Titre : Ames Sœurs

Auteur : Aakanee

Genre : Freddy Krueger

Base : HP

Note : Alors après des problèmes (gros problèmes) familiaux, d'ordi, des stages et des contrôles, j'ai pu enfin trouver quelques jours pour vous écrire CA ! Ouah, je m'étonne toute seule pour le coup. Si vous saviez à quel point le temps passe vite, j'ai l'impression que quelques semaines à peine se sont écoulées depuis la dernière partie alors que ça fait 6 mois. Oups !! ^^ Je me prosterne à vos pieds et vous demande humblement pardon !! Pour la peine vous avez 13 pages en plus, allez hop, c'est parti !

Ames Sœurs

Chapitre 13

Traque

(troisième partie)

  La première goutte qui vint s'écraser sur le carreau ne fit pas un bruit. Elle roula sur sa surface lisse pour glisser jusqu'à la pierre foncée, abandonnant derrière elle une traînée cristalline à peine visible. Puis, il y en eut une autre et encore une autre, guidées par le vent, jusqu'à devenir torrent. Elles frappaient la vitre avec de plus en plus de violence, tel des tambours crépitants. Pourtant, leur rythme apportait un calme étrange. Il coupait le silence oppressant qui semblait avoir envahi l'école tels des pleurs aux sanglots étouffés qui offraient un peu de vie aux échos muets de chaque pièce.

  Debout derrière la vitre, Rogue posa un instant sa main sur la surface glaciale, comme pour cueillir cette cascade fraîche mais inaccessible. Son souffle vint en caresser le carreau et créer un petit halot de buée qui disparut presque aussitôt, brouillant un peu plus le spectacle obscur du terrain de Quidditch.

  En temps normal, il était illuminé par des feux magiques qui brûlaient sur tout son pourtour, assurant les soirs de match un éclairage parfait du terrain. Mais à cet instant, entre ténèbres et pluie battante, il disparaissait presque entièrement. Le peu de lumière qui l'entourait encore le rendait fantomatique et inquiétant. Il n'était  plus qu'une pâle lueur blanche qui paraissait se dissiper en offrande à l'obscurité. Et les quelques rayons qui parvenaient encore à se propager, venaient mourir sur les gouttes de pluie qui battaient la fenêtre pour y faire naître des reflets moirés et accentuer un peu plus l'atmosphère sombre qui les enveloppait.

  Severus ne se retourna pas lorsque la porte du bureau s'ouvrit en grinçant, laissant passer les silhouettes battues et voûtées d'Hermione et Harry, suivit de prêt par Remus. Le jeune couple les avait quittés peu après le réveil de l'adolescent, pour aller s'enquérir des élèves encore assemblés dans le hall principal et peut-être aider les professeurs qui les supportaient en silence. Cette échappatoire leur avait aussi offert quelques instants d'intimités et la possibilité pour le jeune sorcier d'apaiser un peu ses pensées.

  Leur retour prompt semblait indiqué qu'à cet instant, la panique n'avait pas encore gagné avec trop de dureté les jeunes apprentis ou leurs aînés. Mais il ne doutait pas que la chose finirait par arriver. Ce n'était qu'une question de temps. De même que leur survie.

  Quittant des yeux le jeune couple qui s'était installé près de leurs compagnons encore choqués, il reporta son attention sur le néant de la nuit. Il ne put s'empêcher de frissonner lorsqu'il remarqua que le terrain de Quidditch avait désormais complètement disparu. Là où il avait pu encore apercevoir les reflets d'un éclairage quelques instants auparavant, il n'y avait plus que des ténèbres infranchissables. Et cela ne signifiait qu'une chose : il serait bientôt là.

  A chaque seconde qui passait, il pouvait sentir sa puissance augmenter, cette énergie qu'il avait si souvent côtoyée, prête à exploser.

  Mon dieu, que n'avait-il pu agir avant.

  Mais il n'avait pas été de taille à lutter. Jamais. Il n'avait pu qu'essayer de protéger ce qui pouvait l'être encore et rendre certaines douleurs plus supportables. Il pouvait encore sentir, parfois, les réminiscences d'un corps brûlant se contactant contre lui, les muscles bandés roulant douloureusement sous les chaires et son souffle court et rauque. Une agonie pour une bataille perdue d'avance. Et ses cris qui résonnaient toujours à son esprit. Et ses pleurs...

  Aucun d'eux n'avait jamais compris, n'avaient jamais su et il lui-même avait été voué au silence.

  Mais combien même aurait-il pu leur expliquer, jamais ils n'auraient pu soupçonner une telle tournure des évènements. Il n'en avait jamais su autant.

  Et maintenant, il était trop tard.

  Supprimant un nouveau frisson, il resserra un peu plus les pans de sa robe, plongeant ses mains dans ses replis de soie à la recherche d'un peu de chaleur. La pièce était pourtant chauffée, mais rien ne semblait pouvoir venir à bout du froid intérieur qui l'envahissait. Un soupir passa ses lèvres en silence et il laissa une fois de plus son regard dériver dans les profondeurs de la nuit.

  Une obscurité qui les aurait bientôt tous envahis.

  Dans le reflet d'un carreau, il put cependant saisir un mouvement et apercevoir Remus se déplacer. Le sorcier venait de déposer sur le bureau une boite et un sac de plastique transparent contenant de nouveaux bandages et pansements. Ceux déjà souillés avaient été jetés et ils avaient tout juste eu assez de ceux qu'il avait lui-même apporté pour soigner le jeune Potter. Il y avait aussi des antiseptiques et des flacons d'antibiotiques et d'antalgiques dont il retira une pilule pour les porter à Harry.

  Le jeune homme les prit avec gratitude, laissant un petit sourire naître à ses lèvres avant de faire apparaître un verre d'eau et les avaler d'une traite.

