Le favori

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 3—

Lucius entendit vaguement cogner à la porte, comme il entendit vaguement Pixie ouvrir, comme il entendit vaguement son elfe femelle pousser un petit cri aigu et effrayé, comme il entendit vaguement le bruit d'une voix masculine à l'entrée, comme il entendit vaguement les petits pas précipités de l'elfe accourant pour le trouver, comme il l'entendit vaguement lui parler de "Qui-vous-savez" qui patiente dans le hall.

Lord Voldemort ? Dans le hall ?

Lucius qui s'endormait sur un projet de loi obscur se retrouva brusquement les yeux grands ouverts ; il lui sembla aussi que son cœur avait raté un ou deux battements. Il tenta de garder un visage lisse, de calmer son palpitant qui s'affolait à présent et de réfléchir posément à cette situation épineuse.

Que convenait-il de faire ? A dire vrai, il n'avait pas vraiment le choix : il fallait déjà aller le voir ; à ça, il ne pouvait échapper. Ensuite, il trouverait bien un prétexte pour se sortir du pétrin : une migraine par exemple… oh non ! C'est trop surfait.

Il se leva, gardant sa paperasse législative en main (elle pourrait à la rigueur lui servir d'excuse), et se dirigea (haut les cœurs ! En attendant les haut-le-cœur à la vue de son maître) vers le hall. Il y trouva un Seigneur des Ténèbres à l'air sévère ; mais pouvait-il adopter autre chose qu'un air rébarbatif avec le visage qu'il avait à présent ?

« Maître, que me vaut l'insigne honneur de votre présence sous mon toit ?

— Sommes-nous seuls, Lucius ?

— Hé bien, il y a Pixie, mon elfe de maison.

— Congédie-la.

— Il y a Narcissa dans le salon.

— Peu importe, elle est au courant. Dis-lui juste de ne pas nous déranger.

— Il y a Drago, heu non, il est retourné à Poudlard. »

Lucius était à court.

« De toute façon, je suis désolé, mais je vais devoir y aller : j'ai là un projet de loi rédigé par un collègue ; il m'avait prié de le retravailler et je m'en vais de ce pas lui déposer mes conclusions.

— Un dimanche ? A vingt trois heures ? »

Fallait-il qu'il soit au pied du mur pour trouver des excuses aussi peu crédibles.

« Il n'y a pas d'heure pour les braves, fut tout ce qu'il trouva à dire pour sa défense.

— Voyez-vous ça », murmura Voldemort. La colère se lisait à présent sur ses traits ; les jambes de Lucius le soutenaient à peine. « Cela suffit à présent Lucius ! Tu t'es assez moqué de moi, je pense. Cela ne te suffit donc pas de ne pas avoir cherché à retrouver ma trace pendant toutes ces années ? A quel rythme venais-tu me voir auparavant ? Quasiment tous les soirs. Or, cela fait trois mois que je suis revenu et tu n'es pas venu me visiter une seule fois ! » Sa bouche se tordit en une moue dégoûtée. « Tu ne prends même plus la peine de te déplacer quand ta marque te brûle. »

L'aristocrate cherchait les issues de secours, tout en doutant qu'elles existent ; d'ailleurs, il n'en trouvait pas une seule et se demandait surtout s'il allait réussir à sortir indemne de cette entrevue.

« Sais-tu ce qui m'a le plus manqué durant toutes ces années ? Ce n'est pas de ne pas avoir de corps, c'est de ne plus avoir le tien ! C'est de ne plus t'avoir. Vraiment, c'est ta perte qui m'a été la plus douloureuse. J'ai espéré que tu chercherais à me retrouver ; j'ai eu la faiblesse de croire que tu tenais à moi d'une quelconque manière. Comment ai-je pu me montrer aussi naïf ? Tu tiens bien trop à ta petite personne pour songer aux autres, même à ton bien aimé Maître. »

Le blond tremblait maintenant et menaçait de s'écrouler. Il avait toujours su qu'il craignait moins que les autres Mangemorts grâce à son statut particulier, et même qu'il ne craignait rien du tout. Il devait cependant se rendre à l'évidence : s'il ne s'offrait plus au Seigneur des Ténèbres, il perdait ses privilèges et se retrouvait donc aussi exposé que n'importe quel sorcier. Il allait payer chèrement ses absences répétées depuis trois mois, surtout que Lord Voldemort avait manifestement très mal vécu cet abandon.

