Smitty le Basilic.

Chapitre III.

(Note: j'ai lu pour la première fois le mot "Anthropomagus" dans une des – sublimes – traductions de DarkRogue, L'Oracle de la Sybille, et le terme étant beaucoup plus beau que "Homomagus" ou "Hominimagus" j'ai décidé de sauter dessus… voilà… "Redde Caesari quae sunt Caesaris":p )

Les humains engagés sont d'une fidélité exemplaire – du moins les premiers temps. Ron et Hermione ne se quittaient plus, ne se décollaient plus, ne se descotchaient plus, ne se dé-ventousaient plus, ne se – bref.

Assez impressionnant.

Il n'y avait que la nuit… et encore. Ron n'était pas souvent là. Mais je n'étais pas parvenu à trouver leur cachette et –

Hum.

Quoi?!

Je travaille pour le bien de la science basilicienne, moi!

Non mais.

Toujours était-il qu'ils avaient pratiquement abandonné Harry, qui sombrait dans une morne dépression, malgré ma réconfortante présence, mais que voulez-vous, voir ses amis heureux comme pas permis quand vous soupirez après quelqu'un d'inaccessible – si tu me lis, Harry, félicitations pour avoir tenu le coup si longtemps – qu'est-ce que je disais – oui – bref Harry déprimait.

Moi j'aime pas quand mes amis dépriment.

Deux semaines après mon premier exploit, je prenais tranquillement le thé avec Dumbledore – un homme charmant. Nous discutâmes un moment d'un de mes projets, qui n'a rien à voir avec ce que je suis en train de vous raconter – pour l'instant – et qui se présentaient sous les meilleurs hospices, puis le silence s'installa, tranquille.

- Permettez-moi, très cher Smith, de vous offrir mes félicitations pour vos prouesses avec Miss Granger et M. Weasley, dit-il soudain, le regard pétillant.

Brave homme, pensai-je en me rengorgeant, flatté.

- Oh, vous savez, ce n'est pas grand chose… et puis c'est uniquement pour la science.

Il produisit un bizarre son étouffé et toussa poliment.

- Je comprends. Hum…

Il sourit légèrement.

- A propos de tout autre chose, le Pr Snape se demandait si, profitant de votre présence au Château, il pourrait vous emprunter un peu de votre temps pour faire étudier le Philtre des Bacchantes à ses classes de Septième Année.

Je reniflai.

- Snape "se demandait", hein? Faut que j'y aille quand?

- Je crois qu'il envisageait mercredi prochain.

- Ca marche.

Je sirotai mon fond de thé – au lait concentré vanillé.

- M. Smith?

- Oui?

- Le Philtre des Bacchantes possède la particularité de faire perdre toutes ses inhibitions à celui qui l'ingurgite.

- Ah.

- Je disais juste ça comme ça…

- Oh.

- Amusez-vous bien.

- Ah.

Ce mercredi nous trouva, nous, vingt élèves de Septième Année de Gryffondor et Serpentard, un Maître des Potions, et un Basilic, dans les cachots de l'Ecole. Une fois que le silence se fut établi, ce qui prit au grand maximum trois secondes après que le dernier élève eut franchi la porte de la salle, Snape laissa traîner sur les deux dizaines d'adolescents assemblés devant lui son regard froid et ennuyé, puis annonça le programme du jour.

- La présence de M. Smith dans nos murs, commença-t-il d'une voix sarcastique, nous permet l'accès à une quantité appréciable de matériaux assez rares et onéreux qu'il serait inutile, voire profondément stupide, de vous laisser gaspiller dans d'autres conditions. Mais profitant de cette chance qui s'offre à nous, j'ai l'intention de vous faire réaliser aujourd'hui le Philtre des Bacchantes, qui, comme je doute que vous le sachiez sûrement, constitue, employé à faible dose, un remède très appréciable contre le stress et les crises de nerf, et à forte dose, l'une des plus puissantes drogues du monde sorcier – inutile de préciser que vos résultats seront soigneusement catalogués et que le premier que je surprends à faire QUOI QUE CE SOIT subira… mon courroux. Bien, l'ingrédient principal de cette potion réside dans le venin du Basilic, mortel, je le rappelle – M. Smith, s'il vous plaît?

Il me saisit délicatement et commença à expliquer la manière de prélever le venin sans me blesser et par conséquent me forcer à blesser quelqu'un – j'ai horreur qu'on me tripote et j'ai la dent facile – tandis que les élèves me fixaient en déglutissant. J'observai la classe. Hermione et Ron s'étaient mis côte à côte et se fixaient d'un regard bovin sans écouter. Malefoy me regardait attentivement – je lui tirai la langue. Harry avait réussi à échapper à Longdubat et, installé seul au fond de la classe, suivait les explications de Snape d'un air morose.

Bien.

Je ne sais si je l'ai déjà dit – oui, sans doute, mais répétons-nous – mais Snape possède une délicatesse de toucher certaine. Il a de belles et fines mains fortes et élégantes, avec de longs doigts souples qui semblaient assez laisser mon Harry rêveur, du moins si l'on en croyait son journal.

Je dardai légèrement ma langue en direction de mon ami, captant son attention, puis m'enroulait lentement autour du poigner solide de son professeur.

~ Sssssexssssyyyyy… sifflai-je lentement.

La mâchoire de Harry se fracassa sur le bureau.

Formidable.

