Disclaimers habituels : les personnages de X ne m'appartiennent (toujours) pas, etc.

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Chapitre Un

Subaru exhala la fumée de sa cigarette. Il jeta le mégot un peu plus loin et se remit en route. La journée avait été longue, avec de nombreux exorcismes à faire, mais il avait enfin terminé pour aujourd'hui. Il s'arrêta un moment pour regarder le soleil couchant teindre les immeubles en un rouge sang. Les gens passaient autour de lui sans même le regarder, vaquant à leurs occupations, songeant sans doute à ce qu'ils allaient préparer pour le dîner ou à la joie de retrouver leurs familles. C'étaient là des pensées ordinaires, quotidiennes. Mais Subaru ne faisait pas partie de ce monde-là. Peut-être pendant les premières années de sa vie, quand sa grand-mère l'avait autorisé à se rendre à une école maternelle normale... Mais de l'eau avait coulé sous les ponts depuis, et quand il avait été nommé successeur au douzième chef du clan Sumeragi à l'âge de huit ans, tout s'était terminé. Il avait même été séparé pendant quelques années de sa sœur jumelle, Hokuto... Heureusement, ils s'étaient retrouvés plus tard, une fois que Subaru avait achevé son apprentissage.

- Nee-san...

Peut-être aurait-il mieux valu qu'il ne la revoie jamais... Peut-être n'aurait-il dû jamais naître...

Il secoua la tête. Ce genre de pensées ne lui valait rien. Il fallait mieux qu'il se concentre sur le présent... et sur le Sakurazukamori. D'ailleurs, il se demandait bien où il pouvait être en ce moment. Les deux derniers jours étaient plutôt calmes, sans aucun signe des Dragons de la Terre, dont faisait partie Seishiro... Cela dit, les Dragons du Ciel s'étaient eux aussi montrés discrets.

- Si Kamui ne s'est toujours pas remis, songea Subaru, c'est plutôt compréhensible.

Mais tout cela n'était plus de son ressort. Il s'était déjà impliqué une fois dans cette histoire et c'était une fois de trop. De toute façon, que pouvait-il faire de plus ? Il n'était même pas capable de s'aider lui-même ! Ses lèvres s'étirèrent en un sourire sans joie.

- Kamui devra réapprendre à vivre avec ce drame sur la conscience, se dit-il. Et personne ne peut l'y aider, à part lui-même. Toutefois, si les autres Sceaux restent autour de lui pour le soutenir, cela ne peut qu'être mieux. Je ne vois rien d'autre à faire dans l'immédiat.

Son sourire disparut et il reprit sa route, vers son appartement à Shinjuku.

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Le téléphone sonna au même moment où il entrait dans son appartement. Sans hâte, il enleva ses chaussures et entendit le répondeur se mettre en route :

- Je suis absent pour le moment. Veuillez laissez votre message après le signal sonore.

- Subaru, c'est moi...

Il grimaça. Évidemment, ce ne pouvait être que sa grand-mère. Il n'y avait que très peu de gens - pour ne pas dire personne - à posséder son numéro personnel.

- J'ai reçu un appel du jeune Arisugawa.

Arisugawa ? Qui était-ce ? Il ne connaissait personne de ce nom. Quoique, cela lui semblait vaguement familier. Mais où l'avait-il déjà entendu ?

- L'état de Kamui ne s'est toujours pas amélioré.

Aah, il s'agissait donc de ce jeune moine. Subaru se rappelait à présent. Mais en quoi cela pouvait-il le concerner ?

- Il faudrait que tu retournes au campus CLAMP pour voir ce que tu peux y faire.

C'en était trop. Subaru décrocha le combiné :

- J'ai déjà plongé dans son cœur, fit-il. Si cela n'a pas réussi, alors je ne peux rien faire de plus.

- Subaru ?

Elle semblait surprise et pour cause : cela devait bien faire cinq ans qu'il ne lui avait plus adressé la parole. Il évitait même de se rendre à Kyoto.

- Si Kamui n'a plus la volonté de vivre, reprit-il en ignorant sa grand-mère, personne ne peut rien faire pour lui. Il n'existe aucun sort pour redonner l'envie de vivre aux gens.

- Il ne s'agit pas de magie, rétorqua sèchement Lady Sumeragi, mais de réconfort humain.

- Je suis sûr qu'il y a parmi les Sceaux des gens plus qualifiés que moi pour donner du réconfort humain à Kamui.

- C'est pourtant à toi qu'ils veulent faire appel.

Subaru sentit une migraine poindre à l'horizon. Discuter avec sa grand-mère donnait l'impression de vouloir bouger un mur de béton armé.

- Je n'ai pas de temps à perdre avec ça, répliqua-t-il fermement. Mon intervention est inutile.

- Considère alors que c'est un travail.

- C'est inutile.

Il y eut un silence au bout du fil, comme si Lady Sumeragi réfléchissait.

- Que je sache, fit-elle enfin, je suis encore le chef de notre famille. Tu dois donc obéir. De plus, le directeur du campus a officiellement requis ton intervention. Tu ne peux pas refuser.

