqu'à quel point je pouvais m'approcher de lui sans qu'il recule – et avant que Snape ne m'agrippe par le cou pour me coller dans mon tiroir. C'était sympa. Ron et Hermione n'y comprenaient rien. Ca faisait rire Harry – tant mieux.

Les gens du Château eurent de moins en moins peur de moi, et j'en vint presque à pouvoir me balader dans l'Ecole en toute liberté. Seuls les Elfes s'écartaient encore en glapissant en me croisant. Et Rusard me jetait un regard dégoûté à chaque fois – je crois qu'il ne pardonnait pas à mon père d'avoir pétrifié sa chatte – chatte qui avait l'air bien délicieuse et dont j'avais du mal à me retenir de boulotter. La vie est dure, parfois.

- Pr Snape?

J'étais enroulé sur son bureau, le regardant doser je ne sais quelle poudre du Diable. Il tourna un regard froid vers moi.

- Oui?

- Est-ce que je peux vous ennuyer un moment?

Ma politesse m'épatait moi-même, parfois.

- C'est ce que vous êtes en train de faire, répliqua-t-il en se retournant.

Et l'impolitesse de l'homme me stupéfiait tout autant. Enfin, cela semblait être une invite…

- Est-ce que vous pensez qu'il y a un moyen de remédier à mon regard? demandai-je.

Il me jeta un nouveau coup d'œil, mais ne me demanda pas le pourquoi de ma question.

- Votre regard pose un peu le même problème que celui des Méduses, lâcha-t-il après un instant de réflexion. Je sais que la Magie a fait beaucoup de progrès là-dessus ces derniers temps, mais je ne pourrais vous dire… (Il resta pensif un autre moment.) Je peux me renseigner.

- Je vous en serais très reconnaissant.

Il haussa les épaules.

Pendant ce temps, l'élaboration de notre petit plan, à Harry et à moi, prenait forme. Nous avions hélas manqué la formidable occasion de la St-Valentin, mais une autre idée nous était venue à l'esprit.

Le jour J arriva.

- Smitty! Qu'est-ce que tu as fait de mon livre sur les Animagi?! haleta Hermione en faisant irruption dans la salle commune.

- Je suis en train de le lire, râlai-je.

Vous avez déjà essayé de tourner des pages avec votre nez? Moi oui. Je déconseille.

- J'en ai besoin, fit-elle d'un ton catégorique en m'en ôtant doucement.

- Mééééééééé!

Je fit semblant de bouder, puis lançait d'un ton innocent.

- Au fait! Ron m'a demandé, si jamais je te croisais, de te dire qu'il a terminé les livres que tu lui as prêtés! Ils sont là, fis-je en désignant un tas de bouquins du bout de la queue.

- Oh, merci! fit-elle rapidement en enfournant les livres dans son sac. A plus!

Et elle sortit.

Je n'avais fait que dire la vérité. Après tout, ce n'était pas ma faute si le journal intime de Ron était dans le tas. Ce n'était pas non plus la faute de Harry s'il l'avait pris en même temps que les livres à rendre pour les poser là. Ce n'était la faute de personne.

Le deuxième partie était plus délicate. Les garçons ne peuvent pas pénétrer dans le dortoir des filles. Il n'y avait qu'une solution. Moi.

Y pénétrer ne fut pas le plus difficile. Dénicher le journal de Hermione – sous son oreiller – non plus. Mais après…

J'étais en train d'essayer de le coincer entre deux anneaux de mon corps – mais au moindre mouvement, le livre tombait – quand la porte de la chambre s'ouvrit.

Shit, pour reprendre Ron.

- Smitty?

Ginny, la petite sœur de Ron, me regardait avec étonnement. (J'aime bien Ginny, aussi. Par certains côtés, elle ressemble à Harry. Mais bon, elle ne parle pas Fourchelangue.)

- Qu'est-ce que tu fais là? Mais… c'est le journal de Hermione?

Je soupirai avec accablement. Bon. Tant pis.

Je lui racontai toute l'histoire et, à ma grande surprise, elle éclata de rire.

