Notes : Je tiens d'hors et déjà à prévenir les lecteurs que les chapitres mettront un peu de temps à venir. Il semble que la réécriture prenne presque autant de temps - sinon plus - que l'écriture elle-même. A l'origine cette partie faisait 7 pages, elle en fait désormais 17 ;;;;;;

AMES SŒURS

Livre I : Entre l'Ombre et la Lumière

Chapitre 2

Un nouveau jour

Lorsqu'il s'éveilla, les premiers rayons du soleil pointaient à peine à l'horizon. Son corps tourné vers l'orient, ils glissèrent sur ses yeux clos et réchauffèrent sa peau froide après une nuit passée sur les hauteurs de Hogwarts. Son esprit, lui, vagabondait encore au gré des derniers lambeaux d'un rêve qu'il commençait tout juste à oublier, s'y raccrochant comme à un rempart face à la dure réalité de son existence. Pourtant, il dut rapidement capituler devant l'appel de l'astre matinal et ouvrir son regard au jour naissant.

Clignant des yeux face à cette soudaine clarté, il s'étira et baya. Un frisson parcourut son échine et il se frictionna les bras d'un geste vigoureux pour ramener un peu de vie dans ses membres glacés. Puis, il jeta un coup d'œil brumeux mais scrutateur autour de lui.

Quelques secondes lui furent nécessaires pour reconnaître son environnement et il le parcourut du regard, étonné.

Il y avait bien longtemps qu'il n'avait passé une nuit dehors et plus encore sur le toit de la plus haute tour de l'école. Son esprit cependant demeurait encore trop ensommeillé pour former une explication plausible - chose qui ne manquait jamais d'amuser ses proches en temps normal et teinter ses joues de gêne. Heureusement, il n'aurait pas ce matin à se ridiculiser devant eux.

Avoir une grande famille avait ses avantages. Ils savaient qu'ils pouvaient à tout moment compter les uns sur les autres - du moins, la plus part du temps, se rattrapa-t-il amer. Mais huit Weasley du même caractère espiègle pouvaient s'avérer parfois dommageable pour un ego. Surtout lorsque vous étiez le vilain petit canard de la famille. Pas très douer pour la magie, pas très malin en cours et sans aucun sens de la répartie. Handicape majeure - s'il en était un - auprès des siens.

Et, oh, oui, il oubliait, presque le meurtrier d'un membre de la dite famille.

Le cœur au bord des lèvres - comme à chaque fois que ce rappel se faisait à son esprit – il repoussa ses idées noires et se redressa, une sensation étrange et désagréable crépitant sous sa peau. Un sentiment… de manque.

Il était seul pourtant.

Telle une douche froide, les évènements de la veille lui revinrent alors en mémoire : la révélation de Harry et Hermione, le cours de potion, son escapade nocturne, les paroles de McGonagall, Malfoy.

Malfoy !

Fouillant frénétiquement du regard le parterre désert de la tour, Ron se leva d'un bond dans l'espoir de trouver ne serait-ce qu'une trace infime du jeune homme. Le moindre indice qui entretiendrait la folle illusion née la vielle au soir. Qui prouverait qu'il n'avait pas été qu'un rêve, glissant comme tous les autres de ses mains une fois éveillé.

Mais il l'avait bel et bien quitté. Le toit vide, tout juste balayé d'une petite brise matinale, en était la preuve douloureuse et flagrante.

Tout était terminé, comme un lointain souvenir qu'il valait mieux oublier.

Abattu, tête baissée, il resserra sa robe sur son corps secoué de légers tremblements, autant pour se protéger du froid, que de l'angoisse nouvelle qui cheminait en lui.

Quel idiot il avait ét ! Une fois de plus. Pouvait-il être à ce point stupide pour croire qu'un instant de faiblesse pourrait faire naître un semblant d'amitié entre lui et Malfoy ? Deux enfants de familles que tout opposait depuis des siècles ? On se serait presque cru dans la pièce Moldus que son père lui avait fait lire il y a des mois de cela. Quel était son titre déj ? Roméo et Juliette ? Excepté qu'à l'envers de la tragédie Shakespearienne, il n'y avait jamais eu d'amour entre lui et Draco. La paix qu'ils avaient trouvée la veille était née du partage d'une même souffrance, le besoin, pour un instant, de la laisser s'épandre. Rien d'autre. Il ne faisait aucun doute que le blond serrait égal à lui-même aujourd'hui, entouré de ses fidèles compagnons, toisant de haut le « Capulett » qu'il abhorrait avec tant de force et moquant une fois encore sa pauvreté.

Que son cœur puisse se serrer à cette idée, il refusa de le reconnaître. Après tout, il haïssait lui aussi Malfoy. Son arrogante et condescendante fierté, sa lâcheté, ce besoin qu'il éprouvait de rabaisser plus bas que terre même les sorciers plus forts et plus intelligents, du moment qu'ils étaient différents. Pauvre, sang mêlé, timide et combien d'autres encore ?

Que les Mangemorts ait perdu la guerre, ne semblait pas avoir entaché son sentiment de supériorité. Ils ignoraient toujours par quel revers de situation Lucius Malfoy était parvenu a effacé toute trace de relations entre sa famille et Voldemort après sa chute, mais il avait réussi à protéger sa réputation et sauvé les siens des cachots d'Azkaban. Sans preuve, ni témoin pour l'impliquer de manière directe ou indirecte dans les agissements du feu Tom Riddle, Lucius avait pu non seulement conserver sa position, mais renforcer cette dernière. Aujourd'hui, plus que jamais, il avait imposé sa présence au Ministère de la Magie. Et le seul homme encore en vie qui aurait pu l'incriminer, le sorcier, professeur et ancien Mangemort, Severus Snape, avait dit ignorer toute participation des Malfoys dans les noirs dessins de conquêtes de son ancien Seigneur. Lucius avait ainsi échappé à la prison et son renforcement de position ajouté encore en poids à l'impunité des agissements de son fils au sein de l'école. Au le plus grand désarroi de tous.

Quelques heures plus tôt pourtant, il avait cru découvrir un autre Draco, son véritable visage au delà du simple nom de Malfoy. Mais il s'était trompé. Et il ne savait pas ce qui le tourmentait le plus. Qu'il ait pu ainsi se laisser berner – il devait bien rire à cet instant - ou que la personne qu'il ait rencontrée, cet étranger, ne soit qu'un mirage. Une ombre qu'il n'aurait plus jamais l'occasion de revoir. Pour un instant, il avait cru enfin trouver quelqu'un capable de le comprendre, chose qu'il pensait perdu depuis la Grande Guerre deux ans auparavant. Mais comme tous ses espoirs, ceux-ci s'étaient effondrés tel un château de cartes. Et c'était faute réellement. Qu'avait-il donc pu espérer ? Un Malfoy resterait un Malfoy et leurs familles continueraient à se haïr jusqu'à la fin des temps.

Pourquoi alors, ce poids sur sa poitrine ?

Il serra les dents, incapable de lutter contre ses propres émotions et se haïssant pour les éprouver.

« La poisse ! » Pensa-t-il. « Malfoy, je te hais ! Pourquoi as-tu fait ça ! Comme si mes problèmes n'étaient pas suffisants ! »

Problèmes qui ne pourraient d'ailleurs aller en s'améliorant, s'il était découvert hors des murs de sa « Maison » à cette heure indue du matin, au lieu d'être rouler en boule et profondément endormi sous les différentes épaisseurs de son lit. Il était temps de regagner l'aile des Griffindors.

Décidant d'effacer toute trace des Malfoys de son esprit au moins pour quelques heures, il s'étira en grimaçant. Avoir dormi assis en tailleur avait courbatus les muscles pourtant habitués aux exercices de ses jambes et il devait probablement s'estimer heureux de s'en sortir sans crampe. Selon toute vraisemblance, il paierait cher aujourd'hui son immobilité de la nuit.

Une fois décontracté et l'esprit plus clair, il s'avança vers la porte de la tour pour manquer de peu de chuter lorsque ses pieds s'emmêlèrent dans une boule molle de tissu. Réajustant tout juste son équilibre, il jeta un coup d'œil venimeux à l'objet de sa perte d'aplomb et poussa un grognement de surprise. Le sujet de l'offense était un large pan de velours noir marqué du blason vert sombre et ô combien reconnaissable des Slytherins. La cape de Malfoy. Elle avait apparemment glissé de ses épaules lorsqu'il s'était redressé un peu plus tôt et dans son affolement, il ne l'avait pas remarqué.

