DISCLAIMERS : Je tiens à préciser (à mon grand désarroi... ;))
que les personnages de Card Captor Sakura ne m'appartiennent pas, mais
appartiennent aux studios CLAMP. TOUS les autres personnages, à moins d'une
spécification ultérieure, m'appartiennent. Évidemment, sans permission spéciale,
je ne devrais en aucun cas retrouver ceux-ci dans les histoires d'autres fans...
;) Ceci dit, bonne lecture
!
Tonight By The
Moonlight
Prologue
Cinq
ans plus tôt
- ... Eriol
Hiiragizawa retourne en Angleterre.
Lorsque le professeur Terada
prononça ces paroles, Sakura, Syaoran et Tomoyo ouvrirent grand les yeux et la
bouche. Pourquoi ne leur avait-il rien dit ?! Tous trois l'observèrent, muets de
saisissement, quêtant dans ses yeux plissés et son sourire rieur une réponse qui
ne venait pas. Ce ne fut qu'après la classe que Sakura parvint à le
rattraper.
- Eriol... pourquoi
?
- Tu sais, Sakura, je ne
peux pas rester éternellement au Japon... je dois rentrer chez moi et reprendre
une vie normale...
- Et Mlle
Mizuki ?
- Elle vient avec
moi.
- Je n'ai même pas pu te
remercier...
- Tu n'as pas à
le faire, c'est à moi de te remercier !, sourit le garçon.
- Mais...
- Dis-moi, qu'as-tu ressenti en entendant que
je repartais en Angleterre ?
- Ben... c'est tellement dommage...,
dit-elle, les yeux au sol.
Eriol la regarda en souriant, de son regard
profond qui semblait percer à jour tout ce que l'on tentait de dissimuler, des
yeux trop âgés pour ce corps si jeune.
- ... J'ai une requête, dit-il
enfin.
La fillette leva les yeux.
- Quant cela se reproduira, reprit-il, quant un individu proche de toi devra
partir, interroge-toi, et compare tes sentiments avec ceux que tu ressens pour
mon départ... Et ainsi, tu sauras qui compte vraiment pour toi !
- Qu'est-ce que tu veux dire ?, demanda
Sakura, incertaine.
Le garçon sourit à nouveau.
- Tu comprendras très
vite...
* *
*
Ils étaient tous rassemblés, mis à part Syaoran, dans la cour de la
résidence Hiiragizawa, attendant l'heure de leur départ. Kaho, se souvenant
soudainement qu'elle avait des présents d'Angleterre pour eux, couru les
chercher, après s'être demandée quelques temps où elle les avait mis, sous le
regard amusé et éberlué des enfants.
- Mlle Mizuki a beau être professeur...,
avança Sakura, sans oser terminer sa phrase.
- Elle est assez tête en l'air
!
La remarque, provenant d'Eriol, étonna les deux filles, qui se
tournèrent vers lui, sourcils relevés.
- Elle se perd très souvent !,
poursuivit-il, Elle ne retrouve jamais son chemin... En Angleterre
surtout...
Il fut interrompu par le retour de l'institutrice. Sakura,
curieuse, la rejoignit immédiatement. Mais Tomoyo s'attarda.
- Dis-moi, Eriol, commença-t-elle, il me semble que tu veilles sur Mlle Mizuki
avec des yeux bien tendres...
Elle le regarda, une expression
indéchiffrable au fond des yeux.
- Des yeux tendres et doux !,
ajouta-t-elle.
Eriol, étonné, lui rendit son regard. Puis, fidèle à son
habitude, il sourit.
- Tu
possèdes vraiment un sens de l'observation surnaturel !, lui dit-il, Tu as compris
rapidement...
Tomoyo sourit à son tour.
- Je savais qu'elle et Sakura avaient
beaucoup de choses en commun. Et c'est vrai que tu ressembles un peu à Yukito.
C'est normal !
Et elle ri.
- Mais tu sais, je vous souhaite une histoire
plus riche que la leur...
- Qui sait, Tomoyo, même moi je ne puis lire
toutes les implications du destin...
Ils échangèrent un regard
complice. Mais Tomoyo pensa soudain à quelque chose.
- Eriol... tu es beaucoup plus vieux que tu
n'en as l'air, n'est-ce pas...?
Ce dernier sourit à nouveau, toujours
ébahit par ses capacités de déduction.
- Eh bien, oui, je suis plus âgé. Je suis
d'ailleurs étonné que cette question ne soit pas venue plus tôt, et surtout que
ce soit toi qui la pose. Mais... Sakura est plus naïve que je ne le croyais tout
d'abord...
- Elle a beaucoup
mûri... pourtant..., dit la fillette, soucieuse de la réputation de son
amie.
- Bien sûr, bien sûr... il
reste qu'elle est enfantine, et qu'elle le sera probablement toujours un peu. Tu
ne peux le nier !
Tous deux sourirent, et le garçon reprit.
-
Quoi qu'il en soit... originellement, je
devrais avoir le même âge que Fujitaka. Mais pour m'infiltrer parmis vous, je
devais avoir votre âge...
Ce fut un choc pour la fillette aux yeux
d'améthyste.
- Si vieux ? Mais
c'est terrible ! Et tu ne peux plus reprendre cet âge, tu as divisé tes pouvoirs
! Il faut en parler à Sakura !
- Mais non !, rie-t-il, Ne t'en fait pas... J'ai volontairement
choisit de ne pas reprendre cette forme. Je recommence à neuf ! Une nouvelle
vie... un nouveau corps. Mais tu es gentille de t'inquiéter pour
moi...
Tomoyo sourit. Avant qu'elle ne puisse répondre, Sakura les
interpella.
- Hé, vous deux !
Cadeaux !
Les deux complices se jetèrent un dernier regard. Et Eriol,
souriant, reprit la parole.