  Remus, satisfait, hocha à peine la tête, puis s'approcha du canapé sur lequel reposait désormais Fred. Il effleura l'épaule de son frère, assis à ses côtés, une main emprisonnant celle bien trop pâle de son cadet. Percy ne se tourna pas à ce contact discret, ne sursauta pas, et Remus crut un instant qu'il ne l'avait pas remarqué. Le poids si lourd qui semblait l'accabler s'exprimait à travers chacun de ses mouvements, chacune de ses postures, criant au désespoir et à l'agonie. Son regard était encore rouge des larmes qu'il avait versées et ses joues luisaient de leurs tracés. D'une main, il caressait tendrement la chevelure trempée de sueur de son frère, alors qu'il lui murmurait une litanie sans fin et apaisante.

  Finalement, Percy laissa ses doigts couler le long de la joue de son cadet, effleurant sa peau trop pâle et posa une paume sur sa poitrine pour y boire le simple réconfort de la sentir se soulever régulièrement.

  _ Il a l'air si paisible.

  Le son de sa voix fila à peine le silence de la pièce et il fallut quelques secondes à Remus pour réaliser qu'il venait de parler.

  _ Il semble presque dormir.

  _ Percy…

  _ Mais il ne veut pas se réveiller. Je ne sais pas pourquoi. J'ai pourtant lavé le sang. Tout le sang. La moindre trace.

  Il se tourna vers Lupin, paumes tendues dans sa direction pour preuve de sa sincérité, avant des les examiner minutieusement.

  _ Plus rien, murmura-t-il dévasté. Rien. Ce n'était même pas le sien. Pas le sien…

  _ Percy…

  _ Alors pourquoi ne veut-il pas se réveiller ? Plus rien…

  Désespéré par la réaction du jeune homme, hésitant sur la conduite à tenir, Remus agit de la seule façon possible sachant qu'à cet instant, aucun mot ne pourrait l'aider : doucement, gentiment, il l'attira dans ses bras. Tout d'abord surpris, Percy eut un petit mouvement de recul avant de finalement enfouire son visage dans les plis soyeux de la robe du sorcier, laissant éclater ses sanglots torturés. Son aîné resserra aussitôt l'étreinte sur ce corps soudain fragile et entreprit de le bercer, frottant son dos en petits cercles réguliers. Les pleurs du jeune homme se répercutèrent presque douloureusement dans sa poitrine, mais il ne relâcha pas son étreinte et leva un moment son regard pour croiser celui de Goyle.

  L'image qu'il renvoya, était le miroir même de cet instant, tenant Ginny contre lui et allouant la jeune femme de puiser un peu de réconfort dans son giron.

  Mon dieu, comment une telle tragédie avait-elle pu arriver ? Comment ?

  Ebouriffant la chevelure du sorcier perdu dans ses bras, il ferma les yeux, manquant le regard amèrement peiné de Rogue et pria longtemps que Sirius soit à ses côtés.

***

  Lorsque la première goutte de pluie s'écrasa sur sa joue, il leva les yeux au ciel et releva sa capuche pour dissimuler son visage dans ses ombres impénétrables. Quelques mèches ébène s'échappèrent sur le côté de son visage et vinrent pleurer sur sa robe, se mêlant de la même couleur. Il ne les replaça pas, focalisé sur les ténèbres qui semblaient gagner toujours plus de terrain. Il ne les avait tout d'abord pas remarqué, confondu par la pénombre nocturne, mais lorsque les premiers contours de la forêt s'étaient estompés, il n'avait pu les ignorer.

  Malheureusement, il était impuissant face à elles.

  Il distinguait à peine désormais les pavés qui menaient aux immenses battants du hall d'entrée et il ne doutait pas qu'ils disparaîtraient bientôt à leur tour.

  Cette marée sombre paraissait tout dévorer, coupant vue et communication.

  Il avait bien tenté d'envoyer quelques messagers à Londres, au Ministère de la Magie, mais tous, sans exception, avaient buté soit contre la barrière invisible qui s'était dressée autour de l'école et ses environs, soit contre ces ténèbres chargées de maléfices. Beaucoup n'y avaient pas survécu.

  Son souffle se bloqua lorsqu'il vit les premières volutes s'étendre vers leur propre protection et fut surpris de son soulagement lorsqu'elles glissèrent dessus, sans parvenir à percer. Cette chose, épaisse et opaque, paraissait presque vivante dans sa détermination à trouver la moindre faille et à recouvrir lentement mais sûrement toute la surface de la barrière. Il put à peine contenir un frisson en la voyant faire.

  Le messager ne plairait pas à son maître.

  Il savait Arkam puissant, mais il commençait tout juste à réaliser toute l'étendue de son pouvoir. Rien, pas même l'histoire de son règne qui avait bercé sa vie, n'avait pu le préparer à ces instants. Même sans avoir regagner toute sa puissance, il était déjà plus dangereux que deux ou trois sorciers réunis. Il maîtrisait l'essence même de la vie, la terre, ses éléments et ses serviteurs infernaux.

  Il était maudit.

  La pluie se mit à battre plus fort son tempo et il fut bientôt trempé. Pourtant, il ne relâcha pas sa vigilance et étendit ses sens, sa magie à l'affût du moindre changement ou de la moindre présence. C'est ainsi qu'il perçut avant de le voir, le mouvement dans les branches dans les bois sur sa droite.

  Il chassa d'un geste l'humidité qui embuait son regard et se concentra sur ce point. Une main pâle émergea de sa manche, une litanie balbutia à ses lèvres et des ses paumes naquit une boule crépitante d'énergie. Il stoppa alors son psaume, contenant tout juste entre ses doigts la puissance qui demandait à être libérée et attendit.

  Ne distinguant plus un mouvement, il se fondit dans les ténèbres, tel un fauve à l'affût, ses pas lents et contrôlés le menant vers le rebord de la tour. Là, il reprit sa garde et dissimula dans les replis de sa robe la boule meurtrière aux aguets de sa victime.

  Il n'eut pas à attendre longtemps.

  La silhouette qui émergea de la nuit, tituba, semblant lutter autant pour s'extirper de la marée de branches que celle des ténèbres. Il put presque voir ces dernières agripper sa robe, étendant leurs longs doigts noirs dans ses replis pour s'y raccrocher. La forme se débattit encore quelques instants avant de stopper ses efforts et être soudain engouffrée dans une boule de lumière qui fit lâcher prise à la « chose ». Les filaments d'ombres se rétractèrent aussitôt, tel un animal effleurer par le feu et se recroquevillèrent dans la mer protectrice dont ils étaient nés.

