Chapitre 10
Legolas n'en pouvait plus. Lorsqu'il s'était rendu
compte qu'Aragorn avait quitté Edoras, il avait voulu partir à
sa recherche immédiatement, mais Eomer l'en avait dissuadé
car des hordes de Wargs avaient été vues dans la région.
Cette information n'avait fait que renforcer le sentiment d'angoisse
de l'Elfe qui se sentait affreusement coupable, persuadé que son
amant l'avait vu alors que Thurinhìl l'embrassait. Sa peur
avait encore augmenté quand il avait vu revenir Brego, seul, sans son
cavalier. Lorsque l'aube se leva sur la ville, faisant briller de mille
feux le Château d'Or de Méduseld, Legolas se tenait sur le
parvis, les yeux fixant l'horizon, la tête plongée dans de
sombres pensées. C'est alors qu'Eomer arriva derrière
lui.
- Je viens de recruter quelques hommes. Nous sommes prêts à partir.
- Alors, allons-y !
Alors qu'ils allaient descendre les marches, un serviteur les rejoignit
en courant et dit quelques mots à l'oreille de son souverain. Celui-ci
se tourna alors vers Legolas :
- Il y a un problème. Venez !
Ils rentrèrent dans le Château et se dirigèrent vers la
chambre qui avait été attribuée à Thurinhìl.
- J'ai envoyé quelqu'un le chercher, me doutant qu'il
voudrait se joindre aux recherches, mais apparemment, mon valet a trouvé
quelque chose…
Ils entrèrent sans frapper dans la chambre. Thurinhìl était
assis sur son lit, les épaules affaissées, la tête baissée,
les yeux fixés au sol. Un valet, qui se tenait devant lui, se dirigea
vers le Roi.
- Sire, je venais chercher ce jeune homme, comme vous me l'aviez demandé
et, lorsqu'il a attrapé son sac, il en est tombé ceci, dit-il
en tendant un paquet à Eomer.
Celui-ci prit l'objet, puis écarta les pans du tissu qui en cachaient
le contenu. Ebahi, il le montra alors à Legolas qui interrogea le fils
de son compagnon d'une voix troublée :
- Qu'est-ce que cela ?
- Je n'en sais rien, je vous le jure !
- Moi, je le sais, lança le valet, c'est un grimoire de magie et
une fiole de poison. Je les ai déjà vus lorsque Grima Langue de
Serpent était le conseiller du Roi Théoden. Il les avait dans
ses appartements. Le Seigneur Gandalf, après l'avoir fait chasser
d'ici, m'a dit d'enfermer tout ceci dans un coffre, ce que
j'ai fait. Et, aujourd'hui, je retrouve ces objets dans le sac de
ce jeune homme.
- Je vous assure que je n'avais jamais vu tout ceci avant ! S'écria
Thurinhìl en se levant. Legolas ! Vous me croyez au moins ?
L'Elfe ne répondit pas, le cœur troublé. L'angoisse
qui avait étreint son cœur depuis qu'Aragorn avait retrouvé
son fils trouvait là une cause évidente et pourtant, au fond de
lui, il n'arrivait pas à croire que ce jeune Rôdeur puisse
être vraiment mauvais.
- Nous n'avons pas le temps d'éclaircir ce mystère pour l'instant,
lança Legolas, évitant ainsi de répondre. Nous devons partir
à la recherche de votre père.
Thurinhìl baissa à nouveau les yeux, le cœur brisé.
Il était persuadé que l'Elfe le croyait coupable d'avoir volé
ces objets. Eomer jeta un regard à chacun des deux hommes, puis soupira
:
- Vous avez raison. Vous allez rester dans votre chambre, sous bonne garde,
jusqu'à ce que nous soyons revenus avec votre père. A ce moment-là,
nous aviserons.
- D'accord, soupira le jeune homme.
- Je vous demande de ne pas chercher à vous enfuir. Je serai navré
qu'il vous arrive du mal, vous comprenez ?
- Oui, j'ai très bien compris, souffla Thurinhìl d'un air résigné.
Puis Eomer sortit, suivi par Legolas. Alors que la porte de la chambre se refermait,
l'Elfe murmura :
- Pourvu que nous retrouvions Estel sain et sauf…
Cela faisait maintenant plusieurs heures que Sylvebarbe était parti
à la rencontre de Gandalf. Merry avait passé tout ce temps assis
près d'Aragorn, lui épongeant le front. Pippin, qui en avait assez
d'attendre, faisait les cent pas dans la demeure de l'Ent.
- Pip, assied-toi, tu me donnes le tournis !
- Désolé, Merry, mais je suis inquiet ! Si Aragorn a vraiment
été empoisonné, peut-être que quelqu'un d'autre aussi
est en danger…
- Figures-toi que j'y ai pensé ! Mais, que veux-tu que nous fassions
? Pour l'instant, nous devons nous occuper de notre ami… jusqu'à
ce que Gandalf arrive…
Alors que le Hobbit finissait sa phrase, le sol se mit à trembler légèrement
et Sylvebarbe apparut.
