Chapitre 6

Tout à sa joie d'avoir enfin retrouvé son fils, Aragorn n'avait pas remarqué l'air sombre de son compagnon. Cependant, alors qu'ils se promenaient ensemble sur les remparts, l'Homme se rendit compte du trouble dans lequel l'Elfe semblait plongé. Il s'arrêta, interrogeant :
- Qu'y a t'il, mon amour ? Tu sembles préoccupé.
Legolas s'arrêta à son tour, eut un léger sourire, mais ne répondit pas. Il se contenta de se blottir contre son amant qui lui ouvrit les bras, surpris.
- Tu me fais peur… Pourquoi ne veux-tu rien me dire ?
- Je ne veux pas gâcher ta joie nouvelle.
- Elle sera gâchée si tu ne la partages pas. Tu sais très bien que tu peux tout me dire.
L'Elfe soupira. Il sentait des sanglots monter en lui, mais les combattit du mieux qu'il put avant de parler.
- Je suis heureux que tu aies retrouvé ton fils…
- Mais ?
- Tu vas vouloir le connaître mieux, passer du temps avec lui…
Alors que son compagnon parlait, Aragorn comprit enfin ce qui le troublait tant.
- Tu as peur que je te délaisse pour lui ?
L'Elfe acquiesça silencieusement. L'Homme le repoussa doucement de façon à pouvoir le regarder dans les yeux. Il fut bouleversé par les larmes qui menaçaient d'inonder les joues de Legolas.
- Sache que je ne te délaisserai jamais. Même si je passe du temps avec Thurinhìl afin de savoir quel genre de personne est mon fils, ce ne sera jamais en te laissant de côté. Je t'aime de tout mon cœur, de toute mon âme et de tout mon corps, termina t'il d'une voix rauque où le désir transparaissait.
Sans laisser le temps à son compagnon de répondre, il prit ses lèvres dans un baiser fougueux. Il savait que n'importe qui pouvait les voir, mais il s'en moquait. Tout ce qui importait pour Aragorn a cet instant précis était de faire taire les peurs de son amant… et d'assouvir le désir insatiable qu'il sentait monter en lui. Lorsqu'il put enfin parler, Legolas, partiellement rassuré, murmura :
- On devrait peut-être rentrer…
Aragorn ne répondit pas, mais prit la main de son compagnon et se dirigea vers le château. Les deux hommes, tout à leur amour, n'avaient pas remarqué la silhouette encapuchonnée qui les observait d'une fenêtre proche et qui disparut promptement à leur approche.

