Le favori
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 5—
Lucius se réveilla de bonne heure le lendemain matin, fait assez inhabituel pour être souligné ; tout cela l'avait stressé, son sommeil en était altéré, et puis la literie était de médiocre qualité comparée à la sienne. Nonobstant que le matelas n'était pas tout à fait à son goût, il dût s'encourager à se lever ; après dix bonnes minutes, sa volonté finit par prendre le dessus et il s'assit sur le bord de la couche où il resta à bailler durant cinq autres minutes. Il se leva enfin et s'étira de façon bruyante.
Il se délassa sous une douche qui s'éternisa, puis s'habilla… avec les vêtements qu'il avait porté la veille, le genre de choses que faisaient les gens du commun ; il se promit d'envoyer dès ce matin un courrier à Narcissa pour lui dire de faire venir sa garde-robe complète à Poudlard.
Et s'il ne s'agissait que d'un problème vestimentaire… il n'avait même pas son peigne ! Heureusement qu'il avait sa canne en main lorsque Voldemort avait tenté de l'embrasser ; sans elle, il se serait vraiment senti tout nu. Il alla s'en saisir et dégaina sa baguette.
Trois sorts démêlants plus tard, Lucius s'estima présentable ; ce qui était un minimum : il avait une réputation à tenir.
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Il fallait qu'il voie Drago au plus tôt pour lui expliquer la situation avant que quelqu'un d'autre ne s'en charge. Connaissant son fils, celui-ci arrivait sûrement parmi les derniers au petit déjeuner et traînait jusqu'à la dernière minute en digne descendant de son père (le réveil laborieux semblait héréditaire dans la famille, au même titre que les cheveux platines, les yeux gris et le port altier, à croire que cela faisait partie du capital génétique des Malefoy). Tout ça pour dire qu'en arrivant dix minutes avant le début du premier cours, il devrait trouver Drago dans une grande salle presque vide.
Il sortit sa montre à gousset d'un geste souple : pile dans le timing, il avait juste le temps de s'y rendre.
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Conformément aux prédictions de son père, Drago était arrivé (comme à son habitude) le dernier dans la grande salle. Il s'était calé entre Crabbe et Goyle, avait poussé un bâillement habilement dissimulé derrière sa main – pas question de montrer une seule faiblesse, surtout pas quand il sentait que l'un ou l'une des ratés du trio infernal le surveillait du coin de l'œil, guettant les moindres paroles qu'ils pourraient saisir, regardant s'il avait ou non du courrier, jalousant les douceurs que lui envoyait sa mère. Il était sûr qu'eux ne risquaient pas d'en recevoir ; entre Potter, le héros, "celui qui a survécu", la pauvre petite victime qui avait perdu ses parents ; Granger, la Sang-de-bourbe, "Miss Je-sais-tout", dont les parents Moldus étaient incapable de se servir d'un hibou ; et enfin Weasley, l'idiot insondable doublé du miséreux de service, Weasel père avait déjà du mal à nourrir sa famille, il était clair qu'il n'allait pas gaspiller son maigre salaire à payer des friandises à sa progéniture médiocre… c'est-à-dire à son image.
Mais les chouchous de Dumbledore ne valaient pas la peine qu'il perde son temps à penser à eux. D'ailleurs, pourquoi gaspillait-il sa salive à leur sortir l'une ou l'autre répartie ? Ces pauvres idiots étaient incapables de comprendre toute la subtilité d'un mot d'esprit.
Il repensait souvent à son retour dans le Poudlard Express à la fin de la dernière année – il aurait préféré l'oublier, mais sa mémoire ramenait toujours ce souvenir honteux sur le tapis –, ces trois lâches (car, oui, ils étaient lâches ! Attaquer quelqu'un par derrière, il croyait les Gryffondor plus loyaux que ça !) leur avaient fait subir des sorts à lui, Crabbe et Goyle. Outre l'humiliation de recevoir ces sorts, il avait dû subir un sermon interminable de son père ("Tu n'as pas honte de t'être laissé avoir aussi facilement ?") qui, ne le voyant pas sortir, avait dû venir le chercher à l'intérieur du train et l'avait trouvé allongé sur le sol, évanoui, les traces du sort qu'il avait subi encore visibles sur le visage. Il s'était expliqué et son père lui avait demandé s'il voulait lui attirer des ennuis à tenir de tels propos sur le Poufsouffle décédé.
