Titre : Ames Sœurs

Auteur : Aakanee

Genre : massacre à la tronçonneuse

Base : Harry Potter

Note : ce chapitre est pour l'instant incomplet, mais comme cela fait un long moment que je ne l'avais pas mis à jour j'ai décidé de quand même le mettre. La suite viendra plus tard. Courant septembre normalement.

Ames Sœurs

Chapitre 13

Traque

  Debout dans l'embrasure de la porte, son regard se posa un long moment sur la pièce, la population qui la composait. Hétéroclite. Innombrable. Jamais il n'avait réalisé qu'il y avait autant d'élèves à Poulard, de tous âges et de tous sexes jusqu'à la majorité. Mais beaucoup encore avaient à peine plus de onze ans, tout comme lui à son arrivé. Des débutants, apeurés, terrorisés, pour la plus part assis à même le sol, serrés les uns contre les autres, comme pour se protéger du froid intérieur qui les envahissait. Tremblants.

  Les plus âgés étaient à peine plus calmes, cherchant à les réconforter, les distraire, mais trahis par la nervosité de leurs gestes et de leurs regards. Ils arpentaient la pièce, s'arrêtant parfois dans l'embrasure d'une fenêtre pour jeter un rapide coup d'œil à l'extérieur et frissonner doucement.

  Aucun d'eux ne comprenait réellement ce qui se passait, mais tous sentaient cette aura pulsative et glaciale qui semblait peu à peu envahir l'école… et la dévorer.

  L'engloutir.

  La consumer.

  Des quatre maisons, il ne restait plus rien. Serpentards, Griffondors, Serdaigles, Poufsouffles, oubliés. Comme n'ayant jamais existé. De tous ces affrontements, ces haines, il ne demeurait que le besoin de réconfort. Le besoin de partager un peu de chaleur, un sourire, un instant de paix.

  La peur. Palpable, rendant l'air parfois à peine supportable, à peine respirable.

  Il les comprenait.

  Il avait affronté certains des pires magiciens ayant jamais vécus, des monstres tels qu'il ne voulait plus les imaginer.

  Il avait tué Voldemort !

  Pourtant, il pouvait sentir l'effroi pulser dans ses veines, ramper sous sa peau, lui arrachant parfois de longs frissons. L'aura maléfique qui semblait désormais s'insinuer partout était plus terrible que tout ce qu'il avait jamais connu. Vicieuse, morbide, glacée, gluante. Elle semblait presque coller à sa peau, la lécher. Il avait parfois l'impression de la sentir couler le long de sa nuque et de son dos, pénétré sa peau, ses os, pour l'infecter. Il voulait alors presque l'arracher pour s'en débarrasser.

  Il savait que sa sensibilité pour la magie, supérieure à beaucoup, le rendait plus vulnérable à ses sensations, plus réceptifs. Mais aux regards qu'il pouvait percevoir chez chaque personne, même les plus jeunes et inexpérimentés, il savait qu'aucun ici n'était épargné.

  Et ils étaient tous morts de peur, même lui. Il ne le montrerait pas pourtant. Du moins, pas aux yeux de tous ses élèves qu'il ne connaissait pas et qui l'admiraient en secret. Il ne pouvait pas. Pas pour leur réconfort et leur besoin de croire et d'espérer. Il était le grand Harry Potter. Il saurait les protéger, n'est-ce pas ?

  Ironie. S'ils savaient.

  Mais les autres… il ne pourrait pas tromper ses amis, ses proches, sa seule véritable famille. Et aucun d'entre eux ne s'en soucierait, tous savaient ce qu'ils risquaient. Tous partageaient la même terreur secrète. Et tous la dissimulaient.

  Sauf qu'ils n'avaient pas été là. Sauf qu'il n'avait rien vu, qu'ils ne savaient pas, ne sauraient peut-être jamais, ne sentirais peut-être jamais cet effleurement de glace et de mort. Une douleur telle qu'elle semblait encore lui broyer les os. Une terreur telle qu'elle semblait encore faire chavirer son esprit.

  Il retint tout juste un long frisson.

  Ils ne pourraient jamais tout à fait comprendre.

  Il venait de perdre quelque chose. Une partie de lui-même, qu'il ne pourrait jamais retrouver. Une certaine innocence et naïveté. Un certain espoir.

