Ch.3 : La nuit de Glace
Les jours s'écoulaient tranquillement. J'étais sur Gaea depuis presque un an. Je surveillais sans cesse Dilandau et parfois, Miguel, du haut de ses sept ans, déclarait qu'il m'épouserait bientôt et que nous aurions une maison au bord de l'océan. Il m'amusait toujours, avec ses grands yeux innocents. J'étais certaine de ne jamais retourner chez moi. Je m'étais recomposé un semblant de vie ordinaire sur place. Narya et Erya me faisaient penser à ma grande sœur, Miguel à mon cher petit frère –bien que le mien n'avait jamais voulu m'épouser.
Un matin, Folken me tira de mon lit alors qu'il était très tôt. Les enfants dormaient encore. Sans un mot, il me fit comprendre que je devais le suivre en silence pour ne réveiller personne. Et je retrouvais mon cher Jajuka. Je l'étreignais au point de l'étouffer et le bombardait de questions pour savoir où il était passé durant ces longs mois. Il ne répondit pas, et me dit seulement qu'il allait m'aider avec les enfants. Pendant près de trois mois, il ne parla que pour le strict nécessaire. Je retrouvais mon meilleur ami, et il ne me parlait même pas. Je commençais à l'éviter, gênée par ses silences interminables où il finissait toujours par partir en disant qu'il avait quelque chose d'important à faire. Ni Folken, ni Narya et Erya ne venait me voir, et sans Miguel je me serais sentie extrêmement seule et déprimée.
Un soir, Jajuka m'attrapa par le bras et m'emmena dans sa chambre.
-Pourquoi m'évites-tu ainsi ? me demanda t-il, peiné.
-Mais parce que tu ne me dis rien ! explosais-je. J'en ai ras le bol de rester planté à attendre que tu ouvres la bouche pour que finalement tu te défiles avec des prétextes minables ! Tu ne me dis rien, tu n'écoutes pas un mot de ce que je racontes, et maintenant tu t'étonnes ? Arrêtez de me prendre pour une idiote ! Tout le monde m'évite, tout le monde refuse de me parler !
-Pardonne-moi.
-Tu es parti pendant je ne sais combien de lunes, et quand tu reviens tu ne me dis strictement rien ! Je n'osais même plus ne serait-ce qu'espérer que tu reviennes, je croyais que je ne te reverrais plus et à ton retour je n'ai même pas le droit de savoir ce qu'il s'est passé !
-Sophia, je suis désolé de ne pas t'en avoir parlé.
-Tu peux ! Je pensais qu'on étaient amis, mais je me suis trompée. Quand tu me regardes, j'ai l'impression que c'est de ma faute si ils ont pris Séréna !
J'éclatais en sanglots. Il s'approcha de moi pour me serrer dans ses bras, mais je le tapais de toutes mes forces, ce qui résumais à aucune. Il m'enlaça et embrassa mon front.
-Je suis vraiment désolé. Je sais que ce n'est pas ta faute. Mais être avec toi me rappelle lorsqu'elle était encore là, et ça me fait mal.
-Mais je n'y suis pour rien ! sanglotais-je.
-Pardonne-moi, Sophia, je suis désolé, vraiment. Je ne voulais pas te faire souffrir.
Il resserra son étreinte et nous restâmes un long moment ainsi, lui essayant de faire cesser mes larmes et moi essayant de me calmer.
Il me raconta alors ce qu'il s'était passé. Je l'écoutais en silence pendant des heures, tentant de tout comprendre. C'était tellement compliqué...
Je m'endormis sur son lit, et il s'endormit contre moi car lorsque je me réveillais, j'avais la tête posée sur son torse et son bras entourait mes épaules.
La porte s'ouvrit brusquement et Folken entra.
-Jajuka, sais-tu où Sophia...
Il se tut brusquement en nous voyant enlacés. Je relevais machinalement la tête, encore à moitié endormie. J'avais seulement reconnue sa voix, et je gardais obstinément les yeux fermés pour espérer dormir encore un peu. Mais je dus pourtant les ouvrir, pour voir son visage outré.
-Ca va... marmonnais-je. J'ai pas couché avec non plus...
Je donnais un coup de coude à Jajuka qui se réveilla en sursaut et eu l'air particulièrement gêné en voyant la position dans laquelle il se trouvait.
-Vous êtes tous comme ça ici ? Quand je dormais avec mon meilleur ami chez moi, personne disait rien... quand je dormais avec mon petit ami, là, c'était pas la même chose.
