Chapitre 3:

Peu de temps après sont apparus les rêves.

C'était complètement anodin au début. Des formes dansaient devant mes yeux quand je m'assoupissais. Je me réveillais parfois au milieu de la nuit, en cette heure noire ou il n'existe plus de rempart entre la raison et la folie, et je sentais un mal-être dans ma peau. Mais à chaque fois, je me rendormais.

Peu à peu, les formes sont devenues silhouettes.

Seule et perdue dans ma grande salle commune désertée par les Serpentards, je me levais frissonante vers deux heures du matin, et j'arpentais les couloirs comme un fantôme. La fatigue me taraudait, mais certaines horreurs dans mon sommeil me dissuadaient complètement d'aller me coucher.

La fatigue devint ma compagne. Elle m'accompagnait toute la journée, planait sur ma tête comme une menace de mort. Si je fermais les yeux cinq minutes en cours, elle m'emportait dans son royaume de cauchemars. Je perdis l'habitude de cligner des yeux.

Je n'acceptais pas entièrement la domination de mes cauchemars. J'ai essayé, oui j'ai essayé de reprendre le contrôle. Pour ça, il me fallait comprendre ce qui m'épouvantait à ce point. J'ai consommé des potions qui font venir les rêves et les rendent explicites.

Chaque fois, je me suis réveillée avec cette sombre terreur, et cette douleur lancinante au bas du ventre. Mes cauchemars m'engloutissaient, et je ne voyais toujours que des bribes, des scènes coupées, peuplées de silhouettes dansant en cercle autour de quelque chose d'invisible.

J'étais incapable de lutter.

Jusqu'à ce jour où Cassandre survint dans sa chambre, pendant que je faisais péniblement mes devoirs.

- Ambre, dit-elle.

Je sursautai, les nerfs à fleur de peau. Elle vint s'assoir à côté de moi, sur mon lit.

- Ça ne va pas du tout, fit-elle remarquer d'un air compatissant.

Nier n'aurait servi à rien. J'avais les yeux gonflés par la fatigue et la tête comme une caisse de résonnance. J'acquiesçai.

- Est-ce que je peux t'aider? demanda Cassandre d'un air grave.

Il est beaucoup plus difficile de se mentir à soi-même et de cacher son jeu quand on a pas dormi correctement depuis deux semaines. Je m'attardais un instant sur ses yeux fascinants, sur sa bouche aux lèvres fraîches et tendres, sur la pureté des lignes de son visage Je posai ma main sur sa joue et je l'embrassai.

Ce ne fut certainement pas un bon baiser. J'étais engourdie par la fatigue, comme saoule. Cassandre s'y prêta un peu plus longtemps que j'espérais, puis se dégagea.

- Désolée, fit-elle, mais je ne pensais pas à cette forme-là d'aide.

- Il n'y a pas grand chose d'autre fis-je, la voix rauque, encore ennivrée par son parfum.

- Pour commencer, tu pourrais m'expliquer ce qui ne va pas? proposa-t-elle en tentant un sourire engageant.

- Je ne sais pas trop, dis-je en toute honnêteté. Je n'arrive plus à dormir, je je crois que je deviens folle, je me souviens de choses qui n'ont pas eu lieu.

- Quel genre de choses?

- Il y a des hommes en noir, des silhouettes. Et ils dansent, il font un cercle autour de de moi.

Puis je me tus brutalement. Parce que je venais de réaliser que ces choses étaient arrivées.

Pourquoi ne l'avais-je pas compris auparavant? Des silhouettes noires encagoulées, un cercle, et ce rire cruel qui tout à coup résonnait à mes oreilles J'avais fait la rencontre d'un groupe de personnes comme ça, de sinistre mémoire.

Peut-être que, déjà au moment où je me dressais avec vigueur, persuadée d'avoir compris, peut-être qu'à ce moment je savais déjà qu'il s'agissait d'autre chose. Toujours est-il que j'en fis part à Cassandre, et qu'elle trouva l'explication entièrement satisfaisante. Pour elle, il ne pouvait s'agir que du groupe de personnes qui avaient été renvoyés de Poudlard après leurs crimes sur d'autres élèves. Je rêvais du moment où je m'étais retrouvée parmi eux.

J'avais l'intime conviction d'être tout prêt du but. En tout cas, les rêves se calmèrent la nuit même, comme si j'avais trouvé la clé qui les renverrait tous dans le néant et leur barricaderait la porte au nez.

Comment expliquer alors que les rêves aient repris avec tant de vigeur?

Aujourd'hui, c'est le dernier jour au château. J'aurais voulu dormir jusqu'à midi pour ne pas avoir à subir cette ambiance fébrile d'ultimes rangements. Malheureusement, on ne commande pas ces choses-là, et c'est pour ça que je me suis retrouvée sur mes deux pieds dès sept heures du matin. J'ai rapidement fait mes bagages, le résumé d'une année entière de ma vie emballé en quelques minutes, et maintenant il ne me reste qu'à m'absorber dans cette lente et longue communion avec les lieux de sept ans de vie, au terme de laquelle je saurai avec certitude que j'ai haï chaque pierre de ce château et que je ne regretterai pas un instant d'aller étendre mes ailes sous d'autres cieux.

S'il en reste pour vouloir m'accueillir.

In the moonlight I felt your heart

Pourquoi cette chanson me revient-elle en cet instant?

Quiver like a bowstring's pulse

In the moon's pure light, you looked at me

Nobody knows your heart

La musique a monté à mes lèvres et éclaté, pure et haute, dans le silence sacré de la salle commune.