- N'oublie pas de m'écrire...
- Je n'y manquerai pas !, répliqua la
fillette en souriant, elle
aussi.
* *
*
Sakura rougissait.
La veille du départ d'Eriol, Syaoran lui
avait fait une déclaration pour le moins saisissante. Mais elle ignorait
toujours ce qu'elle ressentait en retour, et dès qu'elle y pensait, elle
rougissait de plus belle.
Elle ne lui avait toujours pas remis le cadeau
que Mlle Mizuki lui avait fait, mais après avoir parlé à Chiharu et Yamazaki,
elle s'était décidée. En arrivant devant chez lui, elle fut surprise par la
présence de gros camions devant la façade du bloc appartement.
- Il y a un déménagement ?, se
demanda-t-elle.
Puis elle l'aperçu, dehors, si jeune et agissant déjà
comme un adulte, devisant avec deux préposés, signant des formulaires...
regardant dans sa direction.
Sakura rougit.
Pour se donner une
contenance, elle lui plaqua le paquet sur la poitrine, sans le
regarder.
- Euh... voilà, tient !
C'est un cadeau d'Angleterre de la part de Mlle Mizuki !
- Merci !, dit-il tranquillement en le
lui prenant des mains et en souriant légèrement.
Ceci fait, elle ne su
plus quoi dire. Elle réfléchissait furieusement, ouvrant la bouche, la
refermant, regardant autour d'elle, aussi rouge que les pivoines préférées de
Syaoran. Elle reporta soudain son attention sur les camions, à
proximité.
- Tient, on dirait que
quelqu'un déménage ! Ça en fait des paquets, hein !
- C'est moi...
Le coeur de la
fillette fit un bond dans sa poitrine. Lentement, redoutant de comprendre, elle
se retourna vers lui.
- Toi
?
Syaoran plongea ses yeux dans les siens, une expression de regret
sur le visage.
- Je rentre à Hong
Kong, déclara-t-il.
Et Sakura sentit que le monde cessait de tourner,
et que son coeur se brisait en mille
miettes.
* *
*
Elle venait de terminer lorsque Tomoyo l'appela pour lui dire qu'il
prendrait l'avion de dix heures. À l'idée qu'elle aurait travaillé toute la nuit
pour rien, qu'il parte sans qu'elle puisse lui avouer ses sentiments, les larmes
lui vinrent aux yeux. Puis, elle prit sa résolution : elle irait le rejoindre
même s'il lui faudrait pour cela patiner plus rapidement qu'elle ne l'avait fait
auparavant. Heureusement, Touya avait accepté de l'y amener en moto. Et à
présent, elle courrait en criant son nom.
- Syaoraaaan !!!
Seul dans
l'autobus, le garçon ouvrit la fenêtre, surpris mais heureux, le regard
amoureux, afin d'être sûr de ne pas avoir la berlue.
- Sakura !
- Je... Je..., cria-t-elle, essoufflée,
Je sais ce que je ressens !
À
bout de bras, elle lui tendit l'ourson ailé qu'elle venait de
confectionner.
- L'élu de mon
coeur... C'est toi, Syaoran !
Ému, celui-ci accepta la peluche avec
un timide remerciement.
- Je peux
appeler cet ourson Sakura ?, lui demanda-t-il ensuite.
- Je peux nommer Syaoran celui que tu m'as
laissé ?, lui répondit-elle avec un pincement de coeur.
- Oui !
À ce moment, l'autobus
vrombit.
- Je reviendrai
!
La fillette se mit à courir.
- Quand ?
- Quand mes obligations à Hong Kong seront
remplies !
- Quant ça
?
- Ça prendra du temps,
cria-t-il, tu penses pouvoir m'attendre ?
- Oui !
Et l'autobus dépassa
Sakura, la laissant seule mais sûre d'avoir fait le bon
choix.
* *
*
Depuis quelques temps, Kero était étrangement silencieux. Cela
n'augurait rien de bon, puisque même en temps de problèmes il était toujours
enthousiaste, prêt à dévorer des tonnes de friandises et à jouer à plusieurs
jeux vidéo à la fois. Et là, rien. Mutisme total. Il s'installait à la fenêtre
et regardait le ciel, des heures durant, dans une transe qui ne cessait que
lorsque venait le temps d'aller se coucher. Alors, pour quelques minutes, Sakura
retrouvait le bon vieux Kero.
Un matin, comme il se levait et retournait
à son observation, elle décida que s'en était assez des cachotteries de son
Gardien.
- Kero !
- Heu... hein ? Qu'esseu qu'il y a, Sakura
?
- Non, toi, qu'est-ce qui
se passe ? Tu n'es plus le même... es-tu heureux ici, Kero...? Parfois, je me
dis que tu dois être fatigué de faire la peluche...
Il soupira, fait
significatif en soi.
- Oui, je
suis heureux ici, pitchoune, avec toi, Touya et Yue. Mais...
Il
soupira de nouveau.
- ... mais
autrefois, Clow m'avait promis de me donner forme humaineuh... un jour... et
maintenant, Eriol m'a dit en rêve qu'il était prêt à tenir sa
promesseuh.
La fillette, figée, le regarda.
- Pourquoi lui... pourquoi maintenant ?
Pourquoi est-ce que je ne peux pas le faire, moi ? Je suis plus puissante que
lui depuis que je l'ai aidé à séparer ses pouvoirs entre lui et papa
!
- Il affirmeuh qu'il sait
où m'envoyer pour que je puisseuh retrouver ce qu'il meuh faut pour redevenir
ton Gardien...
- Alors...
alors tu vas partir, toi aussi...?
- Meuh non, pitchoune ! Je ne te laisserai
pas toute seule !
Sakura, toutefois, repris sur elle.
- Oh Kero... tu en as tellement envie, je le
vois... vas-y...
