Ch.1 : Gaea, ou comment avoir des problèmes en se promenant.

En fait, le danger que j'avais senti, c'était une jolie colonne bleue qui me happa et m'emmena vers Gaea. J'ai dû m'évanouir sans doute, car lorsque je me suis réveillée, j'étais entourée par une dizaine de gens. Mes poignets et mes chevilles étaient attachés, et j'étais allongée sur ce qu'ils disaient être un lit, mais qui pour moi était une table étroite. Un homme aux cheveux turquoises s'avança vers moi et se présenta comme le Seigneur Folken. A ce moment, j'étais bien trop terrifiée pour ouvrir la bouche. Et je m'évanouie à nouveau pour, cette fois, me réveillée dans un vrai lit, enveloppée dans des draps gris. Je n'eu même pas besoin de le vérifier : j'étais nue. Le-dit Folken entra alors, sans avoir pris la peine de frapper. Il me regarda d'un air suffisant et me jeta des vêtements dans la tête. Autant déconcertée que furieuse, je resserais le drap autour de ma poitrine d'une main et de l'autre pointé un index menaçant vers lui.

-Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Pourquoi je ne porte aucun vêtement ? Qu'est- ce que vous m'avez fait ? hurlais-je presque.

-Une question à la fois... dit-il, impassible.

-Espèce de... où suis-je ?

-Sur Gaea.

Je faillis m'étrangler.

-Et la marmotte... marmonnais-je, moqueuse. Où suis-je ?

-Dans l'Empire de Zaibacher.

-Vous arrêtes de vous payer ma tête oui ?

-Tu viens de la Lune des Illusions.

Il alla à la fenêtre en face du lit, écarta les rideaux sombres et, interloquée, je regardais la Lune et la Terre dans le ciel rougeoyant. C'était la plus belle chose que je n'avais jamais vu mais, voir sa planète dans le ciel était loin d'être rassurant.

Je me levais d'un bond, sans lâcher mon drap, et m'approchait de la fenêtre, tournant le dos au jeune homme qui me fixait étrangement. Quelque chose de glacé s'abattit sur mon épaule, je sursautais et me retournais pour voir une main de métal sur ma peau. Je poussais un hurlement et courrais jusqu'à la porte pour seulement m'apercevoir qu'elle était fermée à clef. Je jetais un coup d'œil à Folken qui secouait la tête d'un air contrit.

-Comment est-ce possible ? soufflais-je sans parvenir à détacher mon regard de ma planète et de son satellite qui se découpaient dans le ciel.

-Cela n'a pas d'importance. Habilles-toi.

Je me traînais jusqu'au lit et regardais avec insistance le Seigneur.

-N'essayez pas de me reluquer ! lâchais-je pour lui faire comprendre que je voulais qu'il se retourne.

Je crus qu'il allait se mettre à rire mais il me tourna le dos. Aussi vite que possible, j'enfilais ce qu'il m'avait donné. C'était un uniforme, tout juste à ma taille. Une simple chemise blanche, un pantalon noir et des bottes qui semblaient en cuir.

-C'est bon ! lançais-je.

Folken se retourna et me regarda, satisfait. Il se dirigea vers la porte, la déverrouilla et me dis de le suivre. Ca ressemblait à un ordre et je n'avais pas envie d'avoir des problèmes, aussi le suivis-je. Il me conduisit à travers un dédale de couloirs sombres. J'observais les lieux. Tous se ressemblait. J'étais complètement perdue. Parfois, Folken jetait un coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifié que je le suivais. Nous descendîmes une multitude d'escaliers. Tant que je ne m'en souviens même plus le nombre. Pour finir, je crois que je me retrouvais dans un sous-sol. Le jeune homme ouvrit une porte et m'y fit entrer. Une fillette blonde d'à peine six ans leva ses grands yeux bleus sur moi. Ils étaient rougis à force d'avoir pleurés. Comment une si jeune enfant pouvait-elle être dans une cellule. Je regardais Folken, incertaine.

-Occupes-toi d'elle, dit-il simplement avant de repartir, laissant la porte ouverte.

Je m'agenouillais près de l'enfant. Elle se jeta dans mes bras et se remit à pleurer à chaudes larmes.

-Tu vas me sortir de là madame ? hoqueta t-elle dans mon épaule. Je veux m'en aller... même si Jajuka est là, je veux partir. Tu vas m'aider madame, hein, tu vas m'aider à partir dis ?