  Déchirés.

  Ecrasés.

  Il resserra un peu plus sa cape autour de lui. Il était glacé et tenait encore à peine sur ses jambes. Il se sentait si faible, prêt à s'écrouler. Mais il ne pouvait pas. Pas encore.

  Un peu plus loin, il voyait Hermione accompagnée de Goyle et Ginny, passant lentement d'un élève à l'autre, souriants pour leur apporter le peu de réconfort qu'ils pouvaient distribuer. Ils leur donnaient parfois des couvertures ou faisaient apparaître quelques boissons chocolatées pour les réchauffer, échangeant toujours un petit mot gentil, posant toujours sur leur épaule une main réconfortante.

  La scène avait quelque chose d'un peu magique à ses yeux et d'irréel, les voir ainsi en vie, calmes, baignés par les lueurs des chandeliers. Si décalés en comparaison de ce qu'il venait de vivre, de ces ténèbres qui étaient venues lécher son échine, à peine un frôlement et si douloureuses pourtant, si dévastatrices.

  Cette seule pensée suffit à le faire trembler.

  Le souvenir de deux immenses pupilles dorées posées sur lui. Une voix rauque et profonde, glaciale, menaçante. Sadique. Le sang. Les cris. La nuit. Et une fuite sans fin.

  Il fit un pas hésitant dans la pièce, percevant vaguement quelques hoquets de surprise lorsqu'il se détacha de l'ombre de la porte, titubant. Il dut presque couvrir son regard à la luminosité soudain trop forte des éclairages et poussa un petit grognement.

  Ses pensées se faisaient flous.

  Il vit Hermione se retourner et le dévisager un long moment avant de sembler enfin le reconnaître. Elle leva alors une main à sa bouche, les yeux écarquillés d'horreur avant de s'élancer de son côté.

  _ Harry !

  Ses jambes cédèrent sous lui à cet instant.

  Il vit le sol se rapprocher à une vitesse affolante sans aucune force pour l'en empêcher, mais ne toucha jamais terre. Il fut stopper au dernier moment dans sa chute par deux bras puissants qui entourèrent sa taille et l'aidèrent à s'asseoir doucement.

  Fermant les yeux, il laissa sa tête rouler dans le giron protecteur de la personne qui venait de l'aider, soupirant presque en sentant sa chaleur le pénétrer peu à peu, réalisant peut-être pour la première fois combien il était réellement glacé. Le simple effleurement de ses mains semblait brûler sa peau. Réchauffer son âme.

  Il aurait voulu s'abandonner à cette étrange sensation de calme et de protection qui l'envahissait peu à peu. Oublier. Pour quelques instants oublier et enfin se reposer.

  Son corps, son esprit tout entier étaient engourdis. Des semaines semblaient avoir passées sans qu'il n'ait pu dormir, alors que quelques heures, peut-être même une à peine, venaient de s'écouler.

  Tellement fatigué.

  Il avait épuisé toutes ses forces, tout son pouvoir, dans une bataille perdue d'avance. Mais il ne l'avait pas su alors et il avait offert tout ce qu'il avait et même plus encore... en vain.

  Il croyait revoir ses larmes, sa douleur, son détachement. Presque entendre son cri de souffrance, de pure agonie mentale alors que pourtant aucun son n'avait franchi ses lèvres. Et ce regard vide, effrayant. Perdue de toute vie.

  Il en avait presque encore la nausée.

  Il voulait… il voulait seulement dormir. Jute se reposer. Enfin. Ne plus lutter contre cette fatigue contre laquelle il ne pouvait rien, envahissant chaire et âme.

  Mais il ne pouvait pas.

  Même s'il était de plus en plus difficile d'y résister, il ne pouvait pas.

  Il entendit vaguement l'appel de son nom et se força à ouvrir les yeux. Tout était si flou et distordu à travers le verre fêlé de ses lunettes, il eut presque du mal à reconnaître le visage inquiet de Percy qui le soutenait de son mieux.

  _ Harry ?

  Au-dessus de lui, il distinguait plus où moins les contours de Remus et Fred qui semblaient nerveux, alors qu'il sentait une main douce serrer la sienne.

  Hermione.