Il avait cru qu'il retrouverait son père de bonne humeur ; au lieu de ça, le retour du Seigneur des Ténèbres semblait l'avoir rendu nerveux, à la limite de la paranoïa. Perplexe mais sentant que cela ne le regardait pas, Drago avait préféré ne pas y accorder trop d'attention ; il n'avait plus du tout entendu parler du Seigneur des Ténèbres pendant les vacances, que ce soit par son père, par sa mère ou par les journaux.
Mais là n'était pas la question, le trio infernal l'avait humilié dans le Poudlard Express et il ne l'avait toujours pas digéré.
Drago se secoua mentalement : il ne devrait pas s'énerver dès le matin à cause des ces imbéciles de Gryffondor, ça lui gâchait la journée par avance et la commencer par faire un exposé élaboré et documenté devant des Poufsouffle dont le niveau d'intelligence avoisinait celui de l'oursin n'était déjà pas une chose très valorisante.
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Sorti de ses pensées, Drago avait poussé un deuxième bâillement (toujours aussi discret), puis, un troisième, un quatrième, un cinquième…
D'avance, il n'aimait pas les lundis. Il fallait ajouter à cette tendance naturelle que ceux qui s'étaient chargés de mettre au point son emploi du temps lui avaient collé ces minables de Poufsouffle dès la première heure du premier jour de la semaine. Et pour quel cours ! Défense contre les forces du mal ! S'il y avait bien un cours qu'il adorait, c'était celui-là ; il n'y avait pas besoin en plus de l'obliger à présenter un exposé devant toute la classe et cet imbécile de Mike Hanson, digne héritier de tous les crétins congénitaux qui s'étaient succédé au poste de professeur de cette matière inepte ! Drago avait eu beau chercher, il n'avait trouvé chez lui aucune des qualités qu'il attendait chez un professeur digne de son nom (à savoir passionnant et partial). Mis à part son physique avantageux et sa voix éraillée qui semblait parler directement à un espace situé entre les cuisses et le ventre de toutes les filles de sa classe, ce professeur n'avait rien pour lui ; et encore ces "qualités" ne l'aidaient pas à se faire aimer des élèves de sexe masculin, bien au contraire. Cela étant, c'était au-dessus de Drago de le détester pour cette raison : son physique n'avait rien à envier à celui du professeur et il avait dix fois plus de charisme que lui. Non, si Drago le détestait, c'était pour des raisons objectives – et aussi par principe –, et non pour une quelconque jalousie.
D'ailleurs, quitte à être objectif, il devait avouer que Mike Hanson valait toujours mieux que ses prédécesseurs. Il faut dire qu'il n'était pas difficile de faire mieux : entre le bégayeur, le pédant, le loup-garou ou encore l'abominable tortionnaire qui avait osé le transformer en furet, les anciens titulaires de ce poste pouvaient tous concourir pour le titre de champion des minables.
Il n'arrivait vraiment pas à saisir pourquoi Severus Rogue – admirable professeur de potion et formidable responsable de sa maison – tenait tellement à obtenir ce poste maudit et dégradant. Vraiment, cela le dépassait.
Il valait mieux se concentrer sur l'exposé dont l'heure approchait. Il avait choisi les vampires, il dominait bien ce sujet, il avait une passion pour ces créatures. Cela venait du fait que la seule histoire que son père lui ait racontée quant il était enfant relatait la vie d'un suceur de sang. Ce moment privilégié que Drago avait partagé un soir avec son père était resté gravé à jamais dans son esprit et y gardait une place à part, bien qu'il soupçonnât fortement que c'était uniquement pour avoir la paix que son paternel lui avait raconté cette histoire et qu'il s'était appliqué à la narrer de la façon la plus effrayante possible afin de dégoûter à jamais son fils de lui demander à nouveau de faire ce genre de choses.
Drago n'avait pas dormi de la nuit.
Son exposé était fourni, bien ordonné et, à son avis – le seul qui importât –, très réussi. Il aurait forcément une excellente note, ce qui le changerait de ses résultats habituels en cette matière qui n'étaient pas le reflet de son véritable niveau pour la bonne raison qu'en temps normal, il ne faisait absolument aucun effort. Son père méprisant cette matière tout autant que lui, il ne lui faisait aucun reproche en ce qui concernait ses notes moyennes – voire très mauvaises – dans ce cours, bien qu'il n'aimât pas cela car cela faisait baisser la moyenne générale de son fils.
