1° janvier 2024 :
C'est toujours moi : Lou. Mais j'ai bien grandit, j'ai 35 ans. Je suis
toujours gardienne du temps. Si je n'ai pas continué ce journal avant, peut
être était-ce par peur de ce qu'il aurait contenu pendant toutes ces
années ? Je ne sais pas.
Mais aujourd'hui j'avais envie de raconter comment nous avons récupéré les
clefs, il y a 22 ans ...
Le passage était brûlant d'un côté et glacial de l'autre mais je ne saurais dire desquels. Lorsque nous sommes arrivées de l'autre côté, dans l'autre monde : il n'y avait que ténèbres. Alexia a embrasé sa main, son halo de lumière effraya les créatures frémissantes qui s'étaient approchées et qui s'enfuirent en disparaissant dans l'obscurité parmi les formes incongrues du décor. Nous avancions dans la lueur, nous étions cinq filles perdues dans le néant. On marcha toujours tout droit. « Ecoutez ! » susurra Paige. Utilisant son pouvoir, elle plaça ses mains, paumes tendues devant elle : ressentant les vibrations. « Qu'entends tu ? demanda Lamie d'une petite voix. C'est une cloche ... assez lointaine. Annonce-t-on notre arrivée ? ironisa Carmin. Sûrement à la digue sombre ! dit Alexia. Allons y ... » Nous avons marché encore, guidées par Paige. Puis la digue sombre est apparue, sinistre. Une barrière entravait le chemin que nous suivions, il y avait un petit box à ses côtés. Je m'approchais. La créature passa sa tête hors du box : « Que voulez-vous ? siffla-t-elle. Nous réclamons le droit de passage. affirmais-je. » La créature se mit à rire, manquant de s'étouffer. « Et vous croyez que je vais vous le donner sur votre simple parole ? reprit-elle. Mais nous devons passer ! s'exclama Carmin. La crevasse n'est pas une zone touristique pour des sales humaines dans votre genre ! cracha la créature. Ecoute moi espèce de machin visqueux, menaça Alexia perdant patience, on doit passer c'est clair ? Mais croit moi on s'en passerait bien ! Oh et que vas-tu me faire si je vous en empêche ? Je vais ... Euh ... osa Lamie. Alex je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Tu vas voir je vais le carboniser ce marais ambulant ! ! ragea Alexia en levant un bras qui s'embrasa. IL SUFFIT. » Lorsque Alexia avait formé sa boule de feu, la créature s'était recroquevillée sur elle même. J'ai écarté les mains et le temps c'est suspendu. Juste moi et lui. « Qu'as-tu fais ? haleta-t-il. J'ai stoppé le temps. Vous êtes les gardiennes des clefs ... Et vous êtes le croque-mitaine. Vous venez les reprendre, je savais bien que cet oracle en renverrais d'autre ... » Il leva la barrière. « Mon maître vous attend. Prenez garde gardiennes, vous êtes déjà perdues ... Tous ceux qui errent ne sont pas perdus. ai-je répondu. » J'ai relancé le temps et après quelques explications, nous sommes parties en direction de la crevasse des deux mondes.