Le soir était tombé sur la Cité Blanche. Legolas soupira en posant les yeux sur le corps de son amant endormi. Il savait qu'Aragorn l'aimait, mais il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. Un sombre pressentiment se tapissait au plus profond de son cœur. Il déposa un léger baiser sur l'épaule nue de son amant, puis se leva. Il se rhabilla et sortit de la chambre, non sans avoir jeté un dernier regard en direction de l'Homme qui dormait. Une fois dehors, l'Elfe fit quelques pas sans but précis. Il croisa des habitants qui le saluèrent, mais, bientôt, tous rentrèrent chez eux et il resta seul dehors. Il marcha sans but, descendant jusqu'au point le plus bas de la cité. Là, il se trouva derrière la porte principale et n'eut qu'une envie : la franchir. Il jeta un coup d'œil au gardien qui somnolait sur le côté, sourit et poussa la porte dérobée qui se trouvait tout près et sortit discrètement. Lorsqu'il fut à l'extérieur de la Cité, Legolas se dirigea vers un jardin qui avait été aménagé à proximité, dans lequel se trouvait une statue de Boromir et une stèle rendant hommage aux victimes de la Guerre de l'Anneau. Là, il se recueillit, repensant à tout ce qui était arrivé depuis ce jour où, à Fondcombe, il avait mis son destin entre les mains de Frodon Sacquet, Hobbit de la Comté. Puis, il s'assit sur un banc, le regard perdu vers l'horizon. Ses pensées vagabondèrent quelques secondes, avant de se fixer à nouveau sur Aragorn et ses retrouvailles avec ce fils caché.
Dire que pendant toutes ces années, il l'a cru mort… Thurinhìl… Il n'aurait pas pu porter un nom plus approprié…Héritier secret… Je ne comprends pas quel est ce tourment qui agite mon cœur depuis qu'il est apparu… Je devrais me réjouir, mais je ne peux que m'inquiéter…Ce que j'ai dit à Estel n'est qu'une part de la vérité… Je ne sais même pas ce qui me trouble à ce point… Ou plutôt si, je ne le sais que trop… Mais, pourquoi ai-je toujours ce sentiment de danger imminent face à ce jeune homme… On dirait… Peut-être devrais-je en parler avec Dame Célia… Elle a toujours été de bons conseils pour moi…
Comme en réponse à ses pensées, la silhouette de la Magicienne apparut au coin de son champ de vision. Legolas se leva, surpris.
- Dame Célia ?
- Bonsoir, mon ami. Vous m'avez l'air troublé. Je ne vous dérange pas ?
- Non, bien au contraire. J'aimerais m'entretenir avec vous d'un sentiment dont je ne peux me défaire et qui me trouble.
- Je vous écoute, l'encouragea la jeune femme en s'asseyant sur le banc.
Legolas prit place à côté d'elle et se lança :
- Je suis très heureux qu'Aragorn ait retrouvé son fils… mais un sentiment d'angoisse étreint mon cœur… Je ne sais pourquoi, j'ai un très mauvais pressentiment…
- Avez-vous une raison de vous inquiéter de ces retrouvailles ?
- Non… Je pensais que j'avais peur qu'Aragorn veuille se consacrer entièrement à son fils et me délaisse, mais je sais que ce n'est pas cela… Si seulement j'arrivais à comprendre ce qui me terrorise à ce point !
- J'aimerais beaucoup vous aider, mon ami, mais je n'ai pas la capacité de voir ce qui provoque votre peur… Mais, peut-être devriez-vous en parler à Gandalf…
- Non ! S'exclama Legolas un peu trop brusquement.
Prenant conscience du regard étonné de la Magicienne, il reprit plus doucement :
- Je ne veux pas l'ennuyer avec ça… Je tâcherai de résoudre mon problème seul…
- Si vous avez besoin de parler, n'oubliez pas que je serais toujours là.
- Merci, souffla l'Elfe avant de se lever et de quitter les lieux.
Célia le regarda s'éloigner pendant quelques minutes avant de retourner dans la Cité, pensive.

Au même moment, dans la Cité Blanche, une autre personne troublée allait demander conseil. Gandalf sourit en voyant Faramir s'approcher, hésitant.
- Puis-je vous aider, mon ami ?
- Mithrandir… j'ai besoin de vous parler. Je suis heureux pour Aragorn qu'il ait retrouvé son fils mais… une question se pose : que va t'il advenir du trône du Gondor ? Après tout, Thurinhìl en est l'héritier légitime. Il aurait parfaitement le droit de revendiquer le titre.
- Ne vous inquiétez pas, mon ami. J'ai élevé ce jeune garçon et je sais que le pouvoir ne l'intéresse pas. Vous êtes le Roi du Gondor et votre fils, le jeune Prince Eomir, sera votre successeur. Je vous en donne ma parole.
- Vous me rassurez. Mais, que va t'il advenir de ce jeune homme ? Quel sera son héritage s'il ne peut succéder à son père ?
- Il sera un Rôdeur, comme son père l'a été et comme il l'est à nouveau depuis quelques années. Je compte bien continuer à veiller sur lui. Vous savez, j'ai passé toutes ces années à l'élever et je le considère un peu comme s'il était le fils que je n'ai jamais eu, sourit le Magicien. Ne vous inquiétez pas pour Thurinhìl, ni pour votre trône. Vous pouvez dormir tranquille, Faramir.
- Je vous remercie.
Lorsqu'il fut seul, Gandalf soupira.
Je suis heureux de savoir que le Gondor est entre vos mains, Faramir, fils de Denethor. Vous êtes cent fois plus sage que votre père ne l'a jamais été. Et, je suis heureux que vous ne soyez pas destiné à partager le tourment qui va venir frapper les cœurs de certains de mes amis… Si seulement je pouvais l'empêcher… mais, je ne peux rien contre la destinée…