Elle sourit tristement.
- Et puis, je ne serai pas toute seule, j'ai
les cartes, Yue et les autres resteront... jusqu'à ce que tu reviennes me voir,
hein ! C'est promis ?
- Pitchoune !
Kero lui sauta au
cou.
- C'est promis, et
j'amèneurai Suppy avec moi ! Lui aussi va renaîtreuh, tu sais ?
La
fillette le serra très fort dans ses bras et lui ouvrit la fenêtre en
souriant.
- Allez, Kero... non,
Kerberos, Fauve du Sceau ! Ha ha, vas-y, avant que je ne change d'avis
!
- Je t'aimeuh, pitchoune
!
Et il s'envola dans le firmament. Sakura, restée derrière, fixa le
petit fauve jaune jusqu'à ce qu'il
disparaisse.
* *
*
Tomoyo et Sakura marchaient tranquillement vers chez elles. L'école
était finie, les vacances commençaient tout juste, elles semblaient avoir la vie
devant elles. C'était un après-midi au parfum d'éternité.
- Comment Yue a-t-il prit la nouvelle du
départ de Kero ?, demanda la fille aux cheveux foncés.
- Je l'ignore..., répondit son amie, Je l'ai dit à Touya et Yukito, mais je ne
sais pas comment il a réagit. Je crois qu'il le savait déjà. Il doit être
heureux pour lui... j'espère simplement qu'il ne se sent pas trop seul
!
- Ne t'en fait pas... après
tout, il a ton frère !
Les deux filles arrivèrent au carrefour qui
les séparaient.
- Sakura...,
dit son amie en posant un main sur son épaule, Ne t'en fait pas, tout ira bien
!
Elle marqua une pause.
- Quoi qu'il arrive !, ajouta-t-elle en
souriant.
Elles s'embrassèrent et se quittèrent. Sakura poursuivit
calmement son chemin, savourant la chaleur de ce début d'été. Par jeu, elle
s'amusa à éviter de marcher sur les joints de trottoirs. Elle ne regardait pas
devant elle, ce qui eut pour conséquence de la faire trébucher contre
Yukito.
- Oh, pardon...!,
dit-elle, embarrassée, en se relevant et en l'aidant à faire de même.
-
Ça y est..., dit Touya en les
apercevant, Godzilla a encore fait des
siennes !
Ce fut en lui jetant un regard assassin qu'elle remarqua
finalement le camion devant chez elle.
- On déménage ?!,
s'écria-t-elle.
- Seulement moi,
petite soeur. Je vais habiter plus près de l'université. Yukito et moi allons
louer un petit studio, le temps des études.
- Alors, alors, vous partez aujourd'hui
?!
Sakura, la bouche grande ouverte, n'en croyait pas ses
oreilles.
- Tu t'en vas et tu ne
me l'as pas dit !!!
Au grand étonnement de ce dernier, elle se jeta
dans ses bras. Yukito lui fit un sourire et un signe d'encouragement.
Maladroitement, il entoura sa petite soeur de ses bras et la souleva, comme
lorsqu'elle était plus jeune. Il s'aperçu soudain qu'elle pleurait.
- Mais non... mais non... ne t'en fait pas,
cesse de pleurer...
- J'veux
pas qu'tu partes..., dit-elle dans un sanglot.
- Allez, petit monstre ! Tu vas avoir la
maison pour toi toute seule, maintenant ! Cesse de pleurnicher
!
Touya jeta un regard suppliant à son ami, qui lui rendit son
sourire habituel. "Vas-y, semblait-il
lui dire, Je sais que tu en es capable,
tu n'as pas besoin d'aide, il s'agit de ta famille après tout !" Il se
souvint brusquement de ce que leur mère, Nadeshiko, faisait pour la calmer
lorsqu'elle était bébé. Heureusement pour lui, il savait que, malgré ses treize
ans, cela fonctionnerait encore. Il mit la main sur la tête de sa soeur et massa
un point situé à la jonction du crâne et de la nuque. Ce faisant, il lui chanta
une vieille berceuse française, que leur mère lui avait appris lors de ses
leçons de piano élémentaires.
"Au clair de la lune... Mon ami
Pierrot..."
Sakura, blottie dans les bras de son frère et couvée
par le regard souriant de Yukito, perdit lentement conscience de ce qui
l'entourait.
Lorsqu'elle s'éveilla, le lendemain matin, Touya et Yukito
étaient partis.
* *
*
L'été, qui était si chaud à la fin des classes, s'était rapidement
refroidit. Sous les arbres, dans le jardin chez les Kinomoto, deux enfants
bavardaient.
- Alors il n'y a
plus eu aucun problème depuis le départ d'Eriol et Mlle Mizuki pour l'Angleterre
?, demanda Tomoyo.
- Non,
plus un seul ! Mais il m'arrive souvent de me servir des cartes, comme
ça..., répondit son amie en faisant glisser lesdites cartes d'une main à
l'autre.
- Et que fais-tu avec
?
Sakura se mit à rire.
- Je mets des bulles qui ne disparaissent pas
dans mon bain, je vais faire une balade nocturne par la voie des airs, nous
étions la seule famille à avoir de l'électricité lors de la panne, la semaine
dernière...
Le rire des deux filles s'envola par-dessus les arbres et
parvint aux oreilles de Fujitaka, qui essuyait la vaisselle. Celui-ci, intrigué,
sortit les rejoindre.
- ... juste
dommage qu'il n'ait pas pris la peine de me montrer avant de partir...,
finissait Sakura lorsque son père s'approcha.
- Bonjour les filles ! Que faîtes-vous ?,
demanda-t-il joyeusement.
- Bonjour, papa ! Je disais à Tomoyo qu'il
était dommage que Kero, tu te souviens je t'ai parlé de lui ? Ne m'ait pas
appris à lire l'avenir dans les cartes..., répondit sa fille.
