Chapitre 3 : Rien d'un monstre...

Plusieurs minutes s'écoulèrent qu'Angel soupirait déjà, lasse d'entendre les âneries débitées par Jack, qui, pour sa part, ne se lassait absolument pas de tourner autour de l'étrangère (sa fâcheuse tendance à oublier des prénoms lui coûterait bientôt, elle le savait pertinemment) malgré la différence d'âge.

La jeune fille, de son côté, semblait s'inquiéter au sujet de la santé future du capitaine avec elle à ses trousses.

Il faut dire que, pour une fois, elle avait été très expressive...

"Elle ne m'apprécie guère, c'est tout !"

Cet air nonchalant lui fit dresser les cheveux sur la tête;la conversation qui s'en suivit lui échappa tant tout ceci lui rappelait de mauvais souvenirs, et elle ouvrit les yeux juste à temps pour voir la petite indienne sauter lestement sur le pont au prix de quelques acrobaties exécutées avec un certain savoir faire...

...Le genre de choses que Père nous apprenait à coups de bâtons, termina-t-elle, amère.

Elle referma les yeux, mais était décidément trop énervée pour attendre et récupérer les quelques jours de sommeil qui lui manquaient.

En plus, l'autre fille lui jetait quelques coups d'oeil -elle hésita sur le mot...- gênés de temps à autre, ce dont elle avait horreur.

Comment disait-on, à l'époque de sa formation dans les troupes terrestres ?

Une personne scrutée n'est pas une personne en sécurité.

Voilà. C'étaient les termes exacts.

Pourquoi les gamins se sentaient-ils toujours obligés de la scruter des pieds à la tête ?

J'ai rien d'un monstre, pourtant... Enfin, ça dépend pour qui !...

Elle sourit lorsque les deux filles se croisèrent, l'une amicale, l'autre presque agressive. Y avait-il de la jalousie dans l'air ? Si tel était le cas, le voyage promettait d'être animé.

Tiens, cheveux courts descend encore sur le port...

Elle ferma les yeux et écouta la conversation entre elle et le capitaine, sourire aux lèvres, constatant que, finalement, ce n'était pas de la jalousie mais une sorte de mépris... pas tout à fait, peut-être...

Sinon, pourquoi aurait-elle embarqué sur le Pearl ? l'appât du gain ne pouvait justifier un enrôlement volontaire chez des pirates, c'était...

Elle défit sa veste et la plia soigneusement pour la mettre sur son sac.

Stupide.

Sur le bateau, un soupir lui rappela la présence de la dénommée Nouchki, qui guettait inlassablement Jack et l'autre jeune fille.

Elle se retint de rire.

AAhh, mon vieux Jack. Toujours le même briseur de coeurs, n'est-ce pas ?

3 personnes arrivèrent : Un dénommé Mike et des jumeaux.

S'en suivit un nouvel échange : la gamine était impatiente de partir, comme si elle avait le diable à ses trousses...

Sa voix fluette éclata soudain, pleine de colère.

Je ne suis pas une de ses conquêtes et je peux vous dire que si c'était possible, il ne serait pas sur ce bateau à l'heure qu'il est !

"Ouais, c'est ce qu'elles disent toutes..." marmonna-t-elle, blasée.

Les pas de ladite gamine résonnèrent sur le ponton du navire; et elle l'entendit se laisser tomber sur une caisse, constatant que la position de l'indienne n'avait pas bougé.

C'est ça...

Ce n'était donc pas Jack qu'elle observait, mais l'autre gamine...

Elle soupira de nouveau et fit craquer ses mains.

La gamine veut une amie. Pas une concurrente.

Elle éclata de rire sous le regard ahuri des deux autres filles et soutint leur regard jusqu'à ce qu'elles baissent les yeux. Simple réflexe : on ne baisse pas les yeux devant les autres. Même si ces autres s'avèrent deux mioches sans aucun intérêt -combatif, cela s'entend.

Elle fouilla dans ses poches et en retira un morceau de bois qu'elle mâchouilla en continuant de sourire. S'il fallait qu'elle vive en compagnie d'autres marins, il faudrait qu'elle se calme avec les cigarettes. Et puis, il fallait qu'elle surveille ses nerfs, en mer...

