Titre : Ames Sœurs
Livre I : Entre l'Ombre et la Lumière
Auteur : Ombre/Aakanee
Genres : Romance, action, suspense, souffrances morales et physiques, drame, une grosse pointe d'humour (un mélange d'un peu tout quoi)
Avertissement : Violence, allusion à un viol (allusion seulement, rien de graphique ni de descriptif), slash (relations homosexuelles)
Rating : R (en conséquence de l'avertissement)
Base : Harry Potter
Résum : Deux après après la chute de Voldemort, la vie à Hogwarts a repris son cours normal. Mais une relation improbable va venir bouleverser l'existence tranquille de ses habitants et précipiter le retour d'un monstre plus dangereux encore que le Seigneur des Mangemorts.
Notes : Après presque trois ans passés à écrire cette histoire (toujours en cours), j'ai enfin décidé de revoir mes chapitres afin de rafraîchir les plus vieux, rectifier les incohérences (le scénario ayant beaucoup évolué) et me rapprocher un peu plus des personnages des livres qui pour certains resterons cependant très hors caractères, enfin…
Je n'ai toujours lu que le premier ouvrage de cette longue lignée, mais j'ai suffisamment parcouru de fictions pour me familiariser avec l'univers. J'espère donc, pour ceux qui découvriront cette histoire, qu'ils y trouveront leur plaisir. Je tiens à rappeler que l'avertissement n'est pas là par hasard, prenez bien note qu'il ne s'agit pas d'une histoire d'amour avec pitites zabeilles, fleurs bleues et ziozios. J'ai essayé de construire un scénario assez cohérent et sombre. Et je suis en général sans pitié avec mes personnages.
Sachez pour ceux qui l'ont déjà lu que pas mal de modifications vont être apportées à l'histoire, notamment le nom de certains personnages, mais aussi au niveau du scénario, rien de bouleversant, mais suffisamment important pour qu'il vaille mieux les relire.
Enfin, je n'ai pas de béta-lecteur, il se peut donc (c'est même une certitude) que des nombreuses fautes se soit glissées dans le texte, d'avance je m'en excuse.
Dernier avertissement : préférant les noms anglais à leur traduction française, j'ai décidé de garder la plupart dans mon histoire, voici la liste des correspondances :
Mme Pomfresh Poppy Pomfrey
Severus Rogue Severus Snape
Argus Rusard Argus Filch
Pénélope Deauclaire Penelope Clearwater
Olivier Dubois Oliver Wood
Neville Londubat Neville Longbottom
Drago Malefoy Draco Malfoy
Peter Pettigrow Peter Pettigrew
Tom Elvis Jedusor Tom Marvolo Riddle
Poudlard Hogwarts
Croûtard Scabber
Hedwige Hedwig
Miss Teigne Mrs Norris
ASPIC (Accumulation de Sorcellerie Particulièrement Intensive et Contraignante) N.E.W.T.S (Nastily Exhausting Wizarding Tests)
Gryffondor Gryffindor
Poufsouffle Hufflepuff
Serdaigle Ravenclaw
Serpentard Slytherin
Poudlard Express Hogwarts Express
Je tiens à remercier encore une fois toutes les personnes qui suivent cette histoire depuis le début et m'encourage régulièrement. Je m'excuse encore une fois pour les délais d'attente et souhaite une bonne lecture à ceux qui vont encore s'aventurer au-delà de cette note. J'espère qu'elle vous plaira.
AMES SŒURS
Livre I : Entre l'Ombre et la Lumière
Chapitre 1
Rencontre
Ron soupira et se glissa avec la plus grande prudence dans l'entrebâillement de la porte. Il regarda autour de lui, essayant avec plus ou moins de succès de percer les ténèbres du couloir pour s'assurer que ni Argus Filch, ni Miss Norris, son insupportable matou, ne le surprendrait.
