Prologue

Ca a commencé il y a dix ans. J'avais alors seize ans, et j'avais tout ce qu'il me fallait : une famille unie, un père avocat et une mère médecin, une grande sœur en étude de psychologie et un petit frère adorable, des amis merveilleux et un petit ami parfait.

Je me baladais souvent seule le soir, après le dîner, dans le grand parc municipal près de la maison. Parfois, je m'asseyais sur une balançoire et j'observais le ciel où commençaient à apparaître les étoiles et la lune. Tout était parfait, vraiment.

Un soir, au cours de mon habituelle promenade, un vent glacé se mit à souffler. Etrange puisque nous étions en été et que toute la journée il avait fait très chaud. Je resserrais mon gilet autour de mes épaules et marchais plus vite vers à la tonnelle où jouaient de temps en temps des musiciens. Ainsi protégée du vent, j'observais le ciel. Le soleil se couchait à l'horizon, teintant les rares nuages cotonneux des mille nuances du rose à l'orange, produisant un spectacle merveilleux sous mes yeux ébahis. Des promeneurs passaient devant moi un chat vint se frotter à ma jambe en ronronnant. Je me penchais alors pour l'attraper et le mettre sur mes genoux mais il me griffa violemment alors que je caressais sa tête. Je retirais vivement ma main et le regardais s'éloigner en courant. Les griffures semblaient assez profonde, ma main me lancinait, et les marques devenaient boursouflés. Je décidais de rentrer pour nettoyer les plaies et quittais la tonnelle. La nuit s'abattit alors, plus sombre que jamais. Les lampadaires ne s'allumaient pas, et ça ne me rassuraient vraiment pas. J'avais du mal à comprendre pourquoi la Lune n'apparaissait pas pour éclairer un tant soit peu mon chemin. La veille, ce n'était pas la pleine Lune, et il n'y avait donc aucune chance pour que cette nuit soit celle sans. Et ce manque d'étoiles aussi, alors qu'il n'y avait presque aucun nuages cinq minutes avant...

Mon instinct me titilla. J'étais certaine que si je prenais mon chemin habituel, un malheur m'arriverait, je ne sais expliquer pourquoi. Mais j'en avais la ferme conviction. Aussi, je décidais de prendre les petits chemins, par lesquels je mettrais probablement plus de temps à revenir à la maison, mais d'où l'on pouvait plus facilement s'enfuir et se cacher au couvert des arbres. Une pensée me traversa alors : si je pouvais me cacher, qui me disait que celui que mon instinct me hurlait d'éviter n'allait pas aussi s'y dissimuler ?

Finalement, je décidais malgré tout de passer par les petits chemins. Malheureusement, je n'habitais en ville que depuis six mois, et je n'avais pas vraiment exploré ce parc. Je m'étais contenter de suivre le grand chemin qui menait tout droit à la tonnelle et à l'étang artificiel, mais j'étais certaine de ne pas pouvoir me perdre. Il suffirait de suivre de loin le grand. Je me perdis tout de même, et je fus davantage effrayée encore – si c'était possible. Des bruits de pas me figèrent, et je courrais me réfugier derrière un buisson. Cette fois-ci, j'avais vraiment encore plus peur. Et je me sentis évidemment complètement stupide en voyant les amoureux qui passaient, main dans la main, en s'embrassant tendrement. Lorsqu'ils furent loin je sortais de ma planque et me mis à rire. Dans la catégorie crétine, je méritais bien la médaille d'or !

Je rebroussais chemin et, en arrivant à la hauteur du couple, leur demandais la direction de la grande voie. Après un sourire amoureux, le garçon me montra du doigt qu'il fallait continuer de suivre ce chemin-ci et tourner à la deuxième à gauche. Je les remerciais d'un sourire et retourna enfin à mon point départ, d'où je continuais mon chemin vers la maison.

C'était probablement la plus grande erreur que j'ai jamais faite. Quand les gens disent qu'il faut suivre son instinct, ce n'est pas une blague.

Le danger que j'avais senti n'était pas un homme en fait. D'après un vieux cinglé, c'était mon Destin que je refusais d'affronter. Et il y a peu de temps, j'ai appris que le sien était, d'une certaine manière, détruire une planète qu'on ne peut voir, mais qui existe bien. Je le sais parce que, il y a dix ans, j'y suis allée. Pour affronter mon Destin ? C'est ce qu'il disait.