Mais pourquoi lui avoir laissée ?

La réponse la plus évidente était si incroyable que son esprit mis un certain temps à la formuler.

Malfoy lui avait abandonné pour… quoi ? Le protéger du froid ?

Sa raison s'y refusa.

Inconcevable ! Ridicule !

Et pourtant, c'était la seule explication possible. Draco tenait à cette pèlerine. Il avait suffisamment eu l'occasion de voir le soin qu'il portait à ne pas l'abîmer, à la protéger par des sorts lorsque le temps le réclamait. Ce comportement passait le plus souvent pour de la vanité, mais lorsqu'il se pencha pour la ramasser, il comprit un peu son attachement pour le vêtement. Le tissu riche et épais semblait couler naturellement sous les doigts comme une peau soyeuse et vivante. Il était étrangement chaud et réclamait qu'on le porte.

Après l'avoir effleuré de longues minutes, presque révérencieux, il replia le tissu avec un soin tout particulier, regrettant de ne pouvoir le passer sur ses épaules.

Mais cela ne répondait pas à sa question. Pourquoi l'avoir protég ?

Malgré lui, il sentit une lueur d'espoir renaître alors qu'il pensait en avoir éteint les dernières flammes un peu plus tôt. Son cœur de toute évidence refusait d'entendre raison et persistait à lui indiquer un début de confiance – car il ne pouvait encore parler d'amitié – là où son esprit ne voyait qu'une succession sans fin de rivalité et d'injures.

Une fois encore, entendement et instinct se défiaient pour le laisser incertain et faire peser sur ses épaules de nouveaux tourments. Comment savoir quel chemin était à suivre ? Il avait durement appris par le passé qu'il ne pouvait se fier avec assurance ni à l'un, ni à l'autre. Peut-être valait-il mieux encore d'attendre et voir. Le comportement de Draco ce jour serait un indicateur plus sûr que toutes ses spéculations et il pourrait peut-être alors décider de la direction à prendre.

Satisfait de son raisonnement et l'esprit plus léger, au moins pour quelques instants, il se décida enfin à quitter le toit et ouvrit la trappe.

Le panneau de bois bascula sur ses gonds parfaitement huilés sans bruit ni rencontrer de résistance. Malfoy n'avait pas remis en place les différents verrous et de cela il lui fut reconnaissant. Il aurait été très simple pour l'adolescent d'exercer son art de la perfidie en bloquant son accès aux escaliers. Mais apparemment le jeune homme savait aussi se montrer magnanime. Peut-être une façon à lui de le remercier pour la veille. Il ne préférait pas tirer de conclusions trop attives.

Avec discrétion et non sans avoir jeter un coup d'œil attentif aux recoins sombres des marches, il se glissa dans l'ouverture et entreprit de descendre en silence et avec rapidité la succession d'escaliers qui le mènerait au bas de la tour. La vieille bâtisse était encore tissée d'obscurité, alors que les rayons du soleil parvenaient à peine à filtrer au travers des larges fenêtres et il lui fallut quelques secondes pour accommoder sa vision.

Ses pas se firent plus sûrs à mesure qu'il s'éloignait du toit, croisant sans éveiller les différents tableaux qui ornaient les murs et il évita même, avec aisance cette fois, le piège à souries toujours habillement placé dans le repli d'un tapis.

Cette première étape franchie sans encombre, il se pausa un instant pour reprendre son souffle et observer avec attention le long couloir qui s'étendait désormais devant lui.

Aucun signe de vie… ou de mort.

Il avait plus à craindre à cette heure encore fraîche de la matinée de Peeves et de ses mauvais tours que de Filch, Miss Norris ou même d'un quelconque professeur.

Heureusement pour lui, le fantôme semblait avoir pris quelques heures de repos, à moins que Baron Sanglant n'ait décidé, après tant d'année, de remettre dans le droit chemin l'« agneau » égaré. Le terrible gardien des Slytherins était probablement le seul en ce monde a éveillé quelques peurs chez l'agaçant esprit. Chose que même le nom de Voldemort n'était parvenu à produire pour des raisons que Ron préférait ignorer.

Assuré qu'il n'avait rien à redouter pour le moment, il se faufila dans le couloir et s'empressa d'atteindre la deuxième série de marches. Maintenant que le soleil perçait derrière les lourds rideaux, il n'avait plus la promiscuité des ténèbres pour se cacher en cas d'alerte et déjà les figures emblématiques des tableaux commençaient à s'éveiller. Or, il savait d'expérience qu'il n'y avait rien de pire que ces bavards inconditionnels pour vous faire repérer.

Il parvint d'ailleurs tout juste à échapper à l'attention de l'un d'eux en se plaquant contre le murs sous son cadre et en effectuant un roulée boulée magistral pour atteindre le coin masqué d'une intersection.

Quelques acrobaties supplémentaires et bonne dose d'adrénaline lui furent nécessaires pour atteindre l'entrée des Gryffindors sans se faire remarquer, mais il y parvint - non sans quelques sueurs froides. Sa taille, prêt d'un mètre quatre cinq, avait parfois de réels inconvénients. Tous ses efforts cependant furent réduits à néant lorsqu'il découvrit que la Dame du tableau avait profité de ce début de journée pour partir visiter quelques parents ou amis. Il ne pouvait lui en vouloir, monter constamment la garde, seule, à l'entrée de leur maison devait être lassant, mais il aurait souhaité qu'elle choisisse un autre jour pour briser ainsi sa solitude.

Haletant et résigné, il se laissa glisser au sol et enfouit sa tête contre ses genoux, calmant peu à peu les battements de son cœur et ralentissant son souffle. Il se demanda, amer, combien de temps il faudrait à Filch pour le surprendre et achever définitivement sa réputation auprès de ses amis. Si la chance était avec lui, un de ses compagnons de chambrée sortiraient avant l'arrivée du vieux gardien, mais il en doutait. Il regrettait plus encore que Dumbledore est choisi de protéger les murs de l'école contre le sort de « passe muraille », limitant ainsi les chances d'escapade nocturne. Le vieux sorcier devait avoir tester lui-même toutes leurs ruses dans sa jeunesse ou rencontrer plus malins, car rien ne semblaient échapper à son attention.

Les minutes s'écoulèrent lentement, quatorze pour être exacte, avant qu'un « hum » discret ne lui face relever la tête. S'attendant à voir le visage sévère d'Argus le toiser de sa hauteur – une ironie quand on savait que Ron le dépassait maintenant d'une bonne tête – il fut surpris de découvrit les escaliers vides devant lui. Le toussotement discret se répéta et il se tourna cette fois vers le mur pour se retrouver face au regard réprobateur mais étrangement doux de la gardienne des lieux.

Le soulagement qu'il éprouva à sa vue le fit vaciller, même assis.

Allez jeune Weasley, lui sourit-elle après un coup d'œil alentour, donnez-moi le mot de passe et que je ne vous y reprenne plus !

Oui Sir, bien Sir ! Répondit du même ton affectueux et plein de reconnaissance le jeune homme en se redressant d'un bon. Bethlehem Magicus.

La porte s'ouvrit sur un « Tsts » amusé de la Dame et il fut presque certain de l'entendre murmurer « Ces jeunes ! » lorsqu'elle se referma.

Les jambes tremblantes – trop d'émotions en trop peu de temps – il s'appuya contre le panneau de bois et bénit la félicité qui semblait, pour une fois, l'avoir entendu.

Le support de la pièce de chêne s'avéra d'autant plus nécessaire lorsqu'une voix s'éleva près de lui.

Tu as de la chance que je sache où elle comptait se rendre.

Sursautant au son profond de ce timbre, Ron étouffa un cri, manqua de chuter et leva son regard paniqué sur la silhouette fantomatique de Quasi-Sans-Tête. Ce dernier se tenait à peine à un mètre de lui, les mains sur les hanches, tentant, sans vraiment y parvenir, de prendre l'air sévère et menaçant du professeur Snape. Comprenant, au regard rieur de Ron rapidement rassuré, qu'il avait visiblement échoué, il relâcha sa posture.