Il avait déjà fait perdre aujourd'hui plusieurs points aux Gryffindors grâce au Professeur Snape et un cours de potions des plus farfelus : fabriquer une poudre « à pleurer à chaudes larmes de crocodiles ». Une formule étrange pour des dernières années qui se consacraient désormais presque exclusivement aux arts utiles de la magie et qui lui avait valu de faire pleurer toute sa classe, après un « léger » débordement de situation. Neville, toujours aussi distrait, avait largement contribué à la catastrophe, inversant les proportions des deux ingrédients essentiels : la bave d'alligator et la rosée des marais gluants. Mais comme Ron avait préparé la potion sans vérifier les actions de son jeune collègue – une faute grave s'il en était une - il s'était vu attribuer la responsabilité du désastre, malgré les protestations de Longbottom.
Ou comment sacrifier cinquante points à l'avantage des Slytherins et se sentir encore plus misérable qu'il ne l'était.
Pour peu ses compagnons en auraient pleuré. Sauf, bien entendu, qu'il le faisait déjà. Ils avaient bien essayé par la suite de le rassurer, de lui affirmer que cela n'avait pas d'importance, qu'il n'était pas en faute, mais leurs regards détrompaient leurs paroles. Même Harry et Hermione n'avaient pu masquer leur colère et leur déception. Et il ne pouvait leur en vouloir. Surtout pas au jeune homme qui se démenait comme un beau diable à chaque match de Quidditch pour attraper le Vif d'Or et tenter ainsi de creuser l'écart avec les Slytherins. Il y était parvenu brillamment deux jours plus tôt après à peine vingt minutes de jeux, mais toute l'avance qu'il avait pu leur assurer, s'était vu plus qu'amoindrie par sa nouvelle bêtise.
Il semblait les accumuler depuis quelques temps. Sur les sept dernières accidents qui leurs avaient coûtées des points, il était directement ou indirectement responsable de six d'entre eux. A croire qu'une malédiction pesait sur chacun de ses gestes ou de ses mots. Et à chaque erreur, c'est un gouffre un peu plus grand qui semblait se creuser entre lui et ses proches. Une faille née de la Dernière Guerre et qui n'avait eu de cesse de s'élargir depuis.
Non, vraiment ce n'était pas le moment de se faire prendre.
Bien sûr, le moyen le plus sûr aurait encore été de rester dans sa chambre, mais il n'y tenait pas. La journée avait été pénible, aussi bien physiquement que mentalement et son esprit refusait de le laisser en paix. Il ne parvenait qu'à se retourner encore et encore dans son lit, sans pouvoir trouver le sommeil. Cela lui était devenu insupportable et il n'avait pas hésité à briser l'interdit pour trouver un peu de paix à l'extérieur des murs du vieux bâtiment. Ce ne serait pas la première fois et quel meilleur endroit pour réfléchir que le calme du toit de la plus haute tour de l'école.
Encore fallait-il y parvenir sans se faire remarquer.
A pas de chat, un œil traînant toujours un peu partout, il se faufila dans l'immense couloir et entreprit de gravir, le plus vite possible, la ribambelle d'escaliers qui devraient le mener à une paisible, bien qu'illusoire et trop courte, liberté. Il savait que la redescente serait pénible. Demain ne serait pas un jour heureux dans la vie de Ron Weasley. Mais quel jour l'était encore ?
Il espérait pourvoir goûter un peu de paix, même pour quelques heures.
Il crut son cœur prêt à exploser lorsque, s'appuyant un peu plus longuement sur une marche qu'il ne l'aurait du, celle-ci grinça dans un craquement terrible à ses oreilles qui sembla se répercuter sur tous les murs de l'ancestrale bâtisse. Décomposé, en sueur, il retint son souffle et se fondit dans l'ombre la plus proche, attendant avec une anxiété croissante le moment où il serait démasqué.
Il se maudit intérieurement de ne pas avoir pris la cape d'invisibilité d'Harry, tout en sachant qu'il n'aurait pu le faire sans attirer l'attention de son ami et par la même occasion des questions auxquelles il ne tenait pas à répondre.
Les minutes s'écoulèrent avec lenteur alors que le sang rugissait furieusement à ses tempes et qu'il tremblait d'un désespoir à peine concevable. Ce qu'il n'avait pas réalisé, c'est que le craquement, à peine l'écho d'une brindille brisée, n'aurait pas attirer l'attention d'une sourie et donc moins encore celle de Filch. Il perdit ainsi de longs instants en angoisses, puis, lorsqu'il fut convaincu que tout danger était écarté, s'accorda un soupir, calmant les battements affolés de son cœur, pour repartir.