Folken secoua la tête et me dis de le suivre. Je m'exécutais et il m'emmena dans ce qui devait être son bureau.
-Tu vas aller à une fête ce soir ! déclara t-il.
-Pardon ?
Il n'ajouta rien, me donna une robe et vers midi, j'embarquais dans un vaisseau en compagnie de Folken, Dilandau et de guerriers. Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi ils venaient, mais je ne me posais plus de questions. Je me changeais dans une cabine et Jajuka poussa un sifflement d'admiration.
-Je ne t'avais jamais vu en robe, mais tu es superbe !
-Merci Jajuka. Ca me fait plaisir. Où est Folken ?
-Sur le pont il me semble. Du moins, c'est là-bas que je l'ai vu tout à l'heure.
Je le remerciais et rejoignais le jeune homme qui fixait les terres en bas.
-Alors, on va où ?
-Tu devrais mettre quelque chose sur tes épaules. Tu vas prendre froid.
Je cherchais un châle dans la cabine et le posais sur mes épaules avant de retourner sur le pont. Dilandau était là, boudeur. Il ne voulait pas venir, mais Folken l'y avait obligé, en lui disant qu'il apprendrais des choses.
-Je suis sensée être votre cavalière, je suppose ?
-C'est exact. Et Dilandau sera notre... fils. Pour une soirée.
-Formidable ! L'image du parfait petit couple.
On arriva dans un petit duché. Folken m'avait expliqué pendant le voyage que c'était, en reprenant une bonne vieille expression de la Terre, un trou paumé. Un homme s'était proclamé duc, avait acheté des terres et des familles étaient venus s'y installer. C'était un coin tranquille, ils vivaient en autarcie, cultivant la terre et élevant des animaux. La fête était celle annonçant l'hiver, ce que je retrouvais ridicule. Pourquoi mettre à l'honneur une saison où tout est froid et où on ne peut pas faire grand-chose ? Folken ne sut y répondre, et me dit simplement que cette fête était appelée la Nuit de Glace.
Je trouvais Dilandau changé et parfaitement adorable dans son petit costume. Ses yeux lancèrent des éclairs lorsque je lui dit qu'il était élégant.
-Je me moque de ce que tu penses, femme.
Je me retenais de le gifler après cette remarque sexiste, et la venue de Folken me soulagea. Lui aussi était élégant, et encore plus séduisant que d'habitude. Le vaisseau se posa. Je compris que nous étions les représentants de notre empire. Des paysans nous saluèrent chaleureusement. Un carrosse nous accompagna jusqu'au château où se retrouvaient tout le monde. La fête avait lieu dans le grand parc devant la forteresse. Je levais les yeux au ciel. Le soleil commençait déjà à se coucher. J'aperçus d'autre vaisseaux et pensais que ce devait être d'autres invités « de marque », mais ils se posèrent loin de la ville. La fête commença. Une grande table, sous une tonnelle, avait été dressé pour les invités plus prestigieux, et d'autres tables plus petites l'entouraient, pour le peuple. Tout le monde était joyeux, la nourriture était infiniment meilleure que ce que j'avais l'habitude de manger. Je regrettais que Narya et Erya ne soient pas là pour profiter de cette sortie avec moi.
Jajuka se faisait passer pour notre serviteur. Abandonnant Folken et Dilandau, je partais danser avec lui, sous le regard étonné de tous. J'accordais ensuite une danse à mon « époux » d'une soirée, et Folken nous obligèrent Dilandau et moi à danser ensemble. J'expédiais vite fait la tâche en disant que j'avais une crampe et buvait un verre de ce qui devait être du vin. Je ne savais pas trop quel goût ça devait avoir puisque je n'en avais jamais bu. Je commençais alors à enchaîner les verres car l'alcool me plaisait beaucoup. Le Seigneur Folken dû me stopper au bout du septième verre, s'excusa auprès du duc et lui dit que c'était avec regrets que nous devions repartir. Je serrais la main de Dilandau dans la mienne, à moitié ivre, pour m'empêcher de tomber, et embrassais Folken. Ca pourrait toujours être pris comme normal, nous étions sensés être mariés et avoir un fils.