- Il fallait me demander! Mais je ne sais pas si elle a écrit des choses sur Ron, ajouta-t-elle pensivement. Même moi, elle ne m'en parle pas…

Nous échangeâmes un coup d'œil.

- On lit? proposa-t-elle d'un air innocent.

Et nous nous jetâmes sur le journal.

Ce fut très instructif pour mon étude. Incroyable que les humains puissent se confier à des livres, comme ça. C'est carrément dangereux! Ginny acquiesça et je me souvint de l'histoire du journal de Voldemort. Bon, dans tous les cas, il y avait assez de choses pour que Ron comprenne, aussi abruti qu'il puisse être.

- Y'a même pas de trucs cochons, fit Ginny d'un air déçu. De sexe, ajouta-t-elle comme je la regardais sans comprendre. Comment vous allez le remettre à Ron? demanda-t-elle ensuite.

Bof, ça, ce n'était pas la partie la plus difficile.

- Tu t'es déjà reproduite, toi? demandai-je comme nous quittions la chambre.

- Mêle-toi de ce qui te regarde.

Ni Hermione, ni Ron ne posèrent de questions sur la disparition de leur journal respectif. Peut-être parce qu'ils étaient trop occupés à se regarder furtivement – mais rien n'échapper à mon regard perçant – pour s'en rendre compte. Harry se mordait l'intérieur des joues pour ne pas rire. Mais au bout de deux jours, nous étions bien ennuyés.

~ Mais pourquoi ils ne s'approchent même plus, maintenant?! protestai-je.

~ Timidité, grommela Harry.

~ Mais qu'est-ce qu'ils sont cons!

~ Ta connaissance de la langue anglaise s'améliore, se moqua Harry.

~ Ca m'énerve!

~ Ca va s'arranger, va. Ils vont bien être obligés de se reparler un jour ou l'autre.

~ Mouais…

Je dardai ma langue de satisfaction tandis qu'il me grattait la tête.

~ Tu le fais moins bien que Malefoy, quand même. De me gratouiller la tête.

~ Malefoy te gratouille la tête? s'étonna-t-il.

~ Mmmmh… non, juste le premier jour, tu sais? Mais il a vraiment le truc.

~ Smitty le Basilic d'intérieur, rigola-t-il, le nouvel animal de compagnie!

~ Tais-toi ou tu vas morfler.

~ Oh, j'ai peur.

~ Tu devrais… sifflai-je.

Bien sûr qu'il aurait dû. Je suis un Basilic. Les Basilics sont méchants. Et, accessoirement, ils adorent se mêler des affaires des autres – enfin, pour ma part, je m'étais decouvert quelques talents dans ce domaine.

Bien. Donc, Harry tenait aussi un journal intime – stupides humains.

Et le nom de celui qu'il aimait… hohoooo… HOHOOOO!!! Je restai pensif en frétillant de la queue, installé sur le lit du jeune homme, le livre devant moi (les Gryffondors avaient cours toute la matinée). Intéressant.

Voyons… qu'est-ce que c'était que ça… Ah. Ce devait être les "trucs cochons" dont parlait Ginny. Voyons…

Si j'avais eu des sourcils, ils auraient sans doutes bondi au plafond. Les humains faisaient vraiment ça? Wow. D'accord, je comprenais à présent la raison pour laquelle ils se livraient à ces activités de préférence en privé. Je plaignis également de tout mon cœur les pauvres adolescents bourrés d'hormone – je n'aurais par exemple jamais imaginé que Harry puisse même penser des choses pareilles.

"… j'aimerais qu'il me touche, partout, qu'il me chuchote à l'oreille qu'il me veut, qu'il a envie de moi, de me faire gémir, j'aimerais qu'il m'arrache mes vêtements en m'embrassant brutalement, sentir sa langue contre la mienne, avide, brûlante, jusqu'à ce que je demande pitié. Il me caresserait, me lècherait, me mordrait jusqu'à ce que j'en sanglote, jusqu'à ce que je le supplie et là, il poserait ses lèvres sur mon sexe, me prendrait dans sa bouche et…"

Perdu dans ma lecture – ô combien intéressante – je ne sentis pas le temps passer, et sursautai brusquement en entendant des bruits de voix. Je poussai un soupir de soulagement quand elles dépassèrent la porte de la chambre, et me dépêchai de remettre le journal à sa place avent de quitter la chambre.