« On y va, Drago, on se retrouve en cours, annonça Goyle, l'interrompant dans ses pensées.
— C'est ça », marmonna le susnommé.
Ses gardes du corps attitrés prirent leurs sacs et partirent en cours de Défense contre les Forces du Mal. Drago jeta un coup d'œil bref et circulaire à la salle : Rogue s'apprêtait à partir, Sinistra le retenait par la manche, lui demandant l'une ou l'autre chose ; Dumbledore et Pomfresh discutaient ; du côté des élèves, il restait deux Poufsouffles qui s'attardaient, l'une d'elles cherchait frénétiquement quelque chose dans son sac. Drago la reconnut, c'était Elvira Hang, elle devait présenter un exposé juste après lui (décidément, que de réjouissances en perspective pour cette journée !), c'était cela sans doute qu'elle cherchait dans son sac. Avec un peu de chance, elle ne réussirait pas à remettre la main dessus et ferait son exposé "a capella", ce qui, entre bafouillages et trous de mémoire, pouvait avoir un certain comique.
Drago jeta un coup d'œil à sa montre : il lui restait dix minutes avant son premier cours, il avait encore tout son temps. Il reporta son attention sur le contenu de la salle. Qui d'autre y était encore ? Deux ou trois Serdaigles, un Gryffondor et deux autres Serpentard, ce qui, avec lui, son père, Sinistra et Rogue, en faisait six en tout.
Son père ?
« Bonjour Drago.
— Bonjour… que fais-tu ici ? demanda Drago, interloqué.
— Je vois que je suis chaleureusement accueilli, cela fait plaisir ! fit sarcastiquement Lucius.
— Excuse-moi, mais je suis étonné de te voir là… surtout de si bon matin », ajouta Drago en songeant aux horaires de son père. D'ordinaire, ce dernier ne se levait pas avant dix heures (en semaine ; le week-end, c'était rare de le voir debout avant midi) ; son petit déjeuner et ses ablutions matinales lui prenaient entre une heure et demie et deux heures ; il arrivait au ministère (en transplanant) sur les coups de midi, discutait de choses et d'autres avec sa secrétaire ou ses collègues pendant une demi-heure ou une heure, partait déjeuner pendant trois heures avec deux ou trois relations de travail, revenait et… travaillait ! Bref : des cadences infernales. Il fallait tout de même mettre à l'actif de Lucius Malefoy qu'il lui arrivait régulièrement de revenir assez tard le soir et de ramener certains dossiers afin de les étudier à tête reposée.
« J'ai dormi ici cette nuit », répondit Lucius. Son fils ne fit aucun commentaire, il attendait la suite. « Il se trouve que… » Lucius s'interrompit, regardant autour de lui comme s'il se sentait épié. « Allons discuter à l'abri des oreilles indiscrètes. »
La lumière se fit soudainement dans l'esprit de Drago : son père était envoyé ici par le Seigneur des Ténèbres ! Il était en mission secrète. Il avait fait croire à ce naïf de Dumbledore qu'il était repenti et qu'il avait besoin d'être protégé.
« Je vais devoir me rendre en cours ; nous parlerons discrètement en chemin, ça ira ? »
Tout en disant cela, il se leva, passa la bandoulière de son sac par-dessus sa tête et commença à s'éloigner ; son père lui emboîta le pas.
~oOo~
« Drago, je voulais t'informer que la donne n'est plus la même. J'ai un… différend avec le Seigneur des Ténèbres », murmura Lucius dès qu'ils furent sortis de la grande salle. Son fils eut un sourire entendu et lui adressa un clin d'œil connivent ; Lucius fronça les sourcils. « Est-ce que tu comprends ce que je suis en train de dire ? » demanda-t-il d'un ton méfiant.
Drago s'arrêta au milieu du couloir et jeta un coup d'œil à droite et à gauche. Il approcha son visage de celui de son père.
« Tu es venu pour espionner, n'est-ce pas ? chuchota-t-il, toujours souriant.