Jajuka nous suivit et je regardais les lumières alors que nous nous éloignions. Je m'étais amusée, et j'étais de bonne humeur. Mais peut-être était-ce dû au fait que j'avais trop bu. Folken nous conduisit au sommet d'une colline. De là, nous pouvions toujours voir la fête. Dilandau sembla comprendre alors quelque chose de très important et il trépigna d'impatience. Alors, l'alcool se dissipa et je regardais, choquée, les guerriers qui nous avaient accompagnés et des centaines d'autres sortirent de l'ombre et massacrer le peuple du duché. Dilandau regardait ça avec excitation, et plusieurs fois, Jajuka dû le retenir pour qu'il ne court pas dans la bataille. Les cris avaient laissés place à la musique. Folken observait ce massacre, impassible. Je tombais à genoux dans l'herbe froide, ne pouvant détacher mes yeux de cette horreur. Ca n'aurait pas dû s'appeler la Nuit de Glace, mais la Nuit de Sang. Dilandau se mit à rire, un rire d'enfant. Le même rire que celui d'un petit garçon auquel on vient d'offrir ce qu'il veut le plus. Je m'évanouie pour me réveiller dans ma cabine, Jajuka à mon chevet.
-Sophia, ça va ? demanda t-il d'une voix inquiète.
-Ce n'était qu'un cauchemar ! m'exclamais-je, soulagée.
-Non. Ca a bien eu lieu... répondit mon ami, la gorge serrée.
Tout devint noir. Quelques heures plus tard, j'apprenais que je m'étais encore évanouie mais cette fois-ci, je me réveillais entourée de Folken et Jajuka. Je me levais d'un bond et giflais Folken de toutes mes forces. Il ne bougea pas d'un pouce.
-Comment avez-vous pu m'emmener là-bas alors que ça devait se passer ?! hurlais-je alors que Jajuka me retenaient les bras pour m'empêcher de le frapper à nouveau.
-Parce que ni Narya, ni Erya ne pouvaient se faire passer pour ma femme. Tu as bien vu que Jajuka ne pouvait tenir que le rôle de notre serviteur, et que tout le monde a été étonné de te voir danser avec lui.
-Ce n'était pas une raison ! Comment avez-vous pu... pourquoi ? Pourquoi ont- ils été tués ? Qu'est-ce qu'ils avaient fait ?
-Tu ne comprendrais pas.
Et ils partirent tous les deux, me laissant seule avec ma peine.
Les jours s'écoulaient tranquillement. J'étais sur Gaea depuis presque un an. Je surveillais sans cesse Dilandau et parfois, Miguel, du haut de ses sept ans, déclarait qu'il m'épouserait bientôt et que nous aurions une maison au bord de l'océan. Il m'amusait toujours, avec ses grands yeux innocents. J'étais certaine de ne jamais retourner chez moi. Je m'étais recomposé un semblant de vie ordinaire sur place. Narya et Erya me faisaient penser à ma grande sœur, Miguel à mon cher petit frère –bien que le mien n'avait jamais voulu m'épouser.
Un matin, Folken me tira de mon lit alors qu'il était très tôt. Les enfants dormaient encore. Sans un mot, il me fit comprendre que je devais le suivre en silence pour ne réveiller personne. Et je retrouvais mon cher Jajuka. Je l'étreignais au point de l'étouffer et le bombardait de questions pour savoir où il était passé durant ces longs mois. Il ne répondit pas, et me dit seulement qu'il allait m'aider avec les enfants. Pendant près de trois mois, il ne parla que pour le strict nécessaire. Je retrouvais mon meilleur ami, et il ne me parlait même pas. Je commençais à l'éviter, gênée par ses silences interminables où il finissait toujours par partir en disant qu'il avait quelque chose d'important à faire. Ni Folken, ni Narya et Erya ne venait me voir, et sans Miguel je me serais sentie extrêmement seule et déprimée.
Un soir, Jajuka m'attrapa par le bras et m'emmena dans sa chambre.
-Pourquoi m'évites-tu ainsi ? me demanda t-il, peiné.
-Mais parce que tu ne me dis rien ! explosais-je. J'en ai ras le bol de rester planté à attendre que tu ouvres la bouche pour que finalement tu te défiles avec des prétextes minables ! Tu ne me dis rien, tu n'écoutes pas un mot de ce que je racontes, et maintenant tu t'étonnes ? Arrêtez de me prendre pour une idiote ! Tout le monde m'évite, tout le monde refuse de me parler !
-Pardonne-moi.