  Il aurait pu jurer entendre leur cri de douleur résonner dans la nuit.

  La silhouette, enfin libre, s'éloigna sans attendre pour passer la barrière et s'effondrer sur le sol encore protéger de l'école. Il put alors distinguer l'autre forme noyée contre son torse et eut un hoquet de surprise lorsque celui qui la soutenait releva vers lui des yeux suppliants.

  L'énergie qui crépitait encore entre ses doigts, s'évapora aussitôt en une traînée de poussière et il y eut tout juste le temps d'un battement de cœur, avant qu'il ne recule et s'échappe du toit. Ce regard, il l'aurait reconnu entre tous, même si les traits qui le hantaient lui étaient étrangers.

  Il dévala les escaliers quatre à quatre, manquant à plusieurs reprises de glisser, toujours épuisé et le corps martyrisé par des douleurs sourdes. Mais il s'arrêta pas. Pas une seule fois, même pour reprendre son souffle, même pour s'excuser auprès d'une personne qu'il aurait bousculée. Il n'entendit jamais l'appel de son nom lorsque Remus apparut derrière lui, émergeant du bureau de Ernst. Il ne prêta aucune attention aux regards surpris des élèves ou professeurs lorsqu'il déboucha en toute hâte dans le hall d'entrée et se précipita vers les portes dont il ordonna l'ouverture. Elles lui offrirent tout juste l'espace de se faufiler lorsqu'il atteignit les battants, mais il s'y engouffra néanmoins et dévala les dernières marches du perron.

  Alors, il stoppa sa course.

  Reprenant avec difficulté son souffle et après un regard aux deux formes prostrées au sol, il fit un pas dans leur direction. Il lui fallut moins de dix enjambées pour les rejoindre. Dix pas qu'ils lui semblèrent une éternité.

  Il s'arrêta à peine à quelques centimètres d'elles et se laissa tomber au sol, ses yeux maintenant joints à ceux qui l'avaient appelé du haut de la tour. Sa main vint toucher, hésitante, la peau à peine ridée qui lui faisait face et son regard se fronça un peu plus. Seul l'appel de son nom le sortit de sa contemplation étonnée.

  _ Sirius ?

  Il frémit au son de cette voix. C'était impossible !

  _ Sirius… aide-moi.

 Ces paroles suffirent heureusement à le sortir de l'état de choc qui l'avait presque paralysé. Sans chercher à comprendre plus avant, il hocha la tête.

  _ Es-tu blessé ?

  _ Quelques égratignures tout au plus et des bleus, mais…

  Son compagnon baissa les yeux et desserra son étreinte sur le corps étendu contre lui, révélant un visage d'une pâleur presque translucide et taché de sang. Un sang coagulé qui noyait la quasi-totalité de sa robe et dégageait une odeur viciée de cuivre. Il pouvait voir aussi, malgré les ténèbres, le petit filet frais qui s'échappait toujours du bandage grossier qui entourait sa poitrine. Un souffle, à peine perceptible, lui assurait cependant qu'il était toujours en vie. Mais pour combien de temps ?

  _ J'ai arrêté le plus gros du saignement, souffla son ami au bord de l'épuisement. Mais je n'avais plus assez de force pour…

  Sirius posa sur son épaule une main ferme et rassurante.

  _ Je sais.

  Sans attendre, il lui prit son précieux fardeau des bras pour se relever sans peine. Son compagnon eut plus de mal et tituba à plusieurs reprise avant d'être debout et stable. Une fois certain qu'il pourrait le suivre sans s'effondrer, Sirius repartit en tout hâte vers l'école, ralentissant tout juste son pas pour s'assurer que son ami parvenait à le suivre.

  Aux portes, désormais grandes ouvertes, attendaient plusieurs dizaines d'élèves et de professeurs. Certains étaient emmitouflés dans des couvertures, d'autres tenaient toujours à la main une tasse de chocolat fumante et tous se bousculaient plus ou moins pour observer l'étrange trio. Ils s'écartèrent cependant pour laisser passer Sirius, comprenant l'importance de sa charge. Il y eut quelques hoquets de stupeurs, de regards détournés et parfois même de larmes lorsqu'ils reconnurent la forme pâle dans ses bras. Certains même se détournèrent pour ne pas assister plus longtemps à cette scène. Mais aucun ne lui fit obstacle et les plus courageux effleurèrent même le blessé pour lui apporter leur soutient muet.

  Tous portaient le même regard hanté.

  Si aucun avait encore un doute quant à la menace qui pesait sur eux, il venait de s'envoler. Et un seul regard à l'ombre qui déambulait à leur porte suffisait à assombrir d'autant plus leur espoir.

  Les battants furent rapidement refermer derrière eux et une fois ce spectacle coupé, leur attention se tourna sur le compagnon silencieux et battu de Blake. Ce dernier s'étonna de la curiosité qu'il attirait, comme un étranger en terre sainte. Aucun ne le salua, aucun ne chercha à l'aider et il s'arrêta décontenancé. Il pouvait également voir la peur dans leurs regards, leur hésitation lorsqu'il s'avançait vers eux, avant de reculer avec précipitation pour ne pas le toucher. Ils semblaient attendre quelque chose, quelque chose d'horrible de sa part, comme s'il était prêt à les tuer ou pire, les torturer. Ce n'est que lorsque Sirius se tourna vers lui pour lui faire signe de le suivre qu'ils se détendirent, comprenant enfin qu'il n'était pas une menace. Cela montrait à quel point Blake avait regagné leur confiance depuis Azkaban. Ce qu'il ne comprenait pas, c'était leur réaction à son égard, comme s'ils ne l'avaient pas reconnu.

  Bien trop épuisé pour comprendre, tenant à peine sur ses jambes, il secoua la tête et emboîta le pas à son compagnon. Les explications, s'il y en avait, viendraient en leur temps. Pour l'heure, ils avaient des choses bien plus importantes à s'occuper.