La crevasse est un trou béant, une déchirure de la terre et par cette plaie immense suintent toutes les souffrances. Lorsque nous nous en sommes approchées, nos pas y on résonnés, lugubres. « Et que sommes nous censées faire maintenant ? demanda Alexia. Y plonger la tête la première ? Moi je ne vois pas de fond ... dit Lamie. C'est parce qu'il n'y en a pas, affirma Paige, l'air s'y engouffre mais n'en ressort jamais. Sinistre. dit Carmin. Je voudrais bien l'y voir moi l'oracle ! continua Alexia. Alors Lou ? Ben ... dis-je. Je sais pas ... Ah ! soupira Lamie. Dommage qu'il ne t'ai pas mis la solution direct dans le crâne ! Il pense que l'on doit trouver par nous même. répondis-je. Magnifique. dit Carmin. Dit donc Carmy, s'indigna Lamie en mettant les poings sur les hanches, on ne te demande pas d'être enthousiaste mais tu pourrais y mettre un peu plus de ... Bonne volonté ? Désolée, mais j'attends de voir la vôtre les filles ! Chut ! clamais-je. Qui y'a-t-il Lou ? demandèrent-elles. Tu sens quelque chose ? Le temps ... Il s'accélère. » L'air s'était mis à bouillonner, les vibrations de la terre et de l'eau affluaient de plus en plus vite et la flamme d'Alexia tournoyait si bien qu'elle s'éteignit. Alors nous l'avons toutes sentit, voyant l'ombre grandir. Sur le bord opposé de la crevasse, une ombre grandissait prenant la forme d'une silhouette décharnée : le passe-muraille. « Lou ! Fais quelque chose ! Vite ! » Quelque chose mais quoi ? « Lou ! N'importe quoi ! » J'ai étendu les bras, et les ai poussées toutes les cinq dans la crevasse. Avant de sauter à leur suite, j'ai eu le temps d'apercevoir le passe-muraille rejetant sa capuche vers l'arrière et éclatant d'un rire sinistre. Le même rire dans notre première vision. Alors que nous tombions, il cria dans l'abîme : « Les gardiennes sont vouées à sombrer ! »
« Bravo Lou ! s'exclama Alexia. C'était un coup de génie cette fois ! Tais-toi et fais-nous de la lumière ! cria Lamie. » Elle s'exécuta : nous tombions tout à fait entre les deux bords de la crevasse, nous tombions dans une chute sans fin puisque la crevasse n'avait pas de fond. « On va finir par s'écraser ? demanda Carmin. Aucune idée, dit Paige, le vent nous entraîne avec lui mais il ne sait pas où ! Bah si le vent ne sait pas : on est foutues ! WOUAÏ ! » Un petit objet métallique venait de percuter le front d'Alexia, elle fut projetée contre une des parois sur laquelle elle rebondit puis revint au milieu de la crevasse et s'arrêta subitement de tomber. Mais nous, nous tombions toujours ! Levant la tête Alexia était déjà loin au dessus de nous, elle tenait l'objet brillant dans sa main. « C'EST LA CLEF ! ! hurla-t-elle. » La clef du feu était revenue à sa gardienne. « Comment cela se fait qu'elle ai retrouvé sa clef et pas nous, demanda Carmin. J'en ai aucune idée ! avoua Lamie. Ben ce serait le bon moment pour en avoir une ! Et une brillante ! s'exclama Paige. Je pense ... dis-je. Qu'il faut invoquer les éléments ! Ici ? Oui Alexia avait appelé le feu ! dit Lamie. » Paige étendit simplement les bras pour invoquer l'air, tout d'abord, il ne se passa rien. Puis elle ralentit sa chute et une petite clef métallique vint se loger dans une de ses paumes. « Je l'ai ! cria-t-elle. » Mais nous continuions de tomber. « Dépêchons-nous car sinon nous allons trop être espacées l'une de l'autre ! dis-je. » Carmin appela alors la terre. Elle tendit ses paumes vers les parois qui défilaient toujours sous nos yeux, elle en fit jaillir d'énormes fleurs d'argent. La clef vint aussi à elle et elle cessa de tomber. Lamie appela l'eau, son élément. On entendit au dessus de nos tête un grondement, puis un éclair zébra la crevasse et la pluie tomba. Elle attrapa sa clef et arrêta sa chute. Je restai seule à tomber. Me demandant si j'allais réussir à appeler le temps ou si les profondeurs de la crevasse allaient finir par m'engloutir. « Temps qui passe, entends mon appel : vient à moi en ce moment éternel et ramène-moi la clef du temps oubliée. » Je réitérais plusieurs fois ma phrase, c'est alors que je sentis dans ma main un petit objet se glisser. C'était la clef. Son contact glacé me fit sursauter mais le métal tiédit et je reconnus mon élément car il me semblait qu'elle se muait en moi. Je ne tombais plus. Je contemplais la clef, elle était argentée, finement gravée d'inscriptions élégantes et je reconnus le dessin d'une pendule sur la partie centrale. Soudain, mon dos s'arqua. Ma main se serra fort sur la clef pour ne pas la laisser tomber mais il lui poussa des plumes qui se muèrent en ailes, elle m'échappa, allant virevolter autour de moi. J'étais suspendue dans le vide.