~ Ssssssiiii ssssssexsssssyyyyyy… ajoutai-je langoureusement en repoussant doucement de mes anneaux la manche de l'homme, qui continuait, imperturbable, son petit speech, et en laissant ma langue effleurer sa peau. Sssssent sssssi bon…

Visiblement Harry avait oublié comment respirer, et ouvrait et fermait la bouche comme un poisson hors de l'eau. Un poisson rouge.

Mon corps n'a rien de plaisant à l'œil – c'est moche, un Basilic – mais je tentais de mettre autant de langueur que je pouvais dans mes mouvements reptiliens autour de l'avant-bras de Snape, glissant ma tête entre ses doigts, enserrant ses articulations fragiles…

~ Sssseverusssss… ssssssi sssssssenssssuel…

Le regard vert ne me quittait plus, presque douloureux.

~ Veux sssssssssexsssssse –

~ LA FERME!

Il avait hurlé en Fourchelangue. Ce qui n'empêcha pas la classe de se tourner vers lui comme un seul homme en entendant ce sifflement furieux.

- Faites-nous donc partager votre petite conversation privée, Potter, intima froidement Snape après un instant de silence.

Harry, qui avait bondi de son siège, le regarda d'un air égaré.

- Euh… je…

Snape haussa un sourcil.

- Je lui disais de se taire… parce que…

Il se tut, piquant un fard, mais incapable de baisser les yeux. J'observai attentivement.

- Oui?

- Il… enfin…

"Il était en train de chanter vos louanges physiques et je suis tout à fait d'accord avec lui et ô s'il vous plaît faites-moi l'amour sur le bureau tout de suite." Vas-y! Dis-le! ALLEZ!

Mais Harry se contenta de marmonner quelque chose d'incompréhensible en baissant les yeux. Je soupirai, déçu. Enfin, ce n'est sûrement pas ce qu'on dit en public, non plus.

- Très bien, Potter. Une retenue.

Okay. Rien n'est perdu, pensai-je tandis que Harry se rasseyait en me jetant un regard meurtrier et que Snape reprenait ses explications.

~ Non mais QU'EST-CE QUI T'A PRIS?!

Houlà. Je ne l'avais jamais vu aussi en colère. Je ne l'avais jamais vu réellement en colère, remarquai-je.

~ Je te filais un coup de main, répondis-je dignement.

~ En me rendant tout excité au milieu de SA classe?!

Je dardai un coup d'œil intéressé.

~ A ce point?

Sa colère le quitta instantanément et il se laissa tomber sur une marche, cessant de m'étouffer.

~ Tu ne peux même pas deviner, dit-il tristement.

Je m'échappai doucement de ses doigts et me lovai sur ses genoux.

~ Je suis désolé.

~ Mon œil.

Je reniflai.

~ Bon, d'accord, je ne suis pas désolé. Mais je suis de tout cœur avec toi.

Il eut un grognement, puis se passa une main dans les cheveux et soupira.

~ Pourquoi tu ne lui dis pas? risquai-je.

Il eut un rictus amer.

~ Smitty. Ce n'est pas comme Ron et Hermione. Il… il me hait. Il me haïssait même avant de me rencontrer, avant que je naisse. Et ne vas pas imaginer je-ne-sais-quoi à propos de haine et d'amour, parce qu'en fait c'est même pas de la haine, c'est du mépris, de l'indifférence, du dégoût. Tu crois vraiment que tu peux aller voir quelqu'un que tu dégoûtes, que ta seule existence exaspère, et lui dire que tu as envie de lui? Et pas seulement physiquement, mais que tu as envie de lui parler, de le connaître? Tu crois?

Incroyablement gêné, je vis une larme couler doucement sur sa joue. Une seule. Mais une larme quand même.

~ J'ai confiance en lui, continua-t-il. Je l'aime bien, même. Je le respecte. Il a toujours été là quand j'ai fait une connerie, mais la seule chose qu'il ferait si je m'avisais de le remercier serait de se moquer de moi. De rire. Méchamment. Je ne veux pas. J'ai peur. J'ai pas envie d'avoir mal.

Il renifla, puis me sourit légèrement.

~ En fait, je ne suis certainement pas courageux.

Je ne dis rien.

Cette conversation me laissa longtemps pensif. Je me sentais un peu minable. Ces histoires d'"amour" et de timidité et de crainte m'avaient semblées sur le coup ridicules. Parce que les Basilics sont seuls à jamais. Parce que leur but est la survie, rien de plus.

Mais il fallait croire que la fréquentation des humains m'avait ramolli la cervelle. Je me demandai soudain ce que cela ferait de ne plus avoir Harry à qui parler, Ron et Hermione avec qui m'amuser, Malefoy à embêter, et l'idée me laissa un sale goût dans la bouche. Ce serait comme vivre pour rien.

Ce serait vivre pour rien.

- M. Smith?

Dumbledore me regarda surgir d'un trou de souris d'un air surpris. Le saluant poliment, je me hissai sur son bureau.

- Que puis-je pour vous? me demanda-t-il aimablement.

- Hum… voilà, commençai-je. Quand… quand vous m'avez parlé des propriétés du Philtre des Bacchantes… Je veux dire… (Je le regardai bien en face.) Vous aviez une idée derrière la tête.

Il hocha lentement la tête.

- Oh. Bien. La même que moi, je suppose.

- Je pense, confirma-t-il.

- Super. D'un certain point de vue, on peut dire que chacun d'entre nous représente un des partis concernés, non?

Il sourit légèrement, et opina.

- D'accord. Et… est-ce que… enfin êtes-vous sûr du côté de votre parti? Je veux dire… Oh, merde! Harry est en train de crever pour ce bâtard! Je veux être certain, moi!

Le vieillard éclata de rire.