Tu n'es pas raisonnable, soupira le spectre, à la fois badin et sur le ton d'un père grondant son enfant. Si je ne connaissais pas cette vieille finaude, tu aurais eu de sérieux ennuis. Filch n'était pas loin de te découvrir lorsqu'elle est arrivée. Heureusement pour toi, elle a un faible pour les élèves de ton année.

Il se tapota la joue du doigt soudain rêveur, avant de lui adressé un sourire amusé.

Je soupçonne cependant qu'il ne te faille supporter ses « exploits » vocales un certain temps en guise de gratitude.

Ron ne sut pas s'il devait en être effrayé ou tout simplement reconnaissant et balbutia un remerciement maladroit au vieux fantôme qui l'avait de toute évidence sauvé de la catastrophe, bien qu'il en ignore la raison.

Entre ses attentions, la gentillesse de la gardienne du tableau et la possible paix qu'il venait de conclure avec Draco, l'idée qu'il pouvait être tombé dans une dimension parallèle semblait soudain des plus concevables. Une pensée certes farfelue mais qui dut se refléter sur son visage car le spectre éclata soudain de rire et secoua la tête face à l'évidente déconfiture du jeune homme.

Je t'assure que tu es bien chez toi et tes remerciements sont inutiles. Je t'ai toujours bien aimé, tu m'es très sympathique. Un brin naïf peut-être, mais tellement plein d'énergie. Et puis…

Le fantôme hésita un instant, le visage soudain sérieux, ne sachant s'il devait continuer ou laisser sa phrase en suspens. Après de longues minutes, il choisit – judicieusement ou non - de ne pas exprimer ses pensées et un lourd silence s'installa entre eux.

Ron ignorait ce qui avait pu ainsi troubler le spectre mais le regard mi-inquiet, mi-confiant qu'il lui jetait désormais l'alarma quelque peu. Il avait le sentiment que Quasi-Sans-Tête savait de lui une chose très importante, mais refusait de partager sa connaissance. Il aurait aimé le questionner, qu'enfin les gens autour de lui arrêtent de se comporter de manière si étrange, mais n'osa pas. Il avait conscience que d'une certaine façon, il avait gagné non seulement la confiance, mais aussi le respect du fantôme. Et bien qu'il ne comprenne pas ses motifs, il ne pouvait se résoudre à détruire le confort qu'éveillait en lui cette pensée.

Fais bien attention, finit par dire ce dernier. Je détesterais qu'il t'arrive quelque chose. Mais j'ai confiance, je suis sûr - je sais - que tu t'en sortiras très bien. J'aimerais seulement que le chemin paver devant toi ne soit pas si difficile.

Il se pencha vers lui et posa une main translucide sur son épaule.

Il te faudra beaucoup de courage, jeune Weasley. Oui beaucoup. Mais je sais que ton choix sera juste et avisé, même s'il te mènera sur des routes bien sombres et torturées. Rappelles-toi ces paroles le moment venu et écoute ton cœur. Sache qu'au moins une personne sur cette terre sait que tu auras pris la bonne décision.

Sur ces mots obscures et de bien piètre présage pour l'avenir, le fantôme disparut, laissant Ron galvanisé, quelque peu terrifié mais aussi profondément touché par la confiance qui venait d'être placer en lui. Quelque soit les obstacles qui s'annonçaient, le jeune homme savait désormais qu'il ferait tout son possible pour les surmonter, ne serait-ce que pour conserver cette foi.

Le cœur plus léger, pour un instant au moins épargné par les souvenirs qui le harcelaient sans cesse depuis deux ans, il se dirigea en silence vers le dortoir des dernières années.

A chaque cession, une nouvelle pièce leur été attribuée un peu plus grande que la dernière, autant pour contenir les lits qui augmentaient de tailles, que la montagne de livres de cours qui grandissait proportionnellement à ces derniers. C'est-à-dire trop au goût de Ron.

Le NEWTS approchant, leurs professeurs semblaient multiplier les matières à enseigner, faisant d'eux, non seulement des sorciers diversifiés dans leurs compétences, mais également plus puissants que les générations passées. De nouveaux enseignements avaient ainsi fait leur apparition : magie indou, inca et africaine, science de lignes et nœuds d'énergie terrestre, dissimulation, diplomatie et Art Noir. Ce dernier choix avait longtemps été discuté au ministère de la Magie, soulevant autant d'approbations que de craintes. Les Mages avaient compris et payé chèrement durant la guerre qu'avoir négligé - rejeté même - cet enseignement les avait placé dans une position de faiblesse face aux Mangemorts. Même le savoir de Défense Contre le Mal n'avait pu permettre aux générations de sorciers qui s'étaient lancés dans la bataille, d'affronter tous les sorts jetés par leurs ennemis et beaucoup avaient péris inutilement dans des rixes aussi courtes que sanglantes face aux hordes déchaînées de Tom Riddle. Seul l'appui des loups-garous et des géants ainsi que les précieuses informations de quelques espions bien placés avaient finalement fait pencher la balance en leur faveur et permis de percer une brèche dans les solides défenses du sorcier noir. La victoire avait été acquise, mais durement payée et les survivants ne voulaient pas commettre les mêmes erreurs.

C'est pourquoi ils s'étaient finalement résolus à enseigner l'Art Noir. Ce savoir restait cependant sujet à beaucoup de précautions et chaque élève qui choisissait de le suivre soumis à de drastiques surveillances. Il était hors de questions de créer un nouveau Voldemort.

Si Harry et Hermione avait été accepté dans la classe, Ron, lui, avait du y renoncer. Son action lors de la dernière bataille avait soulevé un doute raisonnable quand à son aptitude à ne pas succomber aux tentations de cette magie perfide. Il n'avait pas discuté ce point, ses remords pesait trop lourds sur sa conscience pour ne pas en accepter la validité, même si ses proches avaient tenté de le dissuader du contraire. Et il ne le regrettait pas. Il pouvait voir parfois combien l'utilisation de cette magie pesait aux deux jeunes gens. Peut-être était-ce une des raisons pour lesquelles ils s'étaient rapprochés. Cette souffrance silencieuse qu'il ne pouvait comprendre.

Elle avait aussi contribuée à creuser un peu plus le fossé qui existait déjà entre eux.

Ô ils étaient toujours amis - bon amis, mais la complicité qui les avait unis aux tous débuts s'était peu à peu étiolée après la guerre, comme une voile fragile se déchirant sous trop de pression.

Il ne savait pas trop ce qui avait créer ce chiasme. Ou plutôt, il ne savait pas quand il s'était formé. Etait-ce avant l'ultime bataille, lorsque sa colère et sa peine avait l'aveuglé aux difficultés de ses amis ? Lors des combats, lorsqu'il avait déserté Harry pour mener sa propre guerre ? Ou bien après, lorsqu'il avait fallu reconstruire, reconnaître ses erreurs et qu'il s'était renfermé sur lui-même face à l'étendue de ce qu'il avait commis, s'isolant complètement pour étouffer sa souffrance ?

Plus vraisemblablement, les trois incidents avaient joué dans la dégradation de leurs relations.

Il avait bien tenté de renouer les liens qui s'étaient brisés, mais certains avaient subit trop de dégâts pour être réparés et il ne pouvait désormais qu'espérer maintenir ceux encore en état. Désir que les évènements de ces dernières semaines mettaient douloureusement à mal.

Il était étonnant de voir combien sa vie avait changé. Disparu le jeune homme gai, insouciant souvent un brin peureux et naïf. Comme beaucoup les combats avaient volé son innocence et fait de lui un homme bien avant l'âge de raison. Mais contrairement à nombre de ses amis, il avait été incapable d'effleurer à nouveau la fraîcheur et la spontanéité de sa jeunesse. Son regard, murmurait-on, était celui d'un homme qui avait vu et infligé trop de souffrance. Pourtant, ce n'était rien en comparaison de son frère.

Levant les mains devant son visage, il put presque voir le sang qui les avait un jour marbré. Rouge sur blanc. Chaud et poisseux. Une vision vivace qui hantait souvent ses cauchemars et offrait nuit après nuit son cri muet aux ténèbres.

Il était fatigué de ne pouvoir oublier.

Secouant la tête, espérant presque que ce simple geste pourrait enfin chasser ses fantômes, il tenta de se relever et se vit soudain offrir une main, bien vivante cette fois. Son regard remonta rapidement le bras tendu vers le visage de celui qui lui faisait face et son cœur eut un sursaut dans sa poitrine.

