Ch. 9 : Le grand Secret

Le lendemain matin, quand je me réveillais, j'étais seule, et il n'y avait aucune trace du passage de mon amant d'une nuit. Je m'attendais presque à le voir ouvrir la porte avec un plateau petit-déjeuner et me demander en mariage. Je me sentais complètement stupide. J'enfilais les vêtements que Folken m'avait donné à Zaïbacher et descendais dans la salle à manger. Marlène me dit qu'elle avait appris de la bouche du jeune homme que nous repartions avant le déjeuner et j'en fus surprise et attristée. Je pensais que nous allions rester plus longtemps. Elle sembla elle aussi triste je m'étais sentie bien avec elle, libérée de toutes contraintes. Je fis mes adieux aux trois princesses et retrouvais Folken devant le château. J'échangeais un sourire amical avec Allen et suivais le général, qui ne prononça pas un mot. Dans le vaisseau, il alla dans une cabine et n'en sortit pas. Je finissais par aller le voir, perturbée par son comportement il me regarda froidement alors que j'entrais dans la petite pièce.

-Vous allez m'expliquer ce que vous faites ? demandais-je.

-Laisse-moi, s'il te plaît.

-Non ! Vous ne pouvez pas faire comme s'il ne s'était rien passé ! m'exclamais-je, furieuse. Mais merde, on a couché ensemble !

-Baisse la voix ! siffla t-il en se levant.

Il ouvrit la porte et vérifia que le couloir était vide. Puis il retourna s'asseoir sur le lit.

-Alors c'est comme pour le reste ? je me tais, je garde ça comme un secret honteux ?

-Cela ne servirait qu'à blesser des personnes que de le révéler.

-Et si je suis enceinte ? Vous y avez pensé ? Je fais quoi dans ce cas-là ? Je me suicide pour que personne ne sache que vous avez couché avec une fille en dehors du mariage ? lui dis-je d'une voix cassante.

-On verra bien.

Et ce fut tout. Je sortais, retourner dans ma cabine et m'écroulais sur le lit, en larmes. Mes parents m'avaient toujours dit de ne pas agir sur de simples pulsions, et je réalisais seulement à quel point ils avaient eu raison de me dire ça.

A quoi m'attendais-je ? A un long discours du style « je vous présente ma fiancée que vous connaissez déjà tous, nous nous marions dans deux mois, oh, excusez-moi, il y a quelqu'un qui m'appelle pour la couleur des bougies et l'hôtel que nous voulons pour notre nuit de noces ». J'avais été stupide. Nous n'avions fait que passer une nuit ensemble, rien de plus.

De retour à Zaïbacher, Folken se débrouilla pour m'éviter de son mieux. Par chance, je n'étais pas enceinte. Xael ne remarque rien, sinon une petit déprime qu'il jugea passagère. Sur un coup de tête, je lui disais que j'avais envie de ma marier, et quelques mois plus tard, j'intégrais sa petite troupe d'hommes et je devenais sa femme. Notre union resta secrète, car il désirait l'annoncer en temps voulus. Seuls deux témoins, qui étaient de ses amis, étaient au courant, et ils jurèrent de ne rien dire avant qu'il ne le décide. J'essayais d'oublier ma mésaventure avec Folken mais n'y parvint pas. Entrée dans l'unité de Xael, on m'apprit à piloter quelques vaisseaux pour occuper mes journées.

Etre mariée ne m'apporta aucune satisfaction. Un vrai coup de tête, une fois encore j'avais agis sur une pulsion idiote, qui n'avait pour but que de faire souffrir Folken. Ce qui ne risquait pas d'arriver car d'une part il ne le savait pas, et d'autre part je ne vois pas comment cela aurait pu l'affecter.

Une nuit, j'eus la surprise de voir le général entrer dans ma chambre.

-As-tu dis quelque chose ? me demanda t-il dans un souffle.

-Non, répondis-je froidement. Sortez.

-Personne ne le sais, tu en es sûre ? insista t-il.