-Tu es parti pendant je ne sais combien de lunes, et quand tu reviens tu ne me dis strictement rien ! Je n'osais même plus ne serait-ce qu'espérer que tu reviennes, je croyais que je ne te reverrais plus et à ton retour je n'ai même pas le droit de savoir ce qu'il s'est passé !
-Sophia, je suis désolé de ne pas t'en avoir parlé.
-Tu peux ! Je pensais qu'on étaient amis, mais je me suis trompée. Quand tu me regardes, j'ai l'impression que c'est de ma faute si ils ont pris Séréna !
J'éclatais en sanglots. Il s'approcha de moi pour me serrer dans ses bras, mais je le tapais de toutes mes forces, ce qui résumais à aucune. Il m'enlaça et embrassa mon front.
-Je suis vraiment désolé. Je sais que ce n'est pas ta faute. Mais être avec toi me rappelle lorsqu'elle était encore là, et ça me fait mal.
-Mais je n'y suis pour rien ! sanglotais-je.
-Pardonne-moi, Sophia, je suis désolé, vraiment. Je ne voulais pas te faire souffrir.
Il resserra son étreinte et nous restâmes un long moment ainsi, lui essayant de faire cesser mes larmes et moi essayant de me calmer.
Il me raconta alors ce qu'il s'était passé. Je l'écoutais en silence pendant des heures, tentant de tout comprendre. C'était tellement compliqué...
Je m'endormis sur son lit, et il s'endormit contre moi car lorsque je me réveillais, j'avais la tête posée sur son torse et son bras entourait mes épaules.
La porte s'ouvrit brusquement et Folken entra.
-Jajuka, sais-tu où Sophia...
Il se tut brusquement en nous voyant enlacés. Je relevais machinalement la tête, encore à moitié endormie. J'avais seulement reconnue sa voix, et je gardais obstinément les yeux fermés pour espérer dormir encore un peu. Mais je dus pourtant les ouvrir, pour voir son visage outré.
-Ca va... marmonnais-je. J'ai pas couché avec non plus...
Je donnais un coup de coude à Jajuka qui se réveilla en sursaut et eu l'air particulièrement gêné en voyant la position dans laquelle il se trouvait.
-Vous êtes tous comme ça ici ? Quand je dormais avec mon meilleur ami chez moi, personne disait rien... quand je dormais avec mon petit ami, là, c'était pas la même chose.
Folken secoua la tête et me dis de le suivre. Je m'exécutais et il m'emmena dans ce qui devait être son bureau.
-Tu vas aller à une fête ce soir ! déclara t-il.
-Pardon ?
Il n'ajouta rien, me donna une robe et vers midi, j'embarquais dans un vaisseau en compagnie de Folken, Dilandau et de guerriers. Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi ils venaient, mais je ne me posais plus de questions. Je me changeais dans une cabine et Jajuka poussa un sifflement d'admiration.
-Je ne t'avais jamais vu en robe, mais tu es superbe !
-Merci Jajuka. Ca me fait plaisir. Où est Folken ?
-Sur le pont il me semble. Du moins, c'est là-bas que je l'ai vu tout à l'heure.
Je le remerciais et rejoignais le jeune homme qui fixait les terres en bas.
-Alors, on va où ?
-Tu devrais mettre quelque chose sur tes épaules. Tu vas prendre froid.
Je cherchais un châle dans la cabine et le posais sur mes épaules avant de retourner sur le pont. Dilandau était là, boudeur. Il ne voulait pas venir, mais Folken l'y avait obligé, en lui disant qu'il apprendrais des choses.
-Je suis sensée être votre cavalière, je suppose ?
-C'est exact. Et Dilandau sera notre... fils. Pour une soirée.
-Formidable ! L'image du parfait petit couple.
On arriva dans un petit duché. Folken m'avait expliqué pendant le voyage que c'était, en reprenant une bonne vieille expression de la Terre, un trou paumé. Un homme s'était proclamé duc, avait acheté des terres et des familles étaient venus s'y installer. C'était un coin tranquille, ils vivaient en autarcie, cultivant la terre et élevant des animaux. La fête était celle annonçant l'hiver, ce que je retrouvais ridicule. Pourquoi mettre à l'honneur une saison où tout est froid et où on ne peut pas faire grand-chose ? Folken ne sut y répondre, et me dit simplement que cette fête était appelée la Nuit de Glace.
Je trouvais Dilandau changé et parfaitement adorable dans son petit costume. Ses yeux lancèrent des éclairs lorsque je lui dit qu'il était élégant.