-Séréna... murmura une voix inquiète derrière moi.

Je tournais la tête et retint un cri de terreur. Un homme – si on pouvait appeler ça comme ça- se tenait derrière moi. Mi-homme, mi-chien. Il m'effraya tant que je lâchais la petite et me recroquevillée dans un coin. L'homme prit Séréna dans ses bras et la souleva.

-Voyons, ne pleures plus... dit-il doucement en lui caressant les cheveux.

Il me regarda par dessus la tête blonde.

-Qui es-tu ? Pourquoi es-tu avec elle ?

-C'est... c'est le Seigneur Folken... il m'a dit de m'occuper d'elle.

-C'est donc toi ?

Il reposa la gamine sur le sol et lui prit la main.

-Comment t-appelles tu ? me demanda t-il gentiment.

-Sophia. Je m'appelles Sophia.

-Et bien Sophia, je suis heureux de faire ta connaissance. Je suis Jajuka. Et voici Séréna...

-Pourquoi est-elle enfermée dans une cellule ? demandais-je brusquement, la question me brûlant les lèvres.

Séréna leva vers moi ses yeux couleur ciel et son menton trembla. Je me précipitais vers elle et la serrais dans mes bras.

-Excuse-moi ma chérie... chuchotais-je à son oreille.

-Séréna, tu veux te promener ? demanda Jajuka.

La fillette hocha la tête, reprit sa main et je les suivis. Jajuka nous conduisit dans un vaste parc. L'enfant se mit à courir après les papillons en riant. L'espace d'un instant, je ne la vis plus comme une fillette prisonnière mais comme une petite fille comme les autres. Jajuka s'assit sur l'herbe et je prenais place à côté de lui.

-Je ne sais pas pourquoi elle est enfermée. Pauvre petite... Je ne sais pas ce qu'ils veulent faire.

-Qui ça, « ils » ?

-Les sorciers.

-Des sorciers ? répétais-je, surprise.

-D'où viens-tu ?

Je souriais et pointais un index vers le ciel. Les larmes montèrent à mes yeux.

-Vraiment ? s'exclama t-il.

-Vraiment... soupirais-je.

Il posa une main amicale sur mon épaule.

-Cela ne sert à rien de pleurer... dit-il en voyant une larme rouler sur ma joue. Tu n'es plus une petite fille, pas comme Séréna.

On la ramena finalement, à contre-cœur, dans sa cellule, et d'un commun accord, nous restâmes avec elle toute la nuit. Je lui racontés les contes que mes parents me lisaient le soir pour m'endormir. Lorsque je sentit sa tête s'affaisser sur ma jambe, je me permis un sourire et passais une main dans ses boucles dorées. Je discutais avec Jajuka en chuchotant et finit par m'endormir sur son épaule. S'il n'avait pas une apparence avantageuse, il était tout de même une personne vraiment gentille et attentionné.

Malgré ma peur du premier instant, il devint mon meilleur ami et ma bouée de sauvetage dans ce monde, tout comme la petite Séréna qui me rappelait par beaucoup mon petit frère, toute aussi adorable que lui. Nous passions nos journées avec elle, veillant à atténuer sa tristesse. Jajuka m'apprit qu'elle n'était là que depuis quatre lune, ce que je traduisis par quatre mois environ. Les jours, les mois passèrent. Mes espoirs de revenir un jour chez moi s'amenuisaient. Ma famille, mes amis, mon petit-ami me manquaient. Et puis un soir, je revis Folken. Il me dit de le suivre.

-Tu t'es attaché à cette enfant, déclara t-il.

-Et alors ? Vous m'avez dit de m'occuper d'elle ! répliquais-je.

Il m'emmena dans ce qui devait être un bureau et parla pendant de longues heures me semble-t-il. Je le faisais taire en lui disant que je me moquais de ce qu'il racontait et que je n'en avais pas écouté un mot. Il me regarda, outré.

-Vous vous attendiez à quoi ? lâchais-je. Je suis coincée ici. Je m'en fous de vos discours. Je m'approchais de lui, me penchais et soufflais à son oreille qu'il n'avait pas grand-chose à attendre de moi.

Il attrapa mon poignet de sa main de métal alors que j'allais pour repartir. J'étouffais un rire et songeais à une bonne blague qui le ferais lâcher prise.

-Quoi encore ? soupirais-je en me rapprochant de lui, si près que je sentais son souffle sur ma joue.