Mes bras fléchis vers l'arrière, les poings fermés, je sentais mes membres s'allonger, devenir plus forts. Je sentais mon visage changer, mes traits s'affiner et ma voix devenir plus imposante. Des vêtements s'enfilèrent sur mon nouveau corps. Je reconnu sur ma tunique l'emblème de la pendule. Je me remit en position droite, la clef voletant au-dessus de mon épaule gauche, je savais que j'étais devenue une gardienne. Je saisis l'extrémité de la clef et ses ailes nous hissèrent avec une force et une rapidité surprenante en haut de la crevasse. Au passage, je croisai Lamie, Carmin, Paige et Alexia qui s'était elles aussi métamorphosées et auxquelles je donnais des instructions. Toutes les cinq nous avions remonté la crevasse des deux mondes. Surgissant de l'obscurité, les créatures penchées vers l'abîme détallèrent à nouveau en nous voyant. Il y avait en première, à ma gauche, Carmin qui était vêtue de racines et de fleurs d'argent. A ses côtés, Paige avec une robe de nuage et son dos percé de deux ailes scintillantes. En retrait derrière moi, se tenait Alexia qui bouillonnait comme les flammes de sa tunique. J'aperçut qui tournoyait dans ses jambes la queue fourchue d'un diablotin. Et a ma droite, il y avait Lamie enveloppée dans un vêtement de pluie. Un arc-en- ciel s'était formé sur ses cheveux et éclairait son visage. Les clefs volaient autour de nous, décrivant des orbites précis dans les ténèbres mourantes. Le passe-muraille rugit de douleur les clefs s'immobilisèrent. « MAINTENANT ! hurlais-je » Nous tendions alors nos mains paumes tendues horizontalement et les clefs virent se placer dans l'axe de chacune. Un rayon de lumière naquit entre mes deux pouces. La lueur se concentra et se répandit entre tous mes doigts. Je n'osais pas tourner la tête mais je savais qu'il était de même pour les autres. La boule de lumière se détacha de mes mains et alla se concentrer sur le métal de la clef. Celui-ci réfléchit la lueur et la renvoya plus destructrice droit sur sa cible en même temps que les quatre autres pouvoirs. Les cinq lueurs atteignirent le passe-muraille en plein milieu du torse. Il se plia sous le choc. Il riait toujours lorsque le néant le rappela à lui. Mes pieds se posèrent enfin sur le sol. Les filles se posèrent autour de moi. Il ne restait plus de notre ennemi que son long manteau noir et la clef qu'il portait à la ceinture. « Que fait-t-on maintenant ? demanda Lamie. On va réouvrir la porte à la lumière. dis-je dans un souffle. L'oracle te l'a dit ? » Je secouais la tête. Les cinq clefs battirent des ailes autour de la clef sombre puis elle créèrent une nouvelle lueur et la clef du passe-muraille disparut aussi. Dans la lumière aveuglante, le décor changea. Une porte se dressa devant nous, une porte avec cinq serrures. Son bois était souillé d'un dessin grossier à la peinture noir. Alors que nous nous approchions, il s'effaça : le passe-muraille était vraiment vaincu. Nous avons enfilé nos clefs les unes après les autres dans les cinq serrures. Un déclic s'est fait entendre. La porte s'est ouverte et la lumière fut libérée. L'oracle s'est incliné devant nous. Il a dit « Les cinq gardiennes à nouveau les gardent. »
Depuis ce jour, je sens au creux de ma main la marque du pouvoir de la clef, sachant que si quelqu'un rouvre la crevasse, il faudra alors y retourner. Alexia, Paige, Lamie, Carmin et moi. Pour que la lumière se répande toujours autant dans les deux mondes, pour que l'équilibre soit conservé.