When the sun is gone, I see you

Beautiful and hauting, but cold

Like the blade of a knife, so sharp but so sweet

Nobody knows your heart

All of your sorrow, grief and pain

Locked away in the forest of the night

Your secret heart belongs to the world

Of the things that sigh in the dark

Oh, the things that cry in the dark

"Les choses qui pleurent dans le noir", ça pourrait bien être moi Où est passée la fière et orgueilleuse Ambre? Celle qui n'avait peur de personne? Peut-être qu'elle aussi est morte au fond de ces catacombes

Non! j'avais dit que je n'y penserai plus! Je ne dois pas y penser! Mais mon ventre me lance douloureusement, je l'étreins et la détresse d'une autre époque me revient Les rêves

Je me réveillai en hurlant et le ventre en feu. Les rêves Ils s'étaient fait si présents, si nets qu'ils n'attendaient plus mon sommeil pour me prendre. Même dans la journée, ils me hantaient, souvenirs resurgis d'un passé effacé Mais la nuit, la nuit ils prenaient toute leur force et leur netteté.

Et je ne pouvai plus ignorer leur signification. Même si ma tête niait violemment, mon ventre, lui, savait de quoi il était pris.

J'entendais des voix. Je savais à qui elles appartenaient. Ce qu'elles disaient me faisaient pleurer toutes les larmes de mon corps.

Ce que je ne savais pas, c'était quand. Ça n'avait apparemment pas d'importance, ce qui était important c'est que cela avait été fait, mais pour moi c'était primordial de comprendre. Quand est-ce que j'avais été victime de ça, et pourquoi je ne me rappelais de rien.

Et puis, à force de chercher désespéremment, ma mémoire finit par s'avouer qu'il lui manquait une large bande de temps. Qui se situait en plein pendant les vacances de Pâques que j'avais passées au manoir familial. Six journées manquaient à l'appel. Le trou noir.

J'étais animée d'une rage nouvelle. Tant pis pour toute la souffrance engendrée, je voulais savoir ce qui s'était passé. Je pris des potions et des contre-sorts pour annuler ce qui, j'avais fini par le comprendre, était l'effet d'une annulation de mémoire volontaire.

Le mélange d'astragale et de pois de senteur fit son effet. Je tombai sur le sol et fus entraînée dans un tourbillon d'image terrifiantes qui, je le savais, étaient mes souvenirs manquants.

Cela dura six heures. Six heures qui résumèrent six jours.

Pendant les six heures d'affilée, je ne cessai de pleurer.

Je n'ai jamais été fille à pleurer sans rien faire. Petite, quand les autre enfants me faisaient du mal, j'allais m'entraîner un bon coup contre un arbre en pleurant et en hurlant, après quoi je retournais leur présenter le fruit de mes échauffements. Mes parents me retirèrent de l'école. Je grandis solitaire.

Je n'étais pourtant pas bagarreuse. Violente, sûrement un peu plus. Je ne supportai tout simplement pas l'idée d'être la victime. Après les quelques nez cassés à l'école, j'eus beaucoup moins d'occasion de voir des enfants de mon âge et donc de me faire rabaisser, mais j'entretenai une fierté à tendances destructrices.

Et même si au moment des évènements que je raconte, mon enfance était plus que révolue, j'avais gardé cette fierté. Surtout, je supportai moins que jamais d'être la victime.

Je n'allais pas pleurer sans rien faire.

Les vingt criminels formaient de nouveau un cercle. Ils étaient dans une lande déserte, sur les terres des parents de l'un d'entre eux, rendue incartable et traitée au repousse-moldus.

Ils faisaient cercle autour d'un feu nourri qui montait sous la voûte étoilée, et je me rappelai les avoir déjà comparés au Ku-Klux-Klan.

À l'époque de leur renvoi de Poudlard, nul n'avait su à quoi ils jouaient. Quand j'avais parlé avec Jolin, leur chef et mon cousin, je n'avais pas plus réussi à déterminer leur but.

Maintenant je comprenais. Tous les adolescents ont une certaine attirance pour les arts occultes, surtout quand ils étudient toute l'année une magie blanche, propre et insipide. Cette bande de gamins-là (car pas un n'avait plus de dix-huit ans, après tout) était juste allée plus loin que les autres sur la pente de la magie noire.

Peut-être était-ce dû au chef qu'ils s'étaient trouvé? Jolin était un malade mental. Je l'avais lu dans ses yeux. Il était attirant et ténébreux, mais fou furieux.

Je frissonai en songeant que j'avais eu une relation avec lui, et pas forcée, celle-là. Nous avions couché ensemble pour le plaisir, avant que

Bref, ils étaient en cercle avec des cagoules sur la tête et chacun une pierre magique gravée de symboles occultes dans les mains. J'étais sur le surplomb rocheux juste au-dessus d'eux, et il y avait un sabre dans chacune de mes mains.

J'avais changé mon apparence. Je m'étais dotée de cheveux courts et noirs, d'une peau noire aussi, et de muscles d'acier. J'avais revêtu une tunique de cuir noir qui me donnait vraiment l'allure de ces héroïnes vengeresses. Mes bottes couraient sur la lande dans un silence complet.

Ils avaient entamé leur rituel. Je savais que l'interrompre pouvait se révéler dangereux, et j'attendis en les observant intensément. Les revoir tous, réunis et cagoulés de nouveau, réveillait ma vieille douleur et une terreur que j'essayais d'ignorer.

Je repensai à la petite fille qui allait taper sur les arbres. J'en ressortais avec les phalanges en sang, mais je cassais des nez. J'étais haute comme trois pommes à l'époque.

À un moment, j'entendis un cri horrible. Mes yeux crurent les voir amener une jeune fille enchaînée, arracher ses vêtements, la violer tour à tour Je me forçai à me réveiller. Ce qui avait crié, c'était un démon qui venait de s'incarner

Passons. Cette bande de sales petits rats était plutôt douée pour la magie noire, mais c'est une forme de magie que moi même je déteste. Je ne vous décrirai pas dans tous ses détails le rituel d'invocation de Angh'krhanz, démon d'un ixième cercle des enfers qui les baratina un bon bout de temps sur de quelles multiples façons il pourrait arracher et lacérer les boyaux de leurs ennemis pour les servir. Je me demandai sur qui ils allaient l'envoyer, mais mon cher cousin et sa bande de pourris avaient encore un tout petit peu de jugeotte: ils renvoyèrent simplement le démon chez lui en le remerciant de s'être déplacé. Un instant, j'avais envisagé la possibilité qu'ils le chargent de leur vengeance à Poudlard. Après tout, ils n'avaient pas dû apprécier d'être renvoyés.