La malchance semblait le poursuivre.

Dresser du haut de ses un mètre quatre vingt, le visage sévère et le regard dur derrière l'enchâssement doré de ses lunettes, Harry le dévisageait, visiblement furieux. De lourdes cernes ornaient le dessous de ses yeux et des rides de tension creusaient les contours de sa bouche, témoins d'une nuit agitée.

Ron n'était pas naïf au point d'ignorer qu'il était responsable de l'inquiétude de son ami. Il tenta néanmoins un petit sourire – plus une grimace – qui ne lui attira qu'un froncement de sourcil fatigué sur le visage sombre et déçu.

Cette expression, plus que toute autre, abattit un poing de glace sur son estomac.

Bonjour Harry, soupira-t-il.

Le sorcier le dévisagea un long moment, puis répéta son salut d'une voix songeuse.

Bonjour ? Je pense qu'il s'agit effectivement du mot exact pour qualifier ce début de matinée.

Le ton sarcastique écorcha ses nerfs, tendant ses muscles sous l'assaut verbal qui ne manquerait pas de suivre. Il savait qu'il était en faute, que son escapade nocturne n'aurait jamais du se prolonger - ni même avoir lieu - mais au diable s'il avait pu prévoir les événements qui avaient pris place.

Peut-on savoir où tu étais pass ? Gronda soudain le brun d'une voix coupante. Tu ne crois pas avoir provoqué assez de problèmes ? Tu tiens donc tant que ça à être renvoyé de l'école ? Car c'est ce qui va finir par arriver Ron ! Tu es déjà sur la corde raide et nous tous avec toi !

Sous la brutalité de ces paroles blessantes, le jeune homme sentit quelques choses céder en lui. Une rage, une colère qui demandait à être libérée depuis trop longtemps.

Les Gryffindors et leurs maudits points ! Car c'est tout ce qui comptait n'est-ce pas ? Les points, toujours les points pour battre l'adversaire, fouler aux pieds les maisons concurrentes et leur montrer leur supériorité. La guerre ne leur avait-elle pas donc suffit ? Fallait-il qu'ils continuent à vouloir, tous autant qu'ils étaient, écraser sous leur botte ceux qui n'appartenaient pas à leur « clan ». Et quels clans ? Des élèves répartis souvent aux hasards dans les différentes maisons au début de leur scolarit ? Ah ! Une parodie de castes qui avait trop souvent conduit à la rancœur et l'animosité.

Il haïssait cet esprit incessant de compétition. Il haïssait cette rivalité stupide que quelques sorciers avaient cru bon de mettre en place pour « porter » le désir de s'améliorer des élèves. Tout ce quelle avait accompli c'est déchirer un peu plus les étudiants, années après années, et offrir à Voldemort des recrus conditionnées à la haine et la violence. Il ne comprenait pas qu'il puisse être le seul à voir cette évidence. Mais les habitudes avaient la vie dures et il doutait que ce mode de fonctionnement ancestrale et dépassé cesserait de sitôt

Harry avait raison. Peut-être espérait-il être renvoyé pour ne plus avoir à vivre au milieu de ces conflits incessants.

Peut-être leur devait-il son incapacité à oublier.

Crispant son poing à s'en faire blanchire les jointures, il prit une profonde inspiration pour calmer le cri de frustration et de douleur qui lui montait à la gorge.

Il ne fallait qu'il cède, au risque de prononcer des paroles qu'il pourrait regretter par la suite.

Balayant d'un geste rageur la main toujours tendu devant lui, il se releva péniblement et se détourna pour ne pas avoir à faire face à Harry. Il n'était pas sûr de pouvoir se contrôler s'il voyait une fois encore la déception dans son regard.

Qu'est-ce que ça peut bien faire, demanda-t-il du ton vide d'un homme résigné à son sort. Qu'est-ce que ça peut bien faire si je suis renvoy ? Ce n'est pas comme si ta réputation pouvait être entachée. Tu es et restera le grand Harry Potter, le héro de la guerre, le destructeur de Voldemort. Et un Gryffindor. Cette maison ne souffrirait pas de la perte d'un Ron Weasley. Mais j'oubliais, excuses-moi, les précieux points. Comment pouvais-je être aussi stupide ? Tu n'as pas à t'en faire, je ne me suis pas fait prendre, donc pas de risque d'en perdre encore par ma faute… Pour l'instant.

Il avait conscience, à un certain point, des vibrations monocordes et détachées de ses paroles, juste un brin ironique. Sa rage semblait avoir fait place à une indifférence presque totale, mais elle bouillonnait encore profondément en lui, tapie, viscérale, rongeant peu à peu son âme. Il savait cependant que son désintéressement serait plus à même de toucher, blesser le grand Harry Potter que tous les éclats de voix du monde. Et peut-être, peut-être seulement comprendrait-il, entendrait-il son cri de détresse.

Il était difficile de croire que quelques heures plus tôt, il avait trouvé pour un instant paix et compréhension. Difficile de croire que sa Némésis avait réussi là où tous ses amis, parents avaient échoué. Et pourtant.

Sans un regard pour le jeune homme, il se dirigea vers le dortoir, se mordant les lèvres pour ne pas en dire plus. Mais avant qu'il n'ait pu franchir les doubles portes, Harry le stoppa d'une poigne ferme sur l'avant-bras.

Ron…

Refusant de le regarder, le jeune homme attendit patiemment que le sorcier veuille bien le libérer. Quand il devint évident que son ami ne semblait pas avoir compris sa requête silencieuse – ou du moins n'avait pas l'intention d'agir en conséquence - il lui formula sa demande d'un ton glacial.

Harry. Lâche-moi.

Mais au lieu de sentir l'étreinte de ses doigts se détendre, ils se resserrent sur la manche de sa robe.

Pas avant que tu m'ais regardé.

Harry…

Ron, s'il te plait !

Devant son refus obstiné et muet, une main se glissa sous son menton et le força avec douceur à tourner la tête.

S'il te plait.

Il consentit finalement à lui obéir – personne ne disait non à Harry Potter – pour plonger son regard dans celui troublé et triste du jeune homme. Ces nouvelles émotions, presque déplacées, mirent à mal sa détermination et il sentit le feu de sa colère s'éteindre quelque peu.

L'éclair de compréhension qui passa alors sur le visage de son ami et l'expression des remords qui l'accompagnèrent, la défit complètement.

Il sentit une étreinte presque douloureuse se refermer sur son épaule, autant pour garder le contact pensa-t-il, que pour l'empêcher de fuir et fut étonné des soubresauts qui la secouait.

La voix de Harry, lorsqu'il parla enfin, fut rauque et nouée.

Ron… je suis désolée. C'est moi l'imbécile ! Je m'en fiche de tous ces maudits points ! Je me fiche que tu puisses en perdre cent ou mille ou même tant que huit générations de Gryffindors sans histoires ne pourraient les rattraper. Ces points… cette course à la victoire, je ne pourrais pas plus m'en désintéresser. C'est toi qui compte, ne comprends-tu pas ? Toi ! Ces derniers temps tu sembles toujours dans les nuages, toujours si triste. Aucun de nous ne se rappelle t'avoir vu sourire une seule fois depuis la guerre. Tu étais toujours si gai avant. Lorsque tu n'es pas rentré hier soir… et bien disons que la moitié du dortoir a passé la nuit à te chercher dans tous les recoins de l'école pendant que l'autre moitié couvrait ses traces. Même le pauvre Neville à risquer un pied dehors après avoir batailler longtemps avec Thomas pour savoir qui avait la priorité dans les recherches sur le terrain. Je crois que Dean a cédé juste pour ne pas risquer de laisser un Neville hystérique avec le pauvre Seamus.

Ron digéra tant bien que mal les paroles de son ami et dut s'éclaircir la gorge avant de parler.

Vraiment ?

Le visage de Harry se détendit quelque peu, soulagé.

Vraiment. Je sais que tout n'a pas été rose entre nous. Que nos relations sont différentes d'avant l'affrontement, que notre amitié est différente, que nous sommes différents. Mais ça ne veut pas dire que tu ne comptes plus pour moi, pour nous, que nous ne nous inquiétons plus. Je crois que tu ne réalises pas combien nous avons conscience de tes souffrances et de tes remords. Nous savons que tes nuits sont peuplées de cauchemars, je regrette juste que nous n'ayons pas réalisé plus tôt la nécessité de t'en parler. Que nous ayons laissé ce début de… méfiance se créer entre nous.