  Il avait cru un instant qu'il ne reverrait jamais la jeune femme et c'est presque avec douleur qui referma légèrement ses doigts sur les siens goûtant sa simple présence à ses côtés. Vivante. Bien vivante.

  _ Harry ? Réponds-nous.

  Il se força à focaliser son regard et éclaircir sa gorge. Il savait bien que son apparence ne devait pas les rassurer. Visage en sang, yeux dilatés et robe en lambeau laissant apercevoir des centaines de petites coupures lacérant sa peau, brûlantes et irritantes, saignant encore vaguement pour certaines.

  Comment eut-il la force de parler ensuite, il n'en fut jamais sûr, mais sa voix fut à peine audible et horriblement rauque.

  _ Oui ?

  Un soupir de soulagement sembla passer toutes les lèvres et certains se permirent même un semblant de sourire.

  _ Bienvenu à la maison, murmura doucement Hermione à son oreille avant d'embrasser tendrement son front.

  Il faillit presque se laisser à cet instant, sous cette caresse si douce et apaisante qu'elle l'attirait vers un sommeil certain, mais il se força à garder les yeux ouverts, respirant l'odeur presque enivrante de labeur et de gentillesse de la jeune femme. Il tenta alors de se redresser avec l'aide de Percy, non sans adresser un petit sourire rassurant à Hermione malgré les traits de douleurs qui peignaient son visage.

  _ Ca va aller ? Demanda-t-elle finalement.

  _ Je survivrais, la rassura-t-il presque plaisantant, tirant quelque peu la langue de provocation.

  Cette maigre tentative d'humour sembla calmer un peu leurs angoisses et ils se détendirent tous visiblement.

  _ Que… que s'est-il passé ? Demanda alors Remus, le visage sombre et angoissé.

  _ Nous avons échoué, répondit simplement Harry, fermant les yeux pour ne pas voir la peur et le désespoir sur leur visage. Nous avons échoué.

  ** La voix de Lucius résonna tel un glas dans les profondeurs soudain silencieuses de la nuit. Le vent s'était inexplicablement calmé, plus aucun crissement d'arbres ni de plantes ne pouvait se faire entendre, pas plus que le chant mystérieux et profond des bêtes qui parcouraient normalement ces bois. La mer elle-même paraissait retenir son souffle alors que plus aucun rouleau ne venait frapper la base de la barrière d'énergie pour éclater en milliers de gerbes translucides et moirées aux seuls rayons des étoiles. Gorn aussi s'était tu, désormais plus mort que vif, le sang coulant toujours de sa plaie béante au ventre par laquelle passait la lance qui prenait lentement sa vie. Son souffle rauque n'était plus que filet silencieux, mais son regard demeurait ouvert alors qu'il se raccrochait aux derniers lambeaux de sa conscience pour être le témoin de ce qu'il avait voulu empêcher et qu'il avait, d'une certaine manière, aidé à accomplir. Ses yeux étaient englués de sueurs et de larmes, tellement dilatés qu'il semblait complètement dévorer ses iris et pourtant, il refusait, il ne pouvait les fermer. Il ne pouvait ignorer son erreur.

  Et plus rien n'existait que cette seconde.

  Un temps figé où seul la voix étonnamment mélodieuse du sorcier osait encore s'élever, hypnotique et mortelle. Terrifiante. Une mélopée sinistre et infiniment triste. Etonnamment triste.

  Ernst fut le premier à baisser les mains pour les enfoncer misérablement dans la terre, loin de cette protection qu'il n'avait su franchir. Qu'il n'avait su détruire, lorsqu'il entendit les mots passer ses lèvres. Il savait déjà que tout était perdu.

  _ Rhreï Amele…

  Qu'il était trop tard.

  _… ena…

  Draco était mort.

  _ … Isham…

  Arkam allait renaître.

  _ …nir…

  Ils allaient tous mourir.

  _ ... Klena Rhreï elin nahr...

  Lentement, il releva la tête pour voir Lucius verser le dernier sang, son regard se dilatant de surprise en apercevant les larmes qui coulaient lentement le long de ses joues, comme nées d'un désespoir sans fin.

  _ ... ena id nahr eth ahir...

  Que…

  _ ... An Ikar Rehn.