-Non ! Sortez tout de suite de ma chambre ! Sortez ou je hurle !

-Ils te prendraient pour une folle si tu hurlais et qu'il n'y avait personne d'autre que moi, s'exclama t-il, amusé.

-Je ne suis pas certaine que mon époux serait d'accord avec vous ! répliquais-je du tac au tac.

Une fois de plus, j'en avais trop dit. Folken me regarda étrangement.

-Ton époux ? répéta t-il.

-Non, rien... encore mon imagination, marmonnais-je. Sortez, s'il vous plaît... je veux être seule !

J'étais au bord des larmes, mais il ne le remarqua pas, me tournant le dos pour regarder par la fenêtre.

-Sortez, Seigneur Folken, s'il vous plaît. J'ai besoin d'être seule, je n'ai pas envie de parler ou de...

Ma voix s'était brisée, et je fondis en larmes. Il se retourna, surpris, et me dévisagea.

-Qu'y a t-il ? me demanda t-il.

-Allez-vous-en... laissez moi toute seule ! sanglotais-je.

-Sophia... commença t-il.

-Sortez ! hurlais-je, sans pour autant m'arrêter de pleurer. Laissez-moi toute seule ! Je ne vous ai rien demandé, je n'attends rien de vous alors foutez-moi la paix !

Il me prit dans ses bras et me serra contre lui. Je me sentais complètement perdue quelques mois plus tôt, il m'avait rejeté sans la moindre tendresse, m'avait évité ensuite jusqu'à aujourd'hui, et à présent il me serrait dans ses bras comme si, au lieu d'épouser Xael, c'était lui avec qui je m'étais mariée. Je ne le reconnaissais plus, je n'avais pas l'impression qu'il s'agissait de la même personne.

-Je suis désolé pour ce que je t'ai fait, murmura t-il à mon oreille.

Je restais un certain moment dans ses bras, cherchant à me calmer. Je me détendais, nos lèvres se frôlèrent alors qu'il caressait tendrement mes cheveux. Je le repoussais vivement, sortais de ma chambre et courais à travers les couloirs. Il me suivait en me demandant ce qui n'allait pas. Finalement, j'ouvrais une porte et entrais dans la chambre de Xael qui se réveilla aussitôt. Folken arriva à son tour, essoufflé, et j'eus du mal à me résoudre à la réalité de cette scène.

Je restais derrière Xael, regardant par-dessus son épaule.

-Seigneur Folken, bien que je vous doive le respect, je vous interdis de vous approcher encore de ma femme ! Si vous retentez cette expérience, je ne me retiendrais pas, déclara t-il, furieux. Folken nous regarda, interloqué, puis repartit en secouant la tête. Xael me serra très fort dans ses bras, comme si j'avais réellement besoin de son réconfort. Je passais le reste de la nuit avec lui.

Il me réveilla gentiment le lendemain matin, m'embrassa amoureusement et me dit d'aller m'habiller. Je compris que, puisque notre secret avait été dévoilé à Folken, il comptait aussi l'annoncer à ses hommes. J'enfilais l'uniforme de mon unité et les rejoignais, encore somnolente. Xael passa fièrement un bras autour de ma taille dans les locaux de la troupe et leur apprit notre union. Ils nous félicitèrent chaleureusement et j'éclatais de rire en entendant l'un d'eux dire que ce n'état pas de chance car la seule fille de la forteresse qui était en prime mignonne était déjà prise.

On ne fit pas grand-chose de la journée en vérité. Une poignée d'hommes partirent une heure ou deux alors que nous discutions avec les autres dans notre salle d'apparat et lorsqu'ils revinrent, les bras chargés d'alcool et de nourriture de l'extérieur ramenés clandestinement, ils organisèrent une fête en l'honneur de notre mariage.

Complètement ivre à la fin de la journée, je disais à mon cher mari que j'allais voir Narya et Erya, et avouais tout aux deux filles-chattes, mis à part mes ébats avec leur Seigneur et Maître.