Un soupir.

J'aimerais que tout puisse redevenir comme avant.

Après les évènements de la veille et de ce début de journée, le discours du sorcier était presque plus qu'il ne pouvait en supporter. Il n'était pas sûr de vouloir, d'être prêt à le croire alors qu'un gouffre si grand semblait les séparer depuis si longtemps. S'entendre maintenant dire qu'il n'était pas aussi large et profond qu'il avait pu l'imaginer était dur à concevoir et accepter.

Je… je ne sais pas si c'est possible, murmura-t-il.

Le jeune homme acquiesça, apparemment satisfait pour l'instant de cette réponse.

Je sais qu'il faudra du temps. Mais maintenant que les choses commencent à être mises à plat, il y a matière à espérer, n'est-ce pas ?

Il hésita un instant avant d'offrir un petit sourire au ton plein d'espoir de son ami.

Je pense que oui.

Bien, bien et maintenant, demanda ce dernier en lui mettant une grande claque dans le dos, si tu me disais où tu étais caché, car pour sûr, nous ne t'avons pas trouvé. D'ailleurs attends-toi à te faire écorché vif par Hermione… et Dean… et Seamus… et même probablement Neville.

Perspective peu réjouissante, mais le rire de Harry suffit à le détendre complètement. Pour la première fois depuis longtemps, il semblait avoir retrouvé des fragments de leur ancienne amitié et comptait en profiter tant qu'ils dureraient.

Ah… euh… sur le toit de la tour de magie.

Harry roula des yeux avant de se mettre une claque sur le front et grogner.

Mais bien sûr, comment ai-je pu ne pas y penser ?

Dois-je vraiment répondre à cette question ?

Nouvelle claque, mais sur le dessus de son crâne cette fois.

Crétin.

A ton service.

Soupir.

Merlin nous protège de l'influence des Jumeaux Démoniaques. Tu les fréquentes trop mon cher.

Rectification, il me court trop après !

Miséricorde. Qui était-ce cette fois ?

Murmure inaudible.

Pardon ?

J'ai dit… Pansy.

L'éclat de rire qui accompagna sa réponse, résonna longuement dans le couloir et força un petit gloussement à ses lèvres. Comme il l'avait dit plus tôt, avoir huit Weasley dans la famille pouvait s'avérer éreintant, surtout lorsque deux d'entre eux était des jumeaux goguenards et retords qui avaient comme nouvelles lubies de vous trouver l'âme sœur.

Il prenait plutôt bien les tendances matrimoniales de ses frères, trop usés à leurs facéties pour s'en offusquer. Mais Merlin, pourquoi Pansy ?

Mon pauvre Ron, plaignit Harry. Tu dois avoir maudit le jour où Dumbledore les a rappelé à l'école.

En vérité, il en avait été heureux – bien que même un arracheur de dents n'aurait pu lui faire avouer cette pensée.

Depuis qu'ils avaient pris à leur compte la boutique Weasley's Wizarding Wheezes, l'école n'avait plus été la même et bien que sa devanture est été d'une nécessité vitale durant la guerre, il remerciait tous les jours en secret le sorcier qui les avait ainsi rappelé à ses côtés.

Ils possédaient toujours le magasin et continuaient à fabriquer régulièrement de nouveaux sorts pour les habitués – des adultes pour la plupart, aller imaginer – mais passaient désormais la plus grande partie de l'année à Hogwarts qui servait d'ailleurs de terrain d'expérimentation pour leurs nouvelles idées au grand damne des professeurs et élèves.

Pour lui, leur présence avait été un baume salvateur sur les plaies béante de son âme en rappelant un peu de bonne humeur à son cœur. Il faudrait d'ailleurs un jour qu'il pense à leur dire. Il avait effleuré trop de fois la mort pour ne pas réaliser l'importance de ce genre de paroles.

Une chose me tracasse cependant.

La voix de Harry, songeuse, coupa net le fil de ses pensées. Il rapporta son attention sur lui, intrigué et quelque peu inquiet.

Quoi donc ?

Comment as-tu pu accéder au toit ? Je sais de source sûre que Filch en avait soigneusement barricadé l'accès.

Son esprit se figea un instant avant de se triturer dans tous les sens pour trouver une réponse plausible à ce qu'il ne pouvait, ne voulait expliquer.

Il détestait mentir à Harry, mais il était trop incertain sur ce qui s'était passé la veille pour prendre le risque qu'il en ai connaissance et décide d'agir en conséquence. Ce n'était un secret pour personne que le sorcier détestait Malfoy, plus encore que lui probablement, et il n'était pas sûr que le jeune homme serait en mesure de comprendre ses sentiments. Merlin, il n'y arrivait lui-même.

Apparemment Filch doit se faire vieux, finit-il par répondre d'un petit rire forcé. La trappe était ouverte, je n'ai eu qu'à la pousser.

Le jeune sorcier fronça les sourcils, suspicieux.

Etrange effectivement. Et tu étais seul ?

Ron hésita presque un instant de trop.

Oui, évidemment. Qui aurait pu se trouver avec moi ?

Sa fausse confusion dut avoir des accents convainquant car Harry ouvrit la bouche pour répliquer, avant de la refermer, ne trouvant visiblement rien à redire à une telle question.

Le bâillement qui le surpris alors, finit de jeter un voile sur sa méfiance et il se frotta les yeux après avoir percher ses lunettes sur le bout de son nez.

Excuses-moi, tu as raison. C'est sans doute la fatigue qui commence à me faire divaguer. Contrairement à certain qui semble trop frais pour avoir passer la nuit éveillée (coup d'œil insistant de son côté), j'ai quelques heures de sommeil à rattraper en… douze minutes ? Merlin me vienne en aide.

Tu veux que je porte jusqu'à ton lit peut-être ?

Ne me tente pas trop.

Ron le suivit lorsqu'il fit demi-tour pour pénétrer dans le dortoir principal, une main prêt à intercepter le moindre faux-pas maintenant qu'il percevait les signes de fatigue chez son ami.

Si ça ne te fait rien, en attendant que tu te prépares je vais rattraper quelques « zzzz ».

Soit mon invité.

Trop gentil.

Parcourant rapidement la chambre du regard, Ron fut alors surpris de constater qu'aucun de ses compagnons ne semblaient avoir beaucoup dormis. Hermione et Neville étaient tout deux installés dans le canapé, tête reposée contre l'un des accoudoirs molletonnés, Dean somnolait dans une position plus que précaire et probablement inconfortable sur une chaise en bois et Seamus, toujours vêtu de sa robe, avait adopté le lit, mais sans en défaire les couvertures.

Le cœur de Ron se serra comme toujours à la vue du corps fragile du jeune homme, les deux prothèses qui lui servaient désormais de jambes transparaissant sous les plis de sa robe. Jamais, il n'avait autant admiré la force et le courage d'une personne. Alors qu'il avait presque tout perdu durant la guerre, sa famille, beaucoup de ses amis et une partie de son corps, Finnigan était parvenu à surmonter un à un tous ces obstacles. Thomas l'avait beaucoup aidé, veillant constamment sur lui – comme à présent, la chaise tournée dans sa direction - mais au final, c'est sa force de caractère qui l'avait sauvé.

Il ne pouvait en dire autant.

Tu vois, dit Harry. Inquiets.

La gorge serrée, Ron se contenta d'acquiescer, sachant qu'il aurait de nombreux remerciements à prodiguer à leur réveil.

S'avançant à pas de chat vers la salle de bain pour ne pas les déranger, il sursauta lorsqu'il perçut soudain un bruit sourd de chute sur un matelas et sourit en constant que Harry venait sûrement de battre un nouveau record du monde. Le jeune homme, profondément endormi, était étalé tout du long sur le duvet, un sourire béa au visage. Ron était prêt à parier que sa tête n'avait pas eu le temps de toucher l'oreiller.

Etouffant un rire, il parcourut les derniers mètres qui le séparaient de la salle de bains, saisissant en passant les quelques affaires qu'il avait préparées la veille sur son lit et referma la porte derrière lui.