- Kero ? Ta peluche ?, dit M. Kinomoto,
Oui, je me souviens... mais dis- moi...
ce sont les Clow Cards que tu tiens dans tes mains ?
- Non, monsieur !, répondit Tomoyo à sa
place, Celles-là sont des Sakura Cards !
Elle a transformé toutes les Clow Cards et les a fait siennes toute seule
!
- Tomoyo, toi, Syaoran et
Eriol m'avez tous aidés..., répliqua-t-elle, embarrassée. Quoi qu'il en soit, Kero ne s'attendait
sûrement pas à partir si tôt, sinon il m'aurait appris... Est-ce que tu saurais,
Papa, par hasard ?
- Hum...
j'ai déjà su, mais avec des cartes normales... et de plus, j'ai tout oublié
!, fut-il forcé d'avouer.
- Eh bien... moi je sais, dit calmement
Tomoyo, légèrement rougissante.
- Hein ?! Toi, tu sais ?!, répéta Sakura,
interdite.
- Oui, eh bien, Eriol
m'a montré, avant de repartir an Angleterre... Tu te souviens, cette fois où
j'avais de la difficulté dans mon devoir de maths, et que ni toi ni Syaoran
n'aviez été capable de me répondre ? Lorsque j'ai téléphoné chez lui, il m'a
proposé de venir le voir et quant je suis arrivée, il jouait avec un paquet de
cartes... Il m'a lu mon avenir et m'a aussi appris la technique !
-
Mais... les cartes normales n'ont rien à
voir avec les Cartes de Clow..., dit son amie.
- Eriol m'a dit qu'il y avait un équivalent à
chaque carte, il me les a enseignés lorsque je suis allée l'aider à faire du
ménage, juste avant qu'il ne parte.
- Tomoyo ! Tu avais des rendez-vous secrets
avec Eriol ?
- C'est faux
!, rougit-elle, Il voulait
simplement m'apprendre à lire l'avenir ! Et puis, j'avais quelque chose à lui
remettre...
Elles éclatèrent de rire sous le regard mi-amusé
mi-indulgent de Fujitaka, qui s'éclipsa sans qu'aucune des deux ne s'en
aperçoive.
- Voudrais-tu que je
te lise ton avenir, Sakura ?, lui demanda Tomoyo, lorsqu'elles eurent repris
leur sérieux.
- D'accord ! Je
veux bien !, répondit celle-ci en lui tendant ses cartes.
- Non, non ! Je n'ai pas besoin d'y toucher.
D'abord, mélanges-les sans les regarder, ensuite, coupe le paquet trois fois de
ta main la moins habile.
- Pas la gauche ?
- Non... la vraie raison n'a rien à voir avec
les qualités occultes que l'on accorde au côté gauche. Autrefois, on associait
la gauche aux démons ! En réalité, la main dont tu te sers le plus est associée
aux décisions que tu prends d'une façon réfléchie. L'autre, c'est celle de
l'inconscient. Et le futur ne peut pas être dévoilé de façon réfléchie... Mais
comme la majorité des gens sont plus habile de la main droite, ils ont fini par
prendre l'habitude de dire de mélanger les cartes de la main gauche. Tu veux
bien faire ce que je t'ai dit ?
C'est que fit Sakura. Puis, suivant
les instructions de son amie, elle rassembla toutes les cartes en un seul
paquet, qu'elle disposa par la suite en éventail devant elle. Elle choisit
ensuite six cartes, qu'elle plaça de façon à former une spirale, dont la queue
débutait juste en face d'elle et tournait de gauche à droite.
- La première carte, celle qui est la plus
près de toi, représente ton enfance, dit la fillette aux cheveux foncés. Tourne-la.
C'était The
Dream.
- Dream est une très bonne
carte. Elle signifie harmonie, union au sein de ta famille et de tes amis. Tu as
été très choyée durant ton enfance, protégée et aimée. La seconde carte, celle
qui suit dans la spirale, parle de ton passé récent, les événements ne dépassant
pas les deux dernières années, environ.
La fillette aux yeux verts la
retourna. C'était The Mist, cette fois.
- Mist nous parle ici d'un combat, d'un
affrontement d'où tu sors victorieuse au prix d'un sacrifice. Elle dit que tu as
gagné autant que tu as perdu, mais que tes gains sont supérieurs à long terme à
tes pertes, tout compte fait.
- Les cartes doivent faire allusion au combat
contre Eriol..., fit pensivement Sakura. Mais qu'est-ce que j'ai perdu
?
- Eh bien..., dit
Tomoyo, Peut-être est-ce parce que tu as
appris beaucoup de choses et perdu beaucoup d'illusions à la fois. Tu es moins
naïve que tu ne l'étais. La carte parle des choses du domaine de l'esprit.
Peut-être as- tu perdu une partie de ton innocence d'enfance ! Mais pas toute,
ne t'en fait pas !
Les deux filles rirent un peu. Puis, la fillette
aux yeux d'émeraude lui fit signe de continuer, en retournant la carte suivante,
The Silent.
- La troisième carte
représente tes préoccupations. Celle-ci me parle de doute, d'angoisse face à ton
entourage. Tu as très peur de quelque chose et cela te pousse à ralentir ou
cesser complètement tes anciennes activités.
Tomoyo se garda
d'ajouter quoi que ce soit. Elle savait que son amie avait été très blessée des
départs consécutifs de ses amis et de son frère, et qu'elle avait faillit
abandonner le club de majorettes. Elle poursuivit la lecture et fit signe à
Sakura de retourner la suivante.
- La quatrième carte nous parle de ton
entourage. Et il est bien disposé envers toi, si j'en crois Sweet, que tu viens
de piger !
La fillette aux cheveux de jais rie.