  Ils avaient traversé à peine la moitié du hall d'entrée lorsque Remus apparut en bas des escaliers. Ses pommettes, rosies par sa course, perdirent presque aussitôt toute couleur en apercevant son amant et le fardeau qu'il portait encore. Puis son regard se porta sur l'homme qui les suivait pour s'agrandir de surprise avant de se reporter sur Sirius.

  _ Que… ?

  _ Je n'en sais pas plus que toi, mais il y a plus important. Il est encore en vie. Il faut que tu l'aides Remus, je ne sais pas combien de temps il tiendra encore.

  Lupin hocha la tête et s'écarta d'un pas pour laisser passer le trio avant de les suivre dans les escaliers. Il retint cependant la manche du troisième homme pour attirer son attention et observer encore un instant son visage familier.

  _ Ronald ? Demanda-t-il d'une voix hésitante.

  L'expression perplexe de celui-ci s'accentua un peu plus devant son comportement.

  _ Oui, mais que…

  _ Oh mon dieu !

  _ Remus !

  Les deux hommes se tournèrent vers Blake qui avait déjà atteint le haut des marches.

  _ Pas maintenant.

 Ce dernier ne put que se plier à la voix suppliante de son ami. Et combien même il n'aurait rien dit, un seul regard à la forme mourante qu'il soutenait aurait suffit à le convaincre. Si c'était possible, George paraissait plus pâle que la minute précédente.

  Ernst lui aussi ne put qu'accéder à sa requête, bien que désormais curiosité et inquiétude le forcent presque à demander une explication. Et c'est le cœur battant à tout rompre qu'il les suivit.

***

  _ Il respire à peine !

  La sentence paniquée résonna dans l'air, figeant les quelques personnes présente dans la pièce. Une éternité sembla l'accompagnée avant que Rogue ne se lève soudain, brisant cette immobilité, et s'approche du canapé. Il écarta avec gentillesse Percy pour accéder à son frère,  conscient du regard désespéré de ce dernier et de ses mains tremblantes. Il n'était pas loin de s'effondrer.

  Il s'assit alors près du jeune homme dont la respiration s'était faite hésitante et passa une main sur son front trempé et désormais glacé. Sa peau, déjà pâle d'ordinaire, atteignait un degré de blancheur à peine concevable.

  Il saisit son poignet, à la recherche d'un pouls, mais celui demeura introuvable et il dut aller à la carotide pour trouver un battement filant et tout juste perceptible. Ce qu'il observa ensuite, entra dans la même logique. Des marbrures sur les membres lorsqu'il souleva les couvertures, le bout des doigts cyanosé, les lèvres bleutées. C'était physiquement impossible, mais Fred était en état de choc. Et il ne pouvait rien y faire.

  _ Professeur ?

  Replaçant les couvertures, non sans une certaine tendresse, Severus se retourna pour faire face au jeune Potter. Il avait abandonné sa compagne auprès de Goyle et Ginny pour se porter à leurs côtés. Percy était désormais assis sur une chaise, probablement par ses bons soins et tous deux attendaient son verdict.

  Il ne se fit pas attendre.

  _ Physiquement, il n'a aucun problème, mais il est entré en état de choc. Je pense que c'est du au lien qui le relie à George. D'une certaine façon, leur capacité magique a du amplifié le pont déjà crée par leur gémellité. Ce que ressent son frère, il le ressent, mentalement et physiquement.

  Au regard échangé entre Percy et Harry, ils s'en doutaient ou le savaient déjà.

  _ Est-ce qu'il va… est-ce qu'il va mourir ?

  La voix fluette de Ginny se fit à peine entendre, mais son implication laissa planer un lourd silence.

  _ C'est impossible à dire, dit Rogue au bout de quelques secondes. Je serais en clin à répondre non. Maintenant, si le lien qui les unit est assez puissant… qui peut savoir.

  _ Cela veut dire… murmura Percy.

  _ Que George est en train de mourir, oui.

  L'aîné de la famille Weasley prit la nouvelle avec un calme admirable étant donné la situation. Il frémit à peine, puis hocha brièvement la tête et se leva pour reprendre place près de son frère. Severus s'écarta et le regarda murmurer quelques mots d'encouragement à son oreille avant de saisir sa main et la serrer. Il n'avait rien d'autre à lui offrir. Ginny, qui semblait avoir épuisé toutes ses larmes, se leva à son tour pour faire de même.

  Après quelques instants, Rogue les laissa pour rejoindre le petit groupe à l'écart et leur offrir un peu d'intimité. Ce serait peut-être leur dernière chance de lui dire… leur dire adieux.

 Mais ils n'eurent pas cette possibilité. La porte s'ouvrit presque aussitôt sur un Remus pâle et tremblant. Il avait quitté la pièce sans explication peu auparavant et revenait accompagné de trois personnes.

  Trois fantômes.

  Un hoquet de stupeur sembla soulevé la pièce à la vue de Sirius et du corps qui reposait dans ses bras. Et peut-être plus encore face à l'étranger qui les accompagnait. Mais bien vite, l'urgence reprit le dessus.

  Non sans une certaine sécheresse née de l'inquiétude, Black ordonna qu'on libère le canapé. Percy n'hésita qu'un instant avant de soulever son frère avec l'attention que l'on réserverait à une poupée de porcelaine. Puis il s'écarta, gardant son précieux fardeau contre lui pour voir le sorcier déposé Fred à la place qu'il venait de libérer. Ginny pâle, droite et très calme, demeura silencieuse à ses côtés.

  Le reste des adolescents fut rapidement envoyé à la recherche de bandages propres, d'eau tiède, de serviettes et couvertures supplémentaires. Ils s'exécutèrent sans une hésitation et la pièce retomba bientôt dans un silence à peine coupé des respirations laborieuses des deux frères.

  Sirius jeta un rapide coup d'œil à Fred, quelque peu troublé par son état, mais il ne fallut pas longtemps pour en deviner la raison. La situation était bien plus grave qu'il ne l'avait craint.

  Dégageant d'un geste de la main la chevelure trempée de sueur qui collait au front du second jumeau, il serra les dents en sentant la fièvre qui ravageait son corps. Pourtant, même cette dernière ne parvenait pas à ramener quelques couleurs sur ses joues pâles. Il avait perdu trop de sang.