- Votre connaissance de l'anglais s'améliore, dit-il enfin en s'essuyant les yeux. (Puis il reprit son sérieux.) On ne peut jamais être sûr, pour Severus. Il est si… (Il soupira.)… maître de lui.

- Harry pense qu'il le déteste. Qu'il le méprise.

- Oh, non. Je ne pense pas. Enfin au départ, peut-être. Severus pensait que Harry était l'enfant gâté par excellence. Il a dû changer d'avis le jour où il a été le chercher chez son oncle et sa tante… quand il l'a retrouvé inconscient dans son placard, l'été avant sa sixième année. Affamé. Battu. N'importe qui aurait changé d'avis, ajouta-t-il tout doucement, pensif.

- Harry ne m'en a pas parlé, remarquai-je, surpris.

- Oh, il ne sais pas. Il s'est réveillé ici. Il pensait que c'était Remus, ou un Auror, qui avait été le chercher… Enfin. Non, je crois que Harry énerve seulement Severus. Il l'énerve parce que Severus n'arrive pas à lui trouver une place bien définie dans ses sentiments… pour parler romantiquement.

Je ruminai ça.

- Pr Dumbledore, dis-je enfin solennellement, je requiers officieusement votre aide pour caser ces deux crétins ensemble.

Le vieux sorcier hocha la tête avec enthousiasme.

- Accordée.

- Les mécanismes demeurent inconnus, mais il y a eu quelques recherches sur les moyens de maîtriser les regards dangereux, m'expliquait Snape en feuilletant ses notes quelques jours plus tard. Il semblerait qu'un contact indirect – par un miroir, au travers d'une vitre – diminue fortement l'efficacité dudit regard. Des mages, en association avec des physiciens moldus, ont travaillé dans cette voie, et en on déduit que le passage par une surface réfléchissante ou un milieu d'indice différent de celui de l'air modifie assez les rayons issus de l'œil pour en modifier les effets. Cette pour cette raison par exemple que les élèves ont survécu à leur rencontre avec votre… père il y a cinq ans.

Je baillai.

- En bref?

- En bref, répondit froidement Snape, soit on vous ouvre le crâne pour voir comment ça marche, soit on vous fabrique une paire de lunettes spéciale.

Je grognai.

- Je refuse de porter des culs-de-bouteille.

Snape se passa une main lasse sur le visage. Je crois que parfois je l'exaspérais.

- Il ne s'agit pas forcement d'épaisseur, stupide ver de terre! siffla-t-il. Il est aussi question de rayon de courbure et – vous vous rendez compte que cela va peut-être prendre plusieurs mois de travail?! Qu'il va falloir que je consulte –

Un joyeux "toctoctoc!" interrompit sa diatribe et il aboya un sec "Entrez!". La tête de Dumbledore apparut dans l'ouverture de la porte.

- Navré de vous interrompre, fit-il poliment, mais j'ai un petit service à vous demander, Severus.

L'homme renifla et haussa un sourcil.

- Quelque chose à déplacer, ajouta Dumbledore. D'assez fragile.

Snape se dirigea vers la porte sans dire mot, et passa devant son supérieur qui sourit légèrement, m'adressa un clin d'œil, et me laissa me glisser dans une de ses poches avant de le rejoindre. J'étais toujours amusé par son don pour faire ce qu'il voulait de Maître des Potions. Enfin, presque tout ce qu'il voulait. Je doute que s'il lui avait ordonné de déclarer son profond amour à Harry l'homme eut accepté.

Non, comme l'avait dit mon ami, nous jouions sur un tout autre tableau qu'avec Ron et Hermione. Subtilité était le maître-mot.

Nous parcourûmes quelques kilomètres de couloirs, nous enfonçant toujours plus profondément dans le Château, puis pénétrâmes dans une toute petite pièce sombre. Un grand objet, plat, enveloppé dans des couvertures, était appuyé contre un des murs.

Snape jeta un regard étonné à Dumbledore.

- Le Miroir? Vous voulez le déplacer?

Le vieillard hocha la tête.

- Je préfère le garder dans une des pièces de mes appartements. On ne sait jamais, si un élève venait à tomber dessus…

Snape aurait pu faire remarquer que le Miroir du Rised venait de passer six ans dans une cave sans jamais avoir été entraperçu, et pour cause, il y avait peut-être deux siècles que le dernier elfe de maison avait mis le pied dans cette partie du Château, mais il ne dit rien. Il sortit juste sa baguette et, de concert avec Dumbledore, ils le transportèrent avec précaution au travers de passages secrets dont même moi j'ignorais l'existence.

Une fois dans les appartements du Directeur, ce dernier nous conduisit jusqu'à une petite pièce que je n'avais jamais remarquée – peut-être après tout venait-elle d'être créée – et ils déposèrent le Miroir au milieu de la pièce. Puis, tout naturellement, Dumbledore défit les nœuds et ôta les couvertures.

Bien planqué dans ma poche, je put voir Snape se détourner un peu trop vivement du Miroir. Mais c'était sans compter la tranquillité impitoyable de mon nouvel allié.

- Vous n'y jetez pas un coup d'œil? demanda-t-il gentiment.

- Ca ne m'intéresse pas, répondit froidement l'homme en se sauvant vers la sortie.

La porte claqua devant son nez, et il se retourna avec un gros soupir.

- Bien.

Il se redirigea vers l'objet magique comme on marche à l'échafaud, et plongea ses yeux d'encre dedans.

Il resta un long moment immobile, impassible, son visage n'exprimant rien. Je trépignais littéralement de curiosité. Mais il ne fit ensuite que lever un œil ironique sur Dumbledore.