  Ses derniers mots semblèrent s'envoler vers les étoiles avant de mourir dans un souffle difficile et il le vit lâcher la fiole pour s'écrouler à genoux, le visage entre les mains. Ses longues mèches blondes cachèrent son regard, collantes de sueur, et il crut un instant que le rituel l'avait vidé de toute force. Mais sa respiration se bloqua lorsqu'il le vit soudain relever la tête pour encrer son regard au sien. Un regard perdu et dévasté. Un regard… un souvenir d'une époque oubliée, effacée. Une amitié. Ce regard d'enfant torturé par une fatalité qu'il n'avait jamais su déchiffrer et qu'il commençait tout juste à comprendre.

  _ Lucius…

  Le sorcier ferma les yeux à l'appel de son nom et baissa la tête, tremblant comme jamais, à peine capable désormais de se supporter. Ses poings se refermèrent sur sa robe noyée de sang et il le vit se pencher en avant pour vomir une bile acide qui se mêla rapidement à la terre, légèrement teintée de carmin. Il toussa un long moment, crachant difficilement les dernières gouttes de ce liquide brûlant, avant de prendre une respiration rauque et se laisser aller au sol, tête baissée.

  Ernst aurait voulu se lever, se porter à ses côtés, mais la barrière toujours dressée l'empêchait d'avancer. Il regarda alors rapidement autour de lui pour observer les visages épuisés et tremblants de ses compagnons. Eux aussi avaient désormais abandonné leurs efforts. Eux aussi avaient désormais compris qu'il était trop tard.

  George s'était porté près d'Harry pour l'aider, alors que Sirius avait à peine bougé, bien trop pâle et tremblant. L'énergie qu'il venait de fournir avait bousculé son état déjà précaire après les lourdes blessures dont il s'était à peine remis et il semblait au bord de l'évanouissement.

  Enfin, il se tourna vers Ron et Dumbledore. Le jeune homme était plus fantomatique encore que son ami, le regard dangereusement fuyant, presque vide. Il ne bougeait pas, les yeux fixés sur une scène qu'il ne semblait plus voir. Il déglutit péniblement. Ron avait l'air... brisé, complètement détruit, insensible à ce qui pouvait se passer autour de lui et il n'était pas sûr qu'ils pourraient jamais le sortir de cet état. Trop de choses s'étaient produites en trop peu de temps, qui avaient peu à peu entamé sa résistance, trop de souffrances. Il venait peut-être de le perdre définitivement.

  Il ne pouvait malheureusement pas encore s'en inquiéter. Quand... si jamais ils étaient à l'abri, qui sait, mais pas pour l'instant.

  Un mouvement attira son attention et il se tourna à nouveau vers Lucius qui s'était péniblement relevé. Ce dernier avait toujours le visage caché par sa chevelure sale et emmêlée et les poings serrés jusqu'au sang. Il le vit regarder brièvement le corps de son fils, puis vouloir faire un pas dans sa direction avant de finalement reculer, venant presque butter contre la barrière face à lui. Il détourna alors lentement la tête et le regarda un long moment, le visage dévasté, avant de lever un bras bandé dans sa direction, sans pour autant passer cette protection qui les séparait.

  Instinctivement Ernst leva aussi la main et un pâle sourire vint un instant jouer sur les traits fatigués du sorcier. Il le vit se détendre légèrement et repousser derrière son oreille une mèche d'or pour dévoiler entièrement son regard.

  Un océan d'émotions.

  Peur. Haine. Trahison. Dégoût… Peine.

  Et ses lèvres bougèrent.

  A peine un murmure.

  Mais les mots ainsi prononcés, ne parvinrent jamais à ses oreilles, inexplicablement filtrés par la magie qui les séparait. Interdits. Pourtant, il en devina chaque intonation, chaque syllabe et sentit sa gorge se serrer.

  « Rony… »

  Il ne pouvait pas…

  « … tient ta promesse… »

  C'était impossible.

  « … S'il te plait… »

  Une larme roula doucement sur la joue bien trop pâle de celui qui était, il y a quelques instants encore, son ennemi, se mêlant au sang et à la sueur, et il crut un moment revoir le visage de cet enfant blotti dans ses bras, à la recherche d'un réconfort, même passager. Si fragile. Tellement innocent et pourtant porteur d'une fatalité qu'il n'avait jamais pu lui révéler.

