Le favori
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 9—
Severus poussa un profond bâillement. Il avait rêvé de son lit toute la journée ; en fait, dès l'instant où Londubat avait malencontreusement confondu deux ingrédients, il avait regretté de s'être levé. L'élixir de jeunesse du maladroit s'était transformé en un gaz toxique ; les cinquièmes années Serpentard et Gryffondor, ainsi que lui-même, avaient tous dû subir un examen médical complet, le gaz inventé par mégarde par Londubat s'étant révélé d'une dangerosité effrayante, digne des pires armes chimiques moldues. Par bonheur, Severus avait réagi promptement et avait immédiatement fait évacuer les élèves avec l'intelligence et les réflexes qui étaient les siens.
Dumbledore lui avait recommandé de ne plus utiliser son cachot comme salle de cours pendant un certain temps en lui assurant qu'il allait faire le nécessaire pour le rendre à nouveau salubre, du moins autant qu'il pouvait l'être – Severus n'avait guère goûté le sel de cette précision – ; des sorciers spécialisés seraient mandés pour dissiper les émanations, désinfecter et faire les vérifications d'usage. En attendant, il se retrouvait contraint et forcé de dispenser ses cours dans une salle du deuxième étage où rien n'était adapté pour l'enseignement de sa matière.
Cette aventure lui avait tout de même permis de retirer deux cent points d'un coup aux Gryffondor, c'était toujours une consolation.
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Il tapota son oreiller, les yeux fatigués, un sourire de soulagement aux lèvres à l'idée de pouvoir enfin se reposer et de ne plus avoir à penser aux cancres, aux maladroits, aux Miss Je-sais-tout, bref à toute la clique des ces affreux Gryffondor.
Comme il s'apprêtait à se réfugier dans le confort douillet de sa couche, il ressentit une brûlure sur son bras. Il remonta sa manche d'un geste preste et jeta un regard empli de détresse à la marque plus noire que jamais ; Le Seigneur des Ténèbres le conviait. Il ne pouvait cette fois invoquer son métier d'enseignant comme excuse pour ne pas s'y rendre – c'était ce qui s'était passé la dernière fois lorsque Voldemort était venu pour chercher Lucius, la marque avait brûlé Severus comme tous les Mangemorts (y compris Lucius d'ailleurs), mais il avait pour ordre de ne pas attirer l'attention sur lui afin de ne pas se compromettre auprès de Dumbledore, étant en cours à ce moment-là, il n'en avait donc pas tenu compte. Dans les circonstances actuelles, il ne pouvait raisonnablement pas prétendre que son absence risquait d'être remarquée, pas à l'heure qu'il était.
Il n'avait plus qu'à se rhabiller. Lui qui avait tant rêvé de son lit douillet…
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« Bonsoir à tous, merci d'avoir répondu à mon invitation », salua Voldemort. Ce n'était qu'une simple formule de politesse d'usage, ses adeptes n'avaient de toute façon guère le choix. « Permettez-moi de rentrer dès à présent dans le vif du sujet : vous n'avez pas été sans remarquer que mon aspect a été quelque peu altéré par… mon aventure. »
Les Mangemorts hésitèrent avant de hocher la tête, ils se demandaient si c'était un piège ou une véritable affirmation ; chaque geste et chaque mot se devait d'être soupesé en présence de sa Seigneurie, d'autant plus que son comportement depuis sa résurrection était pour le moins étrange. Il semblait évident que son aventure l'avait perturbé en profondeur – on le serait à moins ! – ; il faisait notamment une fixation sur la trahison de Lucius Malefoy, ne semblant pouvoir ni la digérer, ni même l'accepter, refusant en fait tout bonnement de considérer la blondinette – c'était ainsi qu'ils l'appelaient entre eux – comme un traître. Pourtant, son retournement de veste était évident – et prévisible, auraient dit certains. Les Mangemorts ne comprenaient rien à l'attitude de leur Maître. Quelques uns s'hasardaient à avancer des hypothèses, la plus crédible se référant à la position sociale des Malefoy, celle-ci étant inégalée, il était essentiel d'en compter un parmi ses alliés, d'où l'obstination de leur Maître à vouloir réintégrer Lucius dans leurs rangs. D'autres supputaient quelque chose de moins avouable, mais n'en parlaient qu'à mots couverts, à coup de petites phrases sibyllines ; de temps en temps, l'un d'entre eux (se trouvant parmi des gens de confiance partageant son opinion) se permettait une allusion graveleuse, mais c'était tout. D'ailleurs, ils n'avaient aucune preuve, pas même le début d'une, sauf peut-être le ricanement déplacé de Karkaroff durant leur petite virée à Poudlard, ceux qui nourrissaient des doutes au sujet de Lucius y avaient vu une confirmation ; il pourrait être enrichissant de mettre la main sur le Russe un jour ou l'autre, non pour le tuer (comme le souhaitait Voldemort), mais pour lui faire avouer ce qu'il savait.