Le rituel se termina, la lumière flamboyante du feu décrût. Les vingt silhouettes s'ébrouèrent et se relaxèrent un peu.

C'est à ce moment que j'attaquai.

Je bondis parmi eux comme une ombre vengeresse. J'avais mes deux sabres comme des ailes acérées dans mon dos tandis que j'atterissais au centre de leur cercle.

À la lumière du feu, mes yeux rouges durent les remplir de terreur. Je les avais conçus exprès.

Nous sommes entraînés au combat à l'épée, dans les bonnes familles de Sang-pur, et certains en étaient. Mais la plupart n'avaient jamais touché une arme plus dangereuse qu'un couteau à pain, et tous étaient désarmés. Ce fut un massacre.

Lorsque j'en eux fini avec les dix-neuf encagoulés, je me tournai vers mon cher cousin. Jolin avait attrapé le poignard de cérémonie et le tenait devant lui à la manière d'une épée. Je savais qu'il saurait s'en servir.

Il me scruta un moment, tournant lentement autour du feu pour rester à même distance de moi tandis que j'approchai. Il se tenait en posture de combat, les jambes arquées et le bras droit en défense devant son cur. Il savait que son poignard serait faible face à mes deux sabres.

Il commit l'erreur de parler le premier:

- Qui es-tu? lança-t-il.

Je ne répondis rien.

- Pourquoi les as-tu tous tués?

Cette fois, je ris et continuai à avancer. Il recula un peu plus.

- Qu'est-ce que tu nous veux? essaya encore mon cousin, et je sentis le ravissement m'envahir aux accents de panique dans sa voix.

Je bondis en avant. Il recula plus vite et se cogna à la paroi rocheuse.

Il était bloqué. Il se jeta de côté quand ma première lame s'abattit, et elle ripa sur la roche, mais ma deuxième passa en faucille au niveau de son ventre et le taillada.

Il tomba à genoux. Je m'interdis de réfléchir et je levais ma lame comme une hache. Je ne prêtais aucune attention à ses gargouillis et frappai.

Je m'étais vaguement attendue à ce qu'il mette des minutes à agoniser, au cours desquelles j'aurais exulté et aurais repris ma forme originale pour qu'il me reconnaisse. Rien de tout cela. Je lui avais brisé la colonne vertébrale au niveau de la nuque. Il fit un peu de bruit en tombant dans la poussière, et puis il cessa de se convulser.

La vengeance me paraissait tout à coup beaucoup moins satisfaisante. Je n'y avais pas gagné grand chose.

Je plantai mes deux lames dans la terre et tombai à genoux. L'endroit était désert, incartable, repousse-moldus. Un quart d'heure plus tard, il résonnait encore de mes hurlements sous les étoiles.

Les Serpentards ne sont pas gentils

Je ne fus même pas poursuivie. Un moment j'avais craint devoir changer de nom et d'apparence et quitter à jamais l'Angleterre. Mais toute la communauté des Sorciers savait sans en parler que cette bande de gamins se livrait à des actes formellement interdits et criminels, et si personne ne les arrêtait c'était uniquement à cause de leurs respectables familles. Dans ces conditions, personne ne s'étonna que les plaintes des parents se perdent dans les méandres de la paperasserie judiciaire. Mon crime resta donc impuni. Cela me fit rire. Le système judiciaire de notre communauté était vraiment à pleurer. Tout comme notre gouvernement. Désolant.

Mes sabres, achetés avec la petite fortune offerte par mes chers parents comme argent de poche, furent mis au repos dans une cache secrète, dans le mur derrière mon lit. Ma tenue de vengeur masqué fut brûlée. Je repris mon apparence usuelle. La justice l'eusse-t-elle voulu, rien ni personne ne pouvait m'accuser. Ma vie reprit son cours normalement. Je pouvais enfin dormir tranquille. Et le fait que je sois une meurtrière, inexplicablement, n'y changeait rien.

- Ambre! Eh, Ambre!

Je me retournai. Oz était derrière moi. Il était tard, nous avions passé la soirée à discuter dans la salle commune de Gryffondor et je rentrais à présent me coucher.

- Je peux te parler? fit-il en me rattrapant.

- Ouais?

Je me passai une main dans les cheveux. J'aimais sentir leur douceur. Oz n'était pas un garçon très grand, il faisait une demi-tête de moins que moi. Il continua de marcher tout en disant:

- Je voulais juste te demander, heu À propos des devoirs de potion, tu sais? J'aurais besoin d'aide.

- Ce soir?

- Tu es occupée?

- Non, pas vraiment, mais il est tard, dis-je en souriant intérieurement de son embarras.

- Oh! je ne pensais pas que ça te dérangerait

- C'est pas grave. Tu veux venir chez moi, alors?

- Ouais, je veux bien.

Me demandant quelle était la véritable raison de sa visite, je l'emmenai jusqu'à ma salle commune. J'eus bien vite la réponse: à peine entrés, il alla s'assoir sur la rebord d'une fenêtre et dit:

- Laisse tomber les devoirs. En fait, ce que je voulais, c'était discuter un peu avec toi, en privé. Ça te dérange pas?

- Tu pouvais le dire directement, fis-je en haussant les épaules.

- Non, je ne voulais pas discuter dans le couloir.

- Tu es dans la place maintenant. Je t'écoute.

Il réfléchit un moment:

- Voilà, se lança-t-il. Comme tu as du le remarquer, je j'aime beaucoup Cassandre et je Non, ce n'est pas par là que je voulais commencer.

Il me regarda dans les yeux, dit d'un air décidé:

- On te trouve tous un peu bizarre. Tu es notre amie, et on te soutiendra quoi qu'il advienne, mais on aimerait bien que tu nous dise la vérité.

- De quoi tu parles exactement? demandais-je très tranquillement.