  _ Lucius…

  « S'il te plait. »

  Il pouvait presque entendre le ton suppliant de sa voix, le même qui lui avait fait prendre un risque fatal plusieurs dizaines d'année plus tôt. Le même qu'il avait appris à haïr et à maudire. Pourtant, inconsciemment, il acquiesça et le sourire qui vint jouer sur les lèvres du père de Draco fut, cette fois, franc, presque heureux. Ce dernier baissa alors le bras, abandonnant par ce geste tout contact et ferma les yeux.

  Un long moment passa ainsi, silencieux, intemporel et il put presque croire que tout était terminé, mais il le vit soudain frémir et recula instinctivement lorsqu'une main vint brusquement enserrer la taille du blond, possessive. Elle le força à s'appuyer contre la figure sombre dressée désormais derrière lui, avant de remonter son torse avec lenteur, jamais stoppée, caressant le satin qui le couvrait et s'arrêtant au niveau du cœur pour en enserrer violemment le tissu foncé et glissant. Lucius flancha immédiatement sous cette poigne puissante et Ernst crut presque l'entendre hurler d'agonie avant de voir un sang rubis couler sur la main qui l'avait agrippé. Le sorcier fut secouer d'un violent spasme de douleur et réagit enfin à cette agression, se saisissant des doigts qui s'enfonçaient profondément en lui. Mais il était visiblement déjà trop faible pour empêcher quoi que ce soit. La pression sembla encore s'accentuer, le faisant s'arquer et Ernst crut qu'il allait s'écrouler, mais le poing se desserra enfin pour le soutenir et le forcer à garder son équilibre.

  Le regard de Lucius croisa alors le sien, peinant à se focaliser, les pupilles dilatées et il devina facilement le souffle difficile qui tentait de franchir ses lèvres cendres. La souffrance devait être insupportable et il n'osait imaginer comment il pouvait encore être conscient.

  Chaque courbe, chaque geste laissait transparaître cette douleur, l'appelant inconsciemment à l'aide, électrisant les fibres de son corps pour se porter à ses côtés et le délivrer. Parvenir cette fois à le sauver.

  Il n'arrêta son geste qu'à quelques millimètres à peine de la barrière, sauvant tout juste sa vie. Il pouvait maintenant la sentir pulser, brûlante, le forçant déjà à reculer alors même qu'il ne l'avait pas effleuré. Elle avait gagné en puissance. Une puissance effroyable qui pouvait désormais tuer.

  Finalement, les yeux de Lucius se fermèrent et sa tête roula sur le côté pour mourir au creux d'une épaule. Le corps derrière lui se dévoila alors, le soutenant comme une fragile figure de porcelaine quand l'instant d'avant il l'avait presque tué. Ernst sentit son cœur se serrer et une vague de terreur se déverser en lui lorsque Draco lui adressa un petit sourire sadique, portant désormais son père.

  Non, pas Draco… Arkam. Ses traits avaient beau être ceux du jeune homme, son regard trahissait des centaines d'années d'expérience et de haine désormais prête à être libérées.

  Une telle puissance qu'il n'osait l'imaginer.

  Une telle puissance qu'il ne saurait l'affronter.

  Il ne l'avait même pas vu bouger.

  Il se força à regarder le pentacle désormais vide et déglutit avec difficulté. Le rituel avait bel et bien fonctionné et il ne le restait désormais que peu de temps avant qu'il ne retrouve tout son pouvoir.

  Et pour cela il allait chercher une source où s'abreuver. Une source qu'ils peut-être pouvaient encore protéger.

  Il observa un peu plus Draco qui se léchait désormais les lèvres et eut une moue de dégoût en le voyant goûter le sang qui teintait encore sa main. Ce dernier souri un peu plus et il sut qu'il leur fallait partir, fuir, maintenant.

  Ils n'avaient plus une seconde à perdre, leurs vies étaient désormais en jeu et celle de toute l'école.

  Arkam prendrait à vicieux plaisir à leur prendre si jamais ils s'avisaient de croiser sa route et plus il boirait de sang, plus sa puissance augmenterait, jusqu'à retrouver, ou dépasser même, celle qu'il avait un jour égalé. Et cette fois, il n'était pas sûr qu'il pourrait être arrêté.

