Erszebeth
L'énigme Duo
Chapitre 19 : Piège infernal
Vous savez, en matière d'ennemi, je préfère tomber sur un type réglo que sur un salaud. Au mieux, le type réglo respectera avec un peu de chance la convention de Genève et vous vous en tirerez sans trop de bleus et au pire, il vous règlera votre compte proprement à l'aide d'une seule balle sans attendre. L'un dans l'autre, vous êtes bénéficiaire. Le type réglo ne fait pas dans la torture mentale. Le type réglo ne jouit pas comme un malade de vous voir transpirer votre trouille par tous les pores.
Le salaud, lui, vous en fera baver en vous tenant la jambe pour vous raconter son plan diabolique tout en vous tenant du mauvais bout d'un canon de revolver et encore, ça, c'est si vous avez de la chance.
Parce que si vous n'en avez pas, le salaud en question jouera au chat et à la souris avec vous en vous donnant l'espoir que vous pouvez vous en sortir alors qu'en fait, vos chances de vous en sortir (en un seul morceau et sans trou dans le bide, j'veux dire) sont quasiment inexistantes.
Et si vous n'avez vraiment, mais vraiment pas de chance, vous aurez le salaud qui joue au chat et à la souris et qui, en plus, vous tient la jambe pour vous raconter son plan. Je vous ai dit que je les détestais, ceux là ?
En matière de chance, je suis toujours perdant vu que je bénéficie de la malédiction Maxwell. J'tombe toujours sur les pourris et aujourd'hui ne fait pas exception à la règle. Le tordu qui nous à tendu un piège va prendre son pied à nous voir passer par là où il veut pour essayer de nous en sortir. Mon seul avantage dans une telle situation, c'est que je suis très dur à tuer... Et aussi que quand les chances sont contre moi, je m'en tire toujours...
Dans mon style, je suis aussi résistant qu'une mauvaise herbe ou qu'un cafard. La comparaison n'est pas à mon avantage, oui, je sais, je sais. J'ai lu quelque part que l'une des bêtes les plus adaptables, l'une des plus susceptibles de survivre à une apocalypse nucléaire, c'était le rat.
Et moi, je suis un rat des rues. Dois-je vous faire un dessin ? Le pourri du jour, j'vais m'le faire avant le lever du soleil. Sans compter que je suis pas le seul à être coincé dans ce piège, y'a Heero aussi. Raison de plus pour apprendre à cet Ozzie de colonel qui se croit assez fort pour s'en prendre à des pilotes de Gundam qui c'est qui mène la danse.
Tout de même, la partie risque de s'avérer difficile et je maudis la malchance Maxwell en entendant le cliquetis sinistre des systèmes de défense du building où nous nous trouvons qui s'arment. Pour une fois, rien qu'une toute petite fois, je pouvais pas tomber sur un type réglo ?
Mais bon, je suppose qu'on devrait d'abord vous raconter comment on en est arrivés là... Heero fera ça mieux que moi, parce que là, voyez, je commence à être un peu sur les nerfs.
Heero :
Tout en consultant les détails de notre prochaine infiltration, je repense aux changements que Duo a apporté dans ma manière de voir les choses. Le métier à risque de terroriste n'est pas de tout repos et nous avons à peine eu le temps de nous reposer de notre dernière mission que les professeurs tirent sur le collier. C'est étrange, en temps normal je n'aurais pas de telles pensées mais la présence de Duo auprès de moi change complètement la donne. J'imagine que c'est la différence entre se battre pour une cause et se battre pour une raison personnelle.
Avant, je n'avais pas de raison de revenir dans une planque en vie et pas trop amoché. Mais maintenant je ne recherche pas le risque comme avant. Maintenant il y a quelqu'un qui m'attend au bout de la mission, quelqu'un qui bien souvent l'accomplit avec moi d'ailleurs... Et qui me passerait le savon du siècle si je prenais des risques inutiles.