- Je ne sais pas, ton attitude, ton air sombre, comme si tout le monde était après toi Tu n'es pas obligée d'être toujours sur la défensive. Ou alors tu ne te sens pas en confiance avec nous?

- Je crois que tu te trompes, dis-je. C'est juste une impression.

- Et moi, je crois que c'est plus que ça. Tu as des soucis, n'est-ce pas? On a remarqué

J'éclatai de rire. Je repoussais mes cheveux derrière mon épaule, fis un pas dans sa direction.

- Alors vous avez tiré au sort celui qui viendrait essayer de me tirer les vers du nez, c'est ça?

- Non, je écoute Ambre

- Laisse tomber. C'est ça le problème avec vous autres, Gryffondors et autres, vous ne pouvez pas vous empêcher de croire que tout le monde a besoin de votre aide. Je gère mes affaires toute seule, ok? Ce n'est pas ce que je demande à des amis de fourrer leur nez dans mes problèmes personnels. Tu pourras leur dire ça quand tu iras les retrouver.

- Non, Ambre, tu te trompes. Je suis venu par moi-même, parce que Parce que je tiens à toi, tu fais partie de mes amis et je ne voudrais pas qu'il t'arrive du mal.

- Alors tu arrives trop tard, marmonnais-je, mais il ne m'entendit pas.

- Et puis, dit-il, comme tu dois le savoir, j'aime Cassandre, et Cassandre tient beaucoup à toi, elle aussi. Plus que tous les autres, je crois. Je ne voudrais pas qu'elle ait de la souffrance à cause de toi.

- De la souffrance répétais-je tout bas.

- Quoi? fit-il.

- De la souffrance, dis-je plus fort. Tu me fais chier! De la souffrance! Si tu tiens à elle comme j'y tiens, réfléchis un peu avant de parler de souffrance. Qui souffre des sentiments que j'éprouve pour elle, à ton avis?

- Et toi, est-ce que tu le sais? répondit-il du tac au tac. Est-ce que tu l'as déjà vu pleurer? Non, parce qu'elle fait toujours un visage souriant en public. Mais moi je l'ai entendu le soir, quand elle croyait que tout le monde dormait.

- Et j'imagine que tu te trouvais dans son dortoir en toute innocence, persiflais-je.

- Ça suffit, Ambre, je ne suis pas venu parler de ça. Je suis venu t'aider, même si tu n'as pas l'air de t'en rendre compte.

- Pour avoir bonne conscience? Pour te sentir le droit de courtiser Cassandre?

- Non, parce que tu es une humaine et que je suis un humain et qu'il arrive que deux êtres humains s'entraident quand l'un est en difficulté! Humain, entraide, tu te rappelles le sens de ces mots?

- La ferme! hurlais-je.

Il me répondit par un grognement, et je frémis: j'avais complètement oublié l'approche de la pleine lune. Il ne contrôlait pas entièrement son côté lupin. Déjà, sous l'effet de la colère, le pelage gris clair commençait à se développer sur ses avant-bras.

Il le contempla avec calme:

- Oui, tu as remarqué aussi, fit-il. Je l'étais pourtant promis de ne pas m'énerver. Arrêtons-nous là, sinon j'ai peur de te blesser, et alors je ferais exactement la chose contraire à ce que j'étais venu faire.
- Tu parles, fis-je, je peux me défendre contre un pauvre loup.

- À tes risques et périls, dit-il en me regardant d'un air agacé. Je vais quand même rentrer.

- Hep!

Je me mis en travers de son chemin.

- Pas si vite! On a pas fini notre discussion.

- Je n'ai rien de plus à dire.

Il faisait un effort visible pour se contrôler. Sous l'énervement aditionné à l'approche de la pleine lune, ce n'était pas le loup-garou mais le loup animagus qui sortait. Il serait gris avec une tache noire. Mais sa force serait décuplée par celle du loup-garou proche de l'éveil.

Ça m'excitait énormément.

- Oh, si on a des choses à se dire! fis-je. Je fais pleurer Cassandre, disais-tu? Que sais-tu de ce qui la fait pleurer? Pourquoi ne serait-ce pas de l'amour? De l'amour pour moi?

Il inspira profondément pour tenter d'enrayer le processus de métamorphose.

- Écoute Ambre Demain, je je vais demander à Cassandre de sortir avec moi. Et elle va accepter. Il ne peut pas en être autrement. Tu comprends?

À peine avait-il dit ça que j'avais bondi. Métamorphosée plus vite que l'éclair, j'atterris sur sa poitrine et le jetai à terre. Quand il se releva, j'avais en face de moi un loup enragé.

J'étais une panthère, donc plus grosse et plus lourde que lui, mais il avait sa force de loup-garou. Nous nous jetâmes l'un contre l'autre, dressés sur nos pattes arrières à la manière des combats d'ours ou de tigres. Il attrapa mon cou et le mordit violemment, je répondis en labourant sa poitrine de mes griffes. Nos deux sangs jaillirent, se mêlèrent et se répandirent sur le carrelage glacé.

Il me lâcha à peu près au moment où je cessai de le griffer. Nous reculâmes et nous observâmes, haletants à l'unisson et perdant autant de sang l'un que l'autre. Ses deux yeux me transperçaient et les miens le fixaient avec toute l'intensité dont j'étais capable. Peu m'importaient la douleur, la sang ou la violence. Mon cur battait sous l'effet de l'excitation et l'ivresse du combat me faisait tourner la tête. La partie féline en moi avait envie de sentir le sang dans sa bouche, le sang chaud de cet autre, de ce loup, de cette bête.