- Il est en train d'accomplir un processus de
changement. Il créé des tensions chez toi, mais c'est une bonne carte, tout
compte fait. Elle ne te veut pas de mal, et tout est pour le mieux, au
fond.
Sakura resta pensive un moment. Son amie lui laissa le temps
d'accepter ce qu'elle lui avait dit, puis, une fois de plus, elle
poursuivit.
- La cinquième carte
est intéressante !, dit-elle avec un sourire, Elle nous parle de toi, de ton caractère,
de tes aspirations, et est importante pour déterminer de quelle façon tu
réagiras face à la sixième carte, ton avenir. Retourne-la.
C'était
The Arrow.
- Arrow, une carte
très énergique !, s'exclama la fillette aux yeux d'améthyste, Elle signifie que tu es une fille active,
qui possède une forte puissance intérieure, qui mène tous ses projets à bien,
peu importe la difficulté. Elle me dit aussi que tu es à la naissance d'une
nouvelle étape de ta vie, que tu commences un nouveau parcours.
Cette
fois, la fillette aux cheveux d'ambre éclata de rire.
- Tomoyo, tu es sûre que c'est la carte qui
te dit ça ? Tu me connais depuis assez longtemps pour pouvoir dire qui je suis
!
Celle-ci rougit un peu mais rie à son tour.
- Je te le promets, Sakura !
- Continue !
- D'accord.
Elle reprit son
sérieux et désigna la dernière carte, posée au coeur de la spirale.
- La dernière carte représente ton avenir.
C'est à toi de découvrir si elle parle d'un futur proche ou lointain. Tu veux
bien la retourner ?
C'était The Void. Tomoyo en resta
estomaquée.
- Qu'est-ce qu'il y a
?, s'inquiéta Sakura, Je n'ai pas
d'avenir ?
- Non... non, ce
n'est pas ça... ne t'en fait pas. C'est simplement...
La fillette aux
cheveux de jais, perplexe, leva les yeux vers son amie.
- Ton avenir est illisible, dit-elle
enfin. La carte Void, comme The Hope et
The Love, représente ce qui est caché. Il y a des potentialités que tu ignores,
des opportunités trop nombreuses que tu pourrais saisir pour tout changer. Elle
signifie que tu es portée par un destin plus important que ce que les cartes
peuvent saisir. La carte est aussi porteuse d'un message important à propos de
ton avenir, mais... je n'ai pas assez d'expérience pour t'expliquer ce dont il
s'agit. Malheureusement, Void n'est pas une très bonne carte, d'habitude...
Peut-être devrais-tu en parler à Eriol... dans ta prochaine
lettre...
- Tu as raison,
opina Sakura, Si ça veut dire quelque
chose de dangereux, il le saura.
Elle ramassa les cartes et lui
tendit le paquet.
- Tu crois que
c'est dangereux de lire deux fois l'avenir dans la même journée ?
-
Eh bien, s'il s'agit de la même personne
ou du même événement, Eriol m'a dit que ça brouillait les ondes et que ça
faussait les résultats. Mais sinon, il n'y a pas de problèmes !
- Alors, lis le tien !, sourit la
fillette.
- Bien..., dit
Tomoyo, Je peux essayer. Mais ce n'est
pas recommandé de se lire soi-même son avenir. Ça empêche l'objectivité
!
- Tu n'as qu'à le faire en
m'enseignant la signification des cartes !
Avec réticence, son amie
prit le paquet, le brassa, le coupa et choisit ses six cartes qu'elle disposa en
spirale. Elle allait retourner la première lorsque son téléphone portatif sonna.
Avec un grognement qui trahissait son irritation à l'idée d'être dérangée, elle
répondit.
Puis, Sakura la vit devenir toute pâle.
- C'était ma mère, dit-elle en
raccrochant, elle veut que je rentre
tout de suite. Si tu veux, on continue une autre fois, d'accord ?
-
Est-ce qu'il y a un
problème...?
Tomoyo sourit un peu.
- Ne t'en fait pas, Sakura. Tout ira
bien.
La fillette aux cheveux d'ambre la regarda disparaître, avalée
par le flot de circulation dans la rue. Elle remit les cartes dans son paquet,
gardant celle de l'avenir de son amie pour la fin. N'y tenant plus, elle la
retourna.
C'était The
Void.
* * *
Tomoyo
pleurait, au téléphone.
Elle avait donné rendez-vous à son amie
l'après-midi même, mais Sakura refusait de la laisser pleurer. Elle était donc
arrivée en avance.
Et elle avait vu le camion, honni entre tous, des
déménageurs.
Lorsqu'elle avait sonné à la porte, Sonomi lui avait annoncé
que sa copine s'était retirée dans sa chambre et l'avait invitée à prendre le
thé. La fillette, embarrassée, avait voulu refuser, mais Sonomi avait insisté,
affirmant qu'elle avait à lui parler. Et voilà qu'elle se trouvait dans un
magnifique salon de thé envahit de verdure, en compagnie de la mère de sa
meilleure amie.
- Il y a des
choses que nous laissons ici..., dit cette dernière d'un air absent, Nous ne pouvons pas tout amener avec
nous...
- P... pourquoi
?, demanda la fillette, la gorge serrée.
La femme eut l'heur de ne
pas se méprendre sur le sens de sa question.
- La compagnie que je dirige s'agrandit et
émigre aux États-Unis. Je dois y être pour surveiller la bonne marche des
opérations, tu comprends, je tiens à ce que tout soit parfait. Tomoyo est trop
jeune pour rester ici toute seule. Et il est hors de question qu'elle aille
vivre chez toi, ajouta-t- elle, lisant la question dans les yeux de la
fillette.
- Mais... si c'est à
cause de mon père, je...
Sonomi soupira et s'assied devant
elle.