- Je me vois tranquillement chez moi et loin de cette Ecole! cracha-t-il ensuite avant de quitter la pièce.

La porte claqua avec un "BAM." sinistre. Dumbledore me tira en soupirant de sa poche. Je lui lançai un regard interrogateur.

- Il l'a mal pris, commenta-t-il.

- Vous croyez qu'il se doute de quelque chose?

- Mmh? Oh, non, je passa ma vie à l'embêter comme ça… Ca lui fait du bien. Maintenant…

Il saisit à nouveau sa baguette, s'approcha du Miroir, et marmonna à toute vitesse pendant quatre ou cinq minutes en effectuant des gestes compliqués. Une sorte de brume finit par se former à l'intérieur de l'objet.

Il eut un rictus.

- Approchez-vous. Nous allons voir le souhait de ce cher Severus…

Je le laissai me saisir, m'enroulai autour de son cou, et nous observâmes le brouillard se dissiper et l'image apparaître…

Je voudrais préciser tout de suite que je ne suis pas un voyeur. Je suis un esthète. Doublé d'un scientifique. C'est pour cette raison que je ne détournai pas le regard de l'intéressant spectacle qui se présentait devant mes yeux.

Snape, appuyé contre son bureau, sa chemise immaculée entrouverte, les doigts plongés dans les cheveux noirs de Harry, qui était à genoux à ses pieds, sa tête plongée entre les cuisses de l'homme, et… Et bien, ils avaient l'air de passer un bon moment. Les yeux de Snape étaient plus sombres que je ne les avais jamais vus.

L'image disparut et Dumbledore toussota. Il était écarlate.

- Ca rappelle assez ce que j'ai trouvé dans le journal de Harry, remarquai-je innocemment.

- Hum… tant mieux, tant mieux…

Il semblait avoir un peu de mal à s'en remettre. Peut-être s'attendait-il à un romantique dîner aux chandelles, ou un truc comme ça… le pauvre.

Puis il se reprit.

- Et bien, nous voilà fixés, comme ça.

Je hochai la tête.

- On continue, alors?

- On continue.

Il me regarda bizarrement.

- Vous voulez jeter un coup d'œil aussi? me demanda-t-il avec un léger sourire.

Je regardai le miroir. Pourquoi pas?

L'image que mes yeux rencontrèrent était celle que j'attendais. Non pas un tas de rats morts juteux et des tonneaux de lait concentré vanillé, comme le lecteur peu subtil pourrait le croire, mais l'image floue d'une personne que je connaissais et ne connaissais pas encore. Mais que je travaillais à connaître.

Vous ne comprenez que dalle à ce que je viens de dire, hein?

D'accord. Il est sans doute temps pour une petite explication.

J'avais l'ambition – et je l'ai toujours – de devenir le tout premier Anthropomagus.

Le nom parle par lui-même.

Si les humains peuvent se changer en animaux, pourquoi pas l'inverse? Je pense que le problème principal réside en une certaine forme d'intelligence – chaque animal possède sa propre intelligence, qui n'est pas forcement celle de l'homme mais la vaut bien pour certains points – par exemple les animaux n'ont pas la funeste habitude de se faire la guerre intra-espèce, eux, en général – mais ce n'est pas le sujet.

Je disais que pour ce genre de transformation, il faut une appréhension humaine. Je pensais m'en approcher d'assez près. Je possédais en outre les pouvoirs nécessaires à ce genre de sort. Alors pourquoi pas?

Excepté Dumbledore, la seule au courant était Minerva MacGonagall. Cette femme possède réellement un don pour les Métamorphoses – et parvint même à m'y intéresser modérément, outre mes recherches pour mon projet. Nous commençâmes à travailler ensemble quelques semaines après mon entrée dans la vie mondaine, après que je lui eusse expliqué mon idée et qu'elle eût sauté au plafond – ceci est une image, bien entendu – d'enthousiasme.

Je dois dire que nous n'avançâmes pas très rapidement. Ses cours et mes petites affaires concernant mes amis nous prenaient une bonne parie de notre temps, et la notion d'Anthropomagisme n'avait absolument aucun antécédent dans l'histoire de la Sorcellerie.

Pourquoi?

Pourquoi vouloir me transformer en humain? Au départ, simple curiosité et goût du défi, je pense. Actuellement, à présent que mes recherches touchent à leur but, je n'en suis plus très sûr. Peut-être parce que je vous envie un peu.

Et puis peut-être…

- Qu'est-ce que Potter est encore en train de s'inventer?

Je sursautai et me retournai dignement, barbouillé de lait.

- Je vous demande pardon?

Draco Malefoy me fixa un moment avant de répéter.

- Je sais que vous êtes proche de Potter. Qu'est-ce qu'il lui arrive?

J'adore cette façon qu'il a de me vouvoyer. C'est si naturel, en plus. Il a la politesse d'un serpent.

Je réarrangeai mes anneaux sur la table de la cuisine où j'étais descendu pour un petit pique-nique nocturne.

- En quoi cela vous regarde-t-il? (Rendons la politesse…)

Une idée me traversa la tête.

- Vous n'êtes pas amoureux de lui, par hasard?

Il me regarda comme si j'étais complètement fou.

- De Potter? Vous plaisantez!

Il avait vraiment l'air effaré. Je me sentit vaguement soulagé, sans trop savoir pourquoi. Peut-être l'idée d'avoir eu à traiter avec un triangle amoureux…

- Dans ce cas pourquoi vous préoccupez-vous de lui? Surtout que vous ne vous aimez guère, si j'ai bien compris.