Mais voilà qu'il bondissait à nouveau sur moi. Je le reçus griffes levées, et nous roulâmes sur le sol dans un tourbillon de pelage gris et or. Nous roulâmes, roulâmes, il essayait à nouveau d'atteindre une partie sensible de mon corps et moi je lui déchirais le dos avec mes pattes antérieures. Finalement, nous nous arretâmes de nouveau comme sur un commun accord et reprîmes notre souffle. J'étais étalée sur le dos, mes pattes enserrant ses épaules de loup, je sentais son haleine de carnassier dans mon oreille et la chaleur de son sang qui me coulait dans la nuque. Je le fis basculer d'un coup de patte et l'immobilisai au sol à mon tour. Toujours haletant, je sentis que je perdais la maîtrise de ma forme animale. Lui aussi. Ses poils s'éclaircissaient et s'espaçaient. Il me repoussa d'une ruade et en même temps que je retombais à côté de lui, nous retrouvions tous les deux notre apparence humaine. Quand il me monta à nouveau dessus, notre étreinte n'avait plus rien de bestiale.

Nous fîmes l'amour comme nous avions combattu, dans l'odeur du sang qui nous rendait tous deux ivres d'excitation. Après cela, nue dans la salle de bain devant un miroir, je contemplai mon corps enduit de sang qui faisait comme des peintures de guerre, mes plaies non refermées qui pulsaient douloureusement, et je me sentis vivante, et victorieuse.

Les Serpentards ne sont pas gentils. Je le sais depuis que je suis dans cette école. Les Serpentards sont vils et manipulateurs. Tricheurs. Lâches. Incroyablement puissants.

Je ne suis une Serpentarde.

Le suivant s'appelait Mathieu, et c'était un Gryffondor. Devant lui je ne me transformai pas, mais je n'en appréciai pas moins le contraste entre sa gentille âme et la mienne, cruelle et méchante. J'avais l'impression de les voir côte à côte, sa belle et pure âme, nourrie aux idéologies du courage et de l'effort toujours récompensé, et la mienne qui flamboyait de passion et de tortures, je les imaginais posées l'une contre l'autre sur l'oreiller, comme si nous nous en débarassions le temps de faire de ce que nous avions à faire.

Notre relation fut aussi brève qu'avec Oz: il reprit sa belle âme et retourna parmi les siens, et moi je continuai à me regarder dans la glace et à ne pas me reconnaître.

Mais peut-être qu'avec ce don de Métamorphmagus je ne me suis jamais réellement reconnue. Qui sait

J'étais mieux que je ne l'avais jamais été. Le sang me réconfortait. Mes deux sabres d'ombre vengeresse soigneusement cachés derrière mon lit me rassuraient, et j'y pensais parfois à des moments inattendus, et ça me faisait chaud au cur. Je continuais à travailler mes cours parce que j'avais la responsabilité de faire gagner ma maison à la Coupe, mais je n'avais strictement aucun intérêt dans la réussite ou l'échec de mes études. Je détestais Poudlard, mais je détestais aussi le monde extérieur, parce qu'il me faisait peur. Heureusement, j'avais mes dons pour me dissimuler, et mes sabres pour trancher.

Ah! Quand j'y repense Quelle adorable petite Ambre j'étais à cette époque! Hantée par un démon tel qu'elle ne voyait plus que son ombre et cherchait à l'abolir par toutes les lumières, même les plus obsures Je suis une meurtrière, et alors? Personne ne l'a jamais su. Enfin pas pour ce meurtre-là

Ne pas recommencer à pleurer.

Il est toujours aussi tôt le matin, et c'est toujours le dernier jour de ma vie que je passe à Poudlard. Je n'y tiens plus. Me souvenir de ma splendeur passée ne suffit pas à combler le trou béant qui ronge mon cur. Cela fait trop de jours, trop de jours qu'il est là, dans ma poitrine. Il me fait mal. Je n'ai plus assez d'eau dans mon corps pour pleurer de nouveau.

Je sais ce que je vais faire. Il n'y a rien d'autre qui puisse me distraire, et puis ils doivent tous encore dormir

Je me lève et quitte ma salle commune.

Je marche dans les couloirs familiers sans même les voir. J'ai la vision d'un corps serpenteux au coin de l'il. Plusieurs fois je me retourne pour vérifier que rien ne rampe dans mes pas.

J'arrive à la tour ouest et je grimpe les escaliers. Cet endroit m'est presque aussi familier que mes quartiers à moi Il me rappelle des souvenirs que je croyais engloutis par l'abîme dans ma poitrine depuis longtemps déjà

- Plaît-il? me demande l'espèce de personnage de tableau obèse à la robe barbie qui se prend pour une gardienne.

- Je veux passer.

- Plaît-il? a-t-elle la mauvaise idée de répéter.

- Tu veux mon poing dans la figure? dis-je d'un ton méchament menaçant.

- Le mot de passe? fait-elle sur le ton ampoulé de la dinde qui se croit invitée au dîner de Noël et qui n'a pas compris la blague.

Je reviens sur mes pas, sans écouter les grognements de la bonne femme qui considère que j'aurais pu m'excuser pour le dérangement. Une fois le coin du couloir tourné, je me transforme en panthère et je fais demi-tour.

Elle a crié très fort pendant que je la déchiquetais. Elle a du alerter tout le château. Mais peu importe, sous cette apparence je suis inaccusable, et de toute façon c'est le dernier jour et ils ne me retrouveront jamais après ça.

Une fois le tableau suffisament détruit, il m'est possible de rentrer dans la salle commune. Personne à l'intérieur, ils ont du tous aller manger typique des Gryffondors d'être bien à l'heure le jour des vacances.

Je monte l'escalier qui mène au dortoir des filles. Que le sortilège ne fonctionne qu'avec les garçons, pas les animaux, ou que l'escalier ait reconnu que je suis une fille en réalité, il ne se transforme pas en toboggan. Arrivée au dernier étage je pénètre dans le dortoir des septième année.

Il règne une ambiance de veillée funèbre ici. C'est très éprouvant pour moi, mais je continue à avancer. Le lit de Cassandre est le quatrième de la rangée. Je veux m'y lover, m'y endormir et ne jamais me réveiller. Mais je suis venue pour une mission précise. Les Gryffondors vont bientôt revenir.

Sauf qu'il n'est plus là où je pensais. Le journal de Cassandre. Ça alors! Elle le laissait toujours dans sa table de nuit! Quelqu'un l'aurait pris pour le lire? Janet? Lizzie?

