Chapitre 5 : Dans l'enfer du souvenir  

« Professeur » appela Harry doucement.

« Je vous ai dit que vous pouviez partir Potter » dit sèchement Severus. 'Je t'en prie mon amour va-t-en' supplia l'homme silencieusement.

« Professeur, je… » insista le Gryffondor.

« Etes-vous sourd ou stupide Potter ? Je vous ai dit de partir ! Hors de ma vue ! » criait son professeur à présent.

Harry se racla la gorge et secoua la tête. Lentement, il se dirigea vers la porte et l'ouvrit. Il sortit de la pièce mais avant de refermer la porte, il dit, « Professeur, le dernier souvenir que vous avez vu… »

« Je ne veux rien savoir Pot… »

« … datait d'hier. Ginny m'a embrassé par surprise et elle n'a eu aucune réponse de ma part… »

« Je ne vois pas pourquoi vous me racontez cela, ça ne me regarde absolument pas » répliqua Severus d'une voix plus douce. Il baissa les yeux un instant pour ne pas montrer au jeune homme le soulagement qui l'avait gagné ainsi que la joie de savoir que Harry avait dû 'subir' ce baiser.

« Oui, je sais Professeur, simplement, je ne voudrais pas que vous vous fassiez de fausses idées sur moi ».

Snape releva les yeux vivement. Que voulait-il dire ?

« Que voulez-vous dire ? » demanda-t-il en écho à sa pensée.

« Rien de spécial Monsieur. Juste que je ne suis peut-être pas celui que vous pensez. Peut-être juste que je ne suis pas comme mon père, que je ne suis peut-être pas aussi arrogant et amoral que vous avez l'air de penser. Je ne sais pas ce que vous avez dû penser en voyant ce souvenir de Ginny et de moi mais je ne me sers pas de ma célébrité pour 'tomber toutes les filles'. Je n'en ai ni le besoin, ni l'envie ». Harry regarda, intensément, son maître des potions droit dans les yeux et répéta d'un ton étrange. « Ni l'envie Professeur ».

Severus sentit son cœur s'affoler dans sa poitrine. 'Qu'essaye-t-il de me dire ?' se demanda-t-il désespérément, n'osant y voir un message caché de son admirateur secret alors que Harry fermait la porte derrière lui. 'Est-ce que c'est toi mon amour ?'

« Harry ! » appela-t-il mais il n'eût aucune réponse, le jeune homme étant parti. Il se précipita donc vers la porte et l'ouvrit violemment. Harry allait disparaître au détour d'un couloir lorsque son professeur l'appela de nouveau, « Potter ! Est-ce vous ? »

« Comment Professeur ? » demanda le jeune homme, visiblement interloqué.

Severus n'avait pas pu s'empêcher de crier la question qui le hantait depuis des jours et qui l'obsédait. Mais maintenant qu'il avait prononcé ces mots, il les regrettait. Harry allait le prendre pour un fou. Et si ce n'était pas lui… Oh Merlin !

Avalant péniblement sa salive, Severus respira profondément et redemanda, « Est-ce vous Potter ? Les lettres ? »

Un air de totale incompréhension se dessina sur le visage du Gryffondor qui secoua la tête en signe d'ignorance, « Quelles lettres Professeur ? »

Severus baissa la tête et dit lentement, « Rien. Rien » puis il referma la porte doucement.

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Flashback

« Potter, descendez de là tout de suite ! Etes-vous complètement fou ou trop arrogant pour penser qu'il ne peut rien vous arriver ? » hurlait Severus Snape le plus fort qu'il pouvait, en essayant de se faire entendre dans la tempête qui faisait rage. « Ce n'est pas que vous me manqueriez mais si vous mourriez, cela mettrait le Directeur dans une situation délicate » ajouta-t-il sarcastique.

Le vent violent emportait ses paroles comme une brindille dans une tornade mais il savait que Potter l'avait entendu.

Que lui prenait-il à cet insupportable morveux d'aller voler par un temps pareil ! Voulait-il réellement se rompre le cou ? Il n'avait vraiment aucune notion du danger et comme par hasard, c'était toujours à lui, Severus, d'aller le secourir ! Comme s'il n'avait rien d'autre de plus important à faire !

« POTTER ! » hurla-t-il encore une fois.

Harry voulait fuir la réalité. Il savait que c'était complètement idiot et vain mais il n'avait pas pu s'empêcher de vouloir défier le destin qui le soumettait toujours à dur épreuve. Sous la tempête, ses larmes se mélangeraient à la pluie. Peut-être en serait-il lavé de toute douleur ?

« POTTER ! » hurla Severus qui, ayant fait venir un balai à lui, était tout près de son élève maintenant. Il attrapa Harry par le collet et le força à redescendre avec lui.

Enfin, leurs pieds touchant le sol, Severus laissa éclater les sentiments de colère nourris par la peur et de frustration qui faisaient également rage en lui. Il donna un coup de poing à son étudiant qui tomba à la renverse, dans la boue.

Severus avait le cœur battant de fureur et d'une crainte qui le hantait profondément. Potter aurait pu se tuer !

Harry était toujours allongé sur le sol gorgé d'eau, la pluie ruisselant sur son visage. Il était inconscient.

Severus sentit son cœur manquer un battement. Il se rua vers le jeune homme et le prit dans ses bras, inquiet de l'avoir frappé trop fort. Il ne s'était pas contrôlé et le coup avait été violent.

