Chapitre 11
Gandalf entra sans frapper et trouva son protégé allongé
sur le lit, les yeux clos. En entendant la porte s'ouvrir, le jeune homme se
redressa d'un bond.
- Gandalf !
- Mon enfant…
- Je vous jure que je n'ai rien fait !
- Assied-toi !
Le jeune homme obéit. Le Mage prit place sur une chaise, en face de lui,
puis planta son regard perçant dans les prunelles sombres de Thurinhìl
qui soutint son regard. Ils restèrent ainsi quelques minutes, sans parler,
jusqu'à ce que Gandalf détourne les yeux.
- Je savais bien que tu ne pouvais pas avoir fait du mal à ton père.
- Mon père ? Que lui est-il arrivé ?
- Il a été empoisonné et envoûté.
- Non !
Le jeune homme se mit à pleurer silencieusement.
- Ne t'inquiète pas, je vais faire tout mon possible pour le guérir.
- Laissez-moi vous aider !
- Non. Une personne a essayé de le tuer et de faire en sorte que tout
le monde te croie coupable de cet acte. Tu dois rester ici jusqu'à ce
que j'aie mis cette personne hors d'état de nuire.
- Mais…
- Thurinhìl ! Tu sais très bien que j'ai raison ! Alors, ne discute
pas, s'il te plait !
- D'accord.
Le Mage sourit.
- Jusqu'à ce que je trouve qui est cette personne, tu vas rester ici
et nous allons laisser courir le bruit que ton père est mort. Nous ferons
en sorte que le coupable pense qu'il a réussi son affaire. Cela vous
mettra tous les deux hors de danger, Aragorn et toi, et nous fera gagner du
temps pour démasquer cette personne.
Gandalf se dirigea vers la porte et sortit. Juste avant de refermer le battant,
il sourit à son protégé :
- Je m'occupe de tout, ne t'en fais pas.
Dans un couloir sombre du château, une servante discutait avec son fiancé,
un garde royal.
- Tu as appris la nouvelle ? Demanda l'homme, l'air affligé.
- Quelle nouvelle ?
- Le Seigneur Aragorn est mort. On dit qu'il a été empoisonné
par son propre fils.
- Le jeune garçon qui est arrivé avec lui ?
- Oui.
- Quel malheur ! Comment cela a t'il pu se produire ?
- Le garçon aurait volé un grimoire et du poison dans les affaires
qui ont été confisquées au traître Grima. Et, il
s'en serait servi pour tuer son père.
- Mais, pourquoi aurait-il fait ça ?
- Qu'est-ce que j'en sais, moi ? Il était peut-être jaloux de sa
relation avec l'Elfe.
- Le Prince Legolas ?
- Tu n'as pas vu comment le gamin le regarde ? Il a l'air fou amoureux !
- C'est terrible… pauvre de nous si les enfants se mettent à tuer
leurs pères pour leur voler leur compagnon !
Alors que le couple s'éloignait, une ombre bougea lentement. Une silhouette
s'avança un peu et l'on pouvait distinguer sous sa capuche noir un regard
étincelant de haine et un sourire satisfait.
Parfait ! Je tiens enfin ma vengeance… Ces pauvres fous pensaient qu'ils
pourraient m'échapper, mais ils se trompaient…
Puis, la silhouette disparut à nouveau dans l'obscurité. Seulement,
elle ne se doutait pas qu'une personne, vêtue d'une grande cape grise,
se tenait à quelques mètres d'elle, immobile et silencieuse. Lorsque
l'ombre se dirigea vers la sortie du château, le guetteur la suivit sans
qu'elle puisse s'en douter.
Legolas était assis au bord du lit, la main d'Aragorn dans les siennes,
murmurant une prière en elfique. Merry et Pippin se tenaient près
de la porte, discrets, mais présents pour le cas où leur ami aurait
besoin d'eux.
- Je t'en prie, Estel… Reviens-moi… Je suis désolé…
Je ne voulais pas te faire souffrir… Ton fils non plus… Il ne pensait
pas à mal… Je t'en supplie ! Tu m'as promis que tu ne me laisserais
jamais seul… Je ne pourrais pas le supporter si…
Merry détourna le regard. Il était bouleversé par la détresse
de l'Elfe qui ressemblait tant à la sienne quand il avait cru qu'il avait
perdu Pippin à tout jamais. Celui-ci, sentant son désarroi, vint
se blottir dans ses bras. Meriadoc lui sourit tristement avant d'enfouir son
visage dans les boucles brunes de son compagnon. Ils étaient toujours
dans cette position quand la porte s'ouvrit sur Eomer. Il les regarda d'un air
attendri puis leur lança :
- Gandalf aimerait vous voir.
Les Hobbits se séparèrent, un peu confus d'avoir été
surpris en plein élan de tendresse. Alors que Merry ouvrait la bouche
pour poser une question, Eomer le devança :
- Je reste ici, ne vous inquiétez pas.
- D'accord.
Et ils sortirent. Le Magicien les attendait dans le couloir. Il leur fit signe
de le suivre jusqu'à la chambre de Thurinhìl. Là, il les
fit entrer, puis, après s'être assuré que personne ne les
espionnait, il entra à son tour et referma soigneusement la porte.
Eomer s'assit sur son trône et parcourut du regard la foule qui s'était
assemblée dans la grande salle. Il semblait préoccupé et
triste. Lorsque Gandalf apparut à ses côtés et lui fit un
signe de tête discret, le Roi se leva. L'assemblée fit immédiatement
silence.
- Mes amis, je vous ai réunis pour vous annoncer une triste nouvelle.
Le Seigneur Aragorn est mort il y a quelques heures.
