Chapitre 8

L'obscurité commençait à tomber lorsque les trois cavaliers arrivèrent aux portes de la cité d'Edoras. Ils montèrent jusqu'au Château d'Or de Meduseld sous les regards des habitants qui avaient reconnu Aragorn et Legolas. Une fois à destination, ils furent accueillis par Gamling, le fidèle homme de main du Roi Théoden qui était désormais au service de son nouveau seigneur, le Roi Eomer. Celui-ci les attendait dans la grande salle, assis sur son trône, son épouse Lorina à ses côtés. Lorsque les voyageurs entrèrent, Eomer se leva et s'avança à leur rencontre.
- Mes amis ! Quelle joie de vous revoir ! Cela faisait longtemps que vous n'aviez pas honoré ma demeure de votre visite.
Aragorn et Legolas saluèrent leur ami. Thurinhìl resta en arrière, attendant qu'on veuille bien le présenter. Lorina rejoignit son époux et leurs invités. Ils se saluèrent, puis Aragorn fit signe au jeune homme de s'avancer et d'enlever sa capuche qui couvrait jusqu'à présent ses longs cheveux bruns et ses oreilles pointues.
- Roi Eomer, Dame Lorina, j'aimerais vous présenter une personne qui est très chère à mon cœur : mon fils, Thurinhìl.
- Votre fils ! S'étonna le Rohirrim. J'ignorais que vous aviez un fils.
- Je l'ignorais moi-même jusqu'à il y a encore quelques jours. Du moins, le croyais-je mort. Mais, le destin et Gandalf me l'ont ramené.
- Ce cher Magicien a plus d'un tour dans son sac… souffla Eomer, ne pouvant s'empêcher de dévisager le jeune homme.
Celui-ci détourna le regard, un peu gêné et en profita pour admirer les décorations de la salle.
- Mais, je manque à tous mes devoirs. Vous devez avoir faim.
- Je m'en occupe, dit Lorina.
Puis, elle sortit en direction des cuisines. Elle revint quelques minutes plus tard, suivie par deux servantes qui portaient des plateaux remplis de victuailles. Legolas sourit en voyant le festin qui s'offrait à eux.
- Si ce cher Gimli était là, il serait comblé ! Pour ma part, je me serais contenté de beaucoup moins.
Les trois compagnons s'attablèrent. Eomer leur tint compagnie, demandant des nouvelles de sa sœur et de son neveu. Aragorn lui répondit bien volontiers, mais passa sous silence l'accident dont la Reine Eowyn avait été victime. Rien ne servait d'alarmer leur hôte pour rien. Une fois le repas terminé, Eomer les fit conduire aux chambres qu'on leur avait attribuées.

Ithil était haut dans le ciel , éclairant la Terre du Milieu de sa lueur blafarde. Legolas ne pouvait trouver le repos. Depuis qu'ils étaient arrivés à Edoras, son angoisse ne cessait de croître. Un mauvais pressentiment était incrusté dans son esprit et dans son cœur. Il se tourna vers Aragorn qui dormait près de lui et eu un léger sourire.
Tu es si beau, mon amour… Les années n'ont presque pas de prise sur toi… Dans cette lumière, on pourrait croire que tu as encore 17 ans… Que tu es le jeune homme que j'ai rencontré un jour, à Fondcombe… Je t'aime tellement… Si seulement je pouvais me défaire de ce sentiment d'insécurité qui me trouble tant depuis que tu as retrouvé ton fils…
L'Elfe soupira. Il se leva en prenant garde à ne pas réveiller son amant, enfila sa tunique et sortit. Il avait besoin de sentir le vent sur son visage. Une fois dehors, il laissa son regard se porter au loin, repensant à ce qui était arrivé au même endroit, quelques années plus tôt, alors que l'avenir de la Terre du Milieu reposait sur les épaules de Frodon… et de Sam. Perdu dans ses pensées, il mit quelques secondes à réaliser que quelqu'un approchait doucement derrière lui. Malgré la grande similitude de leurs pas, Legolas sut que ce n'était pas Aragorn, mais son fils. Le jeune homme vint s'asseoir par-terre, à côté de lui, en silence. Ils restèrent ainsi de longues minutes, savourant la tranquillité de la nuit. Ils étaient seuls dehors. Au bout d'un moment, Thurinhìl demanda, d'une voix si faible que Legolas n'aurait pu l'entendre s'il n'avait été un Elfe :
- Vous avez toujours été amoureux de mon père ?
- Oui. Même si je ne m'en suis rendu compte que bien des années après notre rencontre.
- Et lui ? Il vous aime mais… a t'il aussi aimé ma mère ?
- Il l'a aimée plus que sa propre vie. Il aurait donné tout ce qu'il possédait s'il avait pu la sauver…
Le jeune homme baissa les yeux.
- Excusez-moi, je n'aurais pas du dire ça, soupira l'Elfe, conscient de la soudaine tristesse de son interlocuteur.
Thurinhìl ne répondit pas. Il se leva et s'approcha doucement de Legolas, de façon à pouvoir le regarder dans les yeux.
- Il y a une chose que je dois vous dire…
- Je vous écoute.
- C'est difficile… Lorsque nous nous sommes rencontrés, j'ai eu peur que vous ne me rejetiez… Je ne voulais pas que mon père s'éloigne de vous par ma faute, mais cela n'est pas arrivé… et nous sommes devenus amis… Nous sommes amis, n'est-ce pas ? Demanda t'il d'une voix pleine d'espoir.
- Bien entendu.
- Pourtant… aujourd'hui, je viens de comprendre que j'avais mal interprété la peur qui m'avait envahi… J'avais peur que vous ne me rejetiez… parce que je vous aime…
Disant cela, il baissa les yeux.
- Moi aussi, je vous aime. Comme un fils… répondit Legolas, ayant peur de comprendre ce que Thurinhìl avait voulu lui dire.
- Il ne s'agit pas d'un tel amour… Je vous aime, Legolas… comme mon père vous aime…
L'Elfe hésita quelques secondes. Il ne savait pas quoi répondre. Et, soudain, sans qu'il s'y attende, Thurinhìl se jeta à son cou et posa ses lèvres sur les siennes.