— Je vois : tu n'as rien compris, en conclut Lucius d'un ton agacé. Non, Drago, je ne suis pas venu pour espionner. J'ai eu… quelques mots avec le Seigneur des Ténèbres ; maintenant, je n'ai plus qu'à me cacher. Je ne suis pas ici pour jouer les agents doubles ou quoi que ce soit de ce genre ; je ne suis plus Mangemort. C'est même au-delà de ça : je ne peux plus être Mangemort. Tu comprends ? »
Drago comprenait. Il comprenait qu'il n'avait le choix qu'entre deux hypothèses : la première, son père disait la vérité – mais alors : quels étaient les "quelques mots" qu'il avait eus avec le Seigneur des Ténèbres ? – ; la seconde, il mentait car il avait peur que son fils ne sache pas tenir sa langue.
Si Drago trouvait la deuxième solution parfaitement humiliante pour lui, la première nécessitait un changement de cap ; sachant qu'un Malefoy endure mieux un retournement de veste qu'une vexation, Drago décida que son père disait la vérité. Néanmoins, cela ne répondait pas à sa question : à quel propos le Seigneur des Ténèbres et lui s'étaient-ils disputés ? Est-ce que cela avait quelque chose à voir avec l'attitude étrange de son père durant les vacances ?
Il aurait aimé pouvoir poser ces questions à son père ; mais s'il ne lui avait pas dit d'emblée ce qu'il en était exactement, c'était qu'il n'avait aucunement l'intention de le faire et donc que demander ne servirait qu'à s'entendre dire de se mêler de ses affaires. Drago se tut donc et c'est dans le silence qu'ils arrivèrent devant la salle de Défense contre les Forces du Mal.
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« Bon, je suppose que je vais te revoir aujourd'hui, donc, à tout à l'heure, fit Drago.
— Monsieur Malefoy, toujours à la dernière minute le lundi matin, s'exclama une voix derrière eux.
— Bonjour Professeur Hanson, répliqua Drago d'un ton qui démentait la politesse du propos.
— Vu la ressemblance physique, vous êtes apparenté à mon élève, je présume ? » supposa Mike, en se tournant vers Lucius. Celui-ci resta sans voix.
« Oui, c'est mon père, s'exclama précipitamment Drago oubliant d'adopter le ton insolent qu'il employait d'ordinaire avec ce professeur.
— Lucius Malefoy », se présenta le père en question, sortant du mutisme dans lequel l'avait plongé l'apparition de Mike Hanson. Celui-ci eut même droit à un fin sourire : miraculeux de la part du sang pur. Drago serra les dents.
Les choses n'avaient jamais été dites clairement ; cependant, Drago, digne Serpentard, était malin. Il observait beaucoup et "sentait" les choses. Il avait compris à la fin de son enfance à la façon dont son père regardait certains hommes qu'il avait une façon bien particulière d'appréhender ses relations avec les personnes de son sexe. A cette époque-là, il n'avait pas les mots pour nommer ce qu'il avait vu. Mais en cet instant, ce mot lui brûlait les lèvres : attirance. Son père aimait les hommes et, au grand désarroi de Drago, celui qui lui servait de professeur ne lui était pas indifférent.
Finalement, il n'y avait pas qu'aux entrecuisses des filles de sa classe que la voix de Mike Hanson parlait.
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« Je te présente Mike Hanson, mon professeur de Défense contre les Forces du Mal. Tu te souviens ? Ce cours que tu méprises. »
Hanson regarda son élève, étonné ; il était bien agressif soudainement, quelque chose devait lui déplaire. Et quelle drôle d'idée de brandir devant son professeur le mépris de son père pour la matière qu'il enseignait. Cela étant, Drago n'avait jamais démontré un enthousiasme démesuré pour son cours et ne se gênait pas pour le lui faire comprendre… avec juste assez de subtilité pour qu'on ne puisse pas le lui reprocher.
« Excusez mon fils, il a toujours été un peu… plaisantin », fit Lucius, tentant de paraître amusé. Quelle mouche piquait Drago ?
« Je l'aurais plutôt défini comme quelqu'un de sarcastique, rectifia le professeur.
— Je préfère votre définition, intervint Drago, offusqué de l'emploi du mot "plaisantin" pour le qualifier. Cela dit, Papa, c'est ton droit de changer d'avis sur ce cours, même aussi soudainement, mais avoue que tu médisais beaucoup sur ce sujet. »
Lucius lança un regard noir à son fils qui le lui rendit aussi sec. Il comprit alors que celui-ci avait des doutes sur… certaines choses.
Peu importait, de toute façon, ce Mike Hanson ne l'intéressait pas.
Enfin… pas plus que ça.