Ses premiers pas furent tout d'abord prudents, à la recherche d'autres marches traîtresses, puis il gagna rapidement en assurance et il ne lui fallut que cinq minutes ensuite pour parvenir à l'ultime escalier.
C'est sa joie et son empressement à les monter qui faillirent le perdre.
Il allait s'élancer, tout inhibition levée, impatient de pouvoir enfin sentir l'air frais du soir glisser sur sa peau et apaiser ses nerfs à vifs, lorsque son instinct le stoppa net.
Il lui semblait vaguement avoir perçu un bruit.
Un légère hésitation et il se fondit au plus près du mur du couloir, retenant son souffle.
Son cœur n'eut pas le temps de battre deux fois avant que deux figures bien connues n'apparaissent devant lui.
Les professeurs McGonagall et Flitwick s'avançaient en silence dans sa direction, le pas déterminé, mais le visage morose et presque inquiet.
Il est l ! Déclara soudain la sorcière, le regard tourné dans sa direction.
Ron, livide, sut qu'il était découvert et crut pleurer. Il n'avait aucune excuse à présenter, aucun moyen de s'échapper et serait, une fois encore, responsable des malheurs de sa maison.
Vous êtes sûre ?
Oui !
Il allait se montrer, penaud et contrit, lorsque McGonagall reprit parole.
Il ne peut être que dans cette aile. Nous allons le retrouver. Nous devons le retrouver. Merlin sait ce qu'il est capable de faire.
Si seulement nous avions su…
Les « si » ne mènent à rien pour l'instant, répondit la sorcière avec colère et… tristesse ? Ce qui est fait est fait. Il faut avant tout le trouver avant qu'il ne commette l'irréparable.
Mais nous savions, vous comme moi, que nous prenions un risque en agissant ainsi. Nous aurions du être plus prudent. Une telle chose était prévisible.
McGonagall s'arrêta, le regard tourné vers des ténèbres qu'elle seule pouvait voir.
Je sais, mais cet enfant est un tel mystère, un tel caractère. Qui aurait imaginé… qui aurait pu croire… je… je ne savais pas…
Sa voix devint un murmure et Ron écarquilla les yeux de surprise lorsqu'il comprit qu'elle sanglotait.
Il ignorait tout des évènements qui avait pris place et « qui » ils concernaient, mais de toute évidence, il s'était passé quelque chose de très grave. Suffisamment pour ébranler l'un des professeurs les plus froids, distants et si plein de confiance en soi. Minerva McGonagall était gentille à sa manière, mais le jeune homme l'avait toujours perçu comme un roc. La voir ainsi s'effondrer était un véritable choc. Il ne savait pas à quoi elle avait participé, mais visiblement les conséquences avaient été terribles.
Tombant de Charybde en Sylla, les convictions du jeune homme s'effondrèrent un peu plus, lorsque Flitwick la pris gentiment dans ses bras pour la calmer. La détresse de son professeur était si profonde que Ron lui-même fut tenter d'en faire autant. Il se retint juste à temps. Dans un premier temps, il n'était pas censé se trouver dans ce couloir en plein milieu de la nuit et de plus, il doutait qu'elle apprécie d'être vu ainsi par une autre personne. Par un élève encore moins que quiconque.
Il retint donc son mouvement d'élan et se ratatina un peu plus sur lui-même pour être sur de ne pas être vu.
Finalement le son des sanglots s'apaisa et il vit le professeur d'enchantement s'écarter, comprenant qu'il n'avait plus à être aussi proche.
Minerva se redressa le plus dignement possible, réajustant avec maladresse les plis de sa robe parfaitement en place et se mordit la lèvre, cherchant, d'un revers de la main discret à effacer les dernières traces de ses larmes, gênée de s'être ainsi laisser aller.
Après un moment, Flitwick rompit le lourd silence qui s'était installé entre eux.
Que fera-t-on une fois que nous l'aurons trouv ? Que va-t-on faire au sujet de son…
Il hésita à terminer sa phrase.