  Severus se porta à ses côtés et à eux deux, ils parvinrent à déshabiller le jeune homme sans trop le brusquer.

  Aucun mot ne fut échangé lorsque le bandage fut à mis à l'air, mais les deux sorciers pâlirent ostensiblement. Le tissu autrefois blanc avait désormais une teinte sombre qui s'étendait sur toute son épaisseur. Il était imbibé à saturation et laissait encore échapper de longs filets écarlates. Ils n'osaient imaginé l'importance de la blessure qui suintait dessous.

  Espérant que le jeune homme resterait inconscient, Sirius n'hésita qu'un instant avant d'appuyer fortement sur la plaie recouverte. George frémit à peine, mais le gémissement d'agonie qui passa les lèvres de son jumeau fut suffisamment explicite.

  Au grand soulagement des deux hommes, Crabbe revint au même moment. Il portait une bassine d'eau tiède qu'il déposa près des sorciers, puis il s'écarta pour leur laisser la place. Rogue le remercia et plongea un pan de tissu dans l'eau claire pour le mouiller et permettre de décoller le sang sécher qui liait peau et bandage.

  Ils avaient besoin d'accéder à la plaie pour la nettoyer de toutes infections et si possible la refermer. Restait à voir l'étendue des dégâts.

  Il leur fallut près de quinze minutes pour achever ce délicat travail et le groupe était dès lors au complet. La pièce faisait désormais plus figure d'hôpital que de bureau. Plusieurs bassines d'eau attendaient au sol, refroidissant lentement, un tas de couvertures juste à côté. Sur le bureau, nettoyé de tous papiers, reposaient des bandages propres en grand nombre, des compresses, des désinfectants et des gants. Et il y avait aussi, sinistres, une aiguille à suture et du fil.

  Hormis Sirius, Rogue et Remus, toute la troupe s'était réfugiée à l'autre bout de la pièce. Ils savaient qu'ils risquaient de les gêner autrement.

  Assis contre le mur, Percy portait toujours son frère, l'encourageant à mi-voix dans l'espoir que ses paroles aideraient aussi bien Fred que George. S'il s'inquiétait de sa pâleur de plus en plus cadavérique, de la froideur de sa peau ou de son souffle toujours plus rauque, il ne le montrait pas. Sa voix était assurée et douce et portait toute la confiance qu'il semblait avoir dans leurs guérisons. Ses amis ne purent que reconnaître et admirer cette force de caractère. Tout comme pour Ginny qui ne tarda pas à se joindre à lui. Jamais la voix de l'adolescente ne vacilla. Seules leurs mains, serrées l'une dans l'autre, trahirent le désespoir qu'ils ressentaient.

  Une fois certain que le bandage de fortune n'adhérait plus à la peau, Severus plaça George en position semi-assise afin que Sirius puisse dérouler le pansement et découvrir la plaie. Ce qui avait été autrefois une chemise blanche fut jetée sans remord dans la poubelle et l'eau écarlate du bassin fut écartée pour être remplacée par une autre cuvette d'eau claire.

  Un dernier pan de tissu imbibé fut ôté et les trois hommes purent enfin constater l'étendue de la blessure. La pression qu'avait exercé Blake un peu plus tôt avait suffit à stopper l'hémorragie, mais la plaie n'en restait pas moins affreuse. Elle faisait près de sept centimètres, rouge et violacée et s'enfonçait en profondeur dans la chair à hauteur du cœur.

  Remus eut un hoquet de stupeur à sa vue et ferma les yeux pour laisser passer la nausée.

  Même les blessures de Sirius plus tôt dans la soirée n'avaient pas semblé si graves.

  _ J'ai pu la refermer en grand partie.

  Les trois sorciers se retournèrent vers Ernst qui s'était avancée.

  _ Elle était presque deux fois plus large lorsque je l'ai soigné et plus profonde.

  Severus acquiesça. Nul besoin de chercher la raison derrière la fatigue évidente de l'homme. Ce qu'il avait pu accomplire alors qu'il était déjà épuisé, relevait du miracle. Un miracle qui ne suffirait peut-être pas.

  Il se tourna vers Lupin.

  _ Remus, pouvez-vous ajouter à sa magie ?

  Le sorcier prit quelques instants pour réfléchire.

  Il existait bien un moyen, mais…

  _ Je ne sais. Ma magie est loin d'être aussi puissante et la blessure est profonde. Peut-être pourrais-je la refermer encore un peu, mais probablement rien de plus. Je devrais aussi pouvoir aider son corps à accélérer sa production de globules rouges, mais sans transfusion, je ne pense pas que cela soit suffisant.

  _ Ce sera assez pour l'instant. Pour le sang, nous pourrons nous arranger avec les élèves et un peu de magie plus tard. Je pense que nous aurons plus que de nécessaire. Ce qu'il faut pour le moment, c'est le maintenir en vie.

  Remus acquiesça et adressa un petit sourire à Sirius qui avait posé une main sur son épaule en guise de soutien et confiance. Puis les trois hommes s'écartèrent et Lupin se positionna près du jeune homme, les deux mains juste au-dessus de la poitrine.

  Sa tache ne serait pas facile, mais il n'avait pas le choix s'il espérait le sauver. Il inspira profondément, se concentra et laissa la magie monter en lui. Le sort vint naturellement à ses lèvres et glissa, presque silencieux, dans la pièce. A peine un murmure. Mais l'effort qu'il demandait fit frémir son exécuteur.

  Presque aussitôt, Remus sentit son énergie filtrer hors de lui pour se canaliser dans ses mains et se rependre dans le corps à ses côtés.

  Les sorts de guérison étaient depuis toujours des incantations dangereuses, car pour soigner une personne, le sorcier devait lui offrir une partie de sa force vitale. Il mettait ainsi sa propre vie en jeu.

  Durant les guerres qui avait fait rage des siècles plus tôt, de nombreux sorciers, eux-même déjà blessés ou inexpérimentés, avaient ainsi perdu la vie pour sauver un chef ou un ami. Mais c'était parfois un bien petit prix à payer.

  L'air dans la pièce chuta soudain de plusieurs degrés et toute notion de temps sembla s'arrêter pour Remus.

