Chapitre 11 : Tu as brisé ta promesse.
Plus vite !!! Encore plus vite !!!
Il talonna son cheval avec toute la force de son désespoir, ne se rendant pas compte au travers de ses larmes à quel point l'animal souffrait des coups qu'il lui portait.
Plus vite !!
Il se souvint de leur promesse, alors qu'ils étaient enfants.
La promesse de voir mourir tous ceux qui les entouraient, mais de ne jamais mourir eux-mêmes.
La promesse d'être heureux quoiqu'il arrive.
La promesse de ne jamais mourir...
N'était-ce donc qu'une utopie ?
Il baissa instinctivement la tête, ne se rendant pas compte qu'il venait ainsi d'éviter une branche qui l'aurait probablement tué, trop occupé à fixer l'invisible.
--------- Elle l'observait seller son cheval d'un air grave, les bras croisés et serrés contre elle comme si elle était gelée.
"Tu pars pour le royaume d'Elrond, n'est-ce pas ?
Il s'était immobilisé, étonné de sa clairvoyance.
-Personne excepté mon père n'est censé le savoir. D'où tiens tu cette information ?
Elle secoua la tête d'un air entendu.
-Pourquoi dois tu y aller ?
-Tu sais que je n'ai pas le droit de te le dire, Princesse...
-Mmmh...
Il avait remarqué son regard fuyant et lui avait demandé la raison de son inquiétude.
-Tu t'en vas pour longtemps. Ton absence risque de me peser, mon ami...
Sourire aux lèvres devant son attitude trop peu mature, il lui avait solennellement juré de rentrer dès la fin du conseil. Elle lui avait ri au nez.
-Tu es bien trop téméraire pour cela." --------------
C'est vrai. En se joignant à la communauté, il avait signé son arrêt de mort.
Il injuria son cheval en langue elfique.
Plus vite !!!
Je veux la revoir, encore.
En vie.
Accordez moi une minute auprès d'elle.
Une heure.
Je dois la revoir encore.
Encore une fois.
Thranduil contempla l'amie de son fils le coeur serré.
Sa poitrine ne se soulevait plus régulièrement.
Jamais plus elle ne rirait des sottises qu'elle disait..?
Jamais plus elle ne se moquerait de lui, Roi, en le traitant d'imbécile, de vieillard ou d'innocent...?
Jamais plus...?
Ses paupières closes étaient désespérément immobiles.
Jamais plus il ne verrait son regard empreint de douceur guetter une raison de faire rire l'assemblée...?
Jamais plus il ne verrait son regard contempler le futur comme le faisait Galadriel...?
Jmais plus il ne verrait ses yeux changer de couleur selon ses humeurs..?
Jamais plus ils ne pourraient rire tous deux en imaginant l'enfant qui naîtrait de son sein ...?
Ses mains de la couleur du marbre étaient à présent croisées sur sa poitrine; geste probablement provoqué par Gandalf avant qu'il ne quitte la pièce.
Elle semblait si féminine. Si mature...
Jamais il ne la verrait grandir pour devenir finalement une elfe respectée et aimée de tous ...?
Jamais plus il ne verrait son fils hurler qu'il allait la tuer suite à une farce d'un goût douteux ...?
Elle était... morte ?
Gandalf lui-même avait quitté la pièce, trop choqué par le décès de l'Elfe pour pouvoir rester à ses côtés. Ou peut-être était-il tout simplement dégoûté de son impuissance ?
Le coeur serré, il se leva et ouvrit un tiroir pour en tirer un drap brodé.
Il contempla une dernière fois le visage de l'enfant qu'il avait vue grandir, émerveillé par la sérénité qu'il exprimait...
Il se souvint d'une fois où elle avait fait semblant d'être morte, après s'être noyée dans une petite rivière. Legolas et son frère étaient devenus fous de chagrins, et il avait fallu des mois à la jeune Aure pour se faire pardonner.
Il souleva le drap immaculé sur son visage cireux.
"Bouh !"
Il sursauta lorsque son image lui réapparut, nette et désespérément réelle.
Enfant, elle aimait bien lui faire peur en se cachant sous son draps et en poussant des cris lorsqu'il la couchait.
Mais elle ne broncha pas, aussi immobile qu'une tombe.
Le tissu vaporeux se déposa doucement sur elle, épousant les formes de son visage et son corps amaigris.
A tout jamais.
Il trembla.
Comment un être aussi joyeux qu'elle avait-il pu mourir de chagrin ?
Dire qu'il n'y a pas 5 minutes, elle vivait...
un souffle de vent le fit se retourner.
Les gardes se décalèrent légèrement pour laisser passer quelqu'un.
Mon fils...
Immobile, sur le pas de la porte, son unique héritier contemplait la scène, impassible.
Il savait qu'elle était morte.
ses yeux rouges et les traces de larmes sur ses joues parfaitement sèches le prouvaient.
Restait à lui faire admettre.
Lentement, il entra dans la chambre dans un silence quasi religieux; ses yeux habituellement aussi calmes qu'un lac en été enchâssés dans son visage vide lançant des éclairs à tout ce qui l'entourait.
Il remarqua cependant qu'il évitait une chose.
Elle.
Tel un félin en quête d'une proie, il arpenta la pièce, prêt à bondir sur tout ce qui s'opposerait à lui.
Il croisa son regard.
Sa voix aussi froide et tranchante qu'une lame brisa le silence dans lequel était plongée la chambre depuis des années.
"Où est-il ?
-Mon fils...
-Où est Gandalf, magicien le plus puissant en ces terres ?
Il se mis à hurler.
OU EST IL TANDIS QUE MA COMPAGNE SE MEURT ???
Compagne ?...N'étaient-ils pas amis ? Seigneur...
-Mon fils, je t'en prie..."
Son ton devenait suppliant.
Il savait trop bien ce qui risquait de se passer si on ne l'arrêtait pas.
Mais son fils ne se calma pas.
"-Pourquoi privez vous la Lumière du royaume des rayons de son astre ?
Il arracha les rideau qui emmuraient la pièce et les jeta au sol de la pièce nouvellement baignée de lumière dans un mouvement brusque faisant sursauter les gardes restés sur le pas de la porte.
-Mon fils, je t'en prie... je t'en supplie...
-NON !!! Pourquoi ? Pourquoi Me l'avez vous prise ? RENDEZ LA MOI !!!
Atterré, il le vit briser tout ce qui lui tomber sous la main : commode, livres, objets divers, purement décoratifs, utiles, souvenirs... Tout se fracassa sur le sol dans un bruit de tonnerre... Jusqu'à ce que 3 hommes tentent de le maîtriser; mais sa rage était telle qu'il les envoya à terre sans effort.
Le roi leur fit signe de cesser de l'importuner et s'approcha de lui, plus compatissant que jamais.
Il devait se rendre compte que...
-Elle ne reviendra pas, Legolas. Elle est morte.
Son fils porta soudain une main à sa tempe, semblant tenter de se calmer.
-Sortez, père.
-Fils, il faut que tu te...
Il hurla presque :
-SORTEZ !!!"
Les hommes quittèrent la pièce, tandis que le père tentait de deviner les pensées du fils, guettant la moindre once de tristesse, trop dangereuse à supporter, ou de raison, qu'il puisse cultiver...
Une voix dure et impassible résonna soudain dans sa tête.
Vous ne lirez pas mes pensées. Vous ne le pourrez pas.
Le regard ancré dans le sien, son fils le défiait de dire le contraire.
Thranduil se plia.
Il sortit.
Chapitre 12