Je ne sais pas, soupira McGonagall. Nous ne pouvons rien prouver et je doute qu'il accepte jamais d'en parler à quiconque. S'il n'y avait pas eu ce malheureux accident nous n'en aurions jamais rien su et je pense qu'il aurait préféré qu'il en soit ainsi. Mais nous perdons du temps, il faut le retrouver. Séparons-nous et donnons-nous rendez-vous ici dans une heure.
Le sorcier acquiesça et ils partirent chacun de leur côté sans plus un mot.
Ron attendit de longues minutent encore avant d'esquisser un seul mouvement. La conversation qu'il venait de surprendre le laisser particulièrement perplexe et curieux.
De qui pouvaient-ils donc bien parler ? Qu'avait-il pu se passer de si monstrueux ? Et plus que tout, que risquait-il d'arriver ?
Il soupira. Il ne servait strictement à rien d'y penser. Il ne connaîtrait sans doute jamais le fin mot de l'histoire et il avait déjà assez faire avec ses propres problèmes.
Regardant attentivement autour de lui pour être sur de ne plus courir aucun danger, il se faufila enfin vers le vieil escalier qui menait au toit de la tour. Bien qu'anciennes, les marches parfaitement entretenues ne craquèrent pas sous son pas. Il évita de justesse un piège à souries magique qui n'aurait pas manqué de faire rappliquer Miss Norris, faillit déraper sur un bout de tapi plus élimé que les autres et put enfin atteindre l'ouverture.
Le verrou ensorcelé n'était pas enclenché, pas plus que celui en fer et il s'en étonna. Apparemment Filch se faisait vieux.
Sans plus s'en inquiéter, il ouvrit enfin la trappe sur un vent frais qui caressa sa peau en feu. Il ne s'était pas rendu compte à quel point les émotions de la journée l'avaient troublé avant d'affronter l'air bienfaiteur de la nuit.
Lentement, il fit un pas sur le toit, s'assura qu'il était seul et referma consciencieusement derrière lui. Puis, il s'avança jusqu'à la courte muraille de pierre et s'y installa sans crainte, les jambes dans le vide et le regard perdu à l'horizon.
La soirée était douce, son ciel délicatement éclairé par une lune d'argent et son silence, enivrant. Le monde en cet instant semblait avoir retenu son souffle, aucun bruit ne venait déranger cette paix étrange et Ron se surprit à fermer les yeux pour respirer le doux parfum de l'air.
Plus il se laissait aller à sa flagrance particulière et envoûtante, mélange de musc, de senteurs sauvages et de rosée, plus la terre semblait reprendre vie. Calmement, comme un chant, il commença à percevoir tous les bruits caractéristiques de la nuit. Ailes de chauves souries battant rapidement l'air, bruissement d'un pas de biche dans l'étendue herbeuse, hululement d'une chouette, petit cri de souris, craquement des feuilles des arbres. Autant de sons apaisants qui lui faisaient oublier pour quelques instants ses propres tourments.
Il aimait la nuit, sa quiétude et sa solitude. Elle lui permettait de se retrouver un peu, alors que sa vie avait si dramatiquement changée ces deux dernières années.
La guerre l'avait marqué bien sûr et plus encore son dénouement, sa terrible erreur, mais son existence même semblait n'aller que de mal en pire depuis lors. Il se sentait perdu, incapable de reconnaître l'être qui lui faisait face chaque matin dans le miroir. Ces sentiments étaient une toile indémêlable d'émotions contraires, aussi bien dans ses tourments moraux que sa vie affective.
Vous lui auriez demandé il y a un an ce qu'il ressentait, il vous aurait dit qu'il aimait Hermione plus que tout au monde. Il vous aurait parlé de sa passion sans limite pour la jeune femme, dissimulée derrière leur constante rivalité et son besoin de se quereller avec elle pour attirer son attention. Il vous aurait conté la couleur de ses cheveux et son amusement à ce petit tic de toujours s'enrouler une mèche entre les doigts. Il vous aurait dit qu'il aimait sa sincérité, son intelligence, son désir de toujours faire mieux et sa flamboyante beauté.