- Non... il ne s'agit pas
de ton père, encore que je ne l'apprécie pas. Il s'agit de Tomoyo.
-
Je... je ne comprend pas...
-
Tu vois, Sakura... Lorsque j'étais
jeune, ta mère et moi étions très proches, plus encore que des jumelles. Nous
partagions tout, malgré les quelques années que j'avais de plus qu'elle, et je
la gardais sous mon aile. Je l'aimais plus que tout.
Elle marqua une
pause et regarda la fillette en face.
- Et elle aussi,
ajouta-t-elle.
Sonomi ferma les yeux, comme si le fait de se souvenir
était particulièrement douloureux. Lorsqu'elle les rouvrit, Sakura eut la
surprise de voir de minuscules larmes étinceler sur ses cils.
- Et puis, à quatorze ans... ta mère en avait
onze... j'ai fait une terrible erreur, et les choses n'ont plus jamais été les
mêmes entre nous. Bien sûr, nous étions toujours proches, plus que soeurs...
mais la confiance véritable, l'amour s'en était allé. Trois ans plus tard, trois
terribles années pour moi, ta mère rencontra ton père, et... tu connais la
suite, ils se marièrent et furent heureux jusqu'à sa mort.
Cette
fois-ci, une larme roula bel et bien sur sa joue.
- Ma fille, Tomoyo... me ressemble sur bien
des aspects. Mais elle ressemble également à Nadeshiko. Elle t'aime énormément,
le sais-tu ?
Sakura hocha la tête. Mais la mère de son amie secoua la
sienne.
- Peut-être ne sais-tu
pas à quel point. Mais peu importe. Si elle reste ici, près de toi... elle vivra
pour te rendre heureuse, comme je l'ai fait pour ta mère. Le jour où tu
épouseras ton mari... elle sera heureuse pour toi, mais son coeur se brisera en
mille miettes. Tu comprends ?
Elle soupira une fois de plus.
-
Bien sûr que non... écoute... Tomoyo
t'aime beaucoup, tout comme moi avec ta mère. Mais... tout comme Nadeshiko, elle
doit... trouver... son Fujitaka. Et elle ne le fera jamais si elle reste ici.
Car elle sera toujours plus préoccupée de ton bonheur à toi... que de son
bonheur à elle.
La fillette aux cheveux d'ambre déglutit. Elle ne
pouvait nier la véracité de ces paroles, car elle y reconnaissait son amie, mais
les entendre était dur. Les accepter signifiait perdre la seule personne en qui
elle avait toute confiance. Les refuser, c'était faire preuve d'un égoïsme plus
monstrueux encore du fait qu'elle en était consciente.
Sonomi, devinant
son trouble intérieur, posa la main sur sa joue.
- Crois-moi... si ma fille était plus âgée...
je la laisserait choisir. Mais elle a douze ans. Et je ne peux pas, à douze ans,
lui laisser le choix... de ne pas avoir le choix un jour.
À ce
moment, des pas légers se firent entendre dans le couloir. Une petite main
ouvrit la porte et Tomoyo entra. Ce fut la seule fois où Sakura trouva qu'elle
avait l'air fragile. Et peut-être est-ce pour cela qu'elle lui trouva une
ressemblance accrue avec sa mère.
"Les mêmes cheveux noirs et longs... la peau
pâle... jusqu'à la couleur des yeux ! Elle ressemble vraiment à maman, Mme
Daidouji a raison...", pensa-t- elle.
- Maman, je vais dehors attendre... oh,
Sakura, tu es déjà là...
- As-tu bien tout rangé, Tomoyo ?, lui
demanda sa mère, Alors allez jouer,
toutes les deux, je vais finir le reste.
Les deux fillettes se
rendirent au jardin sans un mot. Celle aux yeux d'émeraude les gardaient
résolument au sol, celle aux yeux d'améthyste fixait le ciel. Ni l'une ni
l'autre n'osaient briser la glace. D'un commun accord, et toujours sans se
regarder, elles sortirent de la propriété Daidouji et se dirigèrent vers le
parc.
Brusquement, la nuit se fit. Ni l'une ni l'autre n'avaient eu le
temps de parler, et, lorsque Sakura porta la main à sa poche, elle n'y trouva
pas ses cartes.
"Zut... elles ont
dû rester à la maison..."
- Tomoyo...?,
appela-t-elle.
Personne ne répondit. Elle s'aperçut qu'elle ne sentait
plus le ciment sous ses pieds, ni le vent dans ses cheveux. Pire que cela, elle
était seule, complètement seule, et dans l'obscurité la plus complète. Elle se
mit à paniquer, courrant le plus vite possible devant elle sans trébucher, ce
qui en temps normal aurait été impossible vu les obstacles de la
rue.
Finalement, lorsqu'elle fut à bout de souffle, elle perçut une
présence près d'elle. Elle eut beau regarder autour d'elle, elle ne discernait
rien, mais elle sentait un regard posé sur elle. Et pourtant, elle ne percevait
aucun danger.
"On dirait lorsque
Dark est apparue... et... cette impression... j'ai déjà sentit ça quelque
part... et pourtant... non..."
- C'est donc toi... la petite chasseuse de
cartes... Je suis heureux de te rencontrer... Même pour quelques
secondes...
La voix, venue de nulle part, la fit sursauter.
-
Qui êtes-vous ?,
demanda-t-elle.
- Ne t'en fait
pas... nous nous retrouverons... et cela ne peut être empêché ! Alors... tu
sauras qui je suis... qui j'étais... petite Maîtresse de
l'Air...
Elle entendit un rire, puis une chanson lui vint à l'esprit.
Une chanson qui, normalement, n'aurait jamais dû surgir de son
inconscient.
«Au clair de la lune... Mon ami
Pierrot...»