Pour la première fois depuis de longues minutes, il prit conscience de la cape qu'il tenait toujours fermement contre lui. Harry devait être vraiment épuisé pour ne pas l'avoir remarqué. Prenant garde à ne pas l'abîmer, il la déposa avec soin sur une chaise et ôta d'un revers de la main quelques poussières imaginaires. L'infime chaleur quelle lui avait prodigué tout au long de son voyage lui manqua aussitôt et il fut presque tenté de la reprendre.

Fermant les yeux et secouant la tête pour échapper à cette sensation, il se détourna et après avoir posé ses affaires en vrac sur le rebord du lavabo, entreprit de se déshabiller.

Sa robe et ses sous vêtements tombant au sol, il les repoussa du bout du pied vers un coin de la pièce près de ses bottes, avant de lever les yeux vers le miroir. Il avait parfois du mal à se reconnaître. Il avait grandit assez tardivement, prenant à l'âge de seize ans près de vingt centimètres et son corps s'ajustant tout aussi vite à cette croissance hâtive. Il avait gagné en muscles et son visage s'était affiné, perdant définitivement les rondeurs pouponnes de l'enfance. A dix-huit ans à peine passé, il était désormais un jeune homme plus près de sa stature d'homme que beaucoup de ses amis. Ses cheveux roux était coupé court, leur épis n'ayant pas besoins de gel pour se dresser sur sa tête ; son regard avait gagné une certaine touche émeraude au milieu du bleu profond qui caractérisait sa famille, tendant à rappeler leurs origines galloises ; et plusieurs balafres marquaient son corps, notamment à ses flanc et torse droits ainsi qu'au bras gauche, preuves de la dure réalité des combats.

D'un geste de la main, il vint effleurer une joue, s'attardant sur les tâches rousses qui constellaient sa peau albâtre. Celles-ci s'étaient estompées avec le temps pour disparaître presque entièrement contrairement aux autres membres de sa famille. Sa mère se désespérait parfois de ce changement, mais Ron n'y portait pas beaucoup d'attention. Il y avait tellement plus important que quelques marques délavées.

Il laissa retomber son bras.

Dix-huit ans.

Plus que trois mois et il passerait les derniers examens. Il serait alors un sorcier à part entière, prêt « à voler de ses propres ailes » comme se plaisait souvent à répéter Dumbledore. Sauf que ses ailes avaient été arrachées il y a deux ans de cela et qu'il n'était pas sûr de jamais pouvoir « prendre son envol ». Ô, il savait qu'il aurait son examen, ne serait-ce que par ce qu'il avait combattu et survécu à la guerre s'il échouait dans toute autre matière, mais ce qu'il ferait ensuite, il l'ignorait.

Aucune profession, aucun cours n'avait su éveiller son intérêt. Il était doué pour les échecs et beaucoup le considérait comme un stratège de génie - n'était-ce pas lui qui avait planifié la localisation des troupes qui avait permis la victoire ? N'était-ce pas lui qui le premier avait soulevé l'idée de solliciter l'aide des loups-garous et des géants ? - mais que pouvait-on faire d'une telle capacité en temps de paix ?

Il se demanda - et pas pour la première fois - s'il ne devrait pas envisager de vivre chez les Moldus. Son père et Harry avaient éveillé son intérêt pour les non-initiés dont il s'était mis à étudier les coutumes. Il avait été fasciné par ce qu'ils appelaient l'électricité, son fonctionnement, son utilisation : téléphone, télévision, métro, train, cinéma, cuisine. Plus il en apprenait et plus il voulait en connaître. Mais cela suffirait-il pour lui permettre de vivre parmi eux ? Pourrait-il renoncer à la magie ? Et encore une fois que ferait-il ?

Un petit rire d'autodérision vint mourir à ses lèvres. Il semblait incapable de chasser ses idées noires. A peine avait-il enfoui l'une d'elle qu'une autre venait prendre sa place. Il était réellement pathétique et faible.

Passant une main dans sa courte chevelure, il soupira et choisit d'abandonner sa contemplation stérile pour entrer dans la douche et profiter, au moins quelques instants, d'un plaisir simple. Prononçant la formule qui permettait de dresser une fine barrière protectrice entre lui et le reste de la pièce, il ouvrit le robinet d'eau chaude qui déversa aussitôt son jet bouillant. Le bonheur de vivre dans une école de sorcier. Chez lui, il fallait souvent attendre plusieurs minutes pour que le torrent gagne en degrés, minutes pendant lesquels vous aviez toutes les chances de virer au bleu. Il n'avait jamais compris les raisons qui avaient poussées ses parents à ne pas réparer la douche, mais soupçonnaient qu'ils espéraient ainsi parvenir à réveiller leurs enfants – tache ô combien périlleuse.

Ajoutant à peine un soupçon d'eau froide à la cascade puissante, il glissa son corps sous ses projections et poussa un grognement satisfait lorsque leurs remous vinrent masser ses muscles ankylosés. Une à une, ses contractures se démêlèrent sous le battement rythmé des gouttes, plongeant son corps et son esprit dans une léthargie bienvenue.

A tâtons, il chercha la bouteille de gel douche qu'il savait résider sur un support à sa droite, la saisit et versa une large rasade de sa crème parfumée au creux de sa main. Il les frotta rapidement entre elles pour créer une mousse odorante dont il s'enduit sans attendre le corps et les cheveux. Le gel, mentholé, lui rappela une autre flagrance et un étrange vague à l'âme l'envahis qu'il repoussa avec quelques difficultés.

Ne préférant pas mener son esprit sur des chemins dont il serait difficile de sortir, il se concentra sur le simple ouvrage de laver et rincer son corps, massant ses muscles et s'attardant comme à son habitude sur ses balafres. Contrairement à beaucoup des survivants, il n'avait pas souhaité que les médecins de St Mungo effacent leurs traces. Les estafilades, longues et sinueuses formaient désormais un important placard cicatriciel avec lequel il avait appris à vivre. Même après deux ans, la peau demeurait rugueuse, mais il en était venu à apprécier leur imbrication à une époque douloureuse.

Il ne savait pas trop pourquoi il avait tenu à les conserver. Un rappel inaltérable des terribles évènements ? Une manière des payer quelques unes de ses fautes ? Ca n'avait plus beaucoup d'importance.

D'un appel de la voix, il arrêta le jet d'eau, abaissa la barrière et sortit de la douche pour se saisir d'une serviette ample et moelleuse. Maintenant qu'il avait quitté la promiscuité de la cabine, un souffle glacé venait lécher son corps humide et lui arracher quelques frissons. Il n'hésita donc pas à se frotter vigoureusement, cherchant à recapturer un peu de la chaleur qu'il avait perdue.

Il ne lui fallut pas longtemps pour être sec et, après avoir déposée la serviette sur la barre à cet effet, enfila ses vêtements – pantalon, chemise et robe noire - et passa un coup de peigne à l'utilité discutable dans ses cheveux.

Il s'inspecta d'un coup d'œil dans le miroir et satisfait de ce qu'il voyait – tout un chacun avait droit de se montrer vain parfois – sortit de la pièce pour constater que ses compagnons de chambres s'étaient déjà levés, habillés et vraisemblablement dirigés vers la salle commune pour prendre leur petit déjeuné. Peut-être aurait-il pu mettre moins de temps à se préparer, mais ses remords furent de courte durée. Chacun d'eux avait pour us de se laver le soir, une habitude qu'il n'avait jamais compris, incapable qu'il était de se réveiller s'il n'avait pu se doucher.

Lassant ses bottes, il se rappela tout juste la cape de Draco et retourna la chercher avant de saisir une pile de livres de cours, ses cahiers de notes et deux stylos. Il s'assura qu'il n'avait rien oublié avant de sortir et ferma consciencieusement la porte derrière lui. Lorsqu'il quitta l'aile des Gryffindors, il salua une nouvelle fois la Dame du tableau qui lui adressa un clin d'œil et, après lui avoir souri, dévala les marches en direction du réfectoire.

Son pas, alerte, était plus décidé qu'à l'accoutumer, son esprit partagé entre ses idées noires quotidienne et un renouveau spirituel qu'il n'avait plus goûté depuis longtemps. Bon an, mal an, ce début de journée se présentait plutôt bien, en tout cas mieux que ceux qui l'avaient précédé.

