Ch.2 : La Lune noire

Je sursautais presque en voyant l'enfant dont j'avais dû m'occuper quelques semaines auparavant. Sa peau était aussi blanche que la neige, ses yeux rouges lançaient des étincelles. Je faisais un signe de tête respectueux à Folken, tout comme mes deux camarades, qui ensuite, comme moi, fixèrent le gamin. -Sophia, commença Folken d'une voix étrange, et dont j'eus l'impression qu'il était exaspéré, Dilandau désirerait te parler. Il a demandé à te voir en privé. -Pourquoi ? répondis-je aussitôt, légèrement effrayé à l'idée de me retrouver seule avec cet enfant. -Je veux te parler, dis tout simplement Dilandau en me faisait un signe de main afin que je le suive. Je lançais un regard interrogateur à Folken qui détourna le regard. Je m'aperçus que mes deux amies faisaient la même chose, et je sentais de nouveau que quelque chose allait m'arriver. Mais peut-être pas un malheur. A contre-c?ur, je suivais Dilandau dehors. Nous nous enfonçâmes dans les couloirs du château, sans que j'arrive à me repèrer. J'avais vu peu de choses ici ; je ne connaissais que le jardin, la grande salle d'entraînement où je m'exercais, et chaque soir j'avais des difficulté à retrouver ma chambre, aussi, le plus souvent, Narya ou Erya m'accompagnait pour m'aider à trouver le bon chemin que je ne parvenais pas à maîtriser. Lorsque je devais m'entraîner à l'épée, un des instructeurs venait me chercher. Complètement perdue, je suivais l'enfant. Il avait environ neuf ans de moins que moi, et pourtant sa seule présence me faisait peur. Il avait quelque chose de malsain. Je préférais Folken, avec lequel je restais parfois en compagnie des deux filles-chattes, en écoutant sa voix qui me rassurait. Je faisais même attention à ce qu'il racontait, bien que je n'y comprenais pas grand-chose. Dilandau ouvrit une porte et m'y fit entrer. J'entrais alors dans une chambre, avec un simple lit, un bureau, une chaise et une commode. J'étais de moins en mois rassurée. -Que veux-tu alors ? demandais-je en serrant mes poings pour empêcher mes mains de trembler. -Pourquoi es-tu partie ? me demanda t-il calmement en s'asseyant sur le lit. -Parce que je me sentais mal en ta compagnie. -Pourquoi ? -Tu n'es pas normal. C'était partit tout seul, sans que je puisse contrôlait mes mots. Il me regarda, surpris et choqué. -Non ! Je. je ne voulais pas dire ça ! m'excusais-je. C'est que. tu n'es pas comme les autres enfants ! Tu. tu frappes les autres petits, sans qu'ils n'aient rien fait, tu. Tu es étrange, tu as un comportement étrange, tu. tu ne ressemble pas aux autres enfants. -Pourquoi dis-tu cela ? -Parce que c'est vrai ! Tu ne t'en rends pas compte ? Tu terrifies tes camarades, tu les opprimes, tu les empêche de faire ce qu'ils veulent ! Arrêtes de te prendre ainsi pour le chef. -Mais je suis leur chef. Cette phrase tomba comme une sentence. Je poussais un soupir et secouais la tête. -Dis moi pourquoi tu voulais vraiment me parler, demandais-je. -Je veux que tu reviennes. Les autres aussi. -Je suis partie parce que je voulais partir. Et je n'ai aucune envie de revenir. -Nous n'aimons pas notre gardien. -Pourquoi ? -Il n'est pas comme toi. -C'est pas une fille, y'a rien à matter ? lançais-je, ironique. -Je veux que tu reviennes, répéta t-il. Un bref instant, je crus voir des larmes dans ses yeux rouge sang. Mais ce ne devait être qu'une illusion. -Non. -Tu dois revenir. Ce n'était plus une demande, c'était un ordre. Une nouvelle fois, je refusais. -Je reste auprès du Seigneur Folken. -Tu dois revenir. -Non ! Tu n'as pas d'ordres à me donner. Ni personne d'autre. Je suis ici parce que je ne peux pas retourner chez moi, mais je ne veux revenir avec toi. -Fais-le pour les autres alors. Ils veulent que tu reviennes aussi. -Dilandau, tu m'écoutes ? Je ne veux pas. Je repartais vers la porte, mais il fut plus rapide et me bloqua la sortie. -Il faut que tu reviennes ! cria t-il d'une voix aiguë. Je le regardais dans les yeux et eu l'impression que c'était Séréna qui me suppliais de revenir auprès d'elle. Une larme roula sur ma joue, je l'essuyais du revers de la main et secouais la tête. -Désolée, mais c'est non. Je ne veux pas. Il me donna un coup de poing dans le ventre. Un enfant qui m'arrivait à peine à la taille qui me frappait avec une force inouïe pour son âge. Je titubais sous le choc et trébuchais sur le lit où je tombais à la renverse. Il grimpa dessus et me gifla. -Tu reviendras, je ne te laisse pas le choix. Je le repoussais violemment et courrais jusqu'à la porte. Je fonçais dans les couloirs sans trop savoir où j'allais, mais je ne l'entendais pas me poursuivre. Je me perdit et finit par me laisser tomber sur le sol, le dos au mur, à bout de souffle. Je ne sais pas combien de temps j'ai attendu. Des heures peut-être, mais je ne savais pas où j'étais, je ne savais pas quel chemin prendre pour retourner dans ma chambre. Tout se ressembler, comme aurais-je pu retrouver une pièce que je connaissais ? Folken me retrouva. Je me mis à