- Où est Gandalf ? Interrogea Pippin, surpris de ne pas voir le Magicien.
- Je suis ici, répondit une voix au-dessus de sa tête.
Les Hobbits levèrent les yeux, ébahis. Gwaihir se tenait perché
sur une haute branche, Gandalf installé sur son dos. Le Roi des Aigles
descendit dans la demeure de l'Ent et déposa son passager. Le Magicien
sauta lestement à terre, puis se précipita vers Aragorn. Il posa
une main sur son front, puis murmura quelques mots dans un langage que les Hobbits
ne connaissaient pas.
- Comment va t'il ? Demanda Merry, que l'air soucieux de leur ami inquiétait.
- Mal. Il faut absolument que je le ramène à Edoras.
Gandalf remonta sur le dos de l'Aigle, puis celui-ci décolla et, venant
se placer au-dessus d'Aragorn, il le souleva délicatement dans ses serres.
- Et nous ? Cria Pippin.
Mais Gwaihir était déjà haut dans le ciel. Alors que Pip
allait s'indigner du fait que Merry et lui soient encore laissés en arrière,
un autre Aigle arriva et les souleva de terre, partant à la suite du
Seigneur des Vents. Les voyants s'envoler, Sylvebarbe leur lança :
- A bientôt, chers amis ! N'oubliez pas de revenir me voir !
Legolas, Eomer et une dizaine de Rohirrims quittèrent Edoras pour partir
à la recherche d'Aragorn. Ils n'avaient parcouru qu'une centaine de mètre
lorsque l'Elfe s'arrêta. Il concentra sa vision et s'écria :
- Un Aigle ! Gandalf est sur son dos et… il porte Aragorn dans ses serres
!
L'oiseau arrivait rapidement, se dirigeant vers la Cité. Les cavaliers
firent demi-tour. Ils arrivèrent au pied du Château d'Or au moment-même
où Gwaihir se posait sur le parvis. Legolas monta les marches quatre
à quatre, le cœur battant à tout rompre. Il se précipita
vers Aragorn qui était étendu sur le sol, Gandalf à ses
côtés.
- Que lui est-il arrivé ?
Le Magicien ne répondit pas. Il se tourna vers Eomer qui arrivait, suivi
de ses hommes. Le Roi du Rohan comprit tout de suite ce qu'on attendait de lui
et fit amener une civière. Puis, Aragorn fut transporté dans sa
chambre. Une fois là, seuls Gandalf, Legolas et Eomer restèrent
avec lui.
- Mithrandir ? Interrogea l'Elfe, luttant contre les larmes qui menaçaient
d'envahir ses joues.
- Il a été empoisonné, soupira le Magicien.
A ces mots, l'Elfe frissonna. Son regard croisa celui d'Eomer qui avait eu la
même pensée que lui. Gandalf remarqua cet échange silencieux
et demanda :
- Qu'y a t'il ?
- Nous avons trouvé un grimoire et une fiole de poison qui ont appartenu
à Grima dans les appartements de Thurinhìl.
Le Mage, surpris, lança :
- C'est impossible ! J'ai élevé cet enfant… Je dois le voir
!
- Allez-vous pouvoir sauver Aragorn ? Demanda Legolas d'une voix faible.
- Je dois d'abord identifier le poison qui coule dans son sang.
- Et la pierre magique ? Interrogea Eomer.
- Elle ne sera d'aucune utilité cette fois-ci. Il est victime d'un envoûtement
qui m'empêche de le guérir. Avant de pouvoir tenter quoi que ce
soit, je dois voir Thurinhìl.
Et il sortit, suivi de près par Eomer. Dehors, ils trouvèrent
les deux Hobbits qui venaient d'arriver et qui attendaient que quelqu'un veuille
bien leur donner des nouvelles de leur ami.
- Merry, Pippin, j'aimerais vous confier une mission.
- Laquelle ? Demanda Meriadoc, trop content de pouvoir enfin se rendre utile.
- Aragorn a été empoisonné et envoûté. Quelqu'un
veut sa mort, mais je ne sais pas encore qui. Alors, je voudrais que vous restiez
avec lui pour le protéger. Je sais que je pourrais demander ça
à l'un des hommes du Roi, mais je n'ai confiance qu'en vous. Je sais
que vous ne pouvez pas être corrompus. De plus, Legolas a besoin de soutien
moral durant cette épreuve.
- Vous pouvez compter sur nous, Gandalf ! Lança Pippin d'une voix assurée.
Le Mage sourit.
- Je le savais.
Puis, il partit en direction de la chambre de Thurinhìl alors que les
Hobbits entraient dans celle d'Aragorn.