J'écris la fin de cette histoire, pour qu'une petite fille de treize ans sache ce qu'elle est devenue. Car ici commence l'avenir mais s'achève, le journal de Lou.
Le passage était brûlant d'un côté et glacial de l'autre mais je ne saurais dire desquels. Lorsque nous sommes arrivées de l'autre côté, dans l'autre monde : il n'y avait que ténèbres. Alexia a embrasé sa main, son halo de lumière effraya les créatures frémissantes qui s'étaient approchées et qui s'enfuirent en disparaissant dans l'obscurité parmi les formes incongrues du décor. Nous avancions dans la lueur, nous étions cinq filles perdues dans le néant. On marcha toujours tout droit. « Ecoutez ! » susurra Paige. Utilisant son pouvoir, elle plaça ses mains, paumes tendues devant elle : ressentant les vibrations. « Qu'entends tu ? demanda Lamie d'une petite voix. C'est une cloche ... assez lointaine. Annonce-t-on notre arrivée ? ironisa Carmin. Sûrement à la digue sombre ! dit Alexia. Allons y ... » Nous avons marché encore, guidées par Paige. Puis la digue sombre est apparue, sinistre. Une barrière entravait le chemin que nous suivions, il y avait un petit box à ses côtés. Je m'approchais. La créature passa sa tête hors du box : « Que voulez-vous ? siffla-t-elle. Nous réclamons le droit de passage. affirmais-je. » La créature se mit à rire, manquant de s'étouffer. « Et vous croyez que je vais vous le donner sur votre simple parole ? reprit-elle. Mais nous devons passer ! s'exclama Carmin. La crevasse n'est pas une zone touristique pour des sales humaines dans votre genre ! cracha la créature. Ecoute moi espèce de machin visqueux, menaça Alexia perdant patience, on doit passer c'est clair ? Mais croit moi on s'en passerait bien ! Oh et que vas-tu me faire si je vous en empêche ? Je vais ... Euh ... osa Lamie. Alex je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Tu vas voir je vais le carboniser ce marais ambulant ! ! ragea Alexia en levant un bras qui s'embrasa. IL SUFFIT. » Lorsque Alexia avait formé sa boule de feu, la créature s'était recroquevillée sur elle même. J'ai écarté les mains et le temps c'est suspendu. Juste moi et lui. « Qu'as-tu fais ? haleta-t-il. J'ai stoppé le temps. Vous êtes les gardiennes des clefs ... Et vous êtes le croque-mitaine. Vous venez les reprendre, je savais bien que cet oracle en renverrais d'autre ... » Il leva la barrière. « Mon maître vous attend. Prenez garde gardiennes, vous êtes déjà perdues ... Tous ceux qui errent ne sont pas perdus. ai-je répondu. » J'ai relancé le temps et après quelques explications, nous sommes parties en direction de la crevasse des deux mondes.