Bien joué, gamine, bien joué...

La lumière commençant à s'appesantir sur ses prunelles trop claires, elle préféra refermer ses paupières sur ses yeux brûlants, les sens toujours en alerte.

Mais la berceuse chantée par les vaguelettes se heurtant à la coque du navire l'envoûta littéralement, et sa concentration diminua jusqu'à ne plus être qu'un vaste souvenir : bientôt, elle replongea dans les méandres de son inconscient, qui la rappela cruellement à la réalité de son existence.

*** flashback***

Les deux garçons se mirent à rire d'un rire étonnement semblables.

Elle fronça les sourcils, maussade.

"Arrêtez de vous marrer, c'est pas drôle !

L'un des deux essuya une larme.

-Allez, petite soeur, comprends nous ! Te voir revenir dans cet état alors qu'au départ, tu devais rencontrer des gens de la haute société anglaise, c'est...

L'autre acheva sa phrase, hilare.

-... c'est comme prévoir le retour d'un éléphant d'un magasin de porcelaine !

Elle croisa les bras, contemplant sa robe déchirée jusqu'à mi-cuisse.

Puis regarda ses frères.

Et éclata de rire elle aussi.

Après tout, c'était bien mal la connaître que de la croire semblable à ces filles de hauts dignitaires, élevées à se tenir droite même en pleine mer, quitte à ressembler à un jeu de quilles...

C'est le moment que choisit leur bonne attitrée pour arriver.

Elle poussa un hurlement.

-Miss ! Que vous est-il encore arrivée ? On dirait que vous avez été attaquée par une horde de chiens sauvages !!!

-Ouais ! I faut dire qu'ils l'ont cherché, ces porcs !

Les deux frères se regardèrent mutuellement.

-Tu es allée au bar ?

-Ouaip.

-T'y as fait quoi ? J'espère que tu n'a pas bu?!

Elle leva les yeux au ciel.

-Je tiens l'alcool, les mecs, on se calme... Et puis je ne faisais que passer en ville pour rentrer au manoir; mais un abruti de marin a voulu me mettre la main aux fesses, alors...

-Tu l'as pisté jusqu'au bar ?

Elle frotta ses bras couverts d'écorchures.

-On peut le dire comme ça, oui...

La servante ne pris même pas la peine de l'écouter et entrepris immédiatement de la déshabiller.

-Si votre père vous trouve ainsi, vous savez ce qu'il va se passer, alors aidez moi !

Elle se débattit dans la mer de tissus tandis que ses frères tentaient tant bien que mal d'aider leur domestique.

-Arrête de bouger, petite soeur !

-Continue comme ça et je te tords le cou !

Elle poussa un cri de douleur alors que l'un d'entre eux tirait sur son corset, mais continua à se débattre.

-Ces robes m'énervent ! Et puis, Père devrait savoir ce qu'il veut : un coup il m'élève comme mes frères, un coup il...

-IL QUOI ?

Les deux frères et la servante pâlirent : contre le battant de la porte était appuyé...

***flashback***

Elle sursauta.

Allons bon, voilà que je commence à me dissiper ?

Elle grimaça.

Pas bon du tout, ça !

Elle se leva brusquement, faisant de nouveau sursauter les deux jeunes filles qui se regardaient toujours en chiens de faïence et, laissant ses affaires en plan, quitta le navire.

Jack, toujours en grande conversation avec les trois autres personnes se tourna vers elle, l'air étonné.

"Milady, ou vas tu ?

Elle lui sourit d'un air hypocrite.

-Je vais à un bal masqué voir mes 15 amants.

Il haussa les sourcils.

-Tu parles d'amantes, je suppose ?

-Pt être, ouais. En tout cas, ça marche plus pour moi que pour toi, à ce que je vois...

Il grimaça.

-Aujourd'hui, je suis dans une mauvaise passe, mais sinon... j'ai un succès fou !

Elle roula les yeux, réalisant qu'elle avait oublié sa veste, qui contribuait à la masculiniser, sur le navire.

-T'as raison, vieux. Je suis sure que ton parfum eau de sueur et rhum n°5, ton sourire de castor et ta coupe en serpillière les font toutes craquer...

Sur ce, elle entrepris de faire un tour au bar le plus proche...