Lorsqu'il parvint à la salle à manger, il fut étonné de la trouver si peu remplie. Il n'y avait là que quelques étudiants de dernière année qui, comme lui, révisaient ardemment leurs cours en vue de l'examen final. Ni Harry, ni aucun de ses amis n'étaient présents, chose étonnante et jetant un coup d'œil à la pendule murale, il réalisa avec stupéfaction qu'il était très en avance. Cela n'expliquait pas ce qu'étaient devenus ses compagnons, mais l'éclairait au moins sur l'état quasi désertique de la pièce.

Sachant qu'il ne pouvait pas faire grand-chose d'autre, il prit une place à la table réservée aux Gryffindors, posa la cape sur ses cuisses - autant pour la protéger que pour goûter sa chaleur - et ouvrit un livre de cours.

Législation et droit au Ministère de la Magie.

Il soupira en dévisageant d'un œil moribond la page fautive remplie de décrets et autres textes rébarbatifs qu'il était décidément incapable d'apprendre et ne se fit pas trop d'illusion qu'en à la note qu'il se verrait attribuer dans cette matière. Prenant cependant son courage à bras le corps, il se plongea dans les méandres labyrinthiques des lois avec un enthousiasme très contestable.

L'avantage de tels cours résidait justement dans leur imbroglio incompréhensible, du moins chez les personnes censées, de phrases sans fin qu'il fallait relire au moins dix fois pour commencer à les comprendre. Le temps d'avoir parcouru le premier paragraphe, un nombre de minutes non négligeable s'était écoulée et s'était autant de moins qu'il vous fallait passer en cours ou à réviser.

Au deuxième alinéa, sentant un début de migraine pointer à l'arrière de son crâne face à l'enchaînement interminable de lignes, il se saisit distraitement d'un croissant qu'il plongea dans son chocolat chaud avant de le dévorer en trois bouchées. Ce n'est que lorsqu'il avala la pâte alléchante de sa troisième viennoiserie et dirigeait sa main pour se saisir d'une quatrième qu'il réalisa combien il avait faim. Son corps, toujours en croissance, demandait sa part d'énergie qu'il consommait d'ailleurs largement durant la journée et avoir sauté le repas de la veille – il n'avait pas eu le cœur à manger - n'avait fait qu'augmenter ce besoin. Hésitant néanmoins sur la nécessiter d'un quatrième croissant, il dévisagea une nouvelle fois les cours devant lui, prit une décision et referma le livre avant d'attaquer la pâtisserie à porter de main. Satisfait de sa décision, il se pencha en arrière pour déguster la pâte beurrer et surveiller l'entrée de la pièce maintenant qu'il n'avait plus rien d'autre à faire.

La salle commune s'était peu à peu remplie et résonnait désormais des discussions animées de quelques groupes d'élèves, essentiellement des Ravenclaws ou des Hufflepuffs. Des premiers et secondes années appartenant soit au Slytherins soit aux Gryffindors étaient également présents, mais personne qu'il ne connaissait particulièrement.

Surveillant toujours la porte, il se surprit à espérer voir entrer Malfoy et son estomac se noua à cette idée autant par anticipation que par angoisse. Il ne savait pas trop ce qu'il ferait lorsqu'il verrait le jeune homme. Faudrait-il lui sourire, venir lui parler et lui rendre sa pèlerine ou bien affecter leurs habituelles indifférences, voir agressivité, oubliant tout des évènements de la veille ? Quoiqu'il en soit, il ne pouvait garder sa cape et devrait trouver un moyen de la lui rendre… et le remercier.

Reposant la tasse de chocolat qu'il venait juste de terminer, son attention fut attirée par l'entrée discrète des professeurs, Dumbledore en tête, accompagné de Lupin, et immédiatement suivis de McGonagall et Flitwick en grande discussion. Ron dut constater que leur mine demeurait aussi sombre et inquiète que la veille, peut-être même plus encore et qu'ils ne semblaient pas avoir beaucoup dormis.

A peine les battants franchis, le regard de McGonagall avait parcourut la salle, son attention se posant sur une chaise en particulier, encore vide, provoquant un nouveau froncement de sourcil chez le professeur et confirmant ses suspicions. S'il y a bien une chose qu'il avait constatée chez Draco, hormis son caractère insupportable, c'est qu'il était une créature d'habitudes. Il dînait toujours à la même heure, répétait toujours les mêmes exercices lors des entraînements, s'asseyait toujours aux mêmes places. S'il avait trouvé ces rituels plutôt risibles à une époque, il se demandait désormais, s'ils ne relevaient pas du besoin de trouver un confort, une sécurité dans ces petits gestes quotidiens. Pourquoi toujours commencer par rompre le pain au dîner, si ce n'était pour garder le contrôle d'au moins une chose dans sa journée.

La chaise que Minerva avait regardée avec tant d'intensité était celle qu'il choisissait pour s'asseoir que ce soit lors des repas ou des cérémonies.

Sans le savoir, la sorcière s'était trahie.

D'une main, il la vit repousser quelques mèches de cheveux à l'abri de son chapeau et se pencher vers son compagnon pour lui souffler un mot à l'oreille. Flitwick accueillit ses paroles d'un hochement de tête silencieux et posa un court instant son regard sur la chaise. Puis, il soupira et suivit Dumbledore vers la table principale. La conversation reprit entre les deux sorciers et Ron aurait tout donné pour en connaître le contenu. Il était cependant évident qu'ils prenaient beaucoup de précautions pour ne pas être entendu, même de l'oreille affûtée du professeur Lupin.

Ils s'assirent à leur place respective, prirent de manière distraite quelques mets du petit déjeuné, répondirent évasivement aux questions de certains de leurs collègues et se concertèrent à nouveaux.

Être le témoin de leur manège avait quelque chose de fascinant. Il était évident que Ron était le seul à partager, même un peu, le secret qui les unissait et ce savoir faisait de lui un observateur privilégier. Aucun autre professeur, même le grand Albus, ne semblait avoir remarqué leur inquiétude ou la manière dont ils picoraient de ci, de là leur assiette pour donner l'illusion de manger. Mais à la vérité, toute leur attention était reportée, comme lui un peu plus trop, sur la porte d'entrée, dans l'espoir évident d'y voir passer Draco.

Plus le temps s'écoulait, plus leur anxiété grandissait. Minerva s'était mis à battre des doigts sur la table, s'attirant pour le compte un coup d'œil étonné de Dumbledore. Seul la main de Flitwick, serrant à l'insu de tous, ou presque, son genou, fit cesser ce tambourinage. Elle adressa un petit sourire contrit à son supérieur et ami, prétextant une vague excuse qu'il n'entendit pas et poussa un soupir lorsqu'il parut l'accepter. Mais même Severus Snape semblait avoir senti un changement dans son humeur puisqu'il commença à lui jeter des regards curieux. Du moins aussi curieux qu'il pouvait paraître, c'est-à-dire très peu.

Ron assista, il devait avoué, impressionné, à l'effort tout particulier que fournit la sorcière pour masquer ses émotions. En quelques minutes, son visage reprit les traits de marbre sévère qui la caractérisait et son corps cessa toute agitation extérieure. Seule les crispations involontaires de ses doigts sur sa serviette la trahissait parfois, mais elle avait réussi à détourner l'attention de ses collègues.

Il vit alors, à l'insu de tous, la tension monter de plusieurs crans, seule la main de Flitwick l'empêchant désormais de se lever pour partir à la recherche de celui ou celle qui lui causait tant d'inquiétude. L'air sembla presque devenir étouffant pour ceux qui assistaient à la scène et il crut un instant que plus rien ne pourrait la retenir lorsque soudain, toute la tension se dissipa. Le changement fut si violent que la tête lui tourna, comme sous un apport trop important d'oxygène, et il dut batailler pour ne pas tomber de sa chaise. Il vit les corps des deux sorciers se détendre, les poings de McGonagall se relâcher et Flitwick lui serrer brièvement le genou, avant de tourner son attention vers l'entrée.

Il ne fut pas vraiment étonné de voir la silhouette de Draco se découper dans la lumière et poussa lui aussi un soupir soulagé. Il ne s'était pas rendu compte que la nervosité des deux sorciers avait fini par le gagner.