-Quoi ? s'exclama Erya, étonnée. Tu t'es vraiment mariée, avec ce pauvre gars ? Et on a même pas été invitées ? Je suis très déçue.

-D'après ce que j'ai compris il veut refaire une cérémonie... Oh ! Oh ! Ca tourne ! ajoutais-je en comprenant toute l'erreur qu'étais la boisson. Oh ! Dormir ! Oh ! Ca tourne ! Oh !

-Reste calme, suggéra Narya.

Elles me raccompagnèrent jusqu'à la chambre de Xael qui était beaucoup moins saoul que moi. Il remercia mes deux amies de m'avoir rapportée entière et m'allongea sur le lit.

-Qu'en penses-tu alors ? me demanda t-il.

-Qu'est-ce que je pense de quoi ? répondis-je en gardant les yeux fermés pour ne pas voir le décor tournait, ce qui me donnerait à coup sûr une incroyable envie de vomir.

-De refaire une cérémonie, une vraie cette fois-ci, avec nos amis, et tout ça...

-Oh. Si tu veux... Tu es sûr que ça tourne plus ?

-Ca n'a jamais tourné ma chérie.

-Si, ça tournait, ça tournait vite même... plus jamais boire. Méchants guerriers, ils ont ramenés trop de trucs à boire... Oh... me sens pas bien... Oh ! Oh ! Je suis malade !

Je finis par m'endormir contre lui pour me réveiller en plein milieu de la nuit avec un atroce mal de crâne. Je me levais et parcourais les couloirs silencieux où je n'entendais rien d'autre que le claquement de mes bottes sur le sol. Je reconnus un couloir et y tournais, pour trouver la chambre de Folken. Tout semblait mené à lui ces jours-ci... Je m'adossée au mur et me laissais glisser jusqu'au sol. Dans la chambre, j'entendis un peu de bruit, et sous la porte perçais un peu de lumière. Je n'osais pas entrer pour autant. Entrer pour dire, pour faire quoi ? Alors que la veille il était venu s'excuser de son comportement, je m'étais réfugiée derrière mon tout nouvel époux qui l'avait menacé de le tuer s'il s'approchait encore de moi. Moi-même je lui avais dit que je ne lui devais rien et qu'il n'avait rien à attendre de moi.

Mue par mon instinct qui m'avait fait tant défaut ces derniers temps, je relevais la tête et regardais la porte, qui s'ouvrit presque aussitôt. Folken me regarda négligemment, assez embêté. Je me relevais tant bien que mal, le dos endolori et baissais la tête, gênée.

-Euh... je... je, euh, en fait je... balbutiais-je.

-Oui ? lâcha le jeune homme, détaché.

Comment pouvait-il reste aussi calme après ce qu'il s'était passé ? Je n'arrivais absolument pas à le comprendre.

-Alors, tu es mariée, dit-il enfin, brisant le lourd silence qui s'était abattu.

-Oui, murmurais-je, encore plus rouge.

-Je ne sais pas tout à fait pourquoi tu as pris cette décision, et j'ai un peu de mal à croire que c'est simplement parce que tu aimes ce jeune homme.

-Mais si je l'aimes ! m'exclamais-je un peu trop vite. Enfin, euh, oui, si, je l'aimes... euh... Si, si si, je l'aimes, c'est pour ça que je l'ai épousé.

-Si tu le dis, lança t-il en croisant les bras.

Je détournais le regard, rougissant encore plus.

-Que fais-tu toute seule dans les couloirs à une heure si tardive, alors que tu devrais dormir ?

-Que faites-vous tout seul à une heure si tardive alors que vous devriez dormir ? lui retournais-je.

Pour la première fois, je le vis esquisser un très faible sourire. Ce devait sûrement être un grand moment.

-Je réfléchissais, dit-il calmement.

-A quoi ?

-Pourquoi voudrais-tu le savoir ?

-Oh, euh, je... comme ça.