Plus ça va et plus Duo et moi formons une bonne équipe. Certes, il y a toujours beaucoup de choses que j'ignore au sujet du pilote à la tresse qui est aussi mon petit ami mais j'ai appris à prendre mon mal en patience : malgré le fait que Duo soit le plus bavard de nous cinq, c'est aussi celui qui parle le moins de lui-même.
Dans les premiers temps où j'essayais de le percer à jour, je me suis vite aperçu que malgré son bavardage incessant, Duo ne livrait jamais aucune information personnelle. C'est encore l'une de ses manières de se cacher ; un peu comme un rideau de fumée. C'est encore plus flagrant quand nous sommes ensemble ; Duo recherche le contact que j'ai tant de mal à lui donner mais il parle peu dans l'intimité et il ne me force pas non plus à parler, sauf quand il sait que quelque chose ne va pas.
Je n'aurais jamais pu croire ça quand je l'ai rencontré... Mais je me sens bien en sa présence. Il ne me demande pas de changer mon comportement comme le ferait quelqu'un comme Relena. Il m'affronte rarement de face car il sait que je me bloquerais comme une porte de prison. Toutes ces années d'entraînement on érigé un mur en moi, une difficulté à communiquer mais lui, je ne sais comment, il arrive à passer outre. Il n'est pourtant pas d'un naturel patient.
Quoiqu'il en soit, une nouvelle mission nous attend. Il s'agit de voler toutes les données concernant une nouvelle puce pour les mobiles dolls d'Oz et de mettre la main sur un exemplaire si possible. Le problème, c'est que ladite puce est développée dans une station spatiale située près de L1... Y aller en Gundam est impossible, les relations de Quatre vont nous être nécessaire pour affréter une navette privée pour y accéder, à moins que nous fassions appel aux sweepers. Enfin bon, pour une fois la cible n'est pas une base militaire mais une plateforme civile, ce qui veut dire...
Infiltration.
Le problème, c'est que la sécurité de la station est top niveau. Il n'y a guère que moi, Duo et peut-être Wufeï qui pouvons passer ces défenses. Et en plus, les objectifs à atteindre sont disséminés dans l'installation au lieu d'être tous dans le même endroit, ce qui multiplie les risques de se faire prendre. Pour accomplir cette mission, il nous faudra entrer à plusieurs, au moins à trois... Je n'aime pas cela du tout.
Cela ressemble beaucoup trop à une souricière à mon goût.
"Encore une mission pourrie signée professeur J, je me trompe ?"
Je sursaute en entendant la voix de Duo derrière moi. Bien sûr, je ne l'ai pas entendu arriver. Personne d'autre que lui n'est capable de me surprendre comme ça. Je ne réponds rien et le laisse contempler les objectifs de la mission et le plan de la station. Mes doigts tapotent sur la souris de l'ordinateur en attendant son avis.
"Pas facile, mais faisable avec un bon timing."
Je sais sans regarder qu'il est en train de mordiller l'ongle de son pouce, tout à sa concentration.
"Je ne vois guère qu'une faille dans le système de sécurité, c'est le système de survie de la station, il va falloir ruser. Si on s'y prend bien, on devrait pouvoir sortir tranquillement par le hangar à navettes si on fait preuve de jugeotte. Qu'en dis-tu Heero ?"
"Hn."
Je n'aime pas trop l'idée de Duo de sortir par devant au vu et au su de tout le monde en feignant d'être un clampin moyen qui n'a rien à se reprocher. Cela dit, la seule autre alternative réaliste est de passer par le système d'évacuation. Repasser par les systèmes de survie est bien trop risqué.
Je me retourne pour étudier le visage de Duo. Ses yeux sont scotchés à l'écran et je sais qu'il est déjà en train de mémoriser le plan de la station et l'emplacement de chaque dispositif de sécurité. Je me résigne intérieurement ; je sais bien que cette mission est tout bonnement irréalisable sans Duo. Personne ne sait désactiver les systèmes de sécurité comme lui.