La crevasse est un trou béant, une déchirure de la terre et par cette plaie immense suintent toutes les souffrances. Lorsque nous nous en sommes approchées, nos pas y on résonnés, lugubres. « Et que sommes nous censées faire maintenant ? demanda Alexia. Y plonger la tête la première ? Moi je ne vois pas de fond ... dit Lamie. C'est parce qu'il n'y en a pas, affirma Paige, l'air s'y engouffre mais n'en ressort jamais. Sinistre. dit Carmin. Je voudrais bien l'y voir moi l'oracle ! continua Alexia. Alors Lou ? Ben ... dis-je. Je sais pas ... Ah ! soupira Lamie. Dommage qu'il ne t'ai pas mis la solution direct dans le crâne ! Il pense que l'on doit trouver par nous même. répondis-je. Magnifique. dit Carmin. Dit donc Carmy, s'indigna Lamie en mettant les poings sur les hanches, on ne te demande pas d'être enthousiaste mais tu pourrais y mettre un peu plus de ... Bonne volonté ? Désolée, mais j'attends de voir la vôtre les filles ! Chut ! clamais-je. Qui y'a-t-il Lou ? demandèrent-elles. Tu sens quelque chose ? Le temps ... Il s'accélère. » L'air s'était mis à bouillonner, les vibrations de la terre et de l'eau affluaient de plus en plus vite et la flamme d'Alexia tournoyait si bien qu'elle s'éteignit. Alors nous l'avons toutes sentit, voyant l'ombre grandir. Sur le bord opposé de la crevasse, une ombre grandissait prenant la forme d'une silhouette décharnée : le passe-muraille. « Lou ! Fais quelque chose ! Vite ! » Quelque chose mais quoi ? « Lou ! N'importe quoi ! » J'ai étendu les bras, et les ai poussées toutes les cinq dans la crevasse. Avant de sauter à leur suite, j'ai eu le temps d'apercevoir le passe-muraille rejetant sa capuche vers l'arrière et éclatant d'un rire sinistre. Le même rire dans notre première vision. Alors que nous tombions, il cria dans l'abîme : « Les gardiennes sont vouées à sombrer ! »
« Bravo Lou ! s'exclama Alexia. C'était un coup de génie cette fois ! Tais-toi et fais-nous de la lumière ! cria Lamie. » Elle s'exécuta : nous tombions tout à fait entre les deux bords de la crevasse, nous tombions dans une chute sans fin puisque la crevasse n'avait pas de fond. « On va finir par s'écraser ? demanda Carmin. Aucune idée, dit Paige, le vent nous entraîne avec lui mais il ne sait pas où ! Bah si le vent ne sait pas : on est foutues ! WOUAÏ ! » Un petit objet métallique venait de percuter le front d'Alexia, elle fut projetée contre une des parois sur laquelle elle rebondit puis revint au milieu de la crevasse et s'arrêta subitement de tomber. Mais nous, nous tombions toujours ! Levant la tête Alexia était déjà loin au dessus de nous, elle tenait l'objet brillant dans sa main. « C'EST LA CLEF ! ! hurla-t-elle. » La clef du feu était revenue à sa gardienne. « Comment cela se fait qu'elle ai retrouvé sa clef et pas nous, demanda Carmin. J'en ai aucune idée ! avoua Lamie. Ben ce serait le bon moment pour en avoir une ! Et une brillante ! s'exclama Paige. Je pense ... dis-je. Qu'il faut invoquer les éléments ! Ici ? Oui Alexia avait appelé le feu ! dit Lamie. » Paige étendit simplement les bras pour invoquer l'air, tout d'abord, il ne se passa rien. Puis elle ralentit sa chute et une petite clef métallique vint se loger dans une de ses paumes. « Je l'ai ! cria-t-elle. » Mais nous continuions de tomber. « Dépêchons-nous car sinon nous allons trop être espacées l'une de l'autre ! dis-je. » Carmin appela alors la terre. Elle tendit ses paumes vers les parois qui défilaient toujours sous nos yeux, elle en fit jaillir d'énormes fleurs d'argent. La clef vint aussi à elle et elle cessa de tomber. Lamie appela l'eau, son élément. On entendit au dessus de nos tête un grondement, puis un éclair zébra la crevasse et la pluie tomba. Elle attrapa sa clef et arrêta sa chute. Je restai seule à tomber. Me demandant si j'allais réussir à appeler le temps ou si les profondeurs de la crevasse allaient finir par m'engloutir. « Temps qui passe, entends mon appel : vient à moi en ce moment éternel et ramène-moi la clef du temps oubliée. » Je réitérais plusieurs fois ma phrase, c'est alors que je sentis dans ma main un petit objet se glisser. C'était la clef. Son contact glacé me fit sursauter mais le métal tiédit et je reconnus mon élément car il me semblait qu'elle se muait en moi. Je ne tombais plus. Je contemplais la clef, elle était argentée, finement gravée d'inscriptions élégantes et je reconnus le dessin d'une pendule sur la partie centrale. Soudain, mon dos s'arqua. Ma main se serra fort sur la clef pour ne pas la laisser tomber mais il lui poussa des plumes qui se muèrent en ailes, elle m'échappa, allant virevolter autour de moi. J'étais suspendue dans le vide.