L'air pensif, il prit une chaise et s'installa.

- Peut-être qu'après tout ça je pense qu'il mérite d'être un peu heureux. (Ses lèvres s'étirèrent légèrement.) C'est stupide, non?

- Non, je ne trouve pas, répondis-je honnêtement.

- Merci. Vous savez… J'adore l'emmerder. Mais je l'aime bien, aussi. Bon.

A son changement de ton, l'instant sentimental était passé.

- Alors, qu'est-ce qu'il lui arrive?

Lui dis ou lui dis pas?

Allez, lui dis.

Il aurait pu avoir l'idée de jouer une sale blague à Harry, mais j'en doutais.

- Il est amoureux de Snape.

Sa tête d'ahuri fut encore plus excellente qu'un moment auparavant.

- Vous plaisantez? répéta-t-il.

- Non.

Il resta un moment silencieux, puis opina.

- Je comprends pourquoi il a l'air si désespéré. Snape…

- Le seul point positif, c'est que Snape… n'a pas l'air indifférent. Mais…

- Et d'un, vous ne savez pas si c'est au même point, et de deux, c'est un pauvre type inhibé, c'est ça?

Très intelligent, ce garçon.

- Je peux aider?

Je le jaugeai un moment.

- Je pense. Mais pas de blagues, hein?

- Oh, non. Ce sera déjà sympa de les voir ensemble…

Il ricana. Très Serpentard, aussi.

- Je n'imaginais pas les Basilics comme ça, me dit-il tandis que nous quittons la pièce.

- C'est normal. Vous les humains vous êtes bourrés d'idées préconçues.

- Sale ver de terre.

- Pauvre type.

- Srrrallll ammmisss tthhhaaraasssss –

- Non, non, NON! Là vous venez de me dire "Tu as les pieds qui puent vieille crotte." Pour dire "Comment ça va?", c'est "Ssrrallaamiiiiss stttharrrras?"

- Mais c'est la même chose! Et d'abord comme je peux dire "Tu as les pieds qui puent vieille crotte" quand les Basilics n'ont pas de pieds?!

- Dans les deux cas, c'est un manque de subtilité! Et d'abord – le voilà.

Draco nous planqua dans un recoin sombre tandis que le Maître des Potions verrouillait soigneusement son bureau et s'éloignait à grands pas pour sa ronde de nuit quotidienne (Cette expression est-elle correcte?). Nous nous avançâmes ensuite silencieusement. Draco avança sa main vers la poignée.

- Attendez! Otez-moi mes lunettes un instant.

Etonné, il s'exécuta.

- C'est bon. Deux mots de passe et trois sorts de protection et d'alerte, l'informai-je quand il me les eut remises.

- Erk.

- Je peux m'en occuper.

L'affaire fut expédiée en deux minutes, et nous pénétrâmes dans l'antre de la créature.

- Où pensez-vous qu'il les range? demanda mon allié en regardant autour de lui.

La pièce était bourrée de placards et d'étagères.

- Aucune idée, avouai-je.

L'adolescent sorti sa baguette et murmura quelque chose comme "Detector Filtre des Bacchantes!", et une petite lueur bleue se détacha du bout de l'objet pour se dirigez vers une des armoires encore entrouverte.

- Et voilà! fit-il joyeusement en y saisissant une petite fiole bleue que je reconnus aisément, ne serait-ce que par le "Potter" écrit dessus.

Je grimaçai.

- On va peut-être pas prendre celle-là, non?

- Juste.

Il s'empara d'une "Granger" et soupira.

- Je dois reconnaître qu'elle se débrouille encore mieux que moi. Mais ne vous avisez pas d'aller le répéter.

- Promis, jurai-je solennellement.

Nous transvasâmes le contenu de la fiole dans un flacon que nous avions apporté, puis la remplîmes d'eau et la replaçâmes dans l'armoire.

- Il ne risque pas d'avoir des problèmes? avançai-je.

- La seule qui risque d'avoir des problèmes… c'est Granger, répondit-il avec un rictus.

D'accoooooord. Ne jamais croire un Serpentard qui se dévalorise…

Enfin, ce qui était fait était fait.

- Et voilà!

Nous sortîmes, remîmes en place les protections, puis nous séparâmes en nous donnant rendez-vous pour le mardi – jour de la retenue de Harry.

Ce ne fut que sur le lit de mon ami que je remis de l'ordre dans mes pensées. J'avais un nouvel allié. Un peu inattendu. Mais je pensais pouvoir lui faire confiance.

Draco Malefoy.

La poche de son pyjama était très confortable, pensai-je vaguement en baillant. Toute chaude.

C'était amusant qu'il n'est pas eu l'air choqué quand je lui avais dit pour Harry et Snape… Bah… Peut-être préférait-il les hommes aussi…

Je m'étirai une dernière fois et m'endormis.

Mardi arriva.

Le problème était l'administration de la potion. Dumbledore s'était proposé de verser celle de Snape dans le café de l'homme, mais j'objectai que le Maître des Potions remarquerait immédiatement le goût très fort de la drogue. Ginny se porta volontaire pour celle de Harry, mais pour la même raison l'idée fut rejetée. Il y avait aussi une question de timing. Pas question d'agir trop tôt dans la journée. Nos données stipulaient qu'une très faible dose suffirait, mais que son action était assez rapide – 20 minutes maximum.

Comment faire?

Smitty entra une fois de plus en action.

Tout fut soigneusement combiné – et tout marcha à merveille.

- Ca y est?

