Le favori
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 11—
« Il te reste des racines de pissenlit ?
— Dix points en moins pour Gryffondor pour les bavardages de Miss Weasley.
— Je demandais juste un ingrédient ! protesta Ginny.
— Dix points en moins pour votre impertinence. »
Ginny se prit un coup de pied de la part de sa voisine qui la fit taire et permit à Gryffondor de ne pas perdre dix autres points.
Les élèves s'escrimaient à réaliser une potion bien au-dessus de leur niveau de quatrième année. Rogue avait choisi sa potion en fonction de plusieurs critères : il fallait qu'elle puisse être réaliser dans cette fichue salle de classe non adaptée à son cours, qu'aucun élève ne puisse créer un produit dangereux avec les ingrédients donnés et qu'elle soit assez difficile pour occuper tous les élèves durant toute l'heure, ceci afin de lui permettre d'être tranquille.
En effet, ce qu'il confectionnait exigeait de la tranquillité, la miraculosis n'était pas une potion à la portée du premier venu et la datation était un exercice difficile. Il aurait volontiers exécuté ce délicat travail en dehors des heures de cours, mais sa réalisation exigeait beaucoup de temps, il fallait jongler avec de nombreux ingrédients, dans des proportions très précises, séparer les composantes de certains avec des sorts qui exigeaient de la concentration et du doigté, laisser reposer la potion une demi-heure entre chaque ingrédient, et la dater se faisait en trois étapes, chacune longue de plus d'une heure. Or, le Seigneur des Ténèbres avait souhaité l'avoir dès aujourd'hui – souhaité était un euphémisme, exigé était un terme plus adéquat –, il ne se souciait guère des difficultés qu'entraînait la confection de cette miraculosis.
Il avait raconté la réunion de la veille à Dumbledore et celui-ci avait mis son grain de sel en encourageant à réaliser cette potion délicate sans attendre ; lui aussi se fichait bien de la virtuosité et du temps qu'il fallait y consacrer, ce qui l'intéressait était de découvrir ce que cachait l'attitude du Seigneur des Ténèbres. Severus avait fait remarquer au directeur que cela importait peu, qu'il fallait juste débarrasser le monde de cette crapule ; hélas, Dumbledore était par moment aussi bizarre et paradoxal que le comportement actuel de Voldemort.
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Tout se passait plutôt bien jusqu'ici. La potion serait prête dans les temps.
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Sa marque le brûla ; cela tombait bien, Lucius se demandait justement comment il allait le localiser. Il n'avait plus peur à présent ; après s'être convaincu de la nécessité d'aller le visiter et sa décision fermement prise – ce malgré l'entrevue avec son père –, la terreur de ce qui pourrait se passer l'avait tenue toute la nuit durant, le privant de sommeil, puis il s'était souvenu de la phrase sibylline qu'il avait obtenue de Narcissa : « Tu es particulier pour ce cher Lord, plus que tu ne le crois. »
Il avait alors repensé à l'attitude de Lord Voldemort à Poudlard, au fait qu'il ne l'avait jamais menacé directement et qu'il s'était retenu d'en faire à Narcissa et à Drago pour ne pas le blesser lui… pour ne pas le perdre. C'était de cela que Narcissa parlait quand elle lui avait assuré qu'il était particulier pour lui. Au petit matin, il avait pris conscience que Lord Voldemort ne lui ferait jamais de mal sciemment et qu'il pouvait donc se rendre auprès de lui sans crainte. Seul était resté le délicat problème de savoir où il se trouvait, mais ce problème était à présent résolu.
Il se couvrit et sortit du château.
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Juste à temps ! Il venait juste de terminer la dernière étape du processus lorsque cette fichue marque avait une nouvelle fois fait connaître douloureusement sa présence. Quelle impatience tout de même ! Il était à peine sept heures.
Severus enferma la précieuse potion dans un récipient hermétique. Il revêtit sa cape et partit, sans le savoir, sur les traces de Lucius.