-Et toi ? Tu n'as pas répondu à ma question. D'ailleurs, comment se fait-il que tu te sois retrouvée à côté de ma chambre ? ajouta t-il, suspicieux.

-Je... Je suis stupide, dis-je simplement.

-Stupide ? Puis-je savoir pourquoi ?

-Euh... en fait, je... je me suis rendue... ou plutôt, j'ai trop, oui, beaucoup trop bu, beaucoup trop bu, voilà, et j'ai trop mal à la tête pour me rendormir. C'était une journée de dingue. Et j'ai tellement mal à la tête que j'ai l'impression que quelqu'un s'amuse à me collait le crâne contre une enclume et à me taper dessus avec un marteau.

-Ce qui n'explique pas pourquoi tu es ici.

-Bah, comme j'arrivais pas à dormir, j'ai marché, et je me suis retrouvée ici... enfin, je vais y aller, et je vais vous laisser tranquille. Je sens bien que ma présence vous gêne.

Il me retint par le bras et me força à me retourner, pour le regarder dans les yeux.

-Depuis combien de temps es-tu mariée ? demanda t-il.

-Je l'ai épousé quelques mois après notre retour d'Astria.

-Dis-moi la vrai raison de ce mariage.

Je baissais la tête, embarrassée. Je sentit sa main serrais un peu plus fort mon bras.

-Pour que vous souffriez, comme moi j'ai souffert... dis-je dans un murmure à peine audible.

Je relevais timidement la tête et le regardais. Il souriait encore.

-Sois rassurée alors, souffla t-il. Ca marche très bien.

-Mais je ne suis plus sûre de vouloir ça, répondis-je. Je ne sais pas ce que je veux, je suis idiote. Vous l'avez dit vous-même.

Il poussa un soupir, et m'invita à entrer dans sa chambre. Je m'asseyais sur la chaise et il s'installa sur le lit.

-Je t'ai vraiment dit que tu étais idiote ? demanda t-il.

-Oui. Quand j'ai voulu, euh, me suicider.

-Oh, c'était surtout parce que j'étais furieux que tu ai tenté de faire une bêtise pareille.

Je baissais la tête et regardais le sol, très mal à l'aise de me retrouver dans sa chambre, mais après être venue camper dans son couloir, je ne pouvais pas m'enfuir en courant.

Il soupira à nouveau, se leva et parcourut du doigt les couvertures des livres posés sur une étagère. Je l'observais à la dérobée. Il se retourna et je constatais qu'il était aussi gêné que moi, si ce n'était plus.

-Ton mari va s'inquiéter, lâcha t-il avec un certain dégoût.

-Il dort, répondis-je paisiblement.

Je me levais à mon tour et m'approchais de lui pour regarder les livres.

-Ca fait longtemps que je n'ai pas lu de livres, dis-je simplement.

-Je ne pense pas qu'ils t'intéresseront.

Il était très proche de moi, trop proche. Je me reculais un peu pour mettre de la distance et le heurtais par mégarde. Comme une idiote, je m'étalais sur le sol et le regardais écarlate, avant de me mettre à rire. Il me tendit sa main, que je saisis aussitôt et me relevais... pour me retrouver collé à son torse. Les choses empiraient. Ma bonne résolution de rester loin de lui et de partir aussi vite que possible s'envola, je l'embrassais et passais la moitié de ce qu'il restait de la nuit entre ses bras.

Cette fois-ci, je n'avais pas trahi mon petit ami. J'avais fait mieux, j'avais trompé mon époux, que j'avais épousé tout spécialement pour que la personne avec qui j'avais –encore- couché souffre. Je me sentais une moins que rien alors que je retournais dans sa chambre, après avoir embrassé une dernière fois mon amant. Xael dormait profondément dans son lit. Je me déshabillait et m'allongeais contre lui. Au moins je n'avais plus mal à la tête.

D'un commun accord, Folken et moi ne parlâmes jamais de ces deux nuits, et de celles qui allaient suivre.