Et la lumière revint aussi soudainement qu'elle
s'était éclipsée. Elle se retrouva à nouveau sur la route menant au parc, près
de Tomoyo, qui la regardait avec des yeux stupéfaits.
- Sakura ! Il t'a parlé, toi aussi
?!
- Non... enfin, oui, il a
dit quelques mots, mais rien de... Il t'a parlé ?! Mais qui était-ce
?!
- Oui, je... il a parlé,
mais... je sais qu'il a parlé ! Mais je ne me souviens plus...
Tomoyo
était visiblement confuse. Fronçant les sourcils, son amie réfléchit. Cette
personne, qui qu'elle soit, avait parlé à la fillette aux yeux d'améthyste, puis
avait chassé ses souvenirs. Étrange. Elle en vint rapidement à la conclusion que
cette personne avait voulu lui tirer des renseignements. Mais lesquels ? Et
surtout... pourquoi elle ?
- Te
souviens-tu s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme ?
La fillette
aux cheveux de jais secoua la tête.
- Je suis certaine que c'était un homme. Il
me faisait... un drôle d'effet. Mais tout est arrivé tellement vite
!
- Te souviens-tu s'il t'a
posé des questions ? Si tu te sentais en danger...?, lui demanda encore
Sakura.
- Je... il m'a peut-être
posé quelques questions, mais... il me semble qu'il a surtout parlé, et... je
suis sûre que je n'étais pas en danger, il m'a plutôt semblé que... Et cette
chanson...
Tomoyo ne finit pas sa phrase. Troublée, elle ignorait
comment elle aurait pu décrire ce qu'elle ressentait à l'instant. Elle baissa
les yeux, et son amie comprit qu'il était inutile de lui poser plus de
questions. Elle lui prit la main.
- Ce n'est pas grave... ne t'en fait pas,
tout ira bien !
- Pas cette
fois, tout ne va pas bien !
Sakura, interloquée, s'aperçut que son
amie pleurait.
- Je n'arrive pas
à me souvenir de ce qui vient de se passer, j'ai une berceuse venue de nulle
part dans la tête, et je m'en vais vivre en Amérique... je ne veux pas quitter
le Japon, te quitter !
La fillette aux cheveux d'ambre l'avait
presque oublié. Elle prit son amie dans ses bras et la laissa pleurer tout son
saoul.
- Ne t'en fait pas... nous
nous reverrons ! Tu ne te souviens pas ? Nous sommes cousines, de la même
famille ! Est-ce que les familles s'oublient ?
- Non... tu as raison... je suis désolée de
pleurnicher comme ça... Ça ne m'arrive jamais, d'habitude...
- Tu es épuisée, ajouta la jeune
chasseuse de cartes, Et ce qui vient
d'arriver n'a pas aidé !
L'ayant dit, Sakura s'aperçut que c'était
vrai. Tomoyo avait de grands cernes violets sous ses yeux anormalement
brillants.
"Elle n'avait pas l'air
si fatiguée que ça tout à l'heure...", se dit-elle.
- Viens, rentrons, il commence à être
tard..., dit-elle en lui prenant le bras et en la ramenant vers la demeure
Daidouji.
Devant la porte, Sonomi attendait, l'air inquiète.
- Sakura, ton père a appelé. L'heure du
souper est passée depuis longtemps ! Où étiez-vous donc ?
- Au parc, maman, répondit tranquillement
Tomoyo, comme si rien de spécial ne s'était produit. Nous n'avons pas vu le temps
passer...
- Je crois que tu
devrais rentrer, Sakura, lui dit Sonomi. Je ne tiens absolument pas à ce que ton
père appelle une nouvelle fois ici !
- Dis, tu viendras à l'aéroport...?,
demanda Tomoyo, une fois sa mère partie.
- C'est promis... et toi, tu
m'écriras...?
- C'est promis
aussi ! Tu sais, Sakura, je t'aime beaucoup.
- Moi aussi ! Oh, et...
tient...
La fillette aux yeux d'émeraude prit un petit paquet de sa
poche de blouson et le lui tendit, main fermée. Son amie, intriguée, le reçut au
creux de sa paume.
C'était un petit cristal, de la couleur exacte de ses
yeux violets.
- Oh, comme c'est
beau ! J'en prendrai grands soins ! Je te le promets... et... si tu m'attends
quelques minutes... moi aussi j'ai quelque chose pour toi !
La
fillette aux cheveux de jais s'éclipsa, mais revint rapidement avec une petite
boite enrubannée qu'elle lui tendit.
- Voilà ! Il y a longtemps que je voulais te
donner ça..., dit-elle. Mais avec
les départs consécutifs d'Eriol et Syaoran, j'avais oublié... comme ça, nous en
aurons tous un !
- Merci...
je peux ouvrir ?
- Oui, bien
sûr !
Sakura prit son temps, afin de ne rien abîmer. Et dans la
boite, elle trouva un pendentif magnifique. Une émeraude verte, en forme de
larme, était entourée d'un châssis d'argent. Au bas du bijou, il y avait cinq
autres petites pierres, respectivement rouge, verte, violette, bleue et jaune.
Entre chaque pierre, il y avait de curieux signes faits d'ondulations ou de
lignes droites. Tout au haut de l'émeraude, une dernière pierre semblable à
celles du bas était jaune, elle aussi. Au dos, une étoile était gravée dans le
métal, et une élégante arabesque retenait la chaîne d'argent
filigranée.
- Tomoyo, c'est trop
! Je ne peux pas accepter ! Cette pierre, je l'ai trouvée dans mon jardin...
elle ne vaut rien !
- Pour
moi, elle vaut beaucoup ! Car c'est toi qui me l'as donnée ! Et tu sais, cette
chaîne, je l'ai trouvée dans mon grenier. Comme il y en avait quatre, une
violette, une brune, une noire et celle-ci, je me suis dit que la verte t'irait
mieux... j'ai donné les deux autres, et je me suis gardée celle-là !,
ajouta-t-elle en retirant de sa chemise un pendentif presque identique, orné
d'une améthyste.