  Il regarda une dernière fois Lucius, répugnant à le laisser aux mains de son maître, mais sachant parfaitement qu'il ne pourrait rien faire et recula finalement pour courir vers ses compagnons qui s'étaient regroupés et observaient la scène avec une morbide fascination.

  _ Ronald ! L'appela aussitôt Sirius en se relevant avec difficulté.

  Le sorcier arriva juste à temps pour le soutenir.

  _ Que fait-on ?

  _ Il faut fuir, répondit Ernst sans hésitation.

  Tous les regards se tournèrent vers lui.

  _ Mais Draco ! Hurlèrent presque Harry et George.

  Il put également sentir Sirius hésiter contre lui et voir Dumbledore se gratter l'arrière de la nuque, pensif.

  Le sorcier ferma un instant les yeux. Visiblement, ils n'avaient pas encore compris. Ou plutôt, ils refusaient encore de comprendre et il n'avait pas le temps de leur expliquer.

  _ Draco… commença-t-il.

  _ Ce n'est plus lui.

  Tous les visages se tournèrent vers la voix qui venait de l'interrompre, surpris.

  Ron était toujours au sol, le regard perdu et fuyant, les bras pendant à terre, sans vie et la peau trop pâle. Comme mort. Et pourtant se furent bien ses lèvres qui bougèrent à nouveau, laissant échapper une voix monocorde et bien trop détachée, presque hors de la réalité.

  _ Ce n'est pas lui, répéta-t-il doucement. Draco est… mort.

  Sa voix trembla sur le dernier mot avant de s'éteindre dans un souffle. Puis, il se releva lentement pour leur face.

  _ Il est mort, souffla-t-il encore, mais sans aucune émotion cette fois.

  Et sans plus leur prêter un seul regard, il commença à s'éloigner, avançant à pas lent vers l'orée de la forêt, marchant tel un automate, ne prenant garde ni aux charnières, ni aux racines qui menaçaient de le faire trébucher à chaque instant.

  _ Ron, souffla douloureusement Harry en le regardant s'éloigner.

  Ernst étouffa un juron. Il n'avait pas besoin de cela maintenant.

  _ Il faut nous séparer, statua-t-il soudain, attirant leur attention. Nous aurons plus de chance en petits groupes. Tout ce que nous avons à faire c'est regagner l'école. Nous y serrons un temps en sécurité. Dumbledore, vous rester avec Ron, essayer de le ramener sain et sauf, n'hésitez pas utiliser la magie s'il le faut.

  Le sorcier acquiesça et s'élança sans attendre à la suite du jeune homme pour le prendre par la main et le forcer à courir. Ron se laissa faire comme un pantin et ils disparurent rapidement de leur vue.

  _ Pourquoi ne pas simplement se téléporter ? Demanda alors Harry en les regardant s'éloigner, inquiet autant de leur santé physique que celle, mentale, de son meilleur ami.

  Ernst eut un sourire ironique en regardant vivement Draco qui n'avait pas encore bougé.

  _ Arkam ne nous le permettrait pas. Il veut s'amuser. C'est également pour ça qu'il ne nous à pas encore attaquer.

  Les traits de ses compagnons s'assombrire brusquement de compréhension et un long frisson sembla les ébranler.

  _ Sirius, dit-il, vous prenez Harry. Partez sur la droite et tournez quand vous arriverez prêt du chêne millénaire, l'école serra droit devant vous.

  Ce dernier acquiesça sans un mot et il lui prit la main pour la serrer péniblement.

  _ Faites attention à vous, souffla-t-il. Et si jamais… si…

  Blake hocha rapidement la tête, comprenant parfaitement ce qu'il voulait dire et sans plus attendre, se détacha de lui pour se reculer et finalement se détourner et partir en courrant vers les bois.

  Harry salua une dernière fois George, tentant un petit sourire, avant de partir immédiatement à sa suite et il les regarda disparaître, ignorant le mauvais pressentiment qui courrait dans ses veines. Puis il se tourna vers son compagnon.

  _ Il semblerait qu'il ne reste plus que nous deux, dit-il avec une pointe d'humour.

  _ Il semblerait effectivement, répondit calmement George.