Wufeï :
J'analyse le briefing de la prochaine mission que nous fait Heero. Une mission compliquée et risquée où nous devons essayer d'éviter de blesser les civils. Heero à l'air préoccupé et son regard s'attarde surtout sur Duo qui est pour sa part en train de préparer l'équipement qui nous sera nécessaire.
Je peux facilement comprendre les sentiments de Heero je pense, même si je ne les approuve pas ; il est clair que la présence de Duo dans cette mission est essentielle. Trowa et Quatre seront notre soutien logistique, en contact permanent avec nous grâce à des micros spéciaux dissimulés sur nous au cas où...
Cette mission est très risquée ; notre seul avantage est l'effet de surprise. Je ne peux m'empêcher de penser que la station spaciale que nous devons prendre d'assaut ressemble encore plus à une souricière que n'importe quelle base d'Oz.
Heero :
Une navette privée de Quatre équipée de brouilleurs radars nous dépose sur un la coque externe de la station. Quelques utilisations de fer à souder plus tard, nous sommes introduits dans une soute réservée d'habitude à la maintenance de la base. Le plus dur est de ne pas faire de bruit tandis que nous nous dirigeons dans les conduits, vêtus de nos combinaisons.
Nous débouchons dans un sas et en profitons pour ôter nos combinaisons et les ranger dans nos sacs. Nous pénétrons ensuite dans une large pièce vide à part un système vidéo qui prend la totalité d'un des murs. Quelque chose n'est pas normal ici. Avant que nous ayons eu le temps de faire quoique ce soit, nous entendons le bruit mécanique de toutes les portes qui se referment automatiquement autour de nous. Wufeï, Duo et moi échangeons un regard sombre et l'asiatique essaye de communiquer avec Quatre et Wufeï en utilisant son communicateur, mais sa seule réponse à l'autre bout de la ligne, c'est de la friture.
Le doute n'est plus permis, nous venons de tomber dans un piège et nous sommes coupés de tout moyen de communication.
C'est précisément à ce moment là que l'écran sur le mur s'allume. A l'image se tient un haut gradé d'Oz, un fort bel homme confortablement installé dans un fauteuil en cuir, les jambes croisées et un sourire prédateur sur les lèvres.
Instinctivement je me raidis ; j'ai déjà vu ce genre de regard et je sais ce qu'il signifie : nous sommes dans les ennuis jusqu'au cou. Quoique, je devrais plutôt employer les mots de Duo car "ennuis" n'est pas assez spécifique.
En fait, nous sommes dans la merde jusqu'au cou.
L'homme à l'image décroise les jambes et se penche légèrement vers nous. Son regard nous transperce comme si il pouvait nous voir et je suis à présent sûr qu'il y a une caméra quelque part dans cette pièce.
"Bienvenue, chers pilotes de Gundam. Je crois bien que vous et moi avons un compte à régler. Mais je manque à tous mes devoirs : Je me présente, Lieutenant Sépulvéda."
A coté de moi j'entends Duo grincer des dents :
"Je vous en prie, il me semble bien que nous ne sommes pas là pour échanger des civilités. Et si vous en veniez au fait ?"
Le lieutenant semble agaçé par Duo mais répond tout de même à la question :
"La dernière cible que vous avez abattu... Lui et moi nous nous connaissions très bien. J'ai pensé que ce serait un bel hommage que de lui offrir votre mort pour l'accompagner dans l'au-delà..."
Duo étouffe un rire :
"Ben voyons. Et on va vous laisser faire peut-être ?"