De mes pattes de félin, j'attrape la valise de Cassandre qui git sous son lit et fais basculer le couvercle. Je fouille dans ses vêtements, ses vieilles affaires Je ne pense à rien d'autre qu'à trouver ce journal, si jamais mes pensées glissaient sur autre chose je me mettrais à sangloter et je serais incapable de bouger

Où est-il? Depuis sept ans que je la connaissais, elle n'avait jamais changé son journal de place! Qui lui a pris?

- Ambre!

Je sursaute et me retourne. Devant l'entrée du dortoir, il y a Janet, l'air furieuse, et derrière elle Lizzie. Elles me bloquent la sortie.

- On sait ce que tu cherche! Va-t-en!

Immédiatement je me retransforme. Elles ont un mouvement de recul toutes les deux en découvrant mon apparence humaine.

- Ne crois pas nous amadouer comme ça! crie Lizzie. On sait ce que tu as fait au tableau de la Grosse Dame.

- C'est vous qui l'avez? je demande en m'approchant à pas lents.

- Oui! Recule!

- Pourquoi? fais-je sans cesser d'avancer. Depuis quand tu as peur de moi, Janet?

- Tu sais pourquoi j'ai peur! Tu as encore du sang sur les mains pour tous tes crimes!

- Je croyais que tu m'avais pardonné! crie-je d'une voix mi-accusatrice, mi-hystérique. Ce n'est pas ce que tu as dit, Janet? Tu m'avais pardonné et tu voulais bien faire comme avant!

- Pas du tout! Ça ne pourra jamais être comme avant de nouveau! On dirait que tu ne te rends pas compte de tes actes, Ambre, mais tu as perdu la raison depuis longtemps!

- Donnez-moi le journal.

- Il n'est pas question que tu y touche! crie Lizzie à son tour. Ce sont les histoires de Cassandre!

Je bondis sur elle et la cloue au mur. Normalement, Janet n'aurait pas du réagir. Elle a peur de la violence. Mais apparement elle s'est faite à l'idée, puisque sans hésiter elle prend un livre sur une table de nuit, pendant que je force Lizzie à s'agenouiller, et me le fracasse sur la nuque.

Elle aide Lizzie à se relever et elles me toisent toutes deux de haut. Je suis en train d'essayer de me remettre à genoux. La douleur est insupportable et me paralyse.

- Tu vas quitter cet endroit, Ambre, dit Janet d'un ton sans réplique. Le Poudlard Express part dans quelques heures. On ne se verra plus jamais. Mais même si tu reviens, je veillerai personnellement à ce que tu ne mettes jamais la main sur le journal de Cassandre.

Je me remets debout. Je dis:

- Donne-moi son journal.

- Viens le chercher.

Elles ont sorti leurs baguettes. Je sors la mienne, mais je la garde dirigée vers le sol.

- Écoutez, je ne veux pas me battre. Je veux juste de journal.

- Pourquoi? lance Lizzie.

Je ne réponds pas.

- Alors ce que tu lui as fait ne te suffit pas? demande Janet d'une voix aiguë. Tu dois en plus violer sa mémoire, ses écrits les plus intimes? Qu'est-ce qui te fait

Mais je ne la laisse pas finir sa phrase:

- Stupéfix!

Janet tombe par terre. Lizzie va me lancer un sort, mais je suis plus rapide et je fais voler sa baguette. Elle est à présent désarmée, et je la prend à la gorge et la plaque contre le mur.

- Où est le journal?

- Lâche-moi, gargouille-t-elle.

Je serre un peu plus fort. Elle essaye de me frapper mais ses coups ne me font rien. Alors qu'elle commence à faiblir, je répète ma question.

- Dans dans fait-elle.

- Ouais?

- Dans le matelas d'Agnès.

- Merci, dis-je en lui donnant un coup de poing pour l'assomer.

Agnès est une fille de leur e. Je vais jusqu'à son lit et je fend l'enveloppe du matelas. Les plumes volent, je les chasse à grands gestes, et tout au fond je le trouve enfin: rouge, épais comme la tranche d'une main, ses pages couvertes de l'écriture déliée de ma Cassandre, son journal.

"Mer 21 01

Temps de merde. Rêve: j'étais dans un supermarché avec mes parents et on achetait plein de lessive pour laver mon balai, pour que je sois performante pour la Coupe du Monde parce qu'elle était dans une semaine. Idiot.

Lun 2 02

Ai presque terminé l'histoire du môme voleur de vie. Arrive pas à trouver les dernières pages, pour lier avec la chute. J'aimerais bien avoir une Pensine pour sauvegarder toutes mes inspirations.

Ai raconté une histoire à Ambre et aux autres aujourd'hui. Ça parlait d'une quête pour retrouver les deux fragments d'une magie qui devrait servir à sauver le monde. Pourrait être exploité.

Ambre m'écoutait passionément. Arrive pas à croire que c'est la même Ambre qu'il y a seulement quelques mois. Elle est transformée.

Dim 8 02

On aurait peut-être pas du arroser comme ça la fête d'hier soir. Ambre a flirté avec moi, et je me suis laissé faire. Je croyais qu'elle était aussi saoule que moi, mais maintenant je me rends compte qu'elle savait très bien ce qu'elle faisait. Je sais pas quoi penser. D'accord, c'est une fille, mais il n'y a pas que ça. Elle était vraiment très bizarre avant. Oz dit qu'elle a des pulsions violentes, enfin il peut parler lui c'est un loup-garou. Moi j'aime beaucoup Ambre, mais j'arrive pas à savoir à quoi rime ce "j'aime".

Mardi 10 fév

J'ai la réponse à la question de l'autre jour. Je fais comme si de rien n'était, et tout se passe très bien. Je ne veux pas sortir avec ma meilleure amie. Ça ne peut pas se faire.