  Un battement. Puis deux.

  Il parvenait à peine à entendre le son de sa propre voix, sentait tout juste la magie qui le quittait par flots de plus en plus importants. Il comprit dans un instant de panique qu'il avait perdu tout contrôle sur le sort. Il avait utilisé un des plus puissants sans le maîtriser et sans aide, ce qui relevait du suicide. Il ne pouvait plus l'arrêter.

  Sa seule consolation fut de voir la plaie sous ses doigts se refermer presque totalement. Il sentit sa conscience vaciller. Un voile noir passa devant ses yeux. Et il crut entendre crier son nom. Puis il perdit pied.

  Sirius, je suis désolé.

***

  Il avait à peine conscience de courir. Ses jambes le portaient, son corps fonctionnait, mais son esprit restait blanc, cotonneux. Un voile semblait recouvrir toutes ses pensées et sans vraiment comprendre pourquoi, il savait que c'était pour le mieux.

  Un pas après l'autre.

  Il ne savait pas où il était.

  Il sentait bien une main agripper la sienne, mais il était incapable de dire à qui elle appartenait. Et il ne savait pas s'il faisait jour ou nuit.

  Nuit probablement puisqu'il distinguait à peine ce qu'il l'entourait.

  Une forêt ?

  Il n'était pas sûr.

  Pourquoi n'était-il pas à Poulard, dans sa chambre ? Pourquoi courait-il ? Pourquoi le forçait-on à courir ? Non ! Il ne devait pas savoir. Il ne devait pas chercher à savoir.

  Avance et tais-toi !

  Tais-toi.

  Il sentait bien les branches, les épines, qui le frôlaient et entaillaient parfois sa chaire. Il sentait bien la fatigue qui le gagnait peu à peu. Mais fait étrange, il ne ressentait aucune douleur, ni aucun désir de succomber au besoin de s'arrêter. Son souffle était lourd sur sa poitrine, il pouvait sentir la sueur perler sur sa peau et le poids de plus en plus incommodant de sa robe, mais il savait qu'il devait continuer. Ne pas s'arrêter.

  Pourquoi, il l'ignorait. Il savait juste que s'arrêter signifiait mourir.

  Etait-ce une si mauvaise chose ?

  Oui, bien sûr que oui !

  Mais son cœur n'en était pas aussi sûr.

  Pourquoi ?

  Non !

  Avance te tais-toi !

  Il était arrivé quelque chose, quelque chose dont il ne pouvait se rappeler. Dont il ne voulait se rappeler. Il savait qu'il ne devait pas. C'est pourquoi il laissait la brume déambuler dans son esprit sans tenter de la chasser. Elle l'apaisait.

  Pour une raison qu'il ignorait, son âme était en sang et cette brume était tout ce qui le protégeait de la douleur qui menaçait de le submerger.

  La seule barrière.

  Il ne voulait pas souffrir.

  Avancer et se taire.

  Il avait presque l'impression de voler tant ils allaient vite. La personne qui l'accompagnait était peut-être un ange, mais d'une certaine façon, il en doutait. La peau était trop rêche contre sa paume et la respiration trop rauque, pénible.

  Qui que ce soit, il était essoufflé.

  Un bien drôle d'ange.

  Il sentit soudain son pied céder contre une racine et son corps partir un avant. La main qui le tenait, glissante de sueur, le laissa échapper et il tomba tête la première sur un parterre de feuille et de terre meuble. La chute n'en fut pas moins brutale et il sentit l'air quitter ses poumons. Il toussa, cherchant une inspiration et fut envahit de terreur lorsque son corps refusa d'obéir. Il s'agita un peu plus et tenta de se relever pour dégager sa poitrine, à peine conscient de l'aide qui lui était offert

  Il se retrouva bientôt sur le dos, les yeux grands ouverts et sa respiration apportant par trop petits accoues l'air nécessaire à son organisme. Un flot d'adrénaline affluait dans son corps, alimenté par sa peur, et à son plus grand désarroi, il sentit la brume qui l'avait jusqu'à présent protégé s'effacer sous ses effets.

  Des images vinrent danser devant ses yeux.

  Un regard océan.

  Des pleurs.

  Un sourire.

  Une main effleurant sa joue.

  Du sang.

  Trop de sang.

  Et une poitrine qui ne voulait pas se soulever.

  _ Je t'en pris, je t'en supplie… ne fait pas ça.

  Il se prit la tête entre les mains, fermant les yeux pour ne plus voir, plaquant ses paumes contre ses oreilles pour ne plus entendre.

  En vain.

  _ Ne fait pas ça, s'il te plait…

  Un corps inerte.

  _ S'il te plait. Je sais… je sais que ce n'est pas ta faute... S'il te plait…

  Et des yeux coulés d'or et de haine.

  NON !

  Oh mon dieu, non, non. Il ne voulait pas se rappeler. Il ne voulait pas revoir ce visage. Mais il était trop tard. La barrière s'était effondrée et des centaines, des milliers de souvenirs s'engouffraient dans sa brèche pour venir le submerger.

  Sa seule prise sur la réalité était une voix qui ne cessait de l'appeler. Une voix familière. Et lentement, oh combien lentement, elle le tira enfin de ce cauchemar.

  La première chose dont il eut conscience fut le visage rond et argenté penché sur lui. Puis son souffle chaud qui coulait sur son visage. Et enfin, il put distinguer les mots qu'il répétait indéfiniment.

  _ Ron ! Ron !

  Il ferma les yeux pour les rouvrir aussitôt et rassurer Dumbledore d'un petit signe de la tête. Puis avec son aide, il se redressa et s'assit sur le sol quelque peu boueux.

  Il vacilla.

  Son crâne semblait prêt à exploser sous la pression des souvenirs, la fatigue et le stress. Il pouvait toujours voir la peur présente dans le regard du sorcier, autant à son égard que pour ce qui les pourchassait. Mais il n'avait pas la force de le rassurer.

  D'autant qu'il ne pouvait pas avouer avec sincérité bien se porter. Il en était même très loin. L'effort  qu'il devait fournir pour ne pas laisser son désespoir l'envahir et ses larmes couler était déjà presque trop grand. Ces dernières heures semblaient trop terribles pour être vraies et il aurait aimé que ce ne soit qu'un cauchemar.