Mais tout avait changé au détour d'une douche un matin d'automne, quelques mois plus tôt. Il avait alors réalisé que l'amour qu'il portait à Hermione était celui d'un frère à sa sœur. Ce même désir de protéger, chérir et taquiner qu'il partageait avec Ginny. Il avait compris que la véritable source de la passion charnelle qui brûlait ses entrailles ne naissait pas des courbes rondes et gracieuses d'un corps de femme, mais des lignes viriles de son meilleur ami. De son courage, sa loyauté et son esprit affûté.
Aujourd'hui, assis sur les pierres les plus hautes de Hogwarts, il ne savait plus quoi penser.
Un peu avant le catastrophique cours de potion, Harry et Hermione était venu le voir, main dans la main, pour lui faire partager un peu de leur bonheur. Les deux jeunes gens s'étaient avouer l'un à l'autre et portaient l'espoir de construire une relation solide et durable. Et il en avait tout simplement été heureux. Pas de jalousie, ni de rancœur, rien qui ne puisse étayer d'une quelconque façon l'idée qu'il ait pu être, à un moment ou à un autre, amoureux d'eux.
Il avait alors réalisé que tout ce qu'il avait cru ressentir n'était que mensonges et illusions et cela le déchirait. Comment pouvait-on ainsi méjugé ses propres sentiments ? S'il n'était pas capable de se définir lui-même, qui était-il?
Il en venait à croire et probablement avec raison, qu'il n'était qu'une ombre. Un être sans conscience, ni volonté propre, réduit sa vie entière à suivre les autres. Il ne savait faire que ça. Ils avaient vécu dans l'ombre de ses frères et vivait maintenant dans celle de ses deux meilleurs amis. Toujours et à jamais la cinquième roue du carrosse. Même pour la magie, preuve en était ce jour. Jamais personne n'aurait besoin de lui, alors qu'il avait désespérément besoin des autres.
Il se souvenait du miroir d'Erised, de ce qu'Harry lui en avait dit. Il ne montrait ni l'avenir, ni le passé, juste vos souhaits les plus profonds. Et le sien avait été de se démarquer, de montrait qu'il existait, que sa vie avait un sens car au moins quelques personnes avait besoin de lui.
Il savait par avance qu'il courrait après Hermione et Harry pour obtenir un petit bout de leur bonheur, comme il courait maintenant après eux pour partager un peu de leur reconnaissance.
Mais il ne le méritait pas, car plus encore, ce manque de compréhension vis-à-vis de lui-même tendait à prouver qu'il était bien la chose atroce qu'il pensait être. Incapable de déchiffrer ses propres sentiments, il n'avait pourtant pas hésité à juger et condamner un autre. Son propre sang. Ce sang qu'il avait vu s'échapper au sol, né de sa magie et de sa rage.
Il s'étonnait parfois de pouvoir encore vivre avec lui-même.
Incapable de supporter plus longtemps ces souvenirs d'un temps effroyable, il les chassa difficilement de son esprit et s'assit à califourchon sur les pierres noires de la tour, pour embrasser du regard la vision majestueuse des alentours d'Hogwarts et surveiller l'accès du toit. Scrutant un peu mieux celui-ci, tentant de percer la pénombre des recoins que la luminosité de la lune ne parvenait pas à éclairer, il finit, surpris, par déceler une présence près du mur opposé. Celle-ci, complètement immobile, se fondait presque dans le paysage. Il ne l'aurait pas remarqué, si ce n'avait été un léger mouvement, conséquence probable d'une ankylose.
Doucement, comme pour ne pas l'effrayer, il descendit de la muraille et posa pied à terre, le dos toujours au contact de la roche glacée. Il prit une profonde inspiration pour calmer son cœur battant à tout rompre et demanda d'une voix qui se voulait calme :
Qui est l ?
La raison prenant rapidement le pas sur la stupéfaction, il avait compris qu'il n'avait rien à craindre. Un professeur ou Filch se seraient montrer depuis longtemps, punition en main et regard sévère. Dans ce cas, il s'agissait plus vraisemblablement d'un élève qui, comme lui, était venu chercher quelques minutes de paix.