Pourtant, son seigneur et maître semblait déjà moins en colère ; il semblait comme apaisé. Ce n'était pas illogique ; finalement, il était juste venu pour lui faire peur, pour l'intimider, pour le ramener vers lui et dans son lit. Il suffisait à Lucius de lui faire ce plaisir pour effacer toute son ardoise ; une issue de secours existait donc bien, il n'avait plus qu'à l'emprunter pour se sortir d'affaire.

« J'ai attendu patiemment durant ces trois mois que tu viennes de ton propre gré. Mes espoirs ont été vains, tu n'es pas venu. Alors, je me déplace, je viens aux nouvelles. Tu as sûrement une bonne raison pour avoir agi ainsi. »

Un silence douloureux s'en suivit.

« Aucune ? Alors, tout est parfait ; tout va redevenir comme avant Lucius. »

Voldemort accompagna ses paroles d'un geste tendre vers la nuque de Lucius. Celui-ci s'écarta brusquement, effrayé par cette main décharnée. Il n'avait aucune envie qu'une telle main effleure une seule parcelle de sa peau. Il était physiquement incapable de l'accepter. Il était physiquement incapable de prendre la sortie de secours. Il se condamnait lui-même.

« Bien, je crois que c'est assez clair. Je me doutais de quelque chose de ce genre, je suis loin d'être idiot. Ne pense pas que je n'ai pas remarqué que mon aspect n'est plus tout à fait le même : tu m'évites car je te dégoûte.

— Oh non ! » s'exclama Lucius tout en esquivant adroitement la main gauche de Voldemort qui allait se poser sur sa hanche. N'avait-il donc aucune option autre que celle de s'offrir à lui, bon gré mal gré ? N'existait-il donc aucune vraie solution ?

« Je suis conscient de mon aspect, Lucius. Je suis néanmoins déçu que tu n'oses pas me le dire. Peut-être pourrais-je trouver une solution si tu me laissais une chance. Sinon, séparons-nous, tu deviendras juste un Mangemort comme les autres, c'est tout.

— Je ne crois pas qu'il y ait d'autres solutions ; à moins de boire du polynectar toutes les heures, mais on ne peut décemment pas appeler cela une solution, articula Lucius. Il vaut mieux oublier notre relation. »

Ce n'était manifestement pas la réponse qu'attendait Voldemort et il ne comptait pas en rester là. Lucius le sentit et comprit que s'il ne pouvait l'avoir de son gré, il l'aurait par la force ou la magie. Il recula et la faiblesse de ses jambes le fit trébucher ; il s'appuya à une commode pour ne pas tomber.

« Bien », fit Voldemort. Il s'éloigna de Lucius, au grand soulagement de ce dernier, avant de se retourner brusquement ; il prononça une formule qui attira le blond contre lui et l'enserra de ses bras. Il chercha à l'embrasser mais ses lèvres ne rencontrèrent que du vide, ses bras ne tenaient plus rien.

Lucius avait transplané.

Ça, c'était pire que tout.

« Le… le… comment a-t-il osé ? »

Voldemort sentit des larmes perler au coin de ses yeux ; il les essuya rageusement. Il n'allait quand même pas se mettre à pleurer ; quand était-ce la dernière fois qu'il avait pleuré ? Sûrement quand il était enfant. Il n'allait pas recommencer pour une trahison.

Toutefois, ce n'était pas n'importe quelle trahison.

« Lucius, à quoi cela me sert d'avoir un corps si tu me fuis ? Si je ne peux le blottir contre le tien ? A quoi me servent mes doigts s'ils ne peuvent caresser ta peau ? A quoi me servent mes yeux s'ils ne peuvent te contempler ? Je suis sûr que tu ne te rends même pas compte de ce que je ressens pour toi ! »

Par Salazar Serpentard, qu'est-ce qu'il pouvait l'aimer !

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Dans la pièce d'à côté, Narcissa avait du mal à croire ce qu'elle avait entendu et en restait bouché bée. Ce qu'elle venait d'entendre signifierait-il que Voldemort aimait Lucius ? Voilà qui lui ouvrait des horizons. C'était très intéressant ; c'était bon à savoir ; cela pourrait servir.

Il était toujours fructueux d'avoir une oreille à traîner.

~oOo~

Lucius apparut aux portes de Poudlard. Il courut à l'intérieur du domaine, le plus vite qu'il put, poussa la lourde porte du château, se précipita à l'intérieur et fit une entrée fracassante dans le bureau de Rusard.

« Asile ! Asile ! » s'égosilla-t-il d'une voix hurlante en allongeant démesurément les "i", cela devant le concierge dont les sourcils n'étaient absolument plus alignés.