"Ah, mais c'est la que mon ingéniosité rentre en jeu : cet station spatiale abandonnée n'appartient pas à Oz et personne à part moi ne sait que vous êtes ici. Je pourrais bien sûr vous livrer à Oz et m'assurer ainsi une promotion mais jouer au chat et à la souris avec vous est bien plus amusant. J'ai entièrement piégé cet endroit. Vous ne pouvez pas retourner en arrière, vous ne pouvez qu'aller en avant suivant l'itinéraire touristique que je vous ai réservé... Et plus vous avancerez, moins vous aurez de chances de vous en tirer. C'est un juste retour des choses ; c'est toujours vous l'agresseur. Voyons ce que vous en pensez quand on fait tourner les tables en votre défaveur"
L'écran s'éteint comme il s'était allumé. Un coup d'œil à Duo suffit à m'assurer qu'il est furieux. Sans faire de commentaire, il tire un couteau de son équipement, se retourne d'un geste élégant pour l'envoyer dans un des coins de la pièce. J'entends un clang et une caméra dissimulée tombe par terre où elle se fracasse. Je n'avais même pas réussi à voir où elle était cachée...
A mi voix, j'entends Duo dire :
"Tu veux jouer au chat et à la souris mon lieutenant ? On va jouer. Mais n'oublie pas que même le rat peut mordre le tigre..."
Il récupère la lame enfoncée dans le mur et se tourne vers nous avec un grand sourire :
"Enfin, nous sommes à présent fixés sur un point."
"Lequel ?" fait Wufeï tout en contemplant la pièce avec méfiance.
"Ce bon général était bel et bien gay" fait Duo, un sourire malicieux de diablotin aux lèvres, comme si il n'avait aucun autre sujet de préoccupation que la sexualité des Ozzies. Nous sommes probablement cernés par les pièges mais Duo semble aussi zen que si ce lieutenant venait de l'inviter à boire le thé avec lui. C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de me mettre à rire tout en sachant que Wufeï me regarde avec un ébahissement comique comme si j'avais perdu l'esprit.
Etre amoureux de Duo provoque ce genre d'effets secondaires. Un coup d'œil à l'expression ahurie de Wufeï et je me mets à rire encore plus fort. Il a suffit à Duo d'une réflexion pour briser l'atmosphère pesante que ce cher lieutenant s'était donné tant de mal à mettre en place.
Duo :
Nous en sommes donc là, piégés par l'archétype du sale type. Je ne me sens bien sûr pas aussi décontracté que mon attitude le laisse penser. Il y a beaucoup de pièces à parcourir, beaucoup d'endroits où poser un piège. Il est évident aussi que la structure de la station n'a pas grand-chose à voir avec celle que j'ai mémorisé et qu'aucune puce pour mobile dolls ne se cache entre ces murs... Heureusement que je suis familier avec l'architecture spatiale du fait de mon séjour avec les sweepers, ça risque de nous être bien utile.
Dans un sens cela m'arrange, je n'ai plus qu'à me débrouiller pour que nous nous en sortions tous les trois sans bobo. Plus facile à dire qu'à faire. Je passe une main dans mon dos, là où j'ai suspendu ma fidèle faux thermique pliable. Sa présence et sa puissance me rassurent. Il n'y a rien qu'elle ne puisse découper. L'idéal serait que j'arrange un petit tête à tête entre ce cher Sépulvéda, ma faux et moi.
Je sors quelques outils de ma botte et examine la seule porte coulissante qui permet de sortir de la salle. Pas de piège, mais Dieu seul sait ce qui nous attend derrière. Je farfouille dans mon sac. J'ai tout de même apporté des armes de poing et des munitions au cas où la mission tournerait mal et j'en lance ainsi que deux chargeurs à chacun de mes coéquipiers.
Juste avant de commencer à œuvrer mes talents sur la porte, je souris à moi- même. Certes, Sépulvéda a piégé le chemin vers la sortie... Mais qu'est-ce qui nous empêche de créer nous-mêmes le chemin que nous allons emprunter ? Et si j'arrive à mettre la main sur un terminal d'ordinateur, Heero et moi pourrions très bien retourner son piège contre lui...
Notes de l'auteur : Vous pensiez que la série infernale était finie ? Hé non... Cette histoire n'a virtuellement pas de limite, pour le plus grand malheur de son auteur. Reviewez si vous avez quelque chose à dire, ça fait toujours plaisir.