Il lui vint soudain à l'esprit qu'il faisait peut-être face à la personne que McGonagall et Flitwick recherchait avec tant d'ardeur.
La forme sembla tressaillir au son de sa voix, mais ne répondit pas, pas plus qu'elle n'esquissa un mouvement pour se montrer.
Il hésita.
Ce pouvait-il qu'il ne s'agisse pas d'un élève ou de quiconque appartenant à l'école ?
Peu probable. Après la guerre et bien que toute menace est semblée écartée, les protections avaient été renforcées. Les probabilités d'une présence étrangère au sein de l'établissement était de fait quasiment nulle.
Il reposa néanmoins la question.
Qui est l ? Je te vois, je sais que tu es là.
Un nouveau tressaillement.
Un première année peut-être, trop effrayé d'une quelconque punition pour se montrer ?
Tu n'as pas à avoir peur, reprit-il de la même voix douce et apaisante. Je ne le dirais à personne. Ce serait me dénoncer également, tu ne crois pas ?
Sa – ô combien dérisoire - tentative d'humour pour détendre quelque peu son inconnu échoua lamentablement et sembla même l'inciter à se replier un peu plus sur lui-même.
Mais Ron n'était pas un Weasley pour rien et il retenta sa chance sans attendre.
Pas très bavard, hein ? Mais parler peut parfois aider, tu sais.
Grinçant mentalement des dents, le Weasley en question se mit la taloche du siècle. Sortir des banalités pareilles ! Surtout lorsqu'on était la dernière personne de l'école à pouvoir donner ce type de conseils.
Celui-ci, cependant, parut porter ces fruits lorsqu'il perçut un murmure.
Comment ? Demanda-t-il. Excuse-moi, je ne t'ai pas entendu.
Une brève inspiration.
Laisse-moi tranquille.
Cette fois ce fut Ron qui tressaillit.
Cette voix !
Non, ce n'était pas possible ! Tout, mais pas lui ! Pitié pas lui ! Comme s'il avait besoin de supporter les remarques acerbes de cet imbécile. Qu'un dieu le prenne enfin en piti !
Avant même de comprendre ce qu'il faisait, il bégaya :
Mal… Malfoy ?
Un grognement.
Oh, oui ! Aucun doute, c'était bien lui. Quelle poisse ! Sur toutes les personnes qui auraient pu sortir cette nuit, il avait fallu qu'il tombe sur lui. L'un des deux seuls être au monde qu'il haïssait réellement.
Il se retint à grand-peine de hurler sa frustration et se renfrogna sur lui-même, se demandant ce qu'il avait pu faire dans une autre vie pour mériter une telle accumulation de malchance. Sans doute lui avait-on jeté un sort ? Il ne voyait pas d'autre explication.
Quelques fût la raison, il était temps d'effectuer un repli stratégique. Pas que Malfoy risquait de le dénoncer, mais avec lui, il y avait toujours danger d'un coup fourré.
Il esquissait un pas vers la trappe, lorsqu'il réalisa que pas une seule fois encore le blond ne s'était moqué de lui. Aucune de ses remarques acerbes habituelles n'étaient venues faire écho à ses oreilles, aucune parole retorde, ni aucun sortilège vicieux.
Il avait même tout fait pour cacher sa présence.
C'était assez étonnant en soi pour que Ron en reste ébahi et incapable de bouger.
Débattant un cours instant avec l'idée de partir malgré tout, il reprit finalement appui sur le mur avec nonchalance et contre tout bon sens - persuader de commettre la plus belle erreur de sa vie - et observa avec attention la silhouette rapetissée sur elle-même. Draco était assis contre le muret de la tour, le corps enroulé dans une épaisse cape noire et les jambes apparemment repliées contre lui. Il ne bougeait pas et dissimulait son visage à l'ombre de la lune. Mais Ron pouvait deviner ses yeux fermés.
Il était étrangement calme. Trop.
Le jeune sorcier fut tenté de s'approcher, craignant presque qu'il ne soit blessé ou malade, mais se retint à la dernière seconde. Si en effet le Slytherin souffrait alors il serait encore plus dangereux qu'un animal sauvage pris au piège. Il lui fallait être prudent et posé, lui laisser le temps de s'imprégner de sa présence et lui faire comprendre qu'il n'avait rien à craindre de lui.