- Je fais ce que je peux! Vous avez déjà essayé de cracher tout votre venin, vous?

Visiblement, d'après les têtes de Dumbledore, Ginny et Draco, non.

- Combien de temps avant que vos glandes ne recommencent à produire? demanda tout naturellement le vieil homme.

- Chais pas, grommelai-je, énervé, en crachant une dernière fois.

- Et si la drogue te monte à la tête? demanda sérieusement Ginny.

- S'il te plaît. Je suis un Basilic. Pas un humain aux faibles petits neurones.

Enfin, j'espérais.

Draco me tendis un bol plein du Filtre et j'y trempai soigneusement mes crochets, essayant de me concentrer. Si je pouvais forcer mon venin à sortir, pourquoi ne pas forcer ce foutu Filtre à entrer? En espérant qu'il ne causerait pas trop de dégâts…

Yep. Ca marchait. Je ne savais pas comment mais ça marchait.

J'aspirai un coup, recrachai à côté, recommençai plusieurs fois pour ôter toute trace du poison. Puis fit le plein. Regardai les trois autres.

- Let's go.

Snape le premier.

Snape, assis à son bureau, en train de corriger des copies. Aussi impassible que d'habitude. Qui me jeta juste un regard distrait quand je me hissai sur son bureau. Je m'approchai, guettant ses mains. Ou plutôt les petites égratignures de ses mains, dues au maniement de trop d'ingrédients et surtout d'instruments tranchants.

Je repérai celle qui serait parfaite. Assez grosse, juste sur le poignet. Puis, d'un seul geste, me jetait dessus, arrachait délicatement la croûte du bout d'un de mes crochets, et y plaquait largement ma langue pleine de salive et drogue. Après une microseconde de surprise bien assez suffisante, l'homme m'envoya balader en jurant.

- On peut savoir ce qui vous prend?!

- Mmmh… J'aime bien le goût du sang… répliquai-je tranquillement en glissant du bureau et en quittant la pièce.

Et voilà. Contraint de passer pour une bête sanguinaire pour pouvoir caser deux abrutis.

Harry le second.

Bien sûr, il n'avait pas été question de mordre Snape. L'homme était à ce point méfiant – et puis j'aurais aussitôt été achevé par je ne sais quel sort vicieux, ou par un couteau pointu.

Harry c'était différent.

Je le trouvai deux couloirs plus loin, s'acheminant lentement vers son échafaud personnel avec une tête de condamné à pire que mort.

~ Hello.

~ Tiens. Salut.

~ Laisse-moi monter…

Je me hissai le long de son bras jusqu'à ses épaules.

~ Ca va aller, fit-je d'un ton rassurant en frottant le bout de mon nez contre sa joue.

~ Mouais.

~ Tu veux un porte-bonheur?

~ Si tu veux…

Avant qu'il ne puisse comprendre, je plantai mes dents – pas trop fort – dans son cou. Il poussa un cri étranglé et me jeta un regard paniqué.

~ Ca va, ça va! fis-je précipitamment. Je maîtrise! Tu ne crois pas que je vais te tuer, non plus!

Il se calma un peu, et me jeta un regard suspicieux.

~ A défaut d'un suçon… fis-je innocemment.

Il sourit.

~ Tu me fais du charme?

~ Pas besoin, je sais déjà que tu m'appartiens corps et âme…

~ Ben voyons. Bon. (Il me déposa à terre, fit une grimace.) A plus?

~ Ca va aller, répétai-je avant qu'il n'entre.

Bien sûr. Avec mon petit apporte-bonheur…

Ma cachette était un trou entre deux pierres du mur, communiquant allez savoir pourquoi avec les tuyauteries, assez profond et sombre pour qu'on ne se doute même pas de ma présence. De là où j'étais, à un peu plus de deux mètres du sol derrière le bureau de Snape, j'avais une vue imprenable.

J'arrivai essoufflé cinq minutes après avoir quitté Harry. Harry qui, à quatre pattes par terre, trimait déjà à nettoyer le sol tandis que Snape corrigeait encore ses copies. Dans un silence religieux.

Bien entendu, je connus un long moment d'angoisse. Si je ne leur avais pas administré assez du Filtre? Ou – pire – si je n'en avais administré assez qu'à l'un d'entre eux? Encore, si c'était Snape, les choses pouvaient aller… Mais je ne me serais jamais pardonné si Harry avait subi l'humiliation de sa vie.

Et puis cela commença.

Oh, ce n'était pas grand chose au départ. Le rythme de la plume de Snape ralentit imperceptiblement. Harry s'immobilisa un instant, avant de reprendre. De petites choses qu'un observateur éventuel n'aurait pas remarqué.

Puis Snape fit des ratures. Snape ne rature jamais. De ma cachette, je voyais sa plume revenir en arrière, un peu nerveusement. Son visage, de trois-quarts arrière, était toujours aussi impassible.

Harry s'arrêta, se redressa, souffla, s'étira, et se remit au travail. Ses mains se crispaient sur la serpillière. Sa bouche s'ouvrit, hésitante.

- Monsieur?

- Potter?

- Ex-excusez-moi mais… Je peux enlever ma robe?

La plume s'arrêta et je jubilai. Certes, il faisait étonnement bon dans les cachots pour une fois… Mais…

- Si vous voulez.

Ton neutre, pas concerné. Snape recommença à écrire.

- Merci… murmura Harry.

Il ôta sa robe, bousculant légèrement le seau, la posa sur la table la plus proche, puis se massa le dos, et retourna à sa tâche. Il ne portait qu'un jeans et un T-shirt en dessous et j'approuvai mentalement.