  Il aurait aimé ne jamais être monté sur le toit. La douleur, au moins, aurait été moins vive.

  Non. Il ne pouvait pas penser ainsi. Il ne pouvait pas renier tout ce qu'ils avaient vécu. Même si ce n'avait été que pour de trop courts moments. La peine qu'il ressentait aujourd'hui n'était qu'un faible prix à payer, en comparaison de ce qu'il avait reçu.

  _ Ron, nous devons partir.

  Il regarda Dumbledore dont le visage attentif était à l'affût du moindre mouvement ou du moindre bruit suspect et acquiesça.

  _ Comment vous sentez-vous ?

  Il grimaça au sorcier.

  _ Comme si un tapi de ronces avait décidé que je ferais un excellent parterre !

  Cette remarque amena un sourire au visage du sorcier. Il avait craint un long moment que son manque de réaction ne soit le signe d'un retrait complet et définitif sur lui-même. Qu'il parle et trouve même la force de s'amuser de leur situation était de bonne augure. Restait à s'assurer qu'il se rétracte pas une nouvelle fois. Mais pour cela, ils devaient d'abord rester en vie.

  _ Pouvez-vous vous lever ?

  _ Je devrais y arriver, merci.

  _ Votre cheville ?

  _ Endolorie mais sans plus. Je devrais pouvoir courir.

  Dumbledore ne cacha pas son soulagement et aida le jeune homme à se redresser malgré ses protestations. Ron accepta bon-an mal-an et une fois debout, testa son articulation, basculant son poids dessus. La douleur le fit grimacer, mais son pied résista à la pression et il sourit à son aîné qui lui tapota le dos. Puis, le sorcier tourna son attention vers la forêt.

  Ils venaient de perdre de précieuses minutes et le silence qui régnait à présent autour d'eux ne fit qu'accroître son malaise. Il plissa les yeux, tournant sur lui-même pour observer les bois et ne cacha plus sa peur. Le lieu s'était modifié. La forêt était plus touffue. Devant eux se trouvait un immense chêne qui n'existait pas lorsqu'il s'était arrêter un peu plus tôt. Le vieux bouleau dont la racine avait envoyé Ron à terre n'était plus qu'un arbrisseau de trente centimètres à peine. Et les ronces basses qui avaient ralenti leur progression montaient désormais presque jusqu'à hauteur de genoux.

  Ron, qui avait lui aussi perçu le changement sans vraiment le comprendre, se rapprocha de Dumbledore.

  _ Que se passe-t-il ?

  _ Je n'en suis pas sûr. Mais il ne faut pas rester ici.

  Il n'avait pas besoin de convaincre le jeune homme.

  _ Par où ?

  Le sorcier hésita. Il n'avait plus aucun repère. Il marmonna finalement une incantation dans sa barbe et une petite gerbe de lumière explosa au même instant sur sa droite.

  _ Le nord est de ce côté, il nous faut donc aller par-là.

  Il indiquait du doigt un petit fourré un peu à gauche de la lueur.

  _ Vous êtes sûr ?

  _ Non.

  Ron comprit, reprit la main de son aîné comme pour se rassurer et tous deux s'élancèrent dans cette direction.

  Leur progression était désormais plus difficile. Ronces et arbres s'emmêlaient de branchages pour leur barrer le chemin. S'il avait trouvé pénible un peu plus tôt de franchir ces obstacles, ce n'était rien comparer à ce qu'ils subissaient maintenant. Feuilles et branches fouettaient leurs corps et leurs visages sans relâche et les épines agrippaient le tissu de leurs robes pour s'y emmêler et les ralentir. Elles déchiraient leurs fibres et s'enfonçaient de leur chair pour la labourer et y demeurer. La douleur était insupportable.

  La forêt semblait ainsi chercher à les retenir et ils craignaient que s'ils venaient à s'arrêter, ils soient aussitôt recouverts de ses éléments pour y être enterrer vivants.

  Ils n'avaient plus aucune notion du temps.

  Ils avaient souvent l'impression de courir depuis des heures, alors que quelques minutes à peine s'étaient écoulées. Et ils avançaient en aveugle.

  Ils avaient peut-être parcouru péniblement trois cent mètres lorsqu'ils durent s'arrêter. Leurs souffles étaient courts et leurs corps torturés de douleurs, pourtant ils auraient voulu continuer. Mais ils ne pouvaient pas.

  Ils venaient de déboucher dans une petite clairière baignée des rayons d'une lune qui n'aurait jamais due y être. L'espace était complètement dégagé et couvert d'un fin tapi d'herbes déjà gorgées de rosées. Mais ce n'était pas tant ce spectacle qui les avait arrêtés que celui des hommes qui se livraient batailles quelques mètres plus loin.

  Des sorciers.

  Six contre un.

  Celui qui combattait pour sa vie était extrêmement puissant. Même en joignant leurs efforts, ses adversaires avaient du mal à contrer ses attaques et plus encore à passer ses défenses.

  Pourtant, il perdait peu à peu de terrain. Ses cheveux d'argent, presque rayonnant sous la lune, étaient trempés de sang par endroit, ainsi que tout le côté droit de son visage. Un de ses bras pendait presque inutile sur son côté, alors que l'autre venait parfois serrer son flanc gauche blessé.

  Ces attaques n'en restaient pas moins dangereuses.

  Confondus par la scène qui se jouaient sous leurs yeux, Ron et Dumbledore observèrent, mystifiés, la magie qui éclatait de toute part. Elle explosait parfois en gerbes ou créait des barrières lumineuses et parfaites, pour se dissiper et réapparaître aussitôt. Le spectacle aurait été beau, s'il n'avait pas été mortel. Chaque coup qui portait, était synonyme de souffrance et de blessures. Et ils sentirent leurs cœurs se contacter à plusieurs reprises lorsqu'un sort, plus puissant que les autres, s'écrasa sur une protection pour presque la traverser.