Subaru serra les poings. Il avait presque envie de jeter le téléphone à travers le salon et d'oublier toute cette histoire.

- Subaru ? que décides-tu ?

Il réprima un rire moqueur : il n'avait rien à décider, n'est-ce pas ? Comme toujours, on prenait les décisions à sa place, ne lui laissant même pas l'illusion du libre-arbitre.

- J'irai, fit-il.

Et il raccrocha aussitôt.

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Le campus CLAMP fourmillait d'élèves. Subaru passa à travers la foule en ignorant les regards qu'on lui lançait. Il savait que le campus était à la pointe de la technologie en matière de sécurité aussi se doutait-il bien que son arrivée était connue du directeur et aussi des Sceaux. Même s'il était finalement venu, il savait que sa présence ne changerait rien à l'état de Kamui. Parce que si cela changeait quelque chose... Si, d'une manière ou d'une autre Kamui lui faisait confiance et avait besoin de lui... On ne le laisserait plus tranquille un seul instant. Il ne voulait plus que l'on dépende de lui : il voulait être libre de pouvoir traquer le Sakurazukamori en paix et de réaliser son souhait...

- Ah, Sumeragi-sama, soyez le bienvenu !

Un homme blond arrivait vers lui, lui tendant la main. Subaru resta sur place, le visage impassible. Il devait s'agir de Imonoyama Nokoru, le directeur du campus. Ce dernier laissa tomber sa main sans pour autant cesser de sourire.

- Nous attendions vraiment votre visite avec impatience ! continua-t-il. Si vous voulez bien me suivre...

Tout en marchant, il se lança dans un discours apparemment sans queue ni tête, mêlant des commentaires sur le campus, les nombreux dossiers à remplir, l'effectif des étudiants ainsi que quelques commentaires vagues sur l'état actuel de Kamui. Subaru n'écouta que d'une oreille, et porta brièvement son attention sur les deux hommes qui encadraient Imonoyama. L'un d'eux avait des réflexes de garde du corps, devina-t-il. Un homme fortuné comme Imonoyama devait prendre certaines précautions.

Ils arrivèrent enfin devant le manoir où logeaient les Sceaux. Subaru sentit une magie subtile autour de la demeure et reconnut des protections. Ce genre de magie ne pouvait avoir été effectuée que par une personne douée. L'image de la prêtresse lui vint à l'esprit. Oui, il ne pouvait s'agir que d'elle, les protections montrant trop de subtilités pour être l'œuvre du moine ou de la plus jeune. Il ne connaissait pas trop les deux autres Sceaux, les ayant à peine entr'aperçus.

- Par ici, je vous prie, fit Imonoyama en ouvrant la porte.

Subaru entra et vit qu'il était attendu : les deux Sceaux qu'il avait rencontrés en premier se tenaient dans le hall d'entrée. Leurs visages étaient plutôt graves. Subaru réprima un soupir : s'ils mettaient leurs espoirs en lui, ils feraient bien mieux d'abandonner tout de suite.

- Bonjour, Sumeragi-san, fit la prêtresse.

Kishuu, se rappela-t-il, elle s'appelait Kishuu.

- Sumeragi-san, fit Arisugawa.

L'ambiance était plutôt grave. Imonoyama fit soudain :

- Bon, eh bien je vais vous laisser entre vous. Pensez surtout à me faire signe si jamais il y a des résultats !

- Vous pouvez toujours attendre, songea Subaru, parce cela ne donnera rien.

Le directeur quitta le manoir, suivi par des deux fidèles aides. Subaru se retrouva seul avec les Sceaux.

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- Son état ne s'est toujours pas amélioré, expliqua Kishuu. Il refuse de quitter sa chambre, même pour se nourrir. Et...

Elle marqua une pause, son visage perdant un instant de sa sérénité, mais cela disparut bien vite et elle reprit, d'une voix calme comme à l'accoutumée :

- Il refuse de quitter Kotori.

Subaru ne put s'empêcher de tressaillir. Ces Sceaux étaient-ils donc inconscients à ce point ? Laisser la dépouille de la jeune fille auprès de Kamui ne pouvait qu'aggraver son état. Il fallait donc la lui enlever, même si cela devait se faire de force.

- Que pensez-vous que je puisse faire ? demanda-t-il soudain.

- Eh bien...

La prêtresse marqua à nouveau une pause, comme si elle cherchait une formulation adéquate.

- Vous l'avez déjà aidé une fois, fit-elle finalement.

- Je n'ai fait que me servir de ma magie, répliqua-t-il.

Elle se tut, ne trouvant rien à redire. Le moine en profita pour entrer en scène :

- C'est parce que Kamui vous fait confiance ! fit-il un peu plus joyeusement. Vous êtes fait pour vous entendre, tous les deux, je l'ai toujours dit ! Vous avez le même caractère de cochon !