Le silence revint, simplement ponctué des bruits de serpillière et du grattement de la plume.

Quelques minutes plus tard, Snape leva les yeux, resta pensif un instant, puis se passa une main rapide sur le visage et retourna à ses devoirs.

Harry semblait de plus en plus maladroit.

Je réalisai tout à coup ce qui m'avait paru bizarre depuis le début. Pas d'échanges d'insultes. Or, à chaque fois que je les avais vus en présence l'un de l'autre, Snape avait été abject et Harry hostile. J'ouvrai encore plus grand mes yeux.

Je commençais à désespérer – trop faibles, les doses avaient été trop faibles – quand Snape reposa fermement sa plume sur le bureau, se releva, et avec un bruissement de robes partit fouiller dans une étagère, effleurant Harry au passage sans sembler y prêter attention. Mon ami sursauta violemment et renversa le seau.

- Faites attention, Potter, fit simplement Snape d'une voix neutre, sans se retourner.

- Ou-oui Monsieur.

Harry était tout tremblant. Les yeux collés au sol, il se remit debout et partit remplir son seau à un robinet dans un coin de la pièce. Il lui fallut deux essais pour ouvrir le robinet.

Snape lâcha une bouteille par terre et étouffa un juron. Harry resursauta.

- Potter, vous voudrez bien me nettoyer ça, fit sèchement l'homme.

- Oui Monsieur.

Harry referma le robinet – trois essais – et traîna son seau jusqu'à l'armoire, ramassant sa serpillière au passage. Snape s'écarta de deux pas à peine, et resta là, les yeux fixés sur mon ami qui s'agenouillait presque devant de lui, comme incapable de bouger. Il se passa la langue sur les lèvres.

Je pouvais, d'où j'étais, voir les mains de Harry trembler frénétiquement. Tête furieusement baissée – présentant sans y penser sa nuque fine – il frottait comme un dément le sol déjà étincelant. Une de ses phalanges ripa violemment contre le sol.

- Ouch!

Ce fut à Snape de sursauter.

- Quoi?

Harry porta juste son doigt à sa bouche.

- Rien… bredouilla-t-il. Je… une égratignure.

- Montrez. La potion que je vous fais nettoyer est assez toxique, fit l'homme d'un ton ferme et froid.

Harry se redressa et le suivit jusqu'à l'évier. Sa respiration était notablement plus accélérée que d'habitude, ses joues étaient rouges, et ses yeux étaient toujours obstinément rivés au sol. Il tendis une main timide à Snape qui s'en empara et l'observa attentivement. Harry ferma brièvement les yeux quand les doigts solides se refermèrent sur son poignet.

- Rincez-le bien, intima Snape, et sa voix était peut-être un peu moins assurée que d'habitude.

Harry s'exécuta, pendant que Snape sortait un pot d'une armoire, puis se retourna vers l'homme, le regard interrogatif. Le Maître des Potions hésita.

- Donnez.

Il saisit de nouveau le poignet fin, et déposa un peu de crème sur la phalange meurtrie. Puis l'étala doucement du bout des doigts. Je n'avais jamais rien vu d'aussi délicat et excitant.

Et Harry non plus, d'après ses pupilles dilatées.

Puis Snape le relâcha et je poussai un juron en Fourchelangue. Harry se détourna brusquement et je vis Snape essayer de se recomposer.

- Je ne savais pas que vos amis avaient une tendance au vampirisme, Potter, finit-il par lâcher d'une voix mordante et glacée.

Harry se retourna à moitié, surpris, puis compris et porta la main à son cou, où ma morsure s'affichait visiblement.

- Oh… non, c'est… c'est Smitty… Monsieur, marmonna-t-il.

L'homme se figea.

- Le Basilic? Il vous a mordu?!

- Oui mais…

- Quand?! Il y a combien de temps?!

- Ca doit faire une demi-heure mais…

- Etes-vous complètement fou, Potter?! Ou suicidaire?!

Il avait empoigné Harry pas le bras et l'avait traîné jusqu'à encore une autre armoire où il fourrageait furieusement. Harry se débattit faiblement.

- Mais écoutez-moi…

- Taisez-vous! Il y en a marre, Potter, marre de tous vos enfantillages – avalez ça, ajouta-t-il en lui collant une fiole dans les mains – quand cesserez-vous de mettre stupidement votre vie en danger?! Vous pensez que les autres n'ont que ça à faire, de vous venir en aide?! Vous pensez que notre joie de vivre est d'aider un foutu gamin à demeurer vivant?! Vous n'êtes pas le centre du monde, Potter, vous m'entendez?! Vous n'êtes qu'un gosse que le hasard a placé au mauvais endroit au mauvais moment! EST-CE QUE VOUS ME COMRENEZ?!

Il le secouait violemment par les épaules à présent, tellement violemment que le remède s'envola par terre où il vola en éclats. Quand il s'arrêta Harry était immobile, la tête baissée, muet.

- Potter.

Mon ami releva la tête. Ses lunettes étaient tombées par terre. Les larmes glissaient jusqu'à ses lèvres.

- Ne me parlez pas comme ça… chuchota-t-il. S'il vous plaît… ne me parlez pas comme ça…

Sa voix n'était qu'une supplication. Une petite prière enfantine. Il était beau, beau avec ses grands yeux verts trempés de larme et ses lèvres qui tremblaient et ses cheveux en désordre qui semaient des mèches humides sur son front et ses épaules aux soubresauts saccadés. Si Snape ne craquait pas avec ça, je ne pouvais plus rien faire.