Bien, bien, bien.

Elle a des yeux-revolver, elle a tiré la première, pom-pom-pom…

Une chanson qui me va bien, n'est-ce pas?

Okay. Smitty l'Entremetteur – C'était Ginny qui m'avait appris le mot – allait devoir s'activer un peu s'il voulait faire avancer les choses.

D'abord les deux zigotos.

~ Non.

Je regardai Harry d'un air implorant – seulement avec les lunettes, mon regard larmoyant eut peu d'impact.

~ Non, j'ai dit.

~ Mééééé pourquoaaaa?

~ Parce que et d'une c'est une idée tordue, et de deux, c'est un sortilège impardonnable, et de trois je… j'ai dit non!

~ Bon, d'accord, ronchonnai-je, on laisse tomber l'Imperium. Mais je suis sûr que faire agresser Hermione par un Serpentard quelconque, pour faire ensuite faire voler Ron à son secours est une super idée.

Mon ami leva un sourcil inquisiteur.

~ C'est Ginny qui t'a passé sa collection Harlequin?

~ Oh ta gueule.

~ Non, non, c'est très intéressant… J'ignorais que les Basilics avaient une passion pour les romans à l'eau de rose –

~ Harry. Je t'emmerde. Alors?

Il soupira.

~ On va voir ce qu'on peut faire.

Le Poufsouffle jeta un coup d'œil dégoûté au gobelet fumant que lui tendait Harry.

- Faut vraiment que je boive ça?

- Justin s'il te plaît.

- T'imagine la merde si je me fais prendre sous les traits de Crabbe?

- Justin… Tu. As. Perdu. Ton. Pari. Bois-ça.

- Un pari? demandai-je, intéressé. Sur quoi?

- La couleur des sous-vêtements de Malefoy, répondit très sérieusement mon camarade.

Je manquai avaler ma langue.

- Kwa?!

- On avait bu, râla Finch-Flitchey. Je sais plus comment on en est arrivé là, mais on s'est finalement retrouvé à sauter sur Malefoy qui rodait encore dans les couloirs, tel un Snape en puissance, pour lui ôter son pantalon…

- Kwa?! ne pus-je que répéter.

- Et j'ai gagné, fit Harry d'un ton sans réplique.

- Hey! C'est pour ça qu'il était de mauvaise humeur jeudi… remarquai-je. Et… et alors?

- Et alors quoi? me fit Harry en souriant.

- De quelle couleur?

Il se pencha et murmura à mon oreille reptilienne. Je ne pus que produire un troisième "Kwa?!" abasourdi.

- Bon, c'est pas tout ça, mais Justin, tu as une Hermione à faire semblant d'agresser.

- Oui, oui, j'y vais… soupira-t-il.

Le plan n° 2 s'exécuta à merveille, et c'est soutenant un Justin/Crabbe salement amoché que Harry s'éloigna discrètement vers l'infirmerie, tandis que Ron et Hermione… et bien…

~ Smitty! Tu viens? chuchota mon complice.

~ Mmmmh… Attends, je regarde un peu…

~ Smitty. Ca ne se fait pas.

~ Mais c'est bizarre regarde, il arrive sans respirer à –

~ Smitty.

~ Ouais, ok, je viens…

Je le suivis en ronchonnant – mais secrètement satisfait.

Je vais vous confier un secret: je suis tout-puissant.

MUAHAHAHAHAHAHAHAAAAAAAAAAAAAH!!!!!

(Note de Hermione à la lecture du manuscrit: "Ron, il faut que tu arrêtes de prêter des films américains débiles à Smitty. C'est une question de pure survie.")

A suivre…