Mes bras fléchis vers l'arrière, les poings fermés, je sentais mes membres s'allonger, devenir plus forts. Je sentais mon visage changer, mes traits s'affiner et ma voix devenir plus imposante. Des vêtements s'enfilèrent sur mon nouveau corps. Je reconnu sur ma tunique l'emblème de la pendule. Je me remit en position droite, la clef voletant au-dessus de mon épaule gauche, je savais que j'étais devenue une gardienne. Je saisis l'extrémité de la clef et ses ailes nous hissèrent avec une force et une rapidité surprenante en haut de la crevasse. Au passage, je croisai Lamie, Carmin, Paige et Alexia qui s'était elles aussi métamorphosées et auxquelles je donnais des instructions. Toutes les cinq nous avions remonté la crevasse des deux mondes. Surgissant de l'obscurité, les créatures penchées vers l'abîme détallèrent à nouveau en nous voyant. Il y avait en première, à ma gauche, Carmin qui était vêtue de racines et de fleurs d'argent. A ses côtés, Paige avec une robe de nuage et son dos percé de deux ailes scintillantes. En retrait derrière moi, se tenait Alexia qui bouillonnait comme les flammes de sa tunique. J'aperçut qui tournoyait dans ses jambes la queue fourchue d'un diablotin. Et a ma droite, il y avait Lamie enveloppée dans un vêtement de pluie. Un arc-en- ciel s'était formé sur ses cheveux et éclairait son visage. Les clefs volaient autour de nous, décrivant des orbites précis dans les ténèbres mourantes. Le passe-muraille rugit de douleur les clefs s'immobilisèrent. « MAINTENANT ! hurlais-je » Nous tendions alors nos mains paumes tendues horizontalement et les clefs virent se placer dans l'axe de chacune. Un rayon de lumière naquit entre mes deux pouces. La lueur se concentra et se répandit entre tous mes doigts. Je n'osais pas tourner la tête mais je savais qu'il était de même pour les autres. La boule de lumière se détacha de mes mains et alla se concentrer sur le métal de la clef. Celui-ci réfléchit la lueur et la renvoya plus destructrice droit sur sa cible en même temps que les quatre autres pouvoirs. Les cinq lueurs atteignirent le passe-muraille en plein milieu du torse. Il se plia sous le choc. Il riait toujours lorsque le néant le rappela à lui. Mes pieds se posèrent enfin sur le sol. Les filles se posèrent autour de moi. Il ne restait plus de notre ennemi que son long manteau noir et la clef qu'il portait à la ceinture. « Que fait-t-on maintenant ? demanda Lamie. On va réouvrir la porte à la lumière. dis-je dans un souffle. L'oracle te l'a dit ? » Je secouais la tête. Les cinq clefs battirent des ailes autour de la clef sombre puis elle créèrent une nouvelle lueur et la clef du passe-muraille disparut aussi. Dans la lumière aveuglante, le décor changea. Une porte se dressa devant nous, une porte avec cinq serrures. Son bois était souillé d'un dessin grossier à la peinture noir. Alors que nous nous approchions, il s'effaça : le passe-muraille était vraiment vaincu. Nous avons enfilé nos clefs les unes après les autres dans les cinq serrures. Un déclic s'est fait entendre. La porte s'est ouverte et la lumière fut libérée. L'oracle s'est incliné devant nous. Il a dit « Les cinq gardiennes à nouveau les gardent. »
Depuis ce jour, je sens au creux de ma main la marque du pouvoir de la clef, sachant que si quelqu'un rouvre la crevasse, il faudra alors y retourner. Alexia, Paige, Lamie, Carmin et moi. Pour que la lumière se répande toujours autant dans les deux mondes, pour que l'équilibre soit conservé.
J'écris la fin de cette histoire, pour qu'une petite fille de treize ans sache ce qu'elle est devenue. Car ici commence l'avenir mais s'achève, le journal de Lou.