Auteur : Dodie-ange (ef.dodie@wanadoo.fr)
Titre : Récits étranges
Base : HP, courts récits
Disclaimer : Le monde d'Harry Potter appartient à J.K.Rowling mais ces récits m'appartiennent.

La petite histoire : Il nous arrive à tous d'écrire des textes qui ne font qu'une page et qui se suffisent en eux-mêmes.
Ceux-là me plaisaient vraiment et j'ai décidé de les partager.

Noirceur
Ou comment détourner le sujet d'un BTS blanc de français

     Être plongé dans la noirceur, ne pas voir la fin du tunnel. Marcher, marcher toujours, marcher droit devant.

     La pièce était plongée dans la noirceur. Seul le tic-tac de l'horloge antique en brisait le silence étouffant. Parfois les phares des rares voitures moldues projetaient leur lumière blafarde, dévoilant un décor lugubre. Cette pièce allait être dans quelques heures le lieu d'une sombre tragédie.

     Les portes de l'ascenseur suintèrent. Elles se refermèrent puis le claquement de talons se fit entendre, ils s'arrêtèrent sur le seuil. Des clés brisèrent le silence et s'engagèrent dans les serrures. L'antre se dévoila. Les talons reprirent leur marche funèbre et se postèrent devant la fenêtre. La femme, à la stature massive, se mit à scruter les allées et venues. Lorsque l'être qu'elle cherchait apparut dans son champ de vision, son cou se gonfla comme celui d'un hippogriffe, ses doigts se contractaient et se relâchaient en un rythme saccadé et nerveux. Elle se déplaça, posa son sac sur le buffet et mit sa cape sur la patère. Elle se posa sur l'une des chaises du salon et attendit. Le premier acteur était en place.

     Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent à nouveau. Des pas se firent entendre. Ceux-là étaient plus harassés, on sentait le poids de la fatigue dans chacun d'eux. Le seul fait d'avancer semblait être la tâche ultime de leur propriétaire avant l'effondrement. Voldemort n'y avait pas été de main morte ce soir, il avait eu des difficultés à s'éclipser. Cette vie devenait de moins en moins supportable. Le monde moldu lui permettait tout de même d'avoir une plus grande tranquillité que celui des sorciers.
     Un soupir se fit gémissement lorsque la lumière s'éteignit. L'électricité avait encore été coupée, on se demandait parfois comment les moldus arrivaient à s'en sortir, la magie permettait de faire tellement de choses. Il entra chez lui, la lumière ne revenait toujours pas. Il posa ses affaires au sol et se dirigea à l'aveugle vers un meuble dont il sortit des bougies. Il sortit sa baguette et les enflamma puis les fit léviter dans l'appartement. C'est seulement lorsqu'il posa les deux chandeliers sur la table à manger qu'il s'aperçut de la présence de l'autre. Ses mains tremblèrent. D'un autre mouvement de baguette, il rangea toutes ses affaires et s'assit en face de celle qui était sa femme, il savait déjà ce qui l'attendait. Le second acteur était sur scène, tous les éléments étaient en place, la pièce pouvait commencer.

     Le silence était pesant, les secondes s'égrenaient. L'homme poussa un soupir, recula sa chaise, apposa son bras sur le dossier, sa position montrait tout l'intérêt qu'il portait au drame à venir. Aucun. Il remua légèrement, il ne s'était pas encore remis de tous les doloris qu'il avait reçus. La femme posa brutalement ses mains sur la table les faisant claquer, elle était à demi-dressée, dominant l'homme, le rejetant dans son ombre. Elle se rassit en fixant son conjoint comme le prédateur attendant le moment favorable, l'instant d'inattention de la proie où il pourra fondre sur elle. Elle se mit à gronder faiblement jusqu'à ce que cela devienne rugissement.
     « J'ai vraiment été idiote de t'épouser. Je croyais pouvoir faire de toi un homme ! » Les flammes des bougies se couchèrent et manquèrent de s'éteindre avant de doucement se redresser en attente, l'enchantement tenait. Seul le souffle sulfureux de la femme se faisait entendre. L'homme attendait. Il en avait l'habitude, elle s'époumona, le voua aux Gémonies. Elle n'avait pas besoin d'un sonorus pour faire trembler les murs. Ses tempes douloureuses tempêtaient au rythme des décibels, enfin le crescendo final. La routine habituelle.
     Chacun se retira sur son territoire, la démonstration était finie pour ce soir. Le silence était revenu mais portait encore en lui le déchaînement des ondes vocales.

     L'homme soupira encore plus accablé, il se prit la tête entre les mains, sa manche glissa, dévoilant la Marque. Il fixa l'horloge qui continuait inlassablement de compter le temps, témoin impassible de chaque crise. Il soupira une fois de plus avant de dénouer sa cravate. Peut-être devrait-il essayer d'en parler avec Dumbledore, il l'accueillerait malgré ce qu'il était, une petite querelle ménagère le changerait de la direction de Poudlard et de l'Ordre du Phénix. Il frotta la Marque, il ne la supportait plus. Dire que Snape avait réussi l'exploit d'espionner le Maître durant plus de vingt ans avant de griller sa couverture pour ce gamin insignifiant. Une pensée l'effleura et fit son chemin dans les méandres de son esprit. Et puis un traître de plus ou de moins...
     L'électricité revint.

23/01/2004
Dod