Les deux filles se serrèrent dans leurs bras. C'est à ce
moment que Sonomi, la figure empourprée, se dirigea vers les enfants au pas de
charge. Sakura s'empressa de détaler et Tomoyo, avec un reproche dans les yeux,
se retourna vers sa mère.
- Maman
! Tu as fait peur à Sakura ! Qu'est-ce qui se passe ?
Fulminant,
celle-ci répondit d'un ton sans réplique.
- Parler deux fois à Fujitaka Kinomoto dans
la même journée, c'est trop
!
* * *
Le
temps passait, l'été achevait, la rentrée des classes était pour bientôt.
Sakura, depuis le départ de ses amis, traînait comme une âme en peine dans la
maison. Elle qui, naguère, était la plus active du quartier, ne bougeait plus
que pour monter et descendre du rez-de-chaussée à sa chambre. Fujitaka, la
voyant lentement dépérir, ne pu s'empêcher de s'inquiéter pour elle. Il profita
donc de ses vacances pour passer le plus de temps avec elle, mais souvent sans
succès.
Un matin, alors qu'il lui montait son petit déjeuner, il perçut
qu'elle avait frappé le fond de sa détresse. Déposant le plateau-repas au sol,
il frappa à la porte. C'est d'une voix morne qu'elle lui dit d'entrer.
Il
la trouva au lit. Compréhensif, il s'assied à ses pieds.
- Bon matin, Sakura, commença-t-il
doucement.
- ...
'jour...
- Il est temps de te
lever !
- ... pas
envie...
- Sakura.
Le ton sérieux de son
père poussa la fillette à émerger la tête de ses couvertures. Son père la
regardait avec tellement de tendresse qu'elle en eut les larmes aux
yeux.
- Tu ne devrais pas te
morfondre, tu sais. Tu es trop importante pour t'ensevelir vivante
!
La fillette détourna les yeux. Mais Fujitaka poursuivit.
-
Je suis certain que tes amis
n'aimeraient pas te voir dans cet état !
- Ils sont tous partis...
Elle se
mit à sangloter et il la prit dans ses bras.
- Ta vie n'est pas terminée parce que les
êtres que tu aimes sont loin de toi !
Il essuya les larmes qui
coulaient sur ses joues et la prit par les épaules.
- Lorsque ta mère est morte, Sakura...,
commença-t-il, j'aurais pu tout
abandonner. Si tu savais comme j'ai eu du chagrin ! Comme toi, l'être le plus
cher à mon coeur venait de me quitter, et cette fois, pour
toujours.
- Alors... pourquoi
tu ne l'as pas fait ?, lui demanda sa fille en reniflant.
- Eh bien, parce que j'avais deux magnifiques
enfants qui m'attendaient à la maison et qui avaient besoin de moi, répondit
Fujitaka, son sourire habituel aux lèvres.
- Je n'ai pas d'enfants, moi,
bougonna-t-elle.
- Mais tu as
d'autres amis et d'autres gens qui comptent pour toi ! De plus, tes amis ne sont
pas partis pour toujours ! Ils sont seulement dans d'autres pays ! N'aviez-vous
pas promis de vous revoir, toi et Tomoyo ? Et elle est celle qui habite
maintenant le plus loin d'ici... si vous vous revoyez, qu'est-ce qui
t'empêcherait de revoir les autres ?
Il la serra dans ses
bras.
- Tu as raison,
papa..., admit-elle après s'être mouchée, Je vais aller voir Chiharu et Yamazaki tout
à l'heure, je leur dois des excuses pour ma conduite.
- Tient, voilà ton petit déjeuner... ah...
et, au fait...
Son père sourit et sortit une enveloppe de sa
poche.
- Le facteur t'a amené
ceci, plus tôt ce matin...
Il referma doucement la porte, laissant sa
fille seule. Au bout du couloir, une femme ailée, entourée d'un halo,
l'attendait en souriant.
- Tu as
fait ce qu'il fallait faire, Fujitaka...
- Nadeshiko...
- Ne t'en fait pas pour elle,
poursuivit-elle, Elle pleurera encore un
peu, mais tout s'arrangera bientôt, dès qu'elle aura surmonté sa
peine.
Elle s'approcha de lui et l'embrassa.
- Je dois partir, à présent... je t'aime,
Fujitaka !
Elle lui sourit et disparut lentement. Il s'appuya contre
le mur, ébranlé. Puis, souriant à son tour, il se plongea dans des souvenirs de
jeunesse, alors que sa fille relisait pour l'énième fois la toute première
lettre qu'elle recevait de son cher Syaoran, en se préparant à retrouver ses
amis restés au Japon.
* *
*
La lune, presque pleine, veillait la ville endormie. De son lit, Sakura
l'observait. Dans sa main droite, la lettre de Syaoran, dans la gauche son
ourson, au cou le pendentif de Tomoyo, elle avait disposé sur sa table de chevet
une photo les représentant tous les quatres, Tomoyo, Eriol, Syaoran et elle. Sur
l'image glacée, elle tenait Kero dans ses bras, et elle n'arrivait pas à se
rappeller qui, de Touya ou de Yukito, les avaient photographiés.
Mue par
une intuition, elle déposa la lettre sous son oreiller et serra l'émeraude dans
sa main. Elle ignorait que, par un étrange phénomène d'osmose, Syaoran, Eriol et
Tomoyo prenaient le leur au même moment.
- Tout ira bien, tout ira bien, tout ira
bien..., se répétait-elle comme un mantra.
Ce faisant, ses larmes
humectaient doucement son oreiller.
À
suivre...
