Chapitre 1 : Protection inattendue.
3 ans plus tard…
La jeune Cerise contemplait rêveusement les clients. Elle aimait s'imaginer qu'il venaient de contrées lointaines, ou qu'ils étaient des héros tels que le lui contait sa tendre mère pour l'endormir, du moins dans le peu de souvenirs qu'elle avait d'elle…
Une main énorme la bouscula avec vigueur. Se retenant de justesse au rebord du comptoir, elle n'osa même pas lever les yeux vers celui qui l'avait malmenée. C'était inutile.
« Alors, t'as pas fini de rêvasser ?! T' crois que les clients vont v'nir à être servis par le chien, p't-être ?
-Nnon…
La grosse voix lui jeta un lourd plateau empli de victuailles dans les mains.
-Et t'as pas intérêt à renverser tout ça comme la dernière fois, pigé ?
-Oui, monsieur… »
Elle chancela sous le poids, mais sous la menace d'un nouveau coup, tint bon. Elle n'avait plus très longtemps à vivre dans cet endroit, son oiseau le lui avait soufflé lorsqu'elle était allée chercher de l'eau au vieux puits du village ce matin.
Sa mère viendrait probablement la chercher…
Un habitué de la maison passablement éméché tendit vers elle une chope vide.
-Hé, p'tit démon, tu nous amène à boire ou quoi ?
Elle se mis sur la pointe des pieds pour parvenir à atteindre les verres et les écuelles, et repris ce qui était vide et crasseux sur son plateau sans mot dire.
L'homme qui venait de lui adresser la parole s'énervait trop facilement pour qu'elle lui réplique quoi que ce soit, et puis, elle était habituée à ce qu'on l'appelle ainsi, non seulement à cause de ses oreilles légèrement déformées, mais aussi de son étrange capacité à communiquer avec certains animaux, comme le moineau qui avait élu domicile au-dessus de sa petite chambre…
Néanmoins, l'homme, dénommé Parigas, avait envie de s'amuser un peu, et la petite fille brune était la proie idéale pour ce genre de chose…
-Hé, p'tit démon ! Parait qu'tu parles aux zozios ? J'parie qu'tu parles aussi aux orcs, hein, avec tes oreilles déformées, t'es sûrement une descendante d'cette race puante !
Elle tenta d'ignorer les insultes à peine dissimulées de l'ivrogne, et, serrant son plateau contre elle, tenta de s'enfuir.
Ne lui réplique rien. Tu n'es pas un démon, tu le sais !
-Hé, p'tit démon, t'en vas pas, quoi ! T'sais, pendant la guerre de l'anneau, moi, c'que j'en faisais, des orcs ?
Une violente poussée la projeta en avant, lui arrachant un cri.
Dans un fracas épouvantable, le plateau et tout ce qu'il contenait se brisèrent, jetant un silence de mort dans l'auberge.
Parigas se leva.
-Hé, p'tit démon, t'es tombée ? T'as mal, p'têt ! attends, j'vais t'donner une raison d'avoir mal, 'spèce de sale orc !
Il s'avança vers l'enfant terrifiée dans un geste menaçant, lorsqu'une voix tranchante comme l'acier le figea net.
- Si vous la touchez, vous mourez.
-Ah ouais ? Qui qu'c'est qu'a dit ça ?
-Moi.
Une silhouette se fraya un passage dans la foule.
L'homme –car il s'agissait indubitablement d'un homme- était étonnement svelte, et sa démarche féline trahissait son assurance. Son visage dissimulé par la pénombre était encapuchonné, de telle sorte que seul son nez était perceptible. Cerise put néanmoins déceler une aura bien différente de celle des clients habituels se dégager de lui.
-Comment qu't'oses v'loir t'battre contre moi s'pèce d fillette ?
La voix devint étrangement moqueuse.
-Vous me semblez bien présomptueux, mon bon monsieur… Est-ce l'alcool qui vous enhardie ainsi ?
-Q'ce q'tu dis ? 'M'insulte, l'gamin ?
Prenant à témoin à témoin la galerie, il en profita pour tirer une épée courte des pans de son manteau crasseux. L'autre ne broncha pas, du moins sembla-t-il à la fillette, toujours à terre.
Le ton désinvolte de l'inconnu la surpris. Parigas, bien que complètement saoul, était un excellent combattant, et s'était taillé une solide réputation de tueur durant la fameuse 'guerre de l'anneau'...
-Sachez que si vous dégainez, vous engagez votre vie.
-T'vas voir si j'engage ma vie, spèce de… »
Il se jeta sur l'homme, mais ce dernier esquiva d'un bond léger sur le côté, s'emparant au passage du bras armé de l'ivrogne qu'il tordit sans effort. Le craquement sinistre fit grimacer l'assemblée, qui se ressaisit presque immédiatement en se jetant contre l'individu.
Oh mon dieu, oh mon dieu !!!
Son sauveur providentiel allait se faire égorger par une assemblée d'imbéciles mal famés !...
Quelqu'un la remis sur pied, lui tapotant l'épaule avec condescendance , puis se précipita dans la bagarre avec un plaisir non dissimulé.
« -LAISSEZ LES MOI ! LAISSEZ LES MOI !!! »
Cerise sursauta : son sauveur avait des cheveux étonnement blonds, et il lui avait semblé percevoir quelque chose d'étrange dans son visage…Qu'est-ce que c'était , déjà ?...
Et l'homme qui venait à son secours…
N'était-t-il pas un peu petit pour un homme à la voix aussi grave ?
Le patron de l'auberge la saisit par les épaules et la jeta dans sa chambre sans ménagement.
Elle se réfugia dans son lit en pleurant : ce soir encore, elle ne mangerait pas, et sera probablement encore de corvée de vaisselle durant toute la journée qui allait suivre…
chapitre 2