Malfoy était égal à lui-même, le regard froid, un brin supérieur et sarcastique, et ses côtés flanqués de ses deux éternels acolytes, Gregory Goyle et Vincent Crabble. Pansy suivait immédiatement, accompagné de Blaise pour représenter tout ce qui restait des Slytherins de dernière année. La guerre avait causée de nombreuses morts d'un côté comme de l'autre et l'école avait perdu presque un tiers de ses élèves. Certains avaient été des amis, d'autres non, mais tous avaient été pleurés avec la même équité.

S'il avait encore eu des doutes quand à l'identité de l'élève qui avait ainsi troublé ses professeurs, ils venaient de se dissiper. Mais cette certitude abattit un poing de glace sur son estomac. Il se rappelait trop bien les paroles qu'ils avaient échangées, leur soupçon, la hâte qu'il avait eu à le retrouver, et se demanda pour la première fois ce qui serait arrivé s'il n'avait pas découvert accidentellement le jeune homme. Ou s'il l'avait repoussé.

Aurait-on retrouvé son corps écraser aux pieds des murs de l'école reposant dans la rosée matinale qui perlait des herbes hautes du jardin ?

S'était une éventualité dérangeante mais envisageable, bien que rien dans l'attitude actuelle du sorcier ne le laisse préjugé.

Posant un regard nouveau sur sa Némésis, il sentit certaines de ses vieilles haines se dissiper.

Le jeune homme s'avançait actuellement entre les travées des tables, le pas confiant et son regard, porteur des reflets noirs de sa colère et de son dédain, posé sur les deux professeurs. Ceux-ci, pour la première fois de leur vie, détournèrent la tête ayant perdu en cet instant leur statu de supérieur pour celui d'accusé. Un nouveau soubresaut de tension électrisa la pièce et Ron sentit les poils de ses bras s'hérisser en réponse. Puis leurs yeux se croisèrent et le temps s'arrêta.

A l'arrogance qui teintait son regard se substitua le même mélange d'émotions qu'il avait affronté la veille, peur, douleur, désespoir, accompagné maintenant d'autres nuances. Etait-ce la compréhension qui se mêlait ainsi à sa souffrance, des remerciements ? Il avait le sentiment qu'il était le seul à avoir jamais vu si profondément en lui.

L'espoir que quelque chose est pu changé entre eux, se raviva alors avec force et il s'y raccrocha pour une raison au delà de toute compréhension.

Le bruit d'un livre jeté sur la table à ses côtés le fit sursauter, brisant l'instant et le forçant à détourner la tête pour voir qui s'était ainsi introduit entre eux. Sa bouche devint sèche à la vue du regard noir dardé dans sa direction et il déglutit avec peine.

Ehrrr… bonjour Hermione.

Son silence fut plus terrifiant encore que tous les grondements quelle aurait pu exprimer et il se ratatina sur lui-même, craignant désormais pour sa vie. Il connaissait suffisamment la jeune femme pour savoir qu'il était dans un pétrin magistral et aurait préféré en cet instant devoir affronter un Klingon – son père l'avait corrompu aux Star Trek – que de rester face à elle.

Du coin de l'œil, il surprit les expressions hilares de ses compagnons et les maudits tous jusqu'à la septième génération. On voyait bien qu'il n'aurait pas à affronter l'ouragan Granger quand il s'abattrait, chose qu'il avait fait un peu trop souvent dans sa vie pour le bien être de sa santé.

Marmonnant des excuses bien pathétiques, même à ses propres oreilles, il baissa les yeux et s'apprêtait à recevoir sa colère lorsqu'une main se posa sur sa tête et lui ébouriffa les cheveux.

Crétin, l'entendit-elle sangloter, tu m'as fait une peur bleue.

Et il fut aussitôt engouffré dans les bras de la jeune femme, serrer comme si sa vie en dépendait alors qu'elle tentait tant bien que mal de se ressaisir. Lorsque enfin, elle regagna un semblant de calme et le relâcha, il lui caressa le visage, essuya les traces de ses larmes et lui déposa un baiser sur le front.

Je suis désolé.

Je sais, dit-elle en lui donnant un petit coup de poing dans l'estomac pour bien lui montrer qu'il n'avait pas fini de se faire pardonner. Mais ne refait plus jamais ça.

Juré.

Tu as intérêt.

Sur un « Humph » réconciliateur, elle s'assit alors à ses côtés et comme si de rien n'était, commença à manger son petit déjeuné. Ce signal suffit au reste du groupe pour prendre place autour de la table, Dean tirant la chaise pour Seamus qui avait depuis longtemps renoncé à l'en empêcher, Ginny se perchant aux côtés de son « Grand frère » le regard plein de promesses de longues discussions qu'il lui faudrait évité, Neville en face et Harry aux côtés de Hermione.

Je suis désolé, répéta-t-il, mais à l'ensemble du groupe cette fois.

Quelques hochements de têtes accueillirent ses excuses et rapidement les discussions reprirent un cours normal pour se concentrer sur les derniers ragots et un débat palpitant sur les bienfaits de la mandragore ou du pied de dragon dans la préparation d'un filtre de sommeil. Harry s'entêtait à dire que la mandragore était bien trop puissante et dangereuse pour une telle utilisation, alors que Hermione maintenait qu'elle seule avait les propriétés nécessaires pour créer une potion efficace.

Ron sourit en les voyant ainsi gentiment se chamailler, pouvant presque sentir les reliefs de leur ancienne camaraderie se reformer. Mais son attention fut vite détournée vers Draco qui fixait son petit déjeuner avec une intensité surprenante. Un monde semblait désormais les séparer. Une barrière, dressée non seulement entre lui et le jeune homme, mais également entre Draco et le reste de l'école. C'était une sensation étrange, comme si Malfoy n'appartenait plus réellement à cette institution, ni à ce monde.

Cette pensée le fit frémir pour une raison inexpliquée.

Du coin de l'œil, il aperçut McGonagall qui observait le jeune homme avec la même intensité. Elle aussi semblait percevoir cette séparation et l'angoisse qu'il lisait sur son visage lui laissait à penser qu'elle en connaissait la raison.

La sensation de malaise était telle qu'il fut tenté d'aller la voir et lui demandé des explications, mais avant qu'il puisse esquisser le moindre mouvement, une ombre se dressa devant lui. Un grognement involontaire lui échappa, qu'il ravala bien vite en reconnaissance la silhouette imposante et sombre du professeur Snape.

Monsieur ? Bredouilla-t-il, incertain.

Snape soupira et avec une répugnance certaine lui adressa la parole.

Monsieur Weasley. Bien que cela ne me dérangerait pas de laisser le chose telle qu'elles sont, on m'a fait part de certaines… informations qui m'ont forcé à réviser mon jugement de la veille. Il semblerait que vous ne soyez pas… responsable du malheureux incident qui a affecté mon cours d'hier après-midi. En conséquence, j'annule le retrait de points aux Gryffindors.

Une immense liesse se fit aussitôt entendre à la table et Snape renifla son mécontentement.

Mais sachez que je ne serais pas toujours aussi généreux. Je vous prierais donc de faire attention.

Oui, professeur.

Avec une dignité que lui seul semblait pouvoir affecter, Severus Snape haussa un sourcil dubitatif avant de s'éloigner pour sortir de la salle et regagner ses appartements.

Ron attendit que la porte se soit refermée pour laisser échapper un soupir de soulagement et plusieurs mains vinrent lui taper dans le dos, alors que toutes les tables discutaient déjà de cet événement extraordinaire. Pour la première fois depuis qu'il était en poste, Snape s'excusait publiquement. Une page d'histoire qui resterait assurément gravée dans les annales de l'école. Même les professeurs paraissaient avoir quelques difficultés à s'en remettre, alors qu'Albus gloussait doucement dans sa barbe. Ron soupçonnait le vieil homme d'avoir un faible pour ce professeur qu'il semblait considérer comme son fils.

Une question demeurait cependant. Qui donc avait pu intercéder en sa faveur ? Il ne pouvait s'agir de Neville. Le jeune se montrait aussi étonné que les autres et bien qu'il ait d'énormes qualités, Ron doutait qu'il possédât le courage suffisant pour affronter Snape.

Qui alors ?

Un soupçon lui traversa l'esprit, mais lorsqu'il se tourna vers la table des Slytherins, Malfoy avait déjà disparu.

Voilà, à suivre…