Rêve flippant cette nuit: j'étais au sommet d'un immeuble avec le vieux Dumbledore. Il y avait beaucoup de vent et beaucoup d'immeubles aux pieds du nôtre, mais c'était le nôtre le plus haut et il faisait nuit. Dumbledore me disait: "Tu es une gentille fille. Maintenant, on va voir si tu as confiance en moi. Saute." Là je m'approchais du bord et je sautais. Le chute était longue, longue, longue Mais je me suis réveillée sans jamais m'écraser.

Jeu 12 02

Ambre me presse de lui donner une réponse. Elle le dit pas explicitement, mais elle arrête pas de me prendre à part. Elle a essayé de m'embrasser tout à l'heure. J'en ai marre. Je veux pas lui mettre un rateau. J'ai pas envie de lui faire du mal.

Nouveau rêve débile: je me prenais pour le môme voleur de vie dans mon histoire. J'arrivais à Poudlard et je disais: "désolé, c'est la seule manière de survivre, il faut que je vous prenne un peu de vie, ça fera pas mal vous inquiétez pas." Et au moment où il allait prendre la mienne, il y a Janet qui s'est jetée et qui a dit: "Non! ne la tue pas elle, plutôt moi!" Là le môme se transforme en un serpent énorme avec un truc rouge sur la tête, et mord ma Janet. Et moi je hurlais comme une folle, et tout le monde s'en foutait

Je ne sais pas si je dois sortir avec Ambre. C'est grave de sortir avec sa meilleure amie?

Vendredi 13 février

Ok, on a pas choisi la bonne date. J'y suis pour rien.

Ça s'est passé après l'entraînement de Quidditch. J'ai accepté, c'est tout. J'avais l'impression d'avoir enfin trouvé la réponse. C'était bien.

Lundi 15 mars

Dormi avec Ambre dans sa salle commune. C'est super, un grand dortoir vide pour nous. Quand je me suis réveillée dans ses bras j'avais son parfum sur ma peau. Je suis heureuse.

27 mars

Oz me regarde bizarrement. Je croyais qu'il avait compris qu'entre lui et moi c'est fini. Apparemment il se sent trahi. Les autres aussi. Pourtant, Pol et les filles s'entendent bien avec Ambre cette année. Elle a vachement changé. Je vois pas pourquoi Oz se méfie encore d'elle.

Aujourd'hui je l'ai vue revenir de la Forêt Interdite. J'aurais bien aimé y aller avec elle. Elle m'a pas dit ce qu'elle y faisait, juste: "je rendais visite à mes démons". Je sais pas ce que ça veut dire.

2 avril

Ça me regarde pas, mais je m'en fiche. J'ai le droit de savoir. Je pense pas qu'elle m'en veuille, ou alors c'est la preuve qu'elle ne m'aime pas tant que ça. Je vais la suivre dans la Forêt. C'est pas normal qu'elle y aille aussi souvent.

plus tard: j'ai pas réussi à comprendre. J'ai perdu sa piste. Mais elle m'a donné l'impression de simplement se balader. Ses "démons" ça serait ce à quoi je pense? Pourquoi elle a besoin d'aller dans la Forêt Interdite si c'est juste pour réfléchir sur elle-même?

jeudi 8 02

Bientôt les vacances. J'ai invité Ambre chez moi. Elle était transportée de joie. Elle n'a même pas réagis au fait que c'est une maison moldue. Ce n'est vraiment plus l'Ambre Black du début. Fréquenter des Gryffondors et des Serdaigles l'a complètement changée. Je l'aime.

Dim 25 02

C'était génial. On a passé deux semaines de folie. Elle a été parfaite avec mes parents, pas du tout distante ni rien. Eux ont été plutôt surpris par son apparence. Je crois pas qu'ils se doutent que c'est ma petite amie.

Mar 4 mai

Je commence à écrire l'histoire du petit sorcier à Poudlard. Ambre arrête pas de me dire que ça n'intéressera personne, mais elle m'écoute avec fascination quand je la raconte et après elle me rappelle mes idées quand elles m'échappent au moment de les écrire. Les révisions pour l'ASPIC commencent à me prendre la tête. J'en ai même rêvé cette nuit, quelle joie.

Mer 12 05

J'ai vu Ambre passer en transportant des ufs dans ses bras. Elle ne m'a pas vue, et je l'ai pas suivie. Je me demande à quoi ils allaient lui servir? Des potions expérimentales?

Jeudi 13

Rêve: j'étais un auteur hyper-connu et je vendais des milliers d'exemplaires de mon livre sur le petit sorcier à des moldus, qui se l'arrachaient et voulaient même en faire un film. Complètement aberrant.

Je vois moins Ambre en ce moment, on est tous trop occupés à réviser. En cours Rogue fait exprès de nous donner des kilotonnes de devoirs, comme si on avait que ça à faire. Plus qu'un mois à voir sa tête de fromage, à ce sale pou.

Sam 22 05

J'écris, mais je sais pas trop ce que je veux raconter. Je suis encore trop bouleversée pour dire ce que j'ai vu.

Je comprends même pas pourquoi elle a fait ça. On dirait que c'était juste pour s'amuser: elle a fait apparaître un serpent avec sa baguette et elle s'est mise à lui parler. Au début elle lui parlait normalement, et je lui disais que c'était inutile et qu'il la comprenait pas. Là elle s'est mise à faire des sons bizarres et le serpent s'est arrêté et il l'a regardée, oui, je l'ai bien vu la regarder! Et j'ai compris qu'elle parlait en Fourchelangue! Je comprends pas, ça me fait peur Où est la Ambre que je connaissais? Elle m'effraye

Sam 29 05

Il ne s'est plus rien passé de bizarre depuis une semaine, même si j'ai fait des rêves un peu dark. Je crois que Ambre essaye de se racheter. Elle a été hyper gentille. Je me demande ce qu'elle aime en moi. Quant à moi je commence à avoir des doutes sur elle: est-ce la vraie Ambre que j'aime? Est-ce qu'elle ne me montre pas une seule facette, la seule qui soit aimable?

Jeu 3 juin

Pas beaucoup de temps avec les révisions. Mal dormi. Sommeil.

Lun 7 juin

Je stresse à fond. J'ai encore rêvé des ASPIC. Marre de taffer du matin au soir.