Snape craqua.

L'agrippa par la nuque et l'embrassa.

S'empara de ses lèvres, le dévora, glissa sa langue dans sa bouche, le serra brutalement contre lui. Presque avec désespoir.

Le repoussa tout aussi brutalement et recula.

Harry resta là un moment, immobile, pétrifié. Snape avait l'air d'un homme vivant un cauchemar, le visage défait.

Puis Harry sourit légèrement. S'avança. Tendit la main et caressa la joue du Maître des Potions. Se colla doucement contre lui. Se dressa sur les pointes de pied et effleura délicatement la lèvre inférieure de l'homme avec sa langue. Snape recula la tête.

- Non.

- Si. Vous me voulez. Prenez-moi.

Il murmura tout contre sa bouche, la sienne encore salée.

- S'il vous plaît.

Puis l'embrassa. Lui rendit la pareille. Glissa à son tour, doucement, sa langue entre ses lèvres. Et Snape l'entoura de ses bras, l'attira encore plus à lui, parcourut son dos de ses mains.

Les bruits que se mit à produire Harry étaient délicieusement sidérants. Des gémissements, des murmures, des soupirs qu'il souffla à l'oreille de Snape, avant de laisser rouler sa tête sur son épaule, laissant l'homme glisser ses mains sous son T-shirt. Lequel fut finalement ôté avec un froissement de tissu, et Snape posa ses lèvres fines sur toute cette peau pâle et nue et tendre et toute à lui. Il y posa sa joue, il y posa sa bouche, il y posa ses mains, il huma, il mordilla à peine avant de remonter, de fourrer son visage dans le cou déjà en sueur, de croquer l'oreille, d'embrasser juste derrière, arrachant un nouveau gémissement à l'adolescent.

Leurs deux silhouettes basculèrent sur une table, Snape perdant sa robe dans le mouvement, déboutonnant rapidement sa chemise, laissant les mains de Harry l'en débarrasser, caressantes, émerveillées, soupirant, embrassant de nouveau la bouche tendue, ressaisissant la nuque, approfondissant, couvrant de tout son corps celui de mon ami, et je pouvais presque en sentir la chaleur qui s'en dégageait, l'odeur affolante, le désir, le besoin.

En fait, je pouvais sentir. Avantage de la délicate langue du serpent.

Snape glissa un genou entre les jambes tremblantes de Harry, les écarta, colla son bassin contre le sien. Se frotta, ondula contre lui, et c'est un cri suppliant qui franchit les lèvres de mon ami. Les jambes fines se nouèrent nerveusement autour des hanches de l'homme, les mains graciles agrippèrent la nuque désespérément. Ses lèvres articulaient – s'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît. Les pantalons glissèrent le long des cuisses, finirent à terre avec chaussures et chaussettes. Les sous-vêtements disparurent. Les deux corps nus s'emmêlèrent, roulèrent l'un sur l'autre, soupirèrent, se frottèrent. S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît. Les mains se posèrent sur les sexes tendus, touchèrent, découvrirent, cajolèrent, arrachèrent des cris, des supplications. Une bouche descendit, glissa, effleura, goûta, puis se posa encore plus bas, encore… Non! Pas maintenant. Prends-moi, prends-moi… Un main s'aventura, écarta, caressa, relaxa, ouvrit, et un doigt fut mouillé, léché, et massa, s'enfonça, bougea, habitua, oh mon Dieu qu'est-ce que tu me fais, Severus, Dieu, encore. Doucement, je t'aime, dis-moi si tu as mal, encore un doigt, dis-moi, encore un, tu le veux? tu aimes ça? et ça? dis-le-moi – oui, oui, oui – oui quoi? – oui j'aime ça, je t'aime oh fuck! – qu'est-ce que tu veux? – Severus s'il te plaît – ça?

Et après des cris, encore des cris, et encore des supplications, et c'était vraiment beau, Harry cloué sur cette table, la tête rejetée en arrière, Snape sur lui et en lui, et la même expression sur leurs deux visages.

- Je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime je –

Je les laissai seuls.

Je retrouvai toute ma bande dans le bureau de Dumbledore – qui n'était pas le moins curieux et impatient.

- Alors? trépigna Ginny.

- Je crois qu'on a plus de soucis à se faire, assurai-je, complètement ailleurs.

Un "Aaaaaah!" collectif accueilli mes paroles.

- Ils se sont déclarés leur grand amour? demanda Draco d'un air goguenard.

- Hem… c'était plus… "sportif".

- Smitty, tu es tout rouge! rigola Ginny.

- Même pas vrai! m'exclamai-je avant de me rappeler que les Basilics ne rougissaient pas.

Foutue gamine.

Mais Dumbledore avait l'air soucieux.

- Je m'inquiète pour la réaction de Severus après, soupira-t-il. Surtout si c'était juste "sportif", comme vous l'avez si bien dit…

- Quoi?! Fallait que je reste jusqu'à la fin?! m'étranglai-je.

- Oh non, non… Je ne vois pas ce qu'on pourrait faire de plus… Simplement… Severus est tellement stupide, parfois…

Ginny et Draco roulèrent des yeux. Puis le Serpentard eut un rictus.

- Hep, rouquine, j'espère que ton frérot a le cœur bien accroch

Ginny faillit s'étrangler de rire.

- Il va faire un infarctus!

- Tout le monde, je pense… soupira Dumbledore.

Mais ses yeux pétillaient.

J'étais assez fier de moi.

Le lendemain Harry avait des cernes énormes et un sourire grand comme ça.

            A suivre.