« J'aimerais recouvrer mon aspect d'antan, poursuivit Voldemort. Malheureusement, malgré l'étendue de ma puissance et de mes connaissances, je ne connais aucun moyen pour réaliser ce désir. Toutefois, et n'ayant pas la prétention de posséder un savoir absolu, j'ai décidé de m'en remettre à mes dévoués Mangemorts. Quelqu'un dans cette assemblée aurait-il une idée quelconque sur la question ? »
Un long silence suivit cette déclaration, puis Severus Rogue s'avança ; Voldemort apprécia. Il avait un moment cru à sa trahison ; avait-il été sot ! Le brave petit avait été amoureux de lui, sans doute l'était-il toujours d'ailleurs. Dommage qu'il ait vieilli, il n'était plus aussi appétissant. Cela étant, ses amants ne pouvaient garder le charme de leurs vingt ans éternellement, et cela n'empêchait pas Severus de conserver une certaine sensualité. Dire qu'il n'en avait même pas conscience !
Voldemort chassa le corps de Severus de ses pensées, seul Lucius devait lui importer : c'était lui qu'il voulait dans son lit. Severus n'était pas dénué de charme, soit ! Mais c'était pour Lucius qu'il nourrissait un tendre sentiment.
« Il existe un moyen, assura Rogue. Je connais un homme plus réputé pour pratiquer l'équivalent de la chirurgie esthétique des Moldus que pour ses talents de sorcier.
— Aurais-tu dans l'idée de me faire charcuter par le premier charlatan venu ?
— Il ne s'agit aucunement de cela. Cet homme est capable de redonner leur visage d'avant à tous les défigurés, il doit sa renommée à ce talent. Le résultat est parfait à chaque fois. Il a toujours prétendu que c'était par les mêmes moyens que les autres médicomages qu'il parvenait à ses résultats, soulignant qu'il était juste plus adroit que les autres. Cependant, j'ai effectué un stage chez lui quand j'étais plus jeune, j'étais très curieux de connaître son secret – car je me doutais qu'il en avait un – et en cherchant un peu, j'ai découvert la véritable raison de son succès : cet homme est l'inventeur d'une potion qui permet de recouvrer un aspect antérieur ; on applique la recette, on "date" la formule – on peut la dater jusqu'à vingt ans en arrière… si le sujet a au minimum trente sept ans – on injecte la potion et le corps et le visage retrouvent l'aspect demandé.
— Intéressant. » Si Severus disait la vérité, son problème délicat venait de trouver une solution miracle. « La potion ne peut être prise que par injection ?
— Je l'ignore. Je sais qu'il pratiquait de cette façon car il anesthésiait les gens avant de pratiquer l'injection de façon à ce que les patients ne sachent pas comment ils étaient opérés. Il tenait à ce que le secret soit absolu ; si cela s'était ébruité, les autres médicomages l'auraient pratiqué, il aurait perdu l'exclusivité de la perfection de son "travail". Il procédait donc par injection, mais peut-être suffirait-il de la boire ; je ne peux pas vous l'assurer, je n'ai jamais essayé.
— Connais-tu la formule de cette potion ?
— Bien sûr ; quand j'espionne, je ne le fais pas à moitié.
— Je suis bien placé pour le savoir. Fabrique-la-moi, je la veux au plus tôt. Tous les autres peuvent disposer. »
Un frisson parcourut le corps de Severus à cette dernière réplique. Il allait se retrouver seul en tête-à-tête avec le Seigneur des Ténèbres ? Il s'exhorta au calme : le Seigneur des Ténèbres voulait qu'il lui prépare la potion, il n'allait certainement pas le déranger pendant sa préparation pour faire… autre chose.
Il avait beau se dire que c'était ce que la logique commandait, il n'arrivait pas à s'en convaincre. Or, il avait déjà moyennement apprécié que le Seigneur des Ténèbres fasse "joujou" avec lui quand il avait un visage avenant, mais s'il devait recommencer aujourd'hui… le fait était qu'il se demandait s'il ne préférerait pas encore forniquer avec Lupin version loup-garou ! Et puis, même en admettant qu'il ne cherche pas à le déshabiller et qu'il le laisse travailler tranquillement, tout ça tombait très mal, il n'avait qu'une envie : retrouver son lit ! Il lui fallait trouver une échappatoire, vite !
Qu'il était bête, elle était toute trouvée !
« Il y a un problème, Maître. Je ne la connais pas par cœur.
— Alors, rentre vite et prépare-moi cette potion. Nous nous retrouverons demain.
— Bien… je suppose que je la date de seize ans en arrière ?
— Disons plutôt vingt ans », répondit Voldemort dans un élan de coquetterie.