Des murmures s'élevèrent de la foule, mais Eomer les calma d'un
geste. Alors qu'il allait continuer, une voix demanda :
- Est-ce que c'est vrai qu'il a été tué par son fils ?
- Non. Nous avons effectivement soupçonné le jeune Rôdeur
Thurinhìl, le fils d'Aragorn, mais il est innocent. Nous en avons la
preuve.
Alors que le Roi terminait sa phrase, une personne sortit discrètement
de la salle. L'ombre se faufila sans bruit dans les couloirs. Une fois devant
la porte de la chambre de Thurinhìl, qui n'était plus gardée,
l'individu passa une main sous sa cape et en sortit une dague. Puis, il entra
dans la chambre. Il s'avança vers le lit, devinant la forme d'un corps
endormi sous les couvertures. Alors qu'il levait la main pour frapper, le tissu
se souleva brusquement, découvrant Merry et Pippin, armés, prêts
à l'attaque. L'homme, surpris, recula d'un pas, mais son bras levé
fut pris dans un étau, l'obligeant à lâcher sa dague.
- Qu'est-ce que… commença l'homme. Lâchez-moi !
- Il n'en est pas question ! Retentit la voix de Gandalf qui venait d'entrer
dans la pièce. Thurinhìl, amène-le ici, que je vois un
peu le visage de ce meurtrier.
Le jeune Rôdeur, qui tenait encore le bras de l'inconnu, le lui tordit
jusqu'à ce qu'il soit obligé de s'avancer en pleine lumière,
puis le lâcha. Eomer se tenait dans l'encadrement de la porte, empêchant
ainsi toute tentative de fuite.
- Je te connais. Je t'ai vu à Minas Tirith, tu t'appelles Joran, n'est-ce
pas. Pourquoi as-tu voulu tuer Aragorn ? Demanda le Mage d'une voix menaçante.
- Parce qu'il a tué ma mère !
Les deux Hobbits se regardèrent, surpris, puis se tournèrent vers
Gandalf.
- Il ment, n'est-ce pas ? Interrogea Merry.
- Bien sûr ! Allez, parle ! Dis la vérité !
- Je ne dirai rien ! Vous n'avez qu'à me torturer, vous ne tirerez rien
de moi !
Le Magicien lança un regard glacial au jeune homme, mais celui-ci sembla
y être insensible.
- Enfermez-le dans un cachot ! Lança alors Gandalf à Eomer. Si
nous te laissons plusieurs jours sans manger, ni boire, tu seras peut-être
plus coopératif.
Le Roi acquiesça. Il appela deux gardes qui vinrent s'emparer de Joran
pour le conduire dans une geôle, dans les sous-sols du château.
Lorsqu'il fut sorti de la pièce, Pippin se tourna vers Gandalf et posa
la question que tout le monde avait sur les lèvres :
- Vous pensez qu'Aragorn tiendra suffisamment longtemps ? Et si Joran n'avoue
pas ?
- Malheureusement, l'état de notre ami empire de minute en minute…
- Il va mourir ? Demanda Thurinhìl d'une voix blanche.
- Si je ne trouve pas comment briser l'enchantement au plus vite, je le crains…
- Laissez-moi interroger ce traître ! Grogna Eomer. Je saurais le faire
parler !
- Hélas, mon cher ami, vous n'obtiendrez rien de lui… J'ai lu dans
ses yeux une puissance surhumaine. Je ne sais pas quel moyen, naturel ou surnaturel,
il l'a acquise, mais je sais qu'il va me falloir utiliser des ressources importantes
pour arriver à lui faire avouer ses raisons et surtout, le moyen qu'il
a utilisé.
- Que pouvons-nous faire pour vous aider ? Interrogea Merry.
- Retournez auprès d'Aragorn et veillez surtout sur Legolas. Je ne sais
ce qui est arrivé ici, mais il se sent coupable de ce qui arrive à
son compagnon. J'ai peur qu'il ne fasse une bêtise si… si je n'arrive
pas à sauver notre ami.
- D'accord ! Lancèrent les Hobbits en quittant la pièce pour rejoindre
la chambre d'Aragorn.
Puis, il demanda à Eomer d'envoyer un messager à Minas Tirith
pour qu'il prévienne la famille de Joran de ce qu'il avait fait. Une
fois seul avec Thurinhìl, le Magicien se tourna vers lui :
- Maintenant, je veux que tu me racontes tout ce qui s'est passé depuis
que vous avez quitté la Cité Blanche. Tu ne dois rien me cacher.
Le jeune homme hésita, puis se lança. Lorsqu'il eut terminé,
Gandalf soupira.
- Je savais qu'une telle chose finirait par arriver… mais, je n'aurais
jamais cru que ce serait aussi rapide…
- Vous saviez ? Vous saviez que j'allais tomber amoureux de Legolas et vous
n'avez rien fait ?
- Non. Tel était ton destin… Je n'avais pas le droit d'intervenir…
- Alors, vous me préférez me laisser souffrir ! Vous laissez tout
le monde souffrir sans rien faire ? S'énerva Thurinhìl, rouge
de colère.
- Mon enfant…
- Je ne suis pas votre enfant ! Vous n'avez jamais été mon père
! Je ne veux plus jamais vous revoir !
Et il sortit en claquant la porte. Le Magicien resta immobile quelques secondes,
le cœur serré. Il savait que c'était inévitable, mais
il ne pouvait s'empêcher de se sentir blessé par les paroles de
celui qu'il avait élevé comme son propre fils. Puis, mettant ses
sentiments de côté, il sortit à son tour, se dirigeant vers
les cachots, bien décidé à faire parler Joran.