« Pardon Harry » murmura-t-il, les larmes coulants sur son visage. « Suis-je comme mon père ? » se demanda-t-il à haute voix. Il réfléchit et finalement, lentement, se répondit, « Non… Je sais que je n'aurais pas du te frapper Harry, j'ai eu tort et je ne le recommencerais plus mais j'ai eu si peur… si peur que tu ne te suicides. Je t'aime… »

A ces mots, prononcés par lui-même, Severus écarquilla les yeux de surprise et de stupeur. Il regarda le visage de son étudiant, toujours inconscient dans ses bras et murmura de nouveau, « Je t'aime… Je l'aime… Oh, mon dieu…»

Il berça doucement le corps frissonnant du jeune homme, en le drapant dans sa cape qui était trempée à présent mais cela ne faisait rien. Severus voulait le protéger. Il fallait qu'il l'amène à l'intérieur, il le savait… Oui il le fallait… mais l'homme ne bougea pas. Son cœur se serrait de plus en plus tandis qu'il berçait toujours le corps de celui dont il venait de s'avouer l'amour. Cet instant… il était unique, précieux, volé, hors du temps, jamais vécu pour Harry, à jamais gravé pour Severus.

« Je t'aime Harry » murmura son professeur dans un soupir en approchant sa tête de la joue douce de son étudiant, encore presque imberbe. Il posa ses lèvres sur cette peau arrondie, juste au dessous de la pommette droite, puis tout au long de sa mâchoire, tout aussi doux que l'effleurement des ailes d'un papillon.

Tandis que la pluie se faisait de plus en plus violente, Severus caressait la peau de Harry de ses lèvres de plus en plus tendrement. Il sentait si bon. Sa peau était si fraîche.

Il embrassa le large bleu qui commençait à se former et ses larmes continuèrent de couler. « Pardon, mon amour. Pardon ». Il lui caressa ses cheveux ruisselants et le bout de ses doigts effleurèrent son visage comme pour graver en mémoire tous ses pourtours, creux et vallées, testant le velouté de sa peau. Tel un aveugle avide de contempler, il ne se rassasiait pas du contact de ce visage si beau, si pur, si innocent.

« Je t'aime mon amour » dit-il avant de poser ses lèvres sur celles, immobiles, du jeune homme. Il les embrassa tout doucement, tendrement des dizaines de fois, sans approfondir ses baisers. Il ne pouvait étancher la soif qu'il avait de ces lèvres mais n'avait pas le droit d'aller plus loin. Il aurait voulu l'embrasser pendant toute l'éternité mais des grêlons commencèrent à tomber. Il prit Harry plus étroitement et fermement dans ses bras et l'emporta à l'intérieur.

Cela faisait deux ans.

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Severus se réveilla en sursaut. Il se rendit compte qu'il s'était endormi, la tête dans les bras, sur son bureau. Il regarda l'horloge. 3 h 10 du matin. Il se leva, sortit de la salle, la ferma et prit la direction de ses quartiers.

Pour la millionième fois, il s'était remémoré le moment où il avait compris qu'il était amoureux de Harry. Son Harry.

Il le voulait tellement… et il se dégoûtait tant pour cela.

Il savait qu'il était dépendant du jeune homme et rien que cette idée l'effrayait tout en l'écoeurant. Il se sentait faible, misérable. Il avait bien essayé de lutter, de repousser l'idée mais rien n'y avait fait. Il était irrémédiablement, profondément et désespérément amoureux de Harry.

Un seul mot de son amour et il se serait jeté à ses pieds… mais voilà, cette après-midi même, il avait découvert que ses sentiments n'étaient pas partagés. « Quelles lettres Professeur ? »

Severus avait envie de pleurer.

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Severus dormit mal cette nuit-là, se réveillant par intermittence, son chair durcie, réclamant Harry, son cœur lacéré et saignant, exigeant Harry, sa raison, honteuse, repoussant Harry tout en l'appelant désespérément, son âme, meurtrie, possédée par Harry. Il ne s'appartenait même plus.

La journée s'étira en longueur et Severus se demandait s'il n'était pas en train de sombrer peu à peu dans la dépression.

'Il faut que je me ressaisisse' se dit-il. 'Il ne faut pas que je me laisse aller. Albus compte sur moi. L'Ordre compte sur mes rapports et mes informations. De plus, j'ai un meeting ce soir. Il ne faut pas que le Seigneur des Ténèbres ne se rende compte de l'état dans lequel je suis. Ni pour moi, ni pour… Harry'.

A cette pensée, sa détermination refit brusquement surface. La vie de son amour en dépendait. Il ne voulait pas que le mage noir le tue. Il ferait tout pour que cela n'arrive jamais, même au péril de sa propre vie.

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Severus se laissa tomber sur une chaise de son bureau et soupira. Il venait de revenir, exténué, de son meeting avec les mangemorts et le Seigneur des Ténèbres et il venait également de faire son rapport à Dumbledore. Les choses n'allaient pas très bien.

Le mage noir avait découvert que certaines informations avaient été interceptées par les Aurors et le ministère et il soupçonnait un traître, espion de Dumbledore d'être parmi eux. Severus devait, désormais, faire encore plus extrêmement attention à sa couverture.

Il soupira de nouveau, se passa une main sur le visage et alla se chercher un verre d'eau glacée qu'il bu d'un trait. Il refaisait le chemin inverse quand un éclat rose pâle sur le sol accrocha son regard.

Une autre lettre.

Très lentement, il l'a ramassa et la fixa. Il ne devait pas la lire. Il ne devait pas.

Severus approcha l'enveloppe du feu dans la cheminée qui flamboyait et la jeta.