pleurer dans son épaule comme une gamine. Il me raccompagna à ma chambre en me portant parce que j'étais trop perturbée, trop choquée, trop effrayée pour faire un pas. Puis il resta à mon chevet jusqu'à ce que je m'endorme, et je serrais sa main normale de peur qu'il ne s'en aille. Lorsque je me réveillais, il était toujours là, serrant toujours ma main. Il s'était assoupi, et je contemplais son visage endormi. Lorsqu'il se réveilla, ses joues se colorèrent, tout comme les miennes d'être surprise à le regarder. Finalement, je lui souris et le remerciais pour la veille. Il me demanda alors ce qu'il s'était passé, et effleura ma joue. Ce contact me fit mal, et je compris que je devais avoir une ecchymose. -Le petit Dilandau est furieux que je ne veuilles pas retourner m'occuper des gamins. marmonnais-je. -Il t'a frappé ? Il est très violent pour son âge. -Très fort aussi. C'est impressionnant de se faire taper par un gamin qui m'arrive à la taille. -Je réglerais ça, dit lentement Folken, le regard dans le vide. Vas manger et repars t'entraîner. Narya et Erya étaient inquiètes pour toi. -Euh, oui, je veux bien mais. je sais pas où je dois aller. Il m'accompagna au réfectoire, où je retrouvais les deux filles-chattes qui s'étonnèrent de mon bleu. -Bof, c'est rien. Après avoir avalé -sans regarder, sans respirer, le tout en dix secondes- la bouillasse immonde qu'on nous servait, je retournais m'entraîner. Je parvins même à battre Narya, et j'en fus particulièrement fière. Mais leur puissance venait du fait qu'elles étaient deux. Elles étaient chacune très fortes individuellement mais invincibles ensemble. Et peut-être qu'un jour ce ne serait plus un duo, mais un trio dont je ferais partie. Cette pensée me surprit. Je commençais à penser à mon avenir sur cette planète. Deux semaines passèrent avant que Miguel, un petit blond qui étaient avec Dilandau, vint me trouver, seul. Les joues écarlates, il me demanda de revenir parce qu'ils se sentaient tous seuls et que le gardien n'était pas gentil comme je l'étais. Je dus refuser à nouveau, et voir l'enfant pleurer me brisa le c?ur. Il repartit, la tête basse et les bras pendants, d'un pas traînant. Pauvres enfants, allaient-ils devoir subir encore longtemps la tyrannie de Dilandau ? Lorsque je fus impeccable au combat à mains nues, je demandais à Folken à retourner auprès des enfants. Il en fut très surpris, après ce que Dilandau m'avait fait, mais ne s'y opposa pas malgré son étonnement. Ils n'étaient plus dans des cellules au sous-sol maintenant. La chambre dans laquelle Dilandau m'avait parlé était la sienne, et les autres enfants avaient un dortoir. Folken me confia une chambre, assez petite mais dans laquelle j'étais seule. Je n'avais pas pu dire au revoir à Narya et Erya, et je n'étais pas certaine de les revoir ; après tout, j'avais vécue un bon moment dans cet étage sans me douter que les enfants étaient au même, et sans les croiser une seule fois. Les gamins s'étonnèrent de me voir de retour, et Dilandau se montra froid comme la glace. Je restais assez à l'écart, les surveillant. Un soir, Miguel, mon petit préféré de la bande, et Violet, commirent une bêtise quelconque, habituelle à cet âge. Dilandau voulut les frapper, mais je retint sa main et lui ordonnait de retourner à sa place. Furieux, il me donna un coup de pied dans la cheville que je supportais sans broncher. S'il avait lui aussi voulut mon retour, il ne s'était pas attendu à ça. Folken vint me trouver un soir. -Narya et Erya veulent te voir, dit-il simplement. J'acquiesçais et le suivais dans le dédale de couloir. Il resta avec nous le temps que dura nos retrouvailles joyeuses, et je sentis son regard peser sur moi. Lorsque je me retournais, il regardait ailleurs. Nous fîmes un combat amical, et je demandais à Folken s'il savait manier l'épée, puisque les deux filles ne faisaient que du combat corporel et n'avaient donc pas mon niveau. Il refusa, et cela m'attrista. Il me raccompagna à ma chambre quelques heures après, et resta un moment appuyé contre le mur, comme s'il avait quelque chose d'important à me dire. Mais il repartit en me souhaitant seulement une bonne nuit. J'avais vraiment du mal à le comprendre. Je m'allongeais sur le lit. Quelque chose me surpris ; d'habitude, la Lune et la Terre éclairait ma chambre. Je me levais, aller à la fenêtre et restait figée : au lieu de ma planète et de la Lune, il n'y avait qu'un grand cercle noir. Je me précipitais à la porte et rappelais Folken qui ne devait pas être trop loin encore. Il arriva en courant presque. -Qu'y a t-il ? J'attrapais son poignet humain et le poussais dans la chambre. Un instant, je crus qu'il avait peur que je le violes, et je faillis me mettre à rire, mais j'étais bien trop surprise pour ça. Je le traînais jusqu'à la fenêtre et lui montrais la Lune Noire. -Oh, ça. soupira t-il, soulagé. -C'est pas une éclipse ! C'est quoi ? -Nous faisons des tests. Pour voir si nos vaisseaux sont assez grands. Ne t'inquiètes pas, ce n'est rien.