Aragorn s'éveilla en sursaut et en nage. Il avait fait un cauchemar, mais n'arrivait pas à s'en souvenir. Il s'étonna de ne pas voir Legolas près de lui. Il se leva, s'habilla et sortit. Alors qu'il allait pousser doucement la porte qui menait à l'extérieur, il entendit la voix de son fils. Il s'arrêta net, croyant avoir mal entendu. Puis, il sortit. Lorsque son regard se posa sur les deux hommes enlacés, il crut sentir son cœur se briser. Il tituba et recula à l'intérieur.
Comment… comment ont-ils pu me trahir ? Legolas… Je croyais que tu m'aimais… Mon fils…
Il avait l'impression de devenir fou. Il se sentait trahi par les deux êtres qu'il aimait le plus au monde. Il avança avec difficultés jusqu'à sa chambre, mais, au moment d'y entrer, il se ravisa. Il se dirigea alors vers une porte qui donnait sur l'arrière du Château. Silencieusement, il se dirigea vers les écuries. Là, Brego eut l'air de comprendre ce que son ami attendait de lui. Il s'approcha et Aragorn se hissa sur son dos. Ils sortirent des écuries, se dirigeant vers la porte de la cité dont le garde, qui avait relâché sa vigilance le temps de s'accorder un petit somme, ne soupçonna rien de leur passage. Puis, ils disparurent dans l'obscurité de la nuit.

Legolas repoussa Thurinhìl doucement, mais fermement. Le jeune homme tomba à genoux, en larmes.
- Excusez-moi ! Je ne sais pas ce qui m'a pris ! Je n'aurais jamais du faire ça… Je suis tellement désolé…
L'Elfe ne répondit pas tout de suite. Il lui semblait avoir senti une présence, mais il n'y avait personne d'autre sur la terrasse. Il baissa alors le regard vers le jeune homme.
- C'est à moi de m'excuser si j'ai pu vous laisser croire qu'il pourrait jamais y avoir entre nous plus que de l'amitié ou de l'amour filial. J'aime Aragorn et je n'aimerai que lui jusqu'à la mort, la sienne ou la mienne.
- Je le sais… Je vous demande pardon…
- Allez, relevez-vous ! Souffla Legolas. Pour ma part, c'est oublié, si vous me promettez de ne jamais en parler à personne.
- Je vous en donne ma parole, répondit Thurinhìl en se relevant.
- Alors l'incident est clos. Retournez vous coucher.
Le jeune homme partit sans rien dire, le cœur gros. Legolas soupira, puis se replongea dans la contemplation de l'horizon. Soudain, il crut voir une forme sombre se déplacer rapidement dans la plaine. Il tenta de voir de quoi il s'agissait, mais elle était trop loin, même pour lui.
Pauvre enfant… Je ne sais que faire… je ne peux pas en parler à Aragorn… si seulement Dame Célia était là, elle pourrait me conseiller ou aider Thurinhìl à oublier son amour pour moi… mais je suis seul… Aragorn… Je devrais rentrer, moi aussi… Pourvu qu'il tienne sa promesse… Si jamais son père apprend ce qui s'est passé, je ne sais pas quelle sera sa réaction… Il est si imprévisible ! Même moi, alors que nous vivons ensemble depuis de si longues années, je ne peux prévoir ce qu'il fera ou dira… Il ne faut pas qu'il sache, c'est la meilleure solution.
L'Elfe rentra et se dirigea vers sa chambre. Lorsqu'il y pénétra, il remarqua immédiatement que son amant n'était pas là. L'angoisse revint alors à la surface, plus forte que jamais.
Non… je n'ai pas rêvé… il y avait bien quelqu'un… Il nous a vus… j'en suis sûr… Non ! Que vais-je faire ? Il faut absolument que je lui parle ! Il faut que je lui explique, il comprendra !
Legolas sortit alors de la chambre, bien décidé à retrouver son amant pour mettre au clair la situation avec lui.