-Fais attention à tes paroles. Tout le monde ici n'est pas aussi indulgent que...

La bonne blague était venue. Je l'embrassais fougueusement, et sentit sa main me lâchait. Alors je le repoussais et retournais dans les sous-sols. Dans la cellule, je ne trouvais que Jajuka, recroquevillé dans un coin.

-Jajuka ? Qu'est-ce qu'il se passe ? demandais-je, inquiète.

Je m'asseyais près de lui et posais une main sur la sienne. De l'autre, je l'obligeais à tourner son visage vers moi.

-Réponds-moi ! Où est Séréna ? m'exclamais-je brutalement en m'apercevant que la fillette n'était pas là.

Une larme coula.

-Ils l'ont enlevée... murmura t-il. Ils l'ont prise. Je n'ai rien pût faire. Ils l'ont enlevée... Et je ne pouvais rien faire.

J'étais incapable de faire le moindre geste. Trop choquée pour bouger, ou ne serait-ce pour consoler mon ami.

Les jours défilèrent alors, et je sombrais dans une dépression. Ils envoyèrent Jajuka ailleurs. J'avais perdu tout ce qui me permettait de tenir dans ce monde qui me devenait chaque jour plus atroce. J'avais l'impression que quelqu'un s'amusait à planter un couteau dans ma poitrine et à la tourner. L'impression que l'on me crevait le cœur. Je refusais de m'alimenter, et mon était devint réellement grave. Folken s'occupa lui-même de ma guérison. Après trois mois sans Séréna et Jajuka, je me murais dans le silence. Trois nouveaux mois s'écoulèrent sans que j'y prête attention. Et un jour, Folken me dit que j'allais devoir m'occuper d'un autre enfant. C'était un garçon de sept ans environ. Il me paraissait réellement étrange : ses courts cheveux gris, alors qu'il était très jeune, et ses yeux rouge sang. Il s'énervait souvent, piquant des crises de colère dévastatrices. Mais j'appris à l'aimer malgré tout. Dilandau était un enfant étrange, c'est vrai, mais lorsqu'on le connaissait, il apparaissait sous un autre jour. Je sortis de ma déprime et me dévoué corps et âme à cet enfant. Bientôt, on m'en confia une dizaine d'autres. Dilandau régnait en véritable chef, et son comportement me faisait penser à celui d'un dictateur. Mais les autres gamins exécutaient chaque ordre. Dilandau devint alors complètement fou. Je me mis à le haïr profondément, à partir du jour où je le vis gifler avec une joie malsaine deux des autres garçons. Je m'étais précipité vers eux et les avaient relevés, avant de dire à Dilandau qu'il n'avait pas le droit de faire ça. Les deux victimes tirèrent sur les manches de ma chemise et me dirent qu'ils l'avaient mérités et que c'était leur faute. Ce gamin avait une présence et une autorité incroyable. Je demandais à Folken de changeais, je ne voulais plus être avec cet enfant. Après plusieurs semaines, il accéda finalement à ma requête. Il évitait tout de même de m'approchait, peut-être par peur que je ne l'embrasse à nouveau.

On me transféra dans des entraînements, et je compris alors qu'ils me destinaient à devenir de la chair à canon en cas de guerre. Les rumeurs allaient bon train, et les hommes que j'entendais en parlaient. Deux jeunes femmes-chattes s'occupèrent de ma formation. J'appris à manier l'épée aussi, en compagnie d'hommes qui trouvaient plus qu'amusant de voir une femme se battre. Narya et Erya, les deux femmes-chattes, elles, m'apprirent le combat à mains nues. Je les trouvais fascinantes : la manière dont elles bougeaient, la grâce de chacun de leurs mouvements, leur coordination. Et, bien que leurs traits fassent réellement penser à des chats, elles étaient malgré tout très belles à mes yeux. Je remarquais très vite que toutes deux étaient amoureuses de Folken, et cela m'amusa un peu. Penser que quelqu'un pouvait tomber amoureux d'un homme comme lui, si distant, si froid... mais il était tellement gentil avec ces deux filles, cela expliquait tout. Je me liais d'amitié avec les deux sœurs et je passais de bons moments avec elles. Je m'enfonçais dans les combats pour oublier le reste, ne plus penser à mon entourage. Et puis un jour, durant notre entraînement quotidien, la porte s'ouvrit, Folken entra en compagnie de Dilandau.