-Je me moque de ce que tu penses, femme.
Je me retenais de le gifler après cette remarque sexiste, et la venue de Folken me soulagea. Lui aussi était élégant, et encore plus séduisant que d'habitude. Le vaisseau se posa. Je compris que nous étions les représentants de notre empire. Des paysans nous saluèrent chaleureusement. Un carrosse nous accompagna jusqu'au château où se retrouvaient tout le monde. La fête avait lieu dans le grand parc devant la forteresse. Je levais les yeux au ciel. Le soleil commençait déjà à se coucher. J'aperçus d'autre vaisseaux et pensais que ce devait être d'autres invités « de marque », mais ils se posèrent loin de la ville. La fête commença. Une grande table, sous une tonnelle, avait été dressé pour les invités plus prestigieux, et d'autres tables plus petites l'entouraient, pour le peuple. Tout le monde était joyeux, la nourriture était infiniment meilleure que ce que j'avais l'habitude de manger. Je regrettais que Narya et Erya ne soient pas là pour profiter de cette sortie avec moi.
Jajuka se faisait passer pour notre serviteur. Abandonnant Folken et Dilandau, je partais danser avec lui, sous le regard étonné de tous. J'accordais ensuite une danse à mon « époux » d'une soirée, et Folken nous obligèrent Dilandau et moi à danser ensemble. J'expédiais vite fait la tâche en disant que j'avais une crampe et buvait un verre de ce qui devait être du vin. Je ne savais pas trop quel goût ça devait avoir puisque je n'en avais jamais bu. Je commençais alors à enchaîner les verres car l'alcool me plaisait beaucoup. Le Seigneur Folken dû me stopper au bout du septième verre, s'excusa auprès du duc et lui dit que c'était avec regrets que nous devions repartir. Je serrais la main de Dilandau dans la mienne, à moitié ivre, pour m'empêcher de tomber, et embrassais Folken. Ca pourrait toujours être pris comme normal, nous étions sensés être mariés et avoir un fils.
Jajuka nous suivit et je regardais les lumières alors que nous nous éloignions. Je m'étais amusée, et j'étais de bonne humeur. Mais peut-être était-ce dû au fait que j'avais trop bu. Folken nous conduisit au sommet d'une colline. De là, nous pouvions toujours voir la fête. Dilandau sembla comprendre alors quelque chose de très important et il trépigna d'impatience. Alors, l'alcool se dissipa et je regardais, choquée, les guerriers qui nous avaient accompagnés et des centaines d'autres sortirent de l'ombre et massacrer le peuple du duché. Dilandau regardait ça avec excitation, et plusieurs fois, Jajuka dû le retenir pour qu'il ne court pas dans la bataille. Les cris avaient laissés place à la musique. Folken observait ce massacre, impassible. Je tombais à genoux dans l'herbe froide, ne pouvant détacher mes yeux de cette horreur. Ca n'aurait pas dû s'appeler la Nuit de Glace, mais la Nuit de Sang. Dilandau se mit à rire, un rire d'enfant. Le même rire que celui d'un petit garçon auquel on vient d'offrir ce qu'il veut le plus. Je m'évanouie pour me réveiller dans ma cabine, Jajuka à mon chevet.
-Sophia, ça va ? demanda t-il d'une voix inquiète.
-Ce n'était qu'un cauchemar ! m'exclamais-je, soulagée.
-Non. Ca a bien eu lieu... répondit mon ami, la gorge serrée.
Tout devint noir. Quelques heures plus tard, j'apprenais que je m'étais encore évanouie mais cette fois-ci, je me réveillais entourée de Folken et Jajuka. Je me levais d'un bond et giflais Folken de toutes mes forces. Il ne bougea pas d'un pouce.
-Comment avez-vous pu m'emmener là-bas alors que ça devait se passer ?! hurlais-je alors que Jajuka me retenaient les bras pour m'empêcher de le frapper à nouveau.
-Parce que ni Narya, ni Erya ne pouvaient se faire passer pour ma femme. Tu as bien vu que Jajuka ne pouvait tenir que le rôle de notre serviteur, et que tout le monde a été étonné de te voir danser avec lui.
-Ce n'était pas une raison ! Comment avez-vous pu... pourquoi ? Pourquoi ont- ils été tués ? Qu'est-ce qu'ils avaient fait ?
-Tu ne comprendrais pas.
Et ils partirent tous les deux, me laissant seule avec ma peine.