  Plus calmement qu'il ne l'était en réalité.

  _ Et que fait-on maintenant ?

  Ernst regarda un long moment Draco dont les yeux brillaient d'un sadisme à peine contenu avant de secouer doucement la tête.

  _ On fait comme les autres, souffla-t-il finalement, avant de le saisir par le poignet pour s'éloigner en direction de la forêt. On essaye de rester en vie.

***

  Lucius regarda Ronald s'éloigner sans émettre un seul son, sans faire un seul geste, alors que son esprit hurlait à l'agonie, le suppliant de revenir, vrillant son corps au supplice. Il pouvait goûter la peur qui parcourait ses veines, le désespoir qui plagiait son âme. Un appel à l'aide déchirant qui le faisait trembler à ne plus pouvoir s'arrêter, né de chaque parcelle de son être. Et pourtant, c'était un cri qu'il n'avait pas le droit de pousser. Une demande qu'il ne pouvait pas formuler. Pas à lui. Pas maintenant. Plus maintenant.

  Plus jamais.

  Il se plia un peu plus sous la douleur qui martelait son torse, respirant par petites inspirations courtes et saccadées, à peine encore conscient. Il se sentait glisser lentement vers un gouffre de ténèbres sans pourtant pouvoir jamais l'atteindre, prisonnier de l'étreinte qui le submergeait.

  Sentant sa vue se brouiller sous l'effet de la souffrance ou la terreur, il n'était pas sûr, il émit un faible gémissement lorsque le sorcier disparut enfin et laissa échapper un sanglot.

  Il était désormais seul, …

  ... serviteur de son propre sang.

  Il trembla légèrement.

  Les mains de Draco le soutenaient avec fermeté, étrangement calleuse et érodées, semblant prendre possession de son corps, comme mêlées à lui, maître de sa vie. Il tenta de s'écarter, mais les forces lui manquaient et il ne put même pas le repousser d'un espace.

  Il le sentit alors presque sourire contre son cou à sa vaine tentative et se mordit la lèvre jusqu'au sang pour ne pas hurler. Il le détestait. Non, il le haïssait comme il n'aurait jamais cru haïr quelqu'un. Il lui avait tout volé, sa vie, son corps, son nom, son esprit… sa chaire. Des années d'une souffrance à devenir fou, prisonnier de lui-même. D'une malédiction. Une fatalité pesant sur chaque membre de sa lignée depuis trop de générations.

  Il aurait voulu pouvoir le tuer de ses propres mains.

  Mais combien même en aurait-il eu l'occasion, il n'en aurait pas été capable. Comment pourrait-il tuer son propre fils ? Sa chaire et son sang. Même si Draco, le véritable Draco, l'enfant qu'il avait pu un jour, pendant quelques secondes, tenir avec tant de fierté dans ses bras, était mort en pensée et en âme, il ne pouvait pas toucher à son corps. Il le savait.

  Il maudit presque sa faiblesse.

  _ Tststs ! Souffla soudain une voix à son oreille, effleurant à peine sa peau et le faisant frémir doucement. Lucius, père, quel triste spectacle.

  Le ton amusé était cruel, susurré avec perfidie et sarcasmes, empli de promesses qu'il n'était pas sûr de vouloir connaître. Draco… Arkam, se déplaça alors légèrement, amenant son visage près du sien, prenant le temps de respirer avec délice l'odeur de peur et de colère qui émanait de sa peau, remontant de la base de son cou, à sa joue, pour finalement lécher les larmes qui la traçaient encore. Son souffle était étonnamment glacial contre sa peau et il ferma les yeux pour ne pas avoir à contempler les pupilles d'or qui le dévoraient.

  Il le sentit ouvrir un peu plus la bouche avant qu'un éclair de douleur ne déchire soudain sa joue, le faisait presque hurler, et qu'il ne perçoive la chaleur poisseuse de son sang coulant de l'entaille nouvellement formée. Il ravala à peine la nausée qui lui tordait les entrailles à la sensation du bord acéré de la dent ouvrant sa peau et gémit lorsque Draco commença à laper doucement le liquide odorant et écœurant qui la poissait.

  Il aurait voulu pouvoir s'écarter, le repousser, mais il n'avait pas assez de force pour échapper à l'étreinte qu'il le maintenait. Il était même étonné d'être encore conscient. Et il devait attendre en silence qu'il se soit suffisamment abreuver pour espérer lui échapper.