Jeu 10

C'est aujourd'hui le début des épreuves!!!!!! g peur

Ven 18 juin

Eh ben ça s'est pas trop mal passé! Je suis super heureuse d'en être enfin débarrassée. J'ai sauté partout à la fin de la dernière épreuve! Il a fait super chaud les deux derniers jours, c'était lourd, mais maintenant on peut en profiter! Avec toutes ces révisions, mon bronzage a pris du retard. Je vais retrouver Oz et les autres sur la pelouse du parc.

Ven 25 juin

Il s'est passé un truc bizarre aujourd'hui. En passant au 2e étage tous les couloirs étaient inondés, encore un coup de Mimi Geignarde. Je suis rentrée en pataugeant dans les toilettes pour aller fermer les robinets, et là je suis tombée sur mon Ambre, debout dans la flotte, qui parlait en Fourchelangue à un lavabo. Et le lavabo s'est mis à bouger! Il s'est ouvert en deux, et un grand trou est apparu Ambre ne m'avait pas vue, elle a avancé et elle s'est laissé tomber dans le trou Je ne comprends pas, mais ça me fait penser à quelque chose de désagréable. Est-ce que je dois en parler aux autres? J'ai de plus en plus l'impression que l'Ambre que j'aimais n'est pas la même que celle qui prend le dessus en ce moment. Mais tout ce qu'on a vécu ensemble, ça compte pour du beurre? Notre belle histoire d'amour, c'était que des mensonges? Je ne sais plus où j'en suis. Je vais peut-être aller leur demander conseil. Après tout, c'est mes amis

plus tard: j'ai eu raison. Mais ça me terrifie. Mais il faut que je fasse quelque chose. Moi seule peux stopper ça.

Pol avait ses cousins à Poudlard quand ça s'est produit la dernière fois. Ça s'appelle la Chambre des Secrets. Quelque chose de terrible y réside, quelque chose qui peut éradiquer tous les enfants de moldus de Poudlard. Je me refuse à croire que Ambre veuille faire une chose pareille, mais il paraît que la dernière fois c'était la cousine de Pol et qu'elle était possédée. Ça expliquerait pourquoi Ambre agit aussi bizarrement parfois et normalement le reste du temps.

Les autres ont essayé de me dissuader d'y aller, ils veulent attendre que Ambre revienne et l'interroger. Mais je veux y aller. Si elle est possédée, je pourrai peut-être l'aider. Sinon, moi seule peux la ramener à la raison. Elle m'aime depuis toujours, les autres sont catégoriques là-dessus.

Je vais me changer en chouette pour aller voir, peut-être que je risquerai moins. J'ai très peur"

Je souris tout doucement en refermant le journal. Je pensais y trouver des armes pour me défaire de mon amour insensé et de ma culpabilité. Mais je n'y ai trouvé qu'un surplus d'amour qui a sombré au fond de mon cur, comme tout le reste.

Cassandre, je n'étais pas possédée. Je croyais agir pour me venger du Choixpeau et de toutes mes souffrances d'être la dernière des Serpentards. Maintenant, je ne suis plus sûre de rien.

Quand j'ai tué les vingt fous, je n'ai ressenti aucune culpabilité parce que je ne faisais que me venger. Mais toi, toi je t'aimais, et j'ai lancé mon Basilic sur toi.

Je sais maintenant qu'on ne pouvait pas aller ensemble toutes les deux. Ton âme était pure et limpide, alors que la mienne est toujours plus flamboyante de méchanceté et de folie.

J'ai été obsédée par ton corps, ton sourire, ton parfum pendant de si longues années. Mais quand je t'ai enfin eu pour moi, il a fallu que je te tue.

Pardonne-moi. Attends-moi.

Le soleil scintille dans le ciel de juin. Il scintillait de même quand on l'a portée en terre. Je ne veux plus jamais voir aucun soleil briller. Je veux que le monde pleure avec moi. Je veux m'envoler.

Je me suis regardée dans une glace tout à l'heure, et j'ai compris la frayeur de Janet et de Lizzie. C'est que sans le vouloir, j'ai changé de forme. Je me suis donné des yeux verts, rêveurs, et de longs cheveux châtains. Je suis devenue Cassandre. Celle que j'aimais et que j'ai tué.

Je me suis effondrée devant le miroir. J'ai tellement honte de moi-même.

Le soleil chauffe ma peau. Je ne le sens même plus. Pourquoi ai-je ouvert la Chambre des Secrets? Par amusement sans doute. Pour accomplir la stupide prophétie du Choixpeau qui me condamnait à être la Dernière. Eh bien je le suis, la Dernière. Et il n'y en aura pas eu de pire, croyez moi. Peu de Serpentards ont honoré leur ancêtre comme je l'ai fait. J'ai encore le goût du sang sur ma langue. Les Serpentards ne sont définitivement pas gentils

Le trou béant dans ma poitrine ne se rebouchera jamais. Aujourd'hui me fait mal et j'ai peur de demain. Mais il me reste encore une curiosité, une seule. Elle m'a toujours fait peur, aujourd'hui elle m'attire. Je vais vers elle.

Cassandre volait tellement bien Elle adorait voler. Elle était si gracieuse. Moi je n'ai jamais su ce qu'était le bonheur de voler. Aujourd'hui je veux en avoir une dernière vision.

Je suis venue lire le journal au sommet de la tour. Je serre une dernière fois contre mon cur le petit carnet rouge aux pages noircies des pensées intimes de ma bien-aimée. Puis je le dépose soigneusement sur le muret. Mes jupes m'encombrent tandis que j'enjambe le rebord. Bientôt, elles ne me gêneront plus.

Je repense à la brûlure du soleil, aux rires, aux moments partagés et aux émotions intenses. Ils me paraissent loin, dissimulés derrière un brouillard épais. Tout est terne. Je ferme les yeux, et je me souviens comme c'était bien de vivre.

Puis je m'élance.

La chute est longue, et puis la lumière de Cassandre m'envahit

— Fin —