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« Je vous ai convié aujourd'hui car Severus doit m'apporter le remède à mon état. S'il a exécuté son travail avec talent, je recouvrerai mon aspect passé », discourut Lord Voldemort avec aux lèvres ce qui ressemblait vaguement à un sourire. Les Mangemorts restèrent silencieux. Certains dans l'assemblée grimaçaient sous leur cagoule : tout ça pour une bête question de beauté physique ? C'était d'une telle médiocrité, cela ne ressemblait pas au Seigneur des Ténèbres qu'ils avaient connu. Ce qui lui était arrivé chez les Potter et ce qu'il avait vécu par la suite (si le verbe vivre pouvait s'appliquer à l'état dans lequel il se trouvait durant toutes ses années) l'avait irrémédiablement changé ; la trahison du "mignon" Lucius ne devait pas non plus y être étrangère.
Ils voyaient le Seigneur des Ténèbres de moins en moins comme un leader. D'ailleurs, qu'avaient-ils fait depuis son retour ? Rien d'autre que des initiatives personnelles car leur chef paraissait avoir complètement oublié la raison pour laquelle il les avait fait Mangemorts. Et puis, ils avaient appris récemment que leur leader "bien-aimé" était lui-même fils de Moldu. Tout cela donnait matière à réflexion ; et même les plus stupides d'entre eux commençaient à se poser des questions.
Une bonne mutinerie s'imposait. S'ils se soulevaient tous en même temps, il ne devrait pas être difficile de jeter ce chef désormais plus encombrant qu'autre chose. Ils n'avaient même plus peur de lui à présent ! Il fallait juste se mettre d'accord et éviter que certains, les véritables fidèles, apprennent leurs intentions. Il fallait aussi éviter que ceux-ci soient présents le jour de la mutinerie. Tout puissant qu'il était, seul contre tous, son règne ne ferait pas long feu.
« Regardez qui voilà », s'exclama un des Mangemorts d'un ton railleur. Tous les regards convergèrent dans la direction qu'il désignait de son index ; Lucius Malefoy venait d'entrer, il s'avança et se plaça bien en vue et à l'écart des autres Mangemorts. Sa mine la plus hautaine clouée à la face, ses cheveux peignés de frais, sa mise propre et parfaite, sa canne tenue nonchalamment, il avait fière allure et le savait. Un sourire éclaira le visage de Voldemort alors que son cœur se soulevait de bonheur dans sa poitrine.
« Lucius, tu arrives juste au bon moment », s'exclama-t-il. Il se tourna vers ses adeptes : « Vous pouvez tous partir à présent », leur commanda-t-il d'un ton sec. Les Mangemorts échangèrent des regards surpris.
« Enfin, Maître, vous n'êtes pas sérieux ? » se permit Queudver. Ces mots étaient sortis de sa bouche sans qu'il ait le temps de les retenir devant l'énormité de la situation : son précieux Lord les conviait tous et dès que le traître se pointait, il n'avait d'yeux que pour lui et les congédiait sans autre forme de procès. Cela ne ressemblait à rien !
« Il t'a demandé de partir, le rat ! lui asséna Lucius.
— Partez tous, je n'ai plus besoin de vous. Je ne tolérerai aucune protestation. »
Certains Mangemorts se regardèrent d'un air entendu. Nul besoin d'un dessin pour comprendre ce qui allait se passer ; il était vraiment plus que temps de se mutiner.
Et Malefoy serait le deuxième sur la liste à périr.
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Voldemort tenta de s'approcher de Lucius, celui s'éloigna pour maintenir un écart respectable entre eux. Il ne semblait toutefois plus faire cela par peur ou par dégoût – Jedusor ignorait si c'était une bonne ou une mauvaise chose – ; ce qui pouvait en revanche difficilement être considéré comme une bonne nouvelle était le fait qu'il n'avait pas quitté son expression hautaine une fois les Mangmorts partis, ce qui signifiait que celle-ci lui était destinée. Voldemort ne savait comment réagir et il décida de lui faire part de la résurrection prochaine de sa beauté passée.
« Lucius, si tout se passe bien, tu devrais me revoir tel que j'étais avant. Severus ne devrait pas tarder à arriver, sans doute met-il la dernière main à la potion miraculeuse qui doit me faire recouvrer le visage que j'avais il y a vingt ans. »
Severus, il l'appelle Severus, il l'appelle par son prénom ; il n'y a normalement que lui, Lucius, qui ait droit à cet honneur. Lucius masqua sa colère sous ses airs suffisants et parla avec calme : « Vous m'avez trompé. »
Voldemort tressaillit. Touché.