Subaru réprima l'envie de frapper ce moine insolent. À sa plus grande surprise, ce fut la prêtresse qui allongea la main pour le frapper sur la tête. Arisugawa tomba du canapé avec un bruit sourd et se releva presque aussitôt, une main frottant l'endroit où il avait mal.

- Miss, fit-il, tu n'es vraiment pas gentille avec ton futur amoureux !

Elle le frappa à nouveau, au même endroit. Subaru avait l'impression de se retrouver dans une scène surréaliste. Il décida qu'il était peut-être temps d'y mettre fin.

- Je vais aller le voir, déclara-t-il, mais il ne faut pas espérer grand-chose.

Le moine le regarda d'un air rempli de doute tandis que Kishuu précisait :

- Cela ne pourra pas être pire. Nous avons tout essayé avant de nous décider à faire appel à vous.

Cela était une bonne chose, se dit Subaru. Au moins ils ne l'appelaient qu'en dernier.

- Je vais vous montrer sa chambre, fit Kishuu en se levant.

***************************

Subaru fut conduit au premier étage et fut laissé devant une porte. Au moins, ils ne restaient pas collés à lui. Ils comprenaient qu'il aurait plus de chance s'il voyait Kamui seul. Il inspira profondément et toqua à la porte. Comme il s'y attendait, on ne lui répondit pas.

- Kamui, c'est moi, fit-il.

Curieusement, il entendit du bruit dans la chambre, comme si quelqu'un remuait sur le lit. Peut-être n'aurait-il pas besoin d'entrer en force, finalement.

- Su... baru ? fit une voix faible.

- Oui, répondit-il, est-ce que je peux entrer ?

Il y eut un moment de silence. Subaru attendit calmement, sans rien presser. Puis la réponse vint :

- Oui...

Il ouvrit la porte.

La première chose qui le frappa, c'était l'odeur de mort qui régnait dans la pièce. Les rideaux étaient tirés et l'atmosphère était saturée de cette odeur. Puis il vit Kamui allongé sur le lit, la tête de Kotori posée sur ses genoux. Subaru ne s'attarda pas trop sur elle. Après deux jours, elle devait déjà commencer à se décomposer et le résultat ne devait pas être très beau à voir. Quant à Kamui, il était très pâle, le visage émacié. Subaru ne comprenait pas comment les Sceaux avaient pu le laisser sombrer dans un tel état. Cela rendait sa 'plongée' dans le cœur du jeune homme inutile.

- Bonjour Kamui, se força-t-il à dire.

- B'jour...

Kamui n'osait même pas le regarder. Ses yeux étaient rivés sur le plancher de la chambre et il resserra son étreinte sur la tête de Kotori.

- On m'a fait venir parce que tu ne vas pas très bien, fit Subaru, faisant bien sentir à quel point cela lui faisait perdre son temps.

Quand le gamin aurait fini de faire ses caprices, peut-être pourrait-il retourner à la poursuite du Sakurazukamori ?

Subaru secoua la tête.

- Je croyais que tu avais un souhait à réaliser ? fit-il encore plus durement. Si tu veux abandonner, abandonne pour de bon !

Il allait continuer ainsi quand il entendit soudain un sanglot étouffé. Il se tourna vers Kamui et vit des larmes perler au coin des yeux améthystes.

- J'ai... j'ai essayé, bafouilla Kamui, j'ai vraiment... essayé, mais... mais je... je...

Il se mit à pleurer pour de bon. Subaru resta un moment confus, puis s'assit sur le rebord du lit pour le prendre dans ses bras. Il n'avait pas voulu se montrer si dur avec le garçon mais cela avait été nécessaire pour obtenir une réaction.

- Tu vois, lui fit-il, tu ne dois jamais oublier cette douleur que tu ressens. Tu dois au contraire t'en servir pour te motiver davantage. Tu sais exactement quel souhait tu veux voir se réaliser alors tu dois t'y consacrer entièrement. Je sais que c'est dur. Je sais qu'il est plus facile de se laisser aller, mais tu dois t'accrocher, sinon tu le regretteras toute ta vie.

Kamui continuait à pleurer mais il hocha tout de même la tête.

- Bien, fit Subaru, à présent, tu devrais te changer et descendre pour manger. Il faut que tu reprennes des forces.

Kamui acquiesça à nouveau. Cependant, il resta un peu hésitant.

- Est... Est-ce que tu restes aussi ? demanda-t-il timidement.

Subaru retint l'envie de lui répondre que non, qu'il avait des choses bien plus importantes à faire. Mais il s'était engagé et il devait tenir jusqu'à ce que Kamui aille mieux.

- Oui, fit-il.

Kamui hocha à nouveau la tête.

- Je pense... je pense, fit-il, que je vais d'abord prendre une douche...

- Fais comme tu veux. Je vais dire aux autres que tu descends.

Il se leva et quitta la chambre. Il descendit quelques marches des escaliers et s'arrêta, tendant l'oreille. Il entendit Kamui farfouiller dans son armoire et quitter sa chambre. Satisfait, il descendit rejoindre les Sceaux.

À suivre...

(Commencé le 8 Juillet 2001, fini le 10 Juillet 2001)