Alors qu'un plan se dessinait déjà dans son esprit, Ron se prit à sa demander s'il n'était pas devenu fou. Quelques minutes plus tôt, il aurait pu crier à quiconque voulait l'entendre sa haine pour le jeune Malfoy et toute sa lignée et voilà que d'un revers, il s'apprêtait à l'aider, que le sorcier le veuille ou non.
Oui, il devait être dément ou se pouvait-il l'univers avait fait un demi tour sur son axe sans qu'il ne s'en aperçoive ?
Il opta pour la dernière solution quand, pour la seconde fois de la soirée, les échos caractéristiques de sanglots étouffés vinrent mourir à ses oreilles. En temps normal, il n'aurait pas hésité à croire que Draco était en fait occupé à torturer quelques animaux ou quelques élèves. Mais les temps étaient tous sauf normaux et il sut que cet appel à l'aide, cette détresse venait bien de sa Némésis
Oubliant toute prudence, agissant en pur Weasley face à la souffrance d'un autre, il s'approcha à grand pas de la silhouette.
De tout les contes fantastiques qu'on aurait pu lui narrer, celui de voir un jour le grand Draco Malfoy pleurer est sans doute le seul qu'il aurait refusé de croire. Mais à cet instant, il n'avait plus rien du suffisant et arrogant jeune homme qu'il connaissait. Au contraire, il avait l'air fragile et perdu. Vulnérable. Comme un enfant blessé que l'on voudrait prendre dans ses bras pour le protéger de toute sa peine.
Ennemis ou pas, Ron ne pouvait l'abandonner. Il aurait probablement aidé Voldemort dans pareille situation. C'est ainsi que ses parents l'avaient élevé – bien que la guerre l'ait fait beaucoup douter qu'il possède une once de ces qualités - et il ne pouvait pas aller contre sa nature, contre son cœur, même si sa tête le suppliait d'agir avec plus de circonspection.
Des souvenirs douloureux où il avait laissé sa raison commander à son cœur, mêlés aux échos des paroles de McGonagall, dont il était persuadé maintenant qu'elle le concernait, le décidèrent.
« Qui aurait imagin »
Le traître face à lui et une rage grandissante face à tout ce dont il était responsable.
« Cet enfant est un tel mystère, un tel caractère… »
Un éclair, un sort interdit mais qui en temps de guerre devenait l'unique chance de victoire et les cris d'une longue agonie qui percèrent son âme.
« Merlin sait ce qu'il est capable de faire »
Devant lui, la silhouette frêle, perdue dans les bras de la seule personne qui ait jamais cru en son innocence et les paroles de Dumbledore, solennelles, confirmant ce que son cœur lui avait murmurer depuis le début et qu'il s'était refusé de croire.
« Avant qu'il ne commette l'irréparable…»
Laissant de côté ses peurs et ses doutes, il n'hésita plus et franchit les derniers pas qui le séparaient encore de l'adolescent pour s'agenouiller face à lui.
Il pouvait voir avec clarté maintenant son visage baigné de larmes et les légers tremblements de son corps alors qu'il ravalait tant bien que mal ses sanglots.
Ron avança vers lui une main qu'il posa sur son épaule, effectuant presque de manière inconsciente un petit mouvement de va et vient qui se voulait réconfortant. La réaction de Draco ne se fit pas attendre. Il ouvrit aussitôt son regard azur et le dévisagea, un mélange d'émotions assez indéchiffrables passant dans ses pupilles : colère, frustration, soulagement. Il peinait à les reconnaître, mais elles ne suffirent pas à l'effrayer, ni le faire reculer car ses yeux ne convoyaient rien de sa froideur et sa moquerie habituelles.
La voix qui grogna à ses oreilles fut cependant plus tranchante que du verre.
Dégage Weasley. Je n'ai pas besoin de ta pitié.