   Ils ne surent pas combien de temps ils restèrent ainsi à observer le combat. Mais celui-ci changea dramatiquement lorsque le sorcier aux cheveux d'argent porta soudain une attaque d'une violence extrême. Ils eurent un frisson d'horreur en voyant la barrière que les six hommes avaient créée, céder sous sa puissante. Une explosion éblouissante les terrassa et ils les virent être violemment projetés à terre.

  Des six, seulement cinq se relevèrent.

  En sang.

  L'un d'eux tenait à peine sur ses jambes et retomba aussitôt au sol, alors que les quatre autres devaient compter sur leurs compagnons pour rester debout. Ils étaient épuisés, battus, blessés et pourtant vainqueurs.

  Il fallut quelques instants à Ron pour le réaliser. Il comprit lorsqu'il les vit se déplacer avec précaution vers leur adversaire et l'encercler. Le sorcier était encore debout, mais il était évident que ce simple exploit lui coûtait ses dernières forces. Il avait tout donné lors de son ultime attaque et si celle-ci s'était révélée meurtrière, elle n'en avait pas été pour autant efficace.

  Et il le savait.

  Ils le virent tourner son visage au ciel et éclater d'un rire démoniaque.

  Des paroles furent échangées qu'ils ne purent comprendre, puis un chant s'éleva dans l'air et l'homme se retrouva bientôt prisonnier de filaments d'énergie.

  Il n'en demeurait pas moins rempli de haine et dangereux et ils eurent un hoquet de surprise lorsqu'il tourna soudain son regard vers eux.

  Deux pupilles coulées d'or.

  Une violente rafale de vent les força à fermer les yeux et détourner la tête. Et lorsqu'ils purent reporter leur attention sur la scène, celle-ci n'était plus.

  A place de la clairière, s'étendait une portion de forêt à peine boisée. La lune avait disparu et presque plus aucune ronce ne venait tapisser le chemin. Ce lieu, s'ils ne le connaissaient pas, leur était familier. Où qu'ils aient pu aller, ils étaient de retour sur les terres de Poulard et ils doutaient que ce soit de bon augure.

  Un mouvement attira leur attention. Une ombre dans l'ombre. Une forme leur faisant face, gracieuse, qui se faufila entre les arbres et s'arrêta pour darder sur eux deux yeux immenses.

  Une clochette tinta dans la nuit.

  La chasse était terminée.

  Le Mange-Cœur avait trouvé ses proies.

***

  _ REMUS !

  Blake tira son compagnon en arrière et le força à rompre le contact, brisant le sortilège.

  La magie qui s'était peu à peu diluée dans la pièce s'évapora aussitôt et il rattrapa tout juste le sorcier lorsque celui-ci s'affaissa contre lui, inconscient.

  Durant les premières minutes du sort, il n'avait rien remarqué d'anormal. Remus était immobile, les mains jointes au-dessus du blessé et les yeux grands ouverts fixés sur sa tâche. Ses lèvres laissaient passer la litanie continue du sortilège et un froid caractéristique avait peu à peu envahit la pièce.

  Comme tout autre, Sirius s'était laissé hypnotisé par la magie qui accomplissait son miracle. Il connaissait les dangers que représentait un tel effort pour le corps du sorcier, mais il était toujours fascinant de voir ces sorts à l'œuvre et il ne s'était pas inquiété. Remus le maîtrisait. Du moins le croyait-il.

  Il n'avait commencé à réaliser la portée de ce qu'il voyait que lorsque Ernst s'était porté à ses côtés et lui avait saisit le bras.

  Ce qu'il avait murmuré alors, lui avait glacé le sang.

  _ Non, non, non ! Il faut l'en empêcher. C'est trop dangereux. Il n'est pas assez puissant!

  Il avait senti le sorcier prêt à intervenir, mais trop tard. La magie qui ne s'était concentrée jusqu'à présent que sur le corps du jeune blessé, avait commencé à se reprendre dans la pièce en vagues puissante. Et ses effets avaient été immédiats. Elle avait touché chaque personne présente pour l'envelopper de coton, l'endormir et guérir peu à peu chacune de ses plaies.

  Sirius avait du lutter corps et âme pour rester conscient alors qu'il avait pu sentir ses blessures se refermer l'une après l'autre et son esprit céder aux appels de Morphée. Le sort agissait sur l'organisme comme un baume apaisant qui demandait le repos et il était difficile de lui résister.

  Seule la vue de Lupin, pâle et tremblant, l'avait empêché de se laisser gagner par la torpeur qui menaçait de le déborder. Il avait pu voir du coin de l'œil, Ernst s'effondrer ainsi que Rogue dans un coin de la pièce. Et il s'était douté que ses autres compagnons avaient subit le même sort.

  Dans un effort de volonté surhumain, il s'était finalement dégagé de la gaine qui l'enveloppait, avait franchi les deux mètres qui le séparaient de Remus et l'avait arraché à ce sortilège maudit.

  Il peinait encore à comprendre comment il avait pu accomplir un tel miracle.

  Maintenant, pantelant et tremblant, il soutenait tout juste le corps inerte de son compagnon. Il était même incapable de dire s'il était encore en vie.

  La tête lui tournait, il devait lutter pour ne pas vomir et faillit défaillir lorsqu'il se retrouva soudain presque nez à nez avec deux pupilles vertes.

  _ George !

à suivre…

Oh comme c'est étonnant, encore une fois ma partie ne se termine pas où je l'aurais voulu. Je suis maudite -_-. Enfin, c'est quand même bel et bien terminé pour ce chapitre (ouuuuuuuuuuuuuuuuf). Maintenant, il ne me reste plus qu'une, voir deux grandes parties maximum. Merci pour votre patience et vos encouragements. Je sais que je suis très frustrante d'être aussi longue. Moi-même, il n'y a rien qui m'énerve plus que d'avoir à attendre des mois pour avoir la suite d'une fic. Mais je comprends maintenant qu'on ne peux pas toujours faire autrement.

Le plus vite possible j'espère.

Aak

NB : Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont laissé un message sur Ffnet. Certains ont aussi publié des fics et n'auront jamais vu de reviews de ma part et je tiens à m'en excuser mais sincèrement, je n'ai pas le temps de les lire. J'essaierais de le faire cet été si ma vie ce calme un peu.