« Vous m'avez trompé avec Rogue, Severus Rogue.
— Voyons, Lucius. Que me chantes-tu là ?
— C'est Severus en personne qui me l'a avoué ! »
Voldemort resta silencieux quelques secondes, jaugeant la situation et se rendant à peine compte que, pour la première fois depuis qu'il le connaissait, Lucius non seulement ne le craignait plus du tout, mais jouait avec lui sur un pied d'égalité.
Mentir quand votre interlocuteur sait pertinemment que vous mentez était contreproductif.
« C'est exact. Il m'attendait dans ma chambre un soir.
— Il ne vous attendait pas, il fouinait ! C'est un espion à la solde de Dumbledore depuis des années. » Le souffle de Lucius se bloqua dans sa poitrine. Pourquoi avait-il dit ça ? Pourquoi ? Severus était un ami. Il s'était confié à lui en toute confiance.
Ça, c'était une véritable trahison. Mais tant pis ! Les mots étaient lâchés, il était trop tard pour les ravaler au fond de sa gorge. Il n'y avait plus qu'à espérer que cela ne porte pas préjudice à son ami ; et sans doute Lucius avait-il les moyens pour qu'il en soit ainsi.
Voldemort en resta coi. Lucius affabulait ! C'était l'inverse ! C'était pour son compte à lui qu'il espionnait ! Ses épaules tombèrent quand il prit conscience que c'était la stricte vérité qui venait de franchir les lèvres de Lucius.
« Je ne l'ignore pas, dit-il, reprenant une apparence impassible et espérant faire croire qu'il avait toujours gardé le contrôle sur tout. Il était cependant amusant. Il t'arrivait d'être absent parfois pendant une semaine entière. C'était rare mais cela t'arrivait. Severus est le seul avec qui je t'ai trompé.
— Vous ne pouviez pas vous passer de tirer votre coup pendant une semaine ?
— Ne sois pas vulgaire Lucius, cela ne te sied pas et j'ai toujours détesté la vulgarité », s'exclama Voldemort, horrifié du langage de son favori. Il poussa un soupir impatient. « Il n'y a toujours eu que toi. Severus était amusant certes, mais il servait juste à compenser tes cruelles absences. Deux ou trois fois, qu'est-ce que cela peut bien signifier ? » Voldemort s'interrompit, remarquant à quel point Lucius détestait l'idée d'avoir été trompé ; un rictus réjoui courba sa bouche. « D'ailleurs, il faudra que j'y songe quand je l'aurai devant moi, il m'a trahi mais il m'a aussi donné du plaisir, cela mérite bien une indulgence de ma part. »
Lucius fut suffoqué par ces paroles. Voldemort parlant d'indulgence à l'égard de Severus aurait dû lui faire plaisir – Severus était un ami, quelqu'un qui avait de la conversation et c'était par sa faute si son Lord savait qu'il était un traître, même si celui-ci avait tenté de lui faire croire qu'il était au courant depuis le début –, mais formulée de cette façon, cela lui déplut au possible. Et il l'avait une fois de plus nommé par son prénom. Severus était un ami mais il le détestait dès l'instant où Voldemort mentionnait son prénom.
Voldemort détourna les yeux de Lucius et fronça les sourcils, il paraissait avoir remarqué quelque chose ; Lucius fronça les sourcils à son tour et regarda autour de lui en se demandant ce qui se passait. Le Seigneur des Ténèbres fixa une porte d'un regard intense, celle-ci s'ouvrit d'une volée et Severus se retrouva à découvert. Il fut tenté de fuir, il en fut incapable ; nul doute que Voldemort avait silencieusement lancé un sort pour l'empêcher de bouger.
Rapide. Severus en aurait été admiratif si l'effroi n'avait pas tant dominé toutes ses autres émotions.
« Voyons, pourquoi te cacher ? lui dit Voldemort d'un ton doucereux. Je t'attendais avec impatience. »