Ron serra les dents pour s'empêcher de répliquer vertement - son caractère emporté lui ayant jouer trop de tours par le passé – mais toute tentative de s'expliquer fût coupée nette lorsque Draco s'empressa d'ajouter, résign :
Cours donc dire à tes maîtres… pardon… tes « amis » que tu as vu Draco Malfoy pleurer. Je suis sûr que tu en meurs d'envie.
Weasley se serait cru capable de beaucoup de chose en cet instant : se lever et partir, le frapper ou encore lui répondre d'un ton acerbe, mais jamais il n'aurait imaginé agir comme il le fit.
Merlin, jamais.
D'un mouvement impulsif et parfaitement naturel, il se contenta de le prendre dans ses bras. Une seconde plus tôt, il se tenait devant le jeune homme, tentant d'ignorer sa remarque blessante et la suivante, il le serrait fermement contre lui, caressant la courte chevelure de blé mur qui lui chatouillait la joue.
C'était l'unique réaction à laquelle il ne s'était pas attendu et pourtant la plus logique et la seule envisageable.
Malfoy se raidir aussitôt et il attendit - presque avec désarroi - le moment où il serait repousser avec colère et copieusement injurié. Mais cet instant ne vint jamais. Au contraire, le jeune homme sembla se détendre et chercher plus encore à se loger contre lui, comme si chaque millimètre de son corps devait se mouler au sien pour lui apporter un réconfort qu'il n'aurait jamais cru trouver dans les bras de son ennemi. Une nouvelle et importante crise de larmes le terrassa alors et Ron l'affronta tel un phare dans la tempête.
A cet instant, il n'y avait plus ni Gryffindor, ni Slytherin. Plus de rancœurs, de querelles ou de haine. Plus rien sauf deux êtres autrefois perdus et désormais complets.
Peu à peu, sous le flot de paroles incohérentes mais réconfortantes de son compagnon, Draco sembla se calmer. Ses sanglots se firent moins violents, il cessa de trembler et lorsque Ron le regarda à nouveau, presque plus aucune larme ne venait marbrer ses joues. Sa respiration prit un rythme posé, presque naturel et il relâcha un peu son étreinte sur le jeune homme.
Le rouquin refusa cependant de bouger, laissant à Malfoy le temps de reprendre ses esprits avant de progressivement se dégagez.
Il commença alors à retirer un bras puis l'autre, mais fut stoppé.
Non !
L'exclamation, tout juste un murmure, n'échappa pas à Ron qui se retrouva une nouvelle fois entièrement recouvert du corps du jeune homme, la détresse de son cri l'ayant fait frémir.
Qu'avait-il donc bien pu se passer ?
Qu'est-ce qui avait pu transformer ainsi son ancien rival ? Brisant son arrogance et sa vanité.
Au moins que toute sa précieuse et insolente fierté n'ait été qu'une façade pour se protéger du monde extérieur. Un moyen d'exprimer ses peurs et ses frustrations sans montrer de faiblesses. Il ne savait pas trop quoi penser, mais cela avait bien peu d'importance pour l'instant.
Draco avait besoin de lui, c'est tout ce qui comptait.
Oh, il ne se faisait pas d'illusion. Demain le monde aurait reprit son cours normal. Mais pour quelques heures, il était prêt à oublier toute rivalité et profiter du réconfort que lui offrait le corps chaud pressé contre lui.
Un souffle à son oreille.
S'il te plait.
Ron acquiesça en silence et, s'installant plus confortablement, laissa Draco se reposer sur lui. La tête du blond se nicha au creux de son cou et il sentit la respiration régulière du jeune homme glisser sur sa peau.
Merci.
Weasley ne répondit pas. Il n'en avait pas besoin. Il se contenta de resserrer son étreinte et se laisser bercer par le calme de la nuit. Il sentit bientôt le jeune homme s'assoupir et savoura l'étrange odeur qu'il dégageait, mélange subtil du soupçon d'iode de ses larmes et de l'effluve mentholée de son champoing.
C'est sur cette surprenante fragrance qu'il ferma les yeux et s'endormit, protéger par les rayons de la lune, ombre et lumière réunies.
A suivre…
Je sais, c'est désolant, dégoulinant à souhait et totalement hors caractère, mais bon, je vous promets, il y a une raison. Enfin… presque. ;;;;