  Il sentait à peine encore son corps, si ce n'était la souffrance qui irradiait son torse et sa vue se brouillait de plus en plus. Il n'y avait plus que la sensation abjecte de cette langue léchant consciencieusement sa peau et de ce souffle, vibrant d'un plaisir sadique, qui courait douloureusement sur la ligne d'entaille.

  Enfin, le sang cessa de couler et il le sentit s'écarter.

  _ Délicieux, lui fut-il alors souffler. Dommage que je ne puisse pas en prendre plus.

  Une nouvelle vague de nausée l'assaillit à ces paroles et il se sentit enfin sombrer dans les limbes, mais le corps contre lui se resserra aussitôt, agrippant étrangement sa conscience.

  _ Oh, non ! Pas encore !

  Une main vint aussitôt se placer là où, quelques minutes plus tôt, elle l'avait mutilée et une mélodie rauque monta de la gorge de son enfant, faisant naître un effluve de magie oppressante qui referma rapidement ses plaies. Il prit alors une respiration plus forte, laissant toute sa conscience lui revenir enfin et il put cette fois s'écarter du corps glacé pour tomber à terre.

  Arkam le regarda avec dédain, léchant inconsciemment les derniers restes de sang qui souillaient ses lèvres et le força à se relever, empoignant violemment son bras.

  _ La punition est terminée pour l'instant, statua-t-il simplement. Mais je n'oublie pas ce que tu as voulu faire.

  Il caressa rapidement sa joue, empêchant Lucius de se dérober et eut un sourire mi-moqueur, mi-intrigué.

  _ Tu es le premier à m'avoir autant résisté, dit-il quelque peu pensif. C'est étonnant et ton fils avait cette même force. Dommage pour lui qu'il en ait également eu les faiblesses.

  Malfoy ne dit rien, mais son regard fut suffisamment éloquent, empli de tristesse, de haine et de défit.

  _ Tttt, ricana-t-il en lui tapotant légèrement le bout du nez et haussant les sourcils. Quel serviteur arrogant ! Je suis sûr que tu aimerais pouvoir me tuer, alors que tu ne peux malheureusement que me servire.

  Il sourit un peu plus en le voyant accuser difficilement le coup et pencha légèrement la tête pour l'observer avec une passion malsaine.

  _ Ce sera un pur plaisir de t'éduquer, susurra-t-il doucement, avant de saisir une poignée de cheveux pour lui faire pencher la tête et mordre son cou.

  Lucius hurla aussitôt de douleur, lui arrachant un frémissement de plaisir et il le relâcha pour hausser les épaules, moqueur, avant d'ajouter d'un ton guilleret :

  _  Mais malheureusement pour l'heure, j'ai d'autres jouets qui m'attendent.

   Et sans plus se préoccuper de son sort, il se tourna vers la barrière qui protégeait le site et d'un geste de la main la fit s'effondrer instantanément. Il sortit alors du cercle et, fermant les yeux, lança une courte litanie, avant d'afficher presque aussitôt un sourire vainqueur et un peu déçu.

  _ C'est trop facile, soupira-t-il doucement avant de s'élancer vers les bois.

  Lucius n'eut d'autre choix que de le suivre.

  Mais avant qu'il ne s'enfonce complètement dans les méandres verts de ce nouveau « terrain de jeu », il se tourna une dernière fois vers Gorn.

  Il le fixa un court moment, formulant un pardon muet et sans pouvoir soutenir d'avantage son regard accusateur, lança un Avada Kavadra qui acheva sa trop longue souffrance.

  Une fois le corps complètement consumée par cette magie interdite, une lumière argentée jaillit brièvement de la lance encore couverte de son sang et dans un silence presque irréel l'Oryale se referma à tout jamais, emportant avec elle, au cœur de la terre, les dernières traces de l'horrible miracle dont elle avait été la matrice.

  Lucius observa encore un instant ce plateau redevenu paisible, s'imprégnant de sa paix, pour finalement s'élancer à la suite de son maître, tremblant d'impuissance et de colère à ce qui allait inévitablement suivre.

  